«C’est un rêve réalisé : j’ai restauré une
petite maison à La Marsa et j’y reviens le plus souvent
possible». Quand elle n’est pas à La Marsa, Muriel
Bessis est célèbre, non pour son métier d’origine,
orthophoniste, qu’elle pratique d’ailleurs avec talent,
mais pour l’association qu’elle a créée (l’Arche),
Association pour les ratés et les réussites de la
chirurgie esthétique.
Elle y est arrivée par des chemins complexes et
douloureux. Jeune étudiante de la première promotion de
la faculté de Médecine de Tunis, elle bifurque vers
l’orthophonie,où elle se distingue rapidement comme une
des meilleures spécialistes du bégaiement.
Il y a une vingtaine d’années, cette bonne Tunisienne
qui allaitait ses enfants, suivant une émission à la
télévision, découvrait qu’elle pouvait être une femme
moderne et retrouver un décolleté qui avait été élu le
plus joli décolleté de La Marsa, l’année de ses 16 ans.
L’attrait des photos «avant» et «après» était
suffisamment accrocheur pour qu’elle mette le doigt dans
l’engrenage.
De nombreuses mésaventures plus tard — une dizaine
d’opérations ratées, des rencontres avec des médecins
indignes, elle se rendit compte qu’elle n’était pas la
seule dans son cas, et créa donc une association — elle
avait la fibre associative — qu’elle baptisa Arche,
Association des ratées et des réussites de la chirurgie
esthétique.
L’événement fut un véritable pavé dans la mare et
l’afflux d’adhérents à l’association révèla une réalité
assez sombre et toujours opaque.
«A l’époque, on n’en parlait pas trop. Il y avait un
certain sentiment de culpabilité lié à la chirurgie
esthétique. On allait essayer de changer ce que Dieu
avait créé, et aller contre sa volonté. On allait
dépenser de l’argent sans être malade… Alors, s’il y
avait ratage, on se taisait. Jusqu’au jour où les gens
m’ont vue en parler à la télévision».
Et en parler beaucoup, puisque Muriel Bessis est passée
près de 100 fois sur le petit écran. Ce qui lui a créé
de nombreuses inimitiés. Mais a permis de lentement mais
sûrement changer les choses.
«L’association a aujourd’hui 11 ans et compte quelque
3.000 adhérents. Elle a permis de mettre un peu d’ordre
dans ce domaine totalement anarchique. Aujourd’hui, on
ne peut plus opérer qu’en clinique. Car si cela a
toujours été évident en Tunisie, ça l’était beaucoup
moins en France où certains médecins opéraient dans leur
cabinet, sur une table de cuisine.
Autre anomalie : n’importe quel médecin pouvait opérer.
Depuis la loi Kouchner, promulguée en mars 2002 et
appliquée depuis juillet 2005, il est désormais interdit
aux généralistes de pratiquer la chirurgie.
Il faut une compétence reconnue dans le domaine où on
opère. Et cela également se pratiquait depuis longtemps
en Tunisie. On n’opère que dans son domaine de
compétence.
On a également réussi à imposer l’exigence des devis.
Avant, on facturait à la tête du client. Et il
m’arrivait de demander aux femmes d’aller voir les
médecins en jean et sans bijoux. Il y a encore des
problèmes au niveau des assurances. Mais on se bat
là-dessus, et on commence à avoir des résultats».
Avec tout cela, pas étonnant que Muriel Bessis soit
devenue l’ennemie n°1 de certains médecins peu intègres.
Ce manque d’intégrité n’est pas l’apanage des seuls
médecins. Muriel Bessis dénonce aussi celui des agences
de voyages qui font de la chirurgie esthétique un fonds
de commerce.
«C’est ce que s’est passé en Tunisie où on a pourtant
d’excellents médecins, bien formés, des cliniques bien
tenues, et un suivi rigoureux.
Le problème vient quelquefois des agents de voyages peu
scrupuleux que se substituent aux médecins et prennent
trop de libertés avec le patient.
Et aussi des médias mal intentionnés qui cherchent la
faille, montant en épingle un incident, et occultant le
côté positif et rassurant des choses, comme une
assistance stricte d’un avocat, un soutien sans faille
des assurances et la très forte proportion de succès.
J’ai eu des ratés au Maroc et personne n’en a parlé».
Muriel Bessis vient très régulièrement en Tunisie. Elle
est en contact étroit avec les chirurgiens plasticiens
et suit de très près ce qui se passe. Et prépare déjà
une émission où elle souhaite voir des journalistes
rencontrer des responsables du ministère de la Santé et
encourager les patients à rencontrer directement les
médecins sans l’intermédiaire d’un agent de voyages.
«J’ai réussi ma vie grâce à la Tunisie. C’est là que
j’ai appris les valeurs humaines. Et quand on me demande
où bat mon cœur, je réponds qu’il habite en Tunisie».
Alya HAMZA