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Bat Ye’or :
La fin du mythe de l’Âge d’Or andalou ?
Par Jean SARFATI
« Quand vint le jour de ma naissance, Cordoue en était à son troisième siècle de
paix et de lumière. Il n’y a pas d’équivalent dans l’histoire des hommes d’une
réussite semblable par la fusion de trois cultures dont chacune sécrétait le
meilleur pour une commune élévation. Ce fut un mariage d’amour et de raison ,
qui associait l’âme et la chair, la liberté et le respect d’autrui, les courants
de fond et les remous de surface. Ce fut le miracle cordouan. » Ainsi parlait le
grand Maïmonide selon un écrivain à succès (1).
L’âge d’or andalou ! Jusqu’à peu de temps, on y croyait encore. L’âge d’or ! La
tolérance entre les trois religions, favorisée par l’islam au temps d’une Europe
chrétienne hostile à la coexistence religieuse.
Hélas ! Il est, parmi les milliers de livres qui sortent régulièrement, des
œuvres majeures dont on ne peut se défaire, qui remettent en question des
croyances qu’on pensait immuables. Certains ont cru au mythe de la « lutte des
classes » ? Patatras ! l’Archipel du Goulag » de Soljenitsyne a ébranlé de façon
définitive les idées communistes au début des années 70.
L’âge d’or en Espagne ? Patatras ! L’historienne Bat Ye’or nous décrit de façon
magistrale la condition du dhimmi dans son livre réédité « Face au danger
intégriste, juifs et chrétiens sous l’islam » (Berg International éditeurs).
Elle explique une chose qu’on n’a jamais apprise à l’école : on connaît bien la
cruauté des croisades mais on ignore comment et dans quelles conditions quelques
milliers de guerriers bédouins sont parvenus à conquérir le monde et à maintenir
leur tutelle à travers trois continents.
La base de la conquête et du pouvoir, c’est la condition « dhimmie » telle que
décrite par Bat Yé’or :
« En arabe, dhimmi signifie protégé. Le terme a défini durant treize siècles les
juifs, chrétiens et autres non-musulmans des pays islamisés dès le VIIè siècle.
Très souvent occulté, ce concept du dhimmi est fondamental ; il s’insère dans
l’idéologie même du djihad, la guerre sainte de l’islam qui divise l’humanité en
deux camps : les musulmans, représentant le camp de la paix, et les infidèles,
celui des territoires de la guerre dar al-harb. Invoquant le Coran et les
hadiths (piliers juridictionnels de la loi islamique), le djihad prescrit à la
communauté musulmane l’obligation de conquérir les pays non musulmans afin de
les soumettre à la loi islamique. Le djihad peut être mené soit pacifiquement
(prosélytisme, immigration), soit par la guerre. Toute résistance à la
progression de l’islam constitue un casus belli. Le dhimmi est l’infidèle qui,
se soumettant sans combattre à la suzeraineté islamique, bénéficie d’une
protection sur sa vie et ses biens. Des droits limités lui sont reconnus. En
échange, il doit payer une rançon-capitation, la jiziya. Ce paiement est assorti
d’humiliations. Le refus de payer la jiziya , assimilé à une rebellion, abolit
la protection et restaure automatiquement la loi du djihad. »
Des pays entiers, dont la Palestine (ainsi dénommée par les Romains à l’époque
de la dispersion) furent expropriés.
Les dhimmis connaissaient de terribles contraintes, ils étaient assassinés pour
des peccadilles et leur témoignage ne comptait pas : « L’interdiction de porter
des armes les rendait très vulnérables. Il leur était interdit de construire ou
de réparer leurs lieux de culte. Leurs vêtements discriminatoires obligatoires
les exposaient à la vindicte et aux insultes dans la rue. C’est d’ailleurs là
l’origine de la rouelle imposée aux juifs en 1215 par le Concile de Latran. Dans
la rue, les dhimmis devaient marcher rapidement, les yeux baissés, passer à
gauche des musulmans, c’est à dire du côté impur, et enterrer leurs morts en
courant. Leur culte devait être silencieux et les processions étaient
interdites. Ils vivaient dans des ghettos dont on fermait les portes le soir. Le
mariage d’un dhimmi avec une femme musulmane et le blasphème contre l’islam
étaient évidemment punis de mort (…). Souvent accusés de collaborer avec les
chrétiens de l’extérieur, les dhimmis chrétiens tentaient de détourner la colère
islamique contre les juifs (…). Cette histoire qui a affecté une si large
proportion de l’humanité n’est même pas étudiée dans les universités. Elle est
ignorée alors qu’elle exige d’être examinée dans sa globalité et sa complexité.
C’est une histoire de violence, d’esclavage, de souffrance, de viols, de
déportations, d’humiliation. »
Cette histoire a été occultée à l’époque de la colonisation puis plus tard quand
l’Europe a fondé ses relations avec le monde arabo-musulman, sur le partenariat.
Bat Ye’or, impitoyable, ajoute : « L’Europe a élaboré le mythe andalou comme
modèle de civilisation multiculturelle, âge d’or des trois religions. Tout ce
qui concernait le djihad et la dhimmitude a été éliminé. »
Tout cela permet d’expliquer pourquoi par exemple il ne reste plus que quatre
mille juifs dans les pays arabes sur un million… Tout un monde et un mode de vie
ont disparu à jamais de ces pays.
On a fait parfois le reproche à l’auteur d’une certaine « islamophobie ». Elle
répond : « Récuser l’histoire de centaines millions de gens pour ménager la
sensibilité de leurs oppresseurs est immoral ! ».
Il est devenu essentiel de connaître l’idéologie de ceux qui se réfèrent au
djihad . Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à l’instar de feu Arafat,
continue de revendiquer « un seul Etat où juifs, chrétiens et musulmans
vivraient ensemble, dans un système démocratique » (2). On a quelques raisons
d’en douter.
(1) « Le Médecin de Cordoue », roman d’ Herbert Le Porrier – 1974
(2) Journal Le Monde du 15 avril 2005
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