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E-MAIL A MON PERE DEFUNT
LES MEMOIRES D’UN GOULETTOIS
L’ENFANT DE LA GOULETTE
Trés cher père
Je ne t’ai jamais écrit. La poste et toutes les messageries modernes et à venir n’ont et
n’auront aucun lien avec l’au-delà. Ma seule communication avec toi est mon unique pensée.
Elle n’a jamais céssè de t’honorer en silence. Celà fait longtemps que tu es absent de mes réves ,d’ailleurs pour ne rien te cacher ,je ne réve plus.
La vie trépidente à Paris et le stress journalier me font sombrer dans un sommeil réparateur cependant ton visage est toujours présent dans ma
mèmoire.
Pére affectueux ,gentil ,honnéte et gènéreux ,aimant tes enfants jusqu’au bout de tes ongles ............tu me manques et
parfois je ............
Dèjà presque 20 ans que tu nous as quittè par une sombre et pluvieuse journée de Décembre 80 à un âge pas trés vieux.
Je t’écris aussi parce que j’ai le cafard. Je l’ai presque au quotidien depuis que je suis
ici. Là -bas jadis ,j’étais souvent en ta compagnie invisible à bichonner avec affection et énergie ta dérnière demeure ,tous les Vendredis.Je te parlais
de vive voix ;tu m’écoutais en silence hèlas .Le rabbin Cassuto que j’entendais à peine lire sa milliéme "CHKEBBA"
sans cesse renouvellée au fil des semaines attendait patiemment que je quitte ma
concentration ,sous la pluie ou le
soleil pour reçevoir son obole.Je repartais alors rassènéré.
Te souviens tu ,cher pére de nos vieux moments agrèables ,à la maison entourés par mes frères et maman ......hèlas........quelle èpoque .Tu nous as enseignès le respect de nos traditions mais
malheureusement aujourd’hui certaines d’entre elles se sont évanouies dans les méandres de l’oubli .Je veux parler du mouton de Pâques qu’on égorgeait sur
le seuil de notre maison rue Pasteur ,de la "Cheukà" (cabane ) qu’on confectionnait sur le balcon .Tous les fruits de
saison pendaient à l’intérieur ,au centre .Et les petits bracelets ? en ruban de papier coloré que l’on collait de bout en
bout pour en faire une longue chaine fragile qu’on suspendait sur les lustres et qui ornaient nos chambres pour honorer
nos saints rabbins Meyer et Chemyone.Elles restaient ainsi pendues pendant tout l’étè et une bonne partie de l’hiver.
La laitue qu’on déposait sur les battants de portes de nos chambres pour marquer la fin pasquale et pourim ?
Avec le pêtards et Hitro avec ses sucreries en caramel de diverses couleurs représentant de petits animaux de basse
cour sans oublier le chameau et les pigeons farcis sur lesquels on se disputait pour avoir le plus dodu et ......puis plus
rien aprés .J’en ai la chair de poule.
A mon tour aujourd’hui d’être papa depuis 23 ans. Mes filles ? je ne laisse manquer de rien .......exactement comme tu
nous as laissé jamais manquer de rien.Je les laisse vivre ,sans contrainte en me disant "RAABI MYAYAM" soir et matin et
des fois l’aprés midi .Elles ont des portables comme toutes les filles à Paris ,c’est la mode nous......à l’époque maman
nous appellait par le balcon quand la nuit tombait .Elles portent des talons haut qui les font ressembler à des bus
londonniens .....trois étages ......nous ,on portait des fly -floot .....genre baskett d’aujourd’hui mais plus chers ....... à 850
frs la paire .....yà méjalli.
A l’époque ,on attendait les colis anglais que l’O.S.E. (goutte de lait) nous distribuait à 1 dinar 500 .......avec dedans des
chaussures souvent étroites et des shorts étriqués.......une seul fois je crois j’ai eu les bonnes mesures .......ils ont dû se
tromper pour moi en Angleterre .....mais on ne leur a jamais dit à L’O.S.E....dés fois que les anglais se trompent une
nouvelle fois.....
Je vois grandir mes enfants et moi.......je me vois rapettisser ......je veux dire vieillir certainement et
sûrement. Chaque soir...... lorsqu’elles dorment .....je profite de leur sommeil pour aller les embrasser en cachette sur leur front ....j’ai
l’impression ,qu’elles me protègent un peu .....comme tu nous protègeais il y à 50 ans dans notre enfance.
Yà babà.......ton nom sur mes lèvres s’est évaporè ......et je ne pleure plus avec mes yeux .....j’ai appris à pleurer avec
mon coeur et à chuchoter ton nom dans mes oreilles .....dans le silence du souvenir .Des fois, je léve mes yeux vers
le ciel et je cherche parmi les étoiles s’il ne s’entrouve pas une qui te ressemble.
Ah! yà rabbi ......elles brillent toutes et toutes ressemblent à nos péres et à nos
mères. Mais ou te caches tu donc dans ce firmament de lumière ?
