« ahna kadin ou l’bab dok ( nous étions assis lorsque quelqu’un a frappé
à la porte) »
« Racontes maman, raconte s’il te plait comment pépé et mémé se sont
rencontrés »…….
« C’était au café de PARIS à TUNIS, ya rhasra ! Maurice prenait l’apéritif
avec ses frères lorsque son regard à été attiré par une très jolie fille
; à ce moment-là passe une de ces fameuses samsara à laquelle le regard
brillant de MAURICE n’a pas échappé !
Mes tantes m’ont raconté que le soir même, toute la famille était réunie
à la maison, quand la sonnerie a retentit, c’était la marieuse!
« monsieur Cattan, j’ai vu au café de PARIS que votre fils est tombé fou
amoureux ( !!!!!) d’une jeune fille, elle est extraordinaire mazalou rihr
menou, elle s’appelle Germaine MENDES c’est une grana comme vous, quelle
union, y a baba, quel mariage ! alors monsieur CATTAN je vous dis mazel tov,
vous êtes d’accord ou non ? » »Maurice,mon fils qu’en penses tu ? » »c’est
d’accord pour moi papa »
alors « mabrouk madame CATTAN , mabrouk ya oualdi……. »
Et voilà, quelques rencontres chaperonnées plus tard , Maurice CATTAN et
Germaine Mendes étaient mariés »
Maman raconte encore comment toi et papa, vous vous êtes rencontrés ?
« Aouda, bon allez une dernière fois : j’étais toute jeune, à peine 19
ans, mon oncle Maurice m’a demandé de venir travailler avec lui à la coopérative,
place de la monnaie à Tunis. J’étais contente, tout se passait bien sauf
ce garçon, Simon qui me tournait autour, un jour, il est vraiment allé trop
loin, toute la journée, il n’a pas arrêté de me « zieuter » et
monsieur, il vient près de moi et me dit « vous trop belle, je peux vous
inviter ce soir avec des amis au café vert à la goulette ? »j’étais
rouge, morte de honte, je suis partie en courant et quand je suis rentrée
chez moi j’ai pleuré dans les bras de ma mère «,’ je ne veux plus
travailler à la coop maman, il y a ce garçon, Simon,j’ai trop honte maman,
il me dit des choses bizarres…… »Sur ce qui entre dans ma chambre ? ce
fameux Simon, radieux avec mon père sur les talons : « ma fille, ce charmant
garçon est venu me demander ta main,qu’en penses-tu ? » bien sur c’était
inattendu, mais au fond de moi, ce garçon me plaisait, j’avais le béguin,
depuis plusieurs semaines, au mois de juin, nous étions fiancés et un an
plus tard mariés ! voilà ma fille toute l’histoire !
Pauvre Barbara MELLOUL, ces histoires d’une autre époque venaient hanter
ses nuits sans sommeil de pauvre célibataire endurcie… .comme « ils »
disent !
C’était si simple avant ! pourquoi l’amour,( ?) en tout cas les relations
hommes-femmes-sont-elles, au fil du temps et de nos déplacements géographiques,
devenues si compliqués ????
Pauvre Barbara MELLOUL, selon ses rencontres et les échecs qui s’en
suivaient, elle s’imputait tous les défauts du monde : trop grosse ,trop
arrogante, trop sérieuse, pas assez discrète, trop cool ou pas assez, trop
« rapide » ou trop coincée, trop intello ou trop superficielle, très
exigeante ou au contraire sans discernement et sa vie avançait cahin caha
entre déprime et prozac, d’introspection en remise en question,de
confidences dépitées en analyse interrompue……
Pauvre Barbara MELLOUL, s’était-elle seulement posé les bonnes questions,
avait-elle seulement mis le doigt sur l’essentiel ?????? pensait-elle
seulement à ce qu’elle souhaitait vivre elle ?????? pensait-elle tout
simplement à elle, à son propre bonheur à sa vie tout simplement ?
Pauvre Barbara MELLOUL, autres temps,autres mœurs,semble-t-il, !
Lorsque ses grands parents se sont rencontrés dans les années 20 ou encore
quand ses propres parents se sont fiancés dans les années 50 , la « vie
amoureuse » ne semblait pas être le cœur d’une existence, bien sûr le
sentiment amoureux existait,mais n’était-ce pas plutôt le bon sens,la
raison,et les « bonnes » alliances qui l’emportaient sur le reste ?
Le mariage allait de soi, c’était une des étapes de la vie toute tracée
d’un juif ou d’une juive de Tunisie et d’ailleurs ! Le théorème aussi
simpliste qu’il puisse apparaître était celui là : on se rencontrait, on
se plaisait, (où pas ?), on se mettait d’accord et on se mariait
Les choses étaient forcément plus faciles, puisqu’elles étaient : claires
et ciblées !
Est ce que ces unions raisonnables et souvent « arrangées » étaient
heureuses, c’est encore une autre histoire !
En tout cas il faut reconnaître que peu d’unions s’embarrassaient
d’angoisses existentielles : on était marié ,on formait une famille qui
s’agrandissait au fil des ans et la vie bon an mal an s’écoulait
;certains hommes avaient des maîtresses, certaines femmes fermaient les yeux
en échange d’une vie très confortable…….
Les pressions familiale et communautaire étaient telles, que l’on ne
songeait ni à l’union libre ni au divorce à moins d’un cas exceptionnel.
Qu’en est-il aujourd’hui ? qu’est ce que la pauvre Barbara MELLOUL,
n’a pas compris et qui fait de sa vie un enfer ?
La pression familiale est toujours là,le poids des traditions et des
habitudes aussi mais la plupart d’entre nous ont quitté la Tunisie pour
aller vivre en Europe, en Israel,ou aux Etats UNIS. Là, nous avons approché
des ambiances différentes,certaines nous ont plu ; là nous avons appris à
vire différemment, d’une manière plus libérée, plus ouverte, plus émancipée.
Là certaines femmes contraintes et forcées ont dû travailler, d’autres
plus jeunes ont pu et voulu étudier…..La vie n’était décidément plus
la même.
D’autres horizons s’ouvraient à nous et nous en avions soif !
Mais à l’intérieur des familles que se passait-il ?
Exactement ce qui se passait chez cette pauvre Barbara MELLOUL : arrivée de
Tunis à l’age de 6 ans , elle avait tout vécu d’important et
d’essentiel à Paris, en France : sa formation, son éducation s’étaient
t faites à la Française ! ses copines étaient d’origine normandes ou
bretonnes ,pas de Sfax ou de Sousse ! lorsqu’elle sortait c’était avec
des cinéphiles à Chaillot pour voir des films muets sous titrés en Russe !
lorsqu’elle voyageait c’était pour se rendre à Tokyo ou à San
Francisco.
Lorsqu’elle se régalait au restaurant c’était d’un canard laqué ou
d’une bourriche d’huîtres !
Ses meilleures soirées, c’étaient celles qu’elle passait avec ses
copains de fac à refaire le monde ! Aucune expo,aucun musée n’avaient de
secrets pour elle…
Contrairement à ses frères et sœurs plus âgés qu’elle et qui avaient vécu
en Tunisie jusqu’à la fin de leur adolescence, Barbara Melloul, n’avait
pas et ne pouvait avoir aucune nostalgie ni aucun manque de la Tunisie, vivre
en France lui avait tout apporté.
Les frères et sœurs de Barbara MELLOUL, continuaient à fréquenter les mêmes
copains qu’ils avaient eu à Carnot, ils se retrouvaient à la boule de
neige ou à la cave au puits, le vendredi ils attendaient avec impatience le
couscous boulettes de leur mère . Leurs vacances c’était Tunis
Puis CANNES quand TUNIS n’a plus été « fréquentable». Les frères et sœurs
de Barbara MELLOUL ne sortaient pas avec des patos, ils ont tous juré à leur
mère que « rhit » jamais ils n’épouseraient de patos ! Barbara MELLOUL,
ne pouvait pas, ne voulait pas faire cette promesse ,pourtant plutôt mourir
que faire de la peine à son père adoré…..
Alors Barbara MELLOUL se faisait violence et vivait contre son gré à
l’envers de ses désirs et de ses convictions . Elle n’avait pas le culot
de ses cousins plus jeunes qu’elle et qui avaient tout envoyé balader,
choisissant leur propre route.
