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L'EXODE OUBLIE


   

Le Nouvel Observateur. -- Vous avez récemment organisé, sous l'égide du Congrès juif européen, un colloque sur l'exclusion des Juifs des pays arabes intitulé «l'Exode oublié». Pourquoi ce colloque aujourd'hui?

Shmuel Trigano. -- C'est l'évocation du droit au retour par les Palestiniens, dès avant la deuxième Intifada, qui a réveillé cette mémoire. Cette idée induisait l'immoralité fondamentale de l'existence de l'Etat d'Israël fondé en lieu et place d'un autre peuple. C'était aussi une dénégation de l'histoire de 60% des Israéliens. Une mémoire occultée et refoulée est revenue aux Juifs du monde arabe, aux descendants de ces 900000 personnes qui ont dû quitter des pays dans lesquels ils étaient installés depuis fort longtemps, en y abandonnant tous leurs biens. Comme les Palestiniens, ils ont eux aussi les clés de leur maison quittée en catastrophe.

N. O. -- Ces Juifs n'ont pas été tous expulsés. Certains sont partis d'eux-mêmes!

S. Trigano. -- Dans certains pays, à travers un ensemble de procédures juridiques de privation de leur citoyenneté, ils se sont retrouvés exclus. Et cette exclusion les poussait inévitablement dehors. En Irak, il y a même eu des projets d'expulsion manu militari, de transfert par camions à travers la Jordanie. Au Yémen, la communauté juive s'est vu donner une courte période pour quitter les lieux, avant que toute émigration lui soit interdite. Elle fut dépouillée de tous ses biens par un subterfuge des autorités locales. En Egypte, les Juifs ont été peu à peu exclus de la vie économique, puis internés, leurs biens placés sous séquestre au point que la vie était devenue un enfer. Ici aussi ils sont partis avec une valise. Partir était un choix bloqué. Dans d'autres cas, ils partaient parce qu'ils avaient peur et sentaient qu'ils n'avaient plus d'avenir là où ils étaient.

N. O. -- En Tunisie et au Maroc, les Juifs sont partis de leur plein gré…

S. Trigano. -- Oui, on peut le dire. Mais il faut se demander pourquoi, en quelques années, un groupe humain décide de quitter un pays où il a un enracinement millénaire. Un choix aussi massif indique la nature de la réalité que l'on quitte.

N. O. -- Le départ des Français d'Algérie puis l'émigration algérienne ont été aussi massifs?

S. Trigano. -- La fin du pouvoir français y fut abrupte, au terme d'une guerre sanglante. La menace pesant sur les Européens après l'indépendance était réelle: les Juifs partirent avec l'exode de 1 million de personnes.

N. O. -- Pour quelles raisons les Juifs ont-ils quitté les pays arabes?

S. Trigano. -- Bien avant le départ des puissances coloniales et la création de l'Etat d'Israël, la xénophobie des mouvements nationalistes arabes avait créé un climat inquiétant. Depuis le début des années 40, en effet, le nationalisme arabe s'était développé et de plus en plus cristallisé autour de la question de la Palestine. Elle commençait à devenir une cause panarabe dès ce moment-là. Dès 1941, dans de nombreux endroits du monde arabe éclatent une série de pogroms et d'émeutes antijuives qui touchent plusieurs pays: en Irak en 1941 il y a le farhoud -- le pogrom -- à l'occasion duquel 180 Juifs sont assassinés à Bagdad. La majeure partie des Juifs d'Irak a pu s'en aller à l'occasion d'un pont aérien organisé par Israël au début des années 50: l'opération «Ezra et Néhémie». Les quelques milliers de Juifs irakiens qui sont restés ont continué d'être victimes de privations économiques, d'arrestations et de harcèlement et ont fini par partir. De semblables émeutes se produisirent à Tripoli en Libye en 1945, à Alep et à Aden en 1947. La plupart des Juifs de Syrie quittèrent ce pays dès 1944.

