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CET ETE A LA GOULETTE


-Pardon monsieur, vous allez ou ?

-A la synagogue

-C'est la première fois que vous venez ici ?

-Euh non.  Mais je n'y viens pas souvent

-Mais tout à l'heure vous êtes passé devant sans vous arrêter ?

-Oui, parce que je crois qu'on a un peu changé l'entrée

-Ca va, vous pouvez y aller

 

Le type qui vient de m'accoster fait partie de la sécurité tunisienne mais apparat comme un traine- savate habituel de La goulette.  Je pousse la porte bleue.

Le service est commencé, il y a là une dizaine de femmes assises derrière la balustrade de marbre.  A l'avant, sur le même plan, une vingtaine d'hommes.

Je sens immédiatement que mon arrivée vient de provoquer une tension.  C'est à peine perceptible mais les gens semblent d'un seul coup méfiants.  J'attrape une kipa dans un panier, me faufile sur le coté.  On me tend un talith.  Je décline poliment.  Quelqu'un d'autre insiste.  Je comprends que c'est une sorte d'examen de passage.  Il ne faut pas se tromper.  Je me couvre la tête, attrape les coins, récite la formule, j'embrasse, je me découvre.  Ca va mieux, la tension a baissé d'un cran.

La petite synagogue a été repeinte récemment.  Tout est net, bleu et blanc-« les couleurs d'Israël ! » me dira plus tard un habitué en riant-.  Au mur, des plaques commémoratives avec des prénoms d'avant : Couca, Tita, Fraji.  Cela va des années cinquante a une période toute récente.

Le Rabbin a dans les quarante ans, de très grosses lunettes et un pantalon trop long, les hommes sont plutôt âgés mais il y a quelques jeunes.  Il ne fait pas vraiment chaud, trois ventilateurs sur quatre tournent sans bruit mais presque tous les hommes agitent une mrouha, par habitude.

Un assistant est au Sefer.  L e Rabbin le guide avec la main d'argent.  Mais il agite la tête à gauche, à droite.  En fait, il fusille du regard des enfants qui courent dans tous les sens.  Une douzaine de petites mouches habillées de neuf acheté deux tailles au-dessus (-Tu vas grandir ! Ca ira mieux- disait ma mère)

L'assistant a fini sa partie, il est tout fier et visiblement très heureux.  Il descend et va saluer les membres de l'assistance. certains l'embrassent avec de grandes bourrades dans le dos.  A ma hauteur, il me dévisage vite fait.  Les mains se serrent, on embrasse les coins du talith , au suivant.

Libéré un moment de son devoir, le Rabbin explose, la mrouha menaçante il poursuit les enfants en hurlant

-enti bahde oubouk ! enta bahde ommok, fissa ! Il distribue des coups de mrouha, en saisit un par l'oreille une autre par le coude.

Les parents ne semblent pas se plaindre d'un quelconque traumatisme psychologique pour leur progéniture et chacun regarde son rejeton en hochant la tête, pour dire -tu vois, il a raison le Rabbin, reste tranquille.  Un autre assistant se présente au Sefer.  Le Rabbin remonte à son poste.  Juste avant de commencer, un dernier coup d'oeil.  Horreur ! Un des garçons s'est réfugié près de sa mère ! il pointe vers lui la mrouha

-bahd oubouk ! bahd oubouk !

l'autre obéit.  Au passage, pif ! un coup de mrouha sur le crane. l,e service continue, et à chaque intermède la séance recommence.  Quelquefois même, quand l'assistant mène la prière, le Rabbin se déplace et sans s'arrêter de prier, il s'approche d'un des gamins. et paf ! une bonne claque sur la nuque, avec un geste du menton, pour remettre les pendules à l'heure.

Tout me revient.  Chacun de ces gamins, c'est moi en petit.  Et ce Rabbin furieux, ce Rabbin qui n'a pas été contaminé par le politiquement correct, ce Rabbin qui n'est ni affable ni pastoral, qui ne se sent pas obligé de séduire ou d'épater son public, c'est du judaïsme brut.  Il faut le faire parce qu'il le faut.  Tout le monde rame dans le même sens, un point c'est tout.

Un nouvel intermède.  Deux petits vieux de l'autre coté me font signe d'approcher. -vous étés qui ?

je me nomme

-et votre père ?

je précise

-ah ooui, fait l'un d'eux, je l'ai très bien connu.  Il était pas cousin avec Jaco F.. qui vendait des tissus rue de Rome ?

-pas Jaco, je fais, Max F...

Bingo ! C'était le piège classique, mais là j'ai tout bon

-Ah, t'as pas connu son père, un beau gosse toujours bien habillé

-Mais, fait l'autre, il est bien lui aussi

-Luiii ? Il vaut rien à coté de son père

 -et comment tu l'as connu, toi, son père ?

 -Ben chuis plus vieux que toi ! Ah oui son père c'était autre chose ! et comment il va votre père ?

-il est mort, je dis

-complètement ?

-bien sur, complètement puisqu'il te dit qu'il est mort

-non mais vous savez, ça fait plus de trente ans, je me suis habitué

-comme c'est malheureux, toujours bien habillé, comme çà..

-arrête avec ça ! c'est pas la peine !

-mais de quoi vous parlez tous les deux ?

-Ben, de votre short.

Aie aie aie.  Je suis le maillon faible ! le Seigneur me punit d'avoir trouvé trop long le pantalon du Rabbin.

-c'est pas un short, c'est un bermuda je tente

-ah tu vois, un bermuda c'est moins grave

-et son père, y serait venu en bermuudaa à la synagogue, le chabbat ? nooon, lui il était toujours bien habillé

-vous faites quoi comme métier ?

-docteur

le mot magique ! je suis le maillon fort.  Crétin ! j'aurais du commencer par-là.

