Francais, par Albert Simeoni

La France, mon nouveau pays, ma nouvelle terre d’adoption a daigné, après plus de quatre ans ( 1556 JOURS) et grâce à la diligence de ses institutions à nous rendre …kobarra alikôm..

Voilà c’est fait, à partir d’aujourd’hui, de cette heure, je ne vais plus parler en judéo- arabe. Que du bon français avec de la crème fraîche par dessus. La Goulette ‘Ta bàba chidi’, ‘closed’. Je vais parler de Maisons-alfort, ville florale ‘….j’adourre les nani-phares’ ….en termes fleuris. Depuis que j’y habite, ‘ mè nètéchwèch’, je n’ai croisé ni un Gagou ni une Marie Gandouch. Que des Madeleines tirées par leurs chiens ‘crottant’ sur les trottoirs.

Etre français… ? C’est remplir ses devoirs civiques ( encore des devoirs… !) Voter.. ! Non pas comme à la Goulette sur des listes électorales préétablies imprimées en arabe .On me disait de cocher ici sans rien comprendre. Démocratie oblige.

Je vais imposer au service des Armées Françaises une dérogation. Je veux faire mon service militaire à 56 ans .Comme interprète en Judéo-Arabe. Cela sera mon parcours du combattant.

Si on refuse ma requête, j’irai ‘squatter’ le Ministère de la Défense’ avec une pancarte ..

‘Ici stationne un ancien goulettois à qui on a refusé son devoir à la patrie’

Faire reconnaître mes actes de bravoure sous la domination coloniale de l’époque. J’ai cassé deux vitres, volé six roses dans le jardin, face à ma maison Rue H. Pacha et grimpé dix fois le mûrier de la rue de Marseille. Ca, c’est pour mes états de service. Je vais demander aussi par la même occasion, ‘Darbah ouèhdè’= d’un seul coup deux pierres ) à Chichi‘Schrâk’(traduisez le mot en français) ma légion d’honneur, s’il est encore là l’année prochaine, pour faire valoir mes écrits comme étant celui qui a mis la Goulette de la France ‘en relief géographique’.

Si on me refuse la gloire, celle de mon savoir, je déploierai ma pancarte vers l’Elysée en y ajoutant une autre…

‘Ici re-stationne deux fois, Albert Braitou Simèoni ould Ayouch èl rkhaymi pour protester contre l’igno- mini..nè’)’

Si avec tous mes efforts, ces derniers restent vains, j’irai re-squatter l’Assemblée Nationale. Rencontrer, mon ami Seguin, accompagnée de la chèvre d’Henri Tibi dit ‘Dèrbali’.

Je lui offrirai un casse-croûte Binisti (Il ressemble comme un demi- jumeau au patron de cette Gargote).

Si la France rentre en guerre contre Monaco qui tarde à lever son secret bancaire, j’exigerai d’être enrôlé dans le bataillon de ‘Goulettoinville’ avec mon ami Gérard le Canagoulettois qui nage en ce moment même dans les eaux chaudes, calmes, tièdes et sereines des grands lacs du Nord canadien.

Les traquenards sur les routes et chemins de la Turbie , c’est notre affaire. Ni tanks ni fusils d’assaut. Que des tire- boulettes et trois cailloux ! Maigre budget pour une cause si noble.

Je parlerai aussi aux Corses puisque je suis corse goulettois. Avec mon nom et mon accent de juif pieds-noirs, je rencontrerai mes homonymes à la retraite pour traiter des affaires seines. Histoire d’avoir quelques tuyaux pour placer mon découvert chronique en lieux surs. Dans les montagnes, pas chez le Prince.

Que la France se rassure ? Je serai un citoyen à une part entière. Un bon patriote dans l’Hexagone . Aujourd’hui, j’annonce solennellement que mon nom sera suivi d’une particule particulièrement particulière..

Plus sérieusement, j’éprouve une grande émotion que je ne saurai traduire explicitement. Je suis en tout cas heureux de revêtir un nouveau costume sur ma ‘Cachabié ( burnous) sans renier cette dernière. Cette date fera date dans ma nouvelle ‘promotion’ . Elle constitue une nouvelle renaissance. Je garderai mon ancienne nationalité par