En 1948, la guerre déclarée par six Etats arabes à l'Etat d'Israël au lendemain de sa proclamation devait conduire à une aggravation de la condition juive, à la suite de la défaite arabe. De 1948 à 1949, des centaines de Juifs furent internés dans des camps en Egypte. En 1956, la nationalité égyptienne fut retirée aux «sionistes», ainsi définis. En 1957, leurs biens furent mis sous séquestre. En Irak, en 1948, le sionisme fut rangé dans la catégorie des crimes d'opinion, passible de sept ans de prison et d'une amende. En 1950, les Juifs furent privés de leur nationalité et, en 1951, dépouillés de leurs biens. Cette même année la synagogue de Bagdad, où les Juifs s'enregistraient pour l'émigration, fut la cible d'un attentat. Dans la péninsule Arabique, même expulsion, par la violence et l'intimidation.

N. O. -- Quel était le statut des Juifs dans les pays arabes?

S. Trigano. -- Dans la cité musulmane, le Juif, comme le chrétien, a un statut de «protégé». C'est un dhimmi. Il se voit accorder le droit de pratiquer sa religion à condition qu'il se soumette au pouvoir islamique et n'oublie pas sa condition inférieure. Les dhimmis devinrent les métayers de leurs propriétés, servant des rentes au pouvoir islamique. Ils payaient des taxes sur leur personne et se voyaient astreints à un ensemble de dispositions infériorisantes, concernant l'habillement, le comportement et même le port de chaussures. C'est le monde arabe qui a inventé la rouelle, ce signe distinctif des Juifs, ancêtre de l'étoile jaune, qu'a repris le Moyen Age européen et chrétien.

N. O. -- Jusqu'à quand s'est prolongé ce statut?

S. Trigano. -- Jusqu'à la venue des pouvoirs coloniaux. Le paradoxe qui peut choquer le manichéisme tiers-mondiste, c'est que l'arrivée des pouvoirs coloniaux a représenté, pour ces minorités opprimées, une libération. Quand ces pouvoirs se retirèrent dans les années 50, l'enjeu était clair: la menace d'un retour à la condition dhimmie planait à nouveau. Le départ massif des Juifs fut un plébiscite du refus de cette régression.

N. O. -- Dans quels pays arabes reste-t-il des Juifs?

S. Trigano. -- Au Maroc, et de façon moindre en Tunisie. Il en reste aussi quelques milliers dans un pays islamique comme l'Iran. Mais autrement, tout le monde arabe est vide de ses Juifs. C'est comme un cataclysme qui aurait éradiqué leur présence de tout un univers.

N. O. -- Peut-on appeler «réfugiés» tous ces Juifs qui ont quitté les pays arabes?

S. Trigano. -- Si un réfugié est celui qui n'a pas de foyer, il est certain que ces Juifs-là n'étaient pas des réfugiés. Ils ont reçu immédiatement la citoyenneté israélienne et sont devenus rapidement des citoyens dans les pays de la diaspora où ils ont émigré. Mais si le réfugié est l'homme qui doit surmonter des obstacles pour fuir un pays dans lequel il est persécuté, où il est discriminé ou encore ne jouit pas de tous ses droits, alors effectivement ils ont été des réfugiés.

N. O. -- Pensez-vous que l'exode des Juifs des pays arabes soit comparable à celui des Palestiniens? 

S. Trigano. -- De facto, oui. Il y a un échange de population entre d'un côté 600000 Juifs déplacés des pays arabes qui ont émigré en Israël, de l'autre 540000 Palestiniens déplacés après la création d'Israël, et qui se sont retrouvés dans plusieurs pays arabes. Ces 600000 Juifs, comme on l'a dit, ont été dépouillés de tous leurs biens. Ils ont vécu les «camps de transit». Cela reste encore inconnu. Les Palestiniens l'occultent pour les besoins de leur cause. Ils apparaissent ainsi comme les seules victimes de ce grand chambardement que fut la fin des empires coloniaux dans cette région et la naissance des Etats arabes et d'Israël. Les Juifs, au contraire, ne se sont pas inscrits dans la concurrence des victimes. Leur légitimité historique suffisait à leur identité. Ce qui ne veut pas dire que le contentieux puisse être effacé. 

Propos recueillis par Alain Chouffan 

© Le Nouvel Observateur

(*) A paraître: «l'Ebranlement d'Israël» (Seuil).

 

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