Père ......je reviens sur terre .....te souviens tu ,quand tu m’emmenais au cimetiere de l’avenue de Londres tout enfant,
et puis au Borgel quand j’ai "plus grandi ".Tu prenais un sceau ,une brosse et une "finà"(pierre ponce ).Tu remplissais
de l’eau au puits .On faisait le tour de tes défunts ancètres et de ceux de tes beaux parents .On frottait les cotès ,les
pourtours et les dalles de ces tombes avec énèrgie afin de leur donner un aspect comme neuf.Au début ,je ne
comprenais pas pourquoi j’étais celui que tu choississais pour effectuer cette opération de "lifting" parmi tous mes fréres
.J’ai saisi plus tard ,qu’étant l’ainè de tes enfants ,ce serait à moi de perpetuer ce rituel .Alors ,j’ai continuè à le faire
jusqu’en 89 du moins pour toi car les autres tombes ont toutes étaient recouvertes par la mauvaise
broussaille.La tienne ,cher pére ,je l’entretiendrai jusqu’à la fin et aussi longtemps que D.ieu me prête vie .Je combattrai "l’ennemi" afin qu’il
ne t’étouffe pas .
Lors de nos promenades à travers cette jungle et ces allées dèfoncées ,nous nous arrêtions devant quelques tombes
dont tu connaissais le locataire .
‘Chouffe.......yà ouldi ......éddà kén.....i bèy èl gatouéte rue Chidi Mardoum’
‘Regarde .....mon fils........celui là .... il vendait des patisseries à la .............
‘.....Ouéddi ......kènette jarti .....semsarrà ......kéddéch klèt dyà fi dényèttà
......téchken rue Daouletti .......oubouè narfou........jèddà.....
‘.....Celle l à ........c’était ma voisine .....une marieuse .......combien elle à reçu de malédiction dans sa vie.....je
connaissais aussi son père ......
‘.......Héddà ken mérkenti yèssér ......yenddou ballassat .....fèl avenue de Paris.........ken mjèffét .....’
‘......Celui là , était trés riche ........il avait des immeubles avenue de Paris...
mais c’était un avare ......’
‘.......Héddà ?.........èlli ouhadou ?.......byid yàl jmayà ......louhoullou él fèch
......ktèl rouhou.......’
‘ ......Celui çi ?......il est seul ...........enterrè loin des autres .....on lui a lancè la pioche .........il s’est suicidè...(voir
explications ci dessous)
Cher père ,je m’arrête de te déranger ,je t"embrasse et ne te quiite pas .
A bientôt. "
Mon papa était trés connu à Tunis comme à la Goulette.Il connaissait tout le monde puisqu’il fréquentait assiduement
les bars à BOUKKHA.Ayouche comme sobriquet ,David pour l’état civil.Marbrier de père en fils jusqu’à moi depuis plus
de trois gènérations , son affaire pèriclita en 1956 due à la fuite des français Il travailla barman à la brasserie Suisse
,avenue H.Bourguiba à Tunis durant trois pénibles années chez les fréres Ktorza (esclavage).En 1963 ,il ouvrit une autre
affaire rue Bab El Khadra.En 1970 ,je quittais le journal la Presse de Tunisie (directeur HENRI SMADJA et de COMBAT à
Paris) et fûs embauchè à ses côtès .Le mètier s’est transmis et j’en fûs
passionné .Aujourd’hui encore le marbre me manque .Je suis un orfévre dans cette profession et n’ignore rien de ce noble
matèriau qu’il soit de Carrare ou du Brésil . A Paris ,je suis ........employé dans notre affaire ( avec mon frére .....dans les cosmétiques Afro-Antillais (accessoires et
perruques) .D’un mètier d’homme ,je suis tombè bien malgré moi dans un mètier de pédè.
Deux marbriers juifs existaient à Tunis jusqu’en 89 :ALLOUCHE et SIMEONI.Plus rien aujourd’hui.
EXPLICATIONS.A titre d’information ,je rappelle pour ceux qui ignorent cette ancienne pratique ,que le suicide,
étant interdit par la religion ,le suicidè n’avait pas le droit ni le privilège d’être enterrè avec les "morts
normaux". Le fossoyeur, à l’époque ,en présence de la famille (et du corps )se saississait de sa pioche et la lançait aussi haut et aussi loin qu’il
le pouvait .Comme un lancer de marteau olympique .L’impacte de la pioche sur le sol détèrminait l’endroit à creuser la
fosse .Il existe une lègende et un proverbe populaire qui dit :
‘Jéw bèch yédèfnouhou .......kamelèm ou arrabéllem bèl féch....."
‘On est venu pour l’enterrer .....il s’est levè et s’est sauvè avec la pioche"
Cette pratique à disparu depuis longtemps.
"albertsimeoni" <albertsimeoni@wanadoo.fr>
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