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A nos Frères : Les Maltais de Tunisie, Français malgré eux
Episode peu connu de l'histoire de la nationalité française, le décret du 8
novembre 1921 accordait la nationalité française aux sujets britanniques de
la troisième génération nés en Tunisie, aux "Anglo-"Maltais donc
(Malte était une colonie britannique), fort nombreux dans ce protectorat français.
Les bénéficiaires involontaires de cette mesure furent appelés, dans leur
communauté, "Français du 8 novembre".
Par suite d'une intervention d'une délégation de Maltais auprès de
l'Ambassade de Grande-Bretagne à Tunis, la loi du 23 décembre 1923 vint
modifier la précédente afin de permettre à ceux qui le souhaitaient de
rejeter cette "naturalisation d'office", à l'exception des enfants
de la troisième génération nés en Tunisie après le 8 novembre 1921. La
majorité des Maltais concernés acceptèrent la nationalité française, mais
une importante minorité la refusa, de crainte d'être enrôlés dans l'armée
française. Après l'indépendance de la Tunisie, la quasi totalité de la
communauté maltaise émigra vers la France, où les rejoignirent leurs
compatriotes d'Algérie quelques années plus tard. (source : Rose Anne ABELA
et Anna Maria ZAMMIT, Les Français de souche maltaise, Msida, University of
Malta (mémoire en français), mai 1995, pp. 80-82)
Une loi adoptée en 1948 à Malte empêchait en effet les Maltais nés à l'étranger
de venir s'établir dans cette île surpeuplée, en raison des craintes de
voir revenir des milliers de Maltais d'Egypte, de Libye et des Balkans qui
souhaitaient quitter leurs pays d'accueil en raison de la situation politique.
(source : John DARROCH CRAWFORD, The Maltese diaspora : the historical
development of migration from Malta, Victoria (Australia), University of
Victoria (mémoire), 1990 , pp. 35-36)
Parmi les Français d'ascendance maltaise, on compte notamment le (défunt)
philosophe Jacques Ellul, le (défunt) ethnologue Carmel Camilleri, le
politologue Hugues Portelli, et des hommes politiques comme Edgard Pisani
(ancien ministre), Roger Fenech (ancien député de Lyon), Antoine Micallef
(conseiller régional du Var) ou Isabelle Mifsud (conseillère régionale de
l'Oise). Il existe plusieurs associations de Français d'ascendance maltaise,
dans la mouvance des associations de Pieds-Noirs.
La diaspora maltaise de Méditerranée aura occupé une place privilégiée en
Tunisie.
Des rapports contradictoires basés sur la course en mer, d'abord, puis sur
une immigration importante ont fait de l'histoire des Maltais de Tunisie un
riche épisode de l'histoire de ce pays.
Dès le début du XIXème siècle, Maltais et Gozitans ont cargué les voiles
vers cette terre d'Islam, bien avant de s'installer en Algérie, ouverte à
l'Occident après 1830 où ils seront un peu plus nombreux.
Le dynamisme des premiers arrivés dans la Régence a continué d'alimenter et
à accroître le commerce entre l'Afrique et le reste du monde via l'archipel.
A partir des documents d'archives, de témoignages et des études
sociologiques menées précédemment sur le groupe, Marc Donato fait revivre
ces humbles personnages de l'Histoire qui ont marqué fortement de leur
empreinte la saga des exilés en Tunisie.
Contrebandiers, artisans, pêcheurs, éleveurs puis fonctionnaires et de haut
rang, Résistants, pendant le deuxième conflit mondial, tels furent les
Maltais de Tunisie.
Pourquoi ont?ils choisi cette terre ? Le livre : " Rue des Maltais "
nous révèle les raisons d'un choix, qui ne sont pas seulement celles de la
proximité.
Quels rapports ont?ils entretenus avec leur archipel de départ ces Maltais
coupés de leur archipel mais toujours attachés à leurs traditions ?
Comment ont?ils vécu l'intégration dans la population française et dans
cette France qui pour la majorité va les assimiler et leur construire un
avenir original.
" Rue des Maltais est le volet ", pour la Tunisie, de ce qu'est
" Elisa, la Maltaise", pour l'Algérie.
Correspondances administratives :
Documents du service Historique de l'Armée de Terre
2H26 – Dossier 4
1)Document page n° 390 / 391
Ministère des Affiares étrangères
Direction politique
Sous-direction du nord
2ème bureau
Paris le 17 mai 1882
Monsieur le général et cher collègue,
Le gérant du consulat de France à Malte m’adresse une dépêche dans
laquelle il signale à mon attention, en même temps que l’accroissement de
la population de l’île, les projets formés par le gouvernement colonial en
vue d’assurer aux émigrants maltais de nouveaux débouchés. Les
indications fournies par notre agent empruntent un intérêt particulier à la
situation que nous occupons sur certains points de la côte d’Afrique,
notamment en Tunisie, où, depuis quelques années un assez grand nombre de
maltais ont fixé leur résidence. Son rapport m’a paru mériter à ce titre
de vous être communiqué et j’ai l’honneur de vous en envoyer ci-joint
une copie.
Agréez, monsieur le général et cher collègue, les assurances de ma haute
considération
Pour le ministre de la guerre, monsieur le général Billot et par
autorisation
(signature illisible)
2) document page 392 à 395
Mr Marie, gérant du consulat de France à Malte, à mr Freycinet, Président
du conseil, miistre des affaires Etrangères, à Paris.
Paris le 8 mai 1882
La nécessité d’une émigration, qui résulte de l’accroissement
exceptionnel et continu de la population maltaise, offre, au point de vue de
la Tunisie, un intérêt d’actualité qui appelle l’attention.
La densité de cette population relativement à l’étendue des terres
cultivables est telle, en effet, que l’administration anglaise, qui
d’ailleurs paraît tenir à ne la point céder à des pays étrangers, se préoccupe,
depuis longtemps déjà, de lui trouver un débuché dans ses propres colonies
plus ou moins éloignées.
Dès l’année 1874, le conseil de Gouvernement de Malte était entré en
relation avec le Gouverneur de la Jamaïque, île qu’on s’était plu à
représenter comme favorable à l’émigration maltaise.
L’expérience ne tarda pas à dissiper cette illusion.
Un peu plus tard, en 1878, l’annexion de l’île de Chypre à l’Empire
Britannique fit naître à Malte de nouvelles espérances, et pendant quelque
temps tous les yeux se dirigèrent de ce côté.
Par les motifs que l’on connaît ce fut encore une déception.
Enfin, tout récemment, dans la séance du 15 avril dernier, le Principal secrétaire
du Gouvernement a proposé au conseil le vote d’une somme de£ 300, destinée
à couvrir les frais du voyage d’un agent chargé d’étudier, en Australie
et dans la Nouvelle-Zélande, les ressources que peuvent offrir ces contrées
à l’émigration maltaise. C’est M. de Cesare, membre du conseil qui a été
choisi pour remplir cette mission.
On ne saurait nier que cette question présente une certaine urgence.
En effet, la superficie de l’île de Malte n’est que de 95 milles carrés
avec un chiffre de 1410 habitants par mille carré ; celle des îles Gozo et
Comino est de 20 milles carrés avec un chiffre de 900 habitants par mille
Carré.
Encore faut-il tenir compte de ce fait que des 95 milles carrés de Malte, 64
seulement sont cultivables, les 31 autres n’offrent que le roc nu. Défalquant
enfin la superficie construite, on arrive au chiffre de 2144 habitants par
mille carré cultivable.
En d’autres termes, Malte comprend en tout : 340 kilomètres carrés.
Suivant le recensement de 1871, la population totale était de 149 000
habitants, soit : 438 habitants par kilomètre carré. On compte aujourd’hui
environ 152 000 habitants, soit 447 par kilomètre carré. C’est en somme la
population d’une grande ville industrielle vivant sur un roc relativement
improductif et sans grande industrie. Et cette population, dédaigneuse des théories
malthusiennes, s’accroît d’année en année, de 1000 personnes environ.
Il n’est pas rare d’y voir des familles comprenant huit à dix enfants de
sexe masculin pour la plupart.
Quelque pressante que puisse paraître l’utilité d’un débouché pour excès
de population, il ne faut assurément pas s’attendre à voir se reproduire
de ces émigrations de toutes pièces et d’un seul coup dont le souvenir est
encore si vivant dans ces mers de l’Italie et de la Grèce. Mais si M. de
Cesare réussit dans la mission, si le Queensland apparaît comme un lieu d’émigration
réellement avantageux, il n’est pas impossible que la population maltaise
en prenne peu à peu le chemin, le courant d’émigration se développant à
mesure que l’expérience en aurait démontré les chances heureuses.
On peut élever cependant quelques doutes sur cette éventualité. Entre
autres raisons qui paraissent contraires au résultat dont il s’agit, on
peut compter le très grand éloignement qui est certainement un obstacle, et
surtout les affinités de race qui rattacheraient la population maltaise aux
races latines bien plutôt qu’à la race anglo-saxonne qui a peuplé le
Queensland.
Le véritable lieu d’émigration pour les maltais, c’est la Tunisie où
ils sont déjà nombreux. L’Angleterre ne les y poussera pas, mais toutes
les attractions s’y rencontrent pour eux, et dès que sous l’action
civilisatrice du protectorat français, la Régence aura été pacifiée, on
peut espérer voir les Maltais y aborder toujours en plus grand nombre.
Ce sont des ouvriers, des artisans, des laboureurs dont le besoin est si grand
dans toues ces contrées du nord de l’Afrique. Laborieux, sobre, économe,
le Maltais joint à ces qualités essentielles que personnes ne lui conteste,
l’avantage d’être naturellement acclimaté.
Il est donc évidemment de l’intérêt de nos possessions africaines de ne
pas perdre cet élément de prospérité, c’est pourquoi nous ne pouvons pas
exprimer le désir que la mission de M. de Cesare dans le Queensland
obtiennent des succès positifs.
La Douda
BERDAH
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