Excusez moi, les Palestiniens, par Bernard Sberro

Par Jo Daouane , le frère principal de J.O’Dawan qui ne veut pas qu’on sache qu’il existe. .

Excusez-moi les palestiniens , mais il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas , et ce depuis si longtemps , et ça prend de telles proportions , qu’au lieu de vous téléphoner , je préfère prendre une bonne fois pour toutes le risque de vous écrire .

Excusez-moi les palestiniens , mais je n’ai pas la moindre intention de reprendre toute l’histoire à la base car on ne lit qu’elle de plus en plus , et elle devient de plus en plus floue et touffue , incompréhensible , au point de considérer que ce n’est plus une vraie histoire comme par exemple l’histoire de France ou celle de l’Amérique , mais que c’est une histoire sans fin dont on ne pourra jamais se sortir , et qu’il serait bon de savoir qu’un jour on pourra enfin apprendre cette histoire à l’école , comme toutes les histoires de tous les pays , mais qu’elle sera définitivement officielle .

Vous savez , moi je ne suis pas encore très vieux mais ça commence à venir , et j’étais déjà plus qu’adolescent à l’époque d’avant Arafat , à l’époque de Ahmed Choukeyri où vous étiez dans des camps de réfugiés un peu partout , et que je ne savais pas exactement ce que ça voulait dire ; que c’était sûrement déjà très triste de savoir que vous n’aviez pas de terre qui vous appartenait en propre alors que tous vos frères avaient d’immenses états et qu’ils ne s’occupaient pas beaucoup de vous et vous laissaient comme ça : c’était du côté du temps de la guerre des six jours et ça faisait beaucoup de peine de savoir qu’Israël était en guerre , et heureusement qu’ils s’en sont bien sortis , sans quoi je me demande où on en serait aujourd’hui .

Je me souviens un peu des temps suivants où Yasser Arafat et les feddayins ont commencé avec leurs actes de terrorisme , où les premiers détournements d’avion avaient lieu , je me souviens très bien de l’attentat de Munich et c’était atroce , ma fille était encore bébé et elle mangeait sur sa chaise haute et je crois bien qu’ils étaient quatorze , et tous ces athlètes avaient été sauvagement assassinés , les pauvres ; les pauvres leurs familles ce qu’elles ont dû souffrir , et après on a oublié ; c’était un sujet comme un autre ; on finit toujours par oublier un peu , et rien ne dit qu’un jour on n’oubliera pas un peu les deux tours de Manhattan , un peu seulement bien sûr .

Et il y a eu bien du temps qui s’est écoulé , avec nombre de souffrances de tous les côtés , et d’autres assassinats et de la répression et il y avait l’Egypte et Nasser et la Jordanie et tout et tout , et vous , les palestiniens , toujours dans les camps de réfugiés ; et petit à petit , très très très intelligemment , vous avez commencé à devenir un peuple , presque un vrai peuple , et vous commenciez à avoir une vraie histoire ; et cette histoire elle est malheureusement passée par le Septembre Noir où vos frères de Jordanie ne vous ont pas épargnés et comme je n’aime pas compter les vivants , car chaque vie est à elle seule un univers entier , j’aime encore moins compter les morts , car ça ne sert à rien et il y en a eu beaucoup .

Un jour cependant , je m’en souviens , votre chef avec son keffieh sur la tête et sa mitraillette au bras , s’est présenté devant l’Assemblée des Nations Unies , et il a parlé , et il a été applaudi , et je pense que c’était une immense victoire pour lui et pour vous ; peut-être alors , comme ça avait bien marché , il a dû se dire qu ‘il ne devait pas s’arrêter là ; et il a entrepris une carrière diplomatique très intelligente en laissant de côté sa carrière de terroriste dont d’autres se sont emparés , qui déjà étaient bien entraînés : les FPLP , FDLP , les histoires de Jihad qui sont devenues de nos jours très graves et très importantes , trop peut-être , et il vaut mieux être prudents car un jour , c’est presque sûr , elles se retourneront vers ceux qui les ont engendrées , car je crois que jamais la haine n’a conduit nulle part , sinon à la destruction de celui qui l’engendre .

Excusez-moi les palestiniens , mais je vois apparaître soudain comme un ouragan le géant Sadate , celui qui a su faire fi de tout et de tous , et j’étais grippé ce jour-là , et je regardais la télé , fasciné , et un sourire d’espoir apparaissait sur mon visage , et je suis sûr que mes yeux fiévreux laissaient couler des larmes , des larmes de grippe et des larmes d’espérance et aussi des larmes de guérison ; et c’est lui qui a eu raison ; même assassiné .

Et à vrai dire je ne sais même pas où ils en sont les égyptiens et les israéliens , je ne sais pas s’ils s’aiment beaucoup ou presque pas du tout , mais je suis persuadé qu’ils aiment beaucoup qu’il n’y ait plus de guerre entre eux surtout dans les familles ; et j’ajoute , sans trop insister , même s’il y a des mariages entre les familles , mais sans trop exagérer quand même .

Je poursuis à présent votre future histoire de la Palestine qui pourra , si vous le désirez , ressembler à l’histoire de France ; avec beaucoup de différences cependant j’imagine :

C’étaient les rencontres secrètes qu’on nous apprend toujours après , c’était la poignée de mains d’Arafat et Rabin ( et je n’insisterai pas trop car j’ai peur de me tromper sur les poignées de mains devant le président américain ) ; certains étaient un peu sceptiques , mais cette poignée de mains pouvait cependant laisser prévoir le retour du sourire d’espoir du jour de la grippe , mais en un peu moins quand même .

Là je marque un petit temps d’arrêt , car on approche des jours de cette année , pleine de violence , qui vient de s’écouler et qui s’écoule encore ; et là , je veux éviter toute passion , et essayer de comprendre froidement , calmement , sereinement , paisiblement , ce qui s’est passé : les histoires de Sharon qui est monté sur l’Esplanade du Temple , les pierres , les morts , l’enfant de la télé , les deux de la fenêtre , les kamikazes , les bombardements , les ruptures , les menaces , alors qu’un temps plus tôt tout semblait encore possible .

Les palestiniens , ce qui me fait trop peur , c’est de savoir que la haine engendre la haine ( voir ci-dessus ) et que je crois que jamais elle ne finit par triompher . Je sais qu’il y a cent mille problèmes à résoudre , et je pense sincèrement que vous allez pendant bien longtemps encore être les ennemis des israéliens .

De mon côté , dès que je me suis penché sur cette histoire , je me suis dit que j’aimerais écrire ce genre de lettre aux israéliens aussi , pour que vous vous mettiez d’accord une bonne fois pour toutes , pour définir les frontières d’un état ; d’un état ennemi bien sûr , mais d’un vrai état voisin de celui d’Israël ; et je pense qu’en réfléchissant bien chacun de votre côté , surtout vous , les gens qui constituez le peuple de Palestine , je veux dire pas les dirigeants mais les gens normaux , vous puissiez vous dire qu’à l’instar de vos frères d’Egypte et de Jordanie , et , qui sait , peut-être d’autres voisins de la région , vous passeriez du stade d’ennemis très violents à celui d’ennemis civilisés , c’est-à-dire sans guerre ni rien du tout de ce genre , et après ,……….après ,…..on verra .

Et , commencez par ça déjà , car le temps presse ; et moi , et d’autres j’en suis persuadé , nous commençons à vieillir , et ça serait sympathique qu’on ait un peu de bonnes nouvelles à la télé et à la radio .

Voilà , c’est tout ce que j’avais à vous dire ; vous voyez que ce n’est pas méchant ;

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