Non, Barbara Melloul,en était bien incapable, alors sans le savoir et sans
vraiment le comprendre elle vivait « contrariée » ; ses amours étaient
contrariées, sa personnalité était contrariée, ses choix et options étaient
contrariés.
Dirigeante d’ une importante entreprise de relations publiques, (métier
qu’elle a en vain tenté d’expliquer à sa mère), côtoyant des décideurs,
voyageant de part le monde, dés qu’elle rentrait au domicile familial,
Barbara se faisait sermonner par sa mère, « ya marbouna, même pas une fois
tu m’a aidé à préparer le msoki de pâque, rien je ne peux rien attendre
de toi »
Barbara avait même arrêté sa belle histoire d’amour avec son romantique
latin lover, et depuis cette véritable passion partagée, Barbara Melloul
n’avait rencontré qu ‘‘échecs et désillusions.
Pourquoi, parce que Barbara MELLOUL, pour plaire, jouait, sans malice, à être
celle qu’elle n’était pas : la tune, soumise qui n’avait qu’un
objectif dans sa vie se marier et se voir offrir à chaque nouvelle naissance
des bijoux de plus en plus beaux. Barbara était tune elle ne s’en défendait
pas bien au contraire, elle le vivait comme une véritable richesse, mais
comment tout concilier ? comment vivre bien le « cul » entre deux chaises ?
ou plutôt entre deux modes de vie ? Barbara Melloul, seule, plus que
trentenaire (la ister !) sans amoureux, lassée d’entendre : « alors
toujours pas mariée », »alors rien « ? « alors à quand ton tour «
?Barbara avait donc accepté le principe des rencontres arrangées, aie ! la
catastrophe !
Barbara MELLOUL, n’avait pas perçu que ces pratiques étaient d’un autre
âge. Que les gens qui vous proposent ce genre de rencontres ,même s’ils
sont animés des meilleures intentions du monde, ne vous connaissent pas
vraiment et partant du principe que de toutes les façons c’est se marier
qui importe, vous présente la première personne disponible et pas forcément
celle susceptible de vous correspondre !!!!!!
Barbara MELLOUL, ne savait plus à quel saint se vouer et allait le cœur
toujours plein d’espoir à ces rendez vous les uns plus baroques que les
autres ; L’année de la mort de son adoré père, elle mit la gomme,
culpabilisant comme une folle, elle cherchait désespérément à se marier.
Mais alors même si sa route à croisé celle du compagnon idéal pour elle,
celui ci, n’a certainement pas été dupe du désir fou de Barbara MELLOUL
de se marier plus que d’aimer et d’être aimée………et cet être « idéal
» s’est certainement enfui laissant la belle en pleurs et pleine de désespoir
et surtout d’incompréhension.
Que veulent-ils donc tous ces hommes, ? »juive, je le suis, travailleuse
aussi et capable de tenir un foyer et aussi de… et de …… »....
Mais pauvre Barbara MELLOUL, elle n’arrivait pas à comprendre que si elle
ne fonctionnait ni comme sa mère ni comme sa sœur, les hommes aussi avaient
changé, leurs exigences, étaient plus grandes,. En fait non, leur exigence
n’était pas supérieure, elle était d’un tout autre ordre, les hommes
aussi voulaient l’amour, la correspondance amoureuse, la relation
fusionnelle et non plus le mariage de raison et/ou d’obligation culturelle
et cultuelle ! Le plus tune d’entre les tunes revendique désormais le droit
au bonheur avant « la psalouloubia comme celle de sa mère » !
Pauvre Barbara MELLOUL, elle n’avait pas vu que les hommes étaient devenus,
à l’insu de tous,très compliqués dans leur tête, torturés, eux aussi :
« le cul » entre deux chaises ! ;
Heureuse ,Barbara MELLOUL,qui aujourd’hui enfin a rencontré le bonheur !
Ce bonheur s’est présenté à elle le jour où elle a vécu pour elle, sans
se demander pourquoi elle n’était pas mariée,le jour où elle s’est
acceptée telle que la vie l’avait faite :Tune et pas TUNE à la fois ; le
jour où elle a accepté l’idée que chacun avait sa propre existence à
mener,sans forcément de modèle à suivre ni d’obligation à respecter.
Le bonheur Barbara Melloul à su le reconnaître, le jour où elle ne le
cherchait plus vraiment.
Patricia MAMOU