-docteur de quoi ?

-cardiologue.

Grosse cagnotte, les deux sont traités (et bien traités), ils me déballent leurs dossier médical. je suis adopté.  On rentre le Sefer Thora, les enfants poussent des cris de joie, le Rabbin sourit.

Puis vient le passage psalmodié, chacun se recueille.  Les enfants en profitent pour se cacher derrière le rideau du tabernacle.  Le Rabbin s'en aperçoit et, tout en priant, il leur fait d'épouvantables grimaces que les morveux lui renvoient.

Dès la reprise à haute voix, il se précipite sur eux.  Ils s'éparpillent dans les jupes de leurs mères.

 La paracha ce jour là c'est Vaet banane

Un monsieur Saada se lance dans le commentaire.  Curieusement, il prononce à l'ashkénaze « Moshei Rabbeinou ». son propos n'est pas celui auquel nous sommes habitués à Paris.  Lorsque Moise se voit refuser l'entrée en terre promise il passe le relais a Josué avec la mission de transmettre à sa descendance.  Sans dévier.  Et si cette transmission s'est faite, elle est la preuve que les faits rapportés dans la Thora ont réellement existé.  Le passage du témoin, c'est la garantie de la vérité.

On partage le bouchkoutou et la boukha.

On me dit qu'il y a une chaouda, une femme pleure.  Je me sens un peu de trop, je m'éclipse.

 

Je tourne le coin de la rue et me dirige vers la maison de retraite de l'OSEE.  Des policiers s'approchent de moi (il y en a six en tout) mais le civil qui m'avait abordé leur fait signe de loin.  Ils me laissent passer.  Depuis ma dernière visite on a fait beaucoup de travaux d'embellissement mais aux dépens de l'âme du lieu.  Les sofas avec les coussins de velours sont remplacés par des canapés modernes.  On dirait un hall d'hôtel. le sol de marbre offre une étoile de David carrelée d'environ deux mètres de diamètre.

-bonjour monsieur.

-euh. bonjour madame

juste à l'entrée, un peu en retrait, une dame est assise.  Elle m'évalue

-la police vous a laissé rentrer comme ça ?

-euh.. Oui, il y a un problème ?

-non, mais d'habitude ils appuient sur un bouton et il y a une petite sonnette qui me prévient.

Elle s'appelle madame Serror.  Pendant des années elle a été responsable d'une maison pour les vieux juifs dans la Hafsia, et puis la maison a fermé et elle est elle-même devenue pensionnaire de l'asile de La Goulette.  Mais elle a gardé ses vieux réflexes professionnels et elle assure la sécurité, comme les deux autres vieux de la synagogue.

Il y a quarante six pensionnaires, le plus vieux a quatre vingt quinze ans.  Ils ont plusieurs médecins et infirmiers qui se relaient en permanence.

-c'est comment la vie ici ?

-doucement doucement

on vient chercher les pensionnaires pour le déjeuner.

Je demande à madame Serror si je peux oublier une enveloppe sur le bureau du directeur (il s'appelle Chiche)

-non, revenez une autre fois

 

j'ai quitté le cimetière des éléphants

dans ma voiture je repense à la Paracha.

A qui vont- ils passer leur témoignage ? Qui va prendre le relais ?

C'est un monde qui meurt, doucement doucement..

Et moi dans tout ça ? La France.  Paris. mes enfants de couple mixte.  Je passe à qui ?

Je suis le dernier des dinosaures.

- La Goulette samedi 20 juillet 2002-

AMIS D ‘ HARISSA

N’oubliez pas les juifs de Tunis

ILS ONT BESOIN DE SE SENTIR SOUTENUS

 

IL NE FAUT PAS QUE DES EVENEMENTS COMME CELUI CI PUISSENT ENCORE ARRIVER !

 

Le cadavre a passé tout un mois dans l'appartement ferme

Les habitants d'un immeuble à usage d'habitation sis à l'avenue de Londres en plein centre-ville de Tunis furent à la fois surpris et intrigués de constater que leurs maisons ont été envahies soudainement par une odeur pestilentielle qui en quelques heures avait tout imprégné.  Même les cages d'escalier en ont été infesté.

. Cette odeur à l'origine mystérieuse persista tout au long de la journée du dimanche, pour empirer le lendemain lundi 15 juillet.

Les agents de la police furent alors alertés ainsi que les agents de la protection civile . En se déplaçant sur les lieux,  ces derniers constatèrent qu'il était très difficile de localiser l'origine de cette odeur insupportable voire suffocante car tout l'immeuble en était infesté au plus haut degré.

Mais à la fin l'on remarqua qu'elle était perceptible un peu plus fort à un certain étage de l'immeuble précisément à l'étage qu'occupait une très vieille femme tunisienne de confession juive que les voisins n'avaient plus revue depuis un certain temps.

Cela n'avait nullement alarmé les voisins car ayant de la famille à l'étranger, elle effectuait souvent des voyages, et de santé fragile, il lui arrivait également de passer des séjours à l'hôpital.

La porte de l'appartement de la vieille dame fut alors forcée, et le spectacle était même pour des hommes rompus aux spectacles désolants des malheurs de la vie, vraiment insupportable.

Contentons-nous de dire qu'ils découvrirent le corps sans vie de la propriétaire des lieux étendu sur son lit et que sa mort remontait au moins à un mois passé.

On n'a relevé aucune  trace de violences ou de blessures sur le corps où ce qui en était resté.  Après les constatations stipulées par la loi . le corps fut transporté à la morgue de l'hôpital Charles Nicolle pour autopsie et une enquête fut ouverte.

           ( « LE TEMPS », 17 Juillet 2202)

 

RICHARD DIAN

r.dian@voila.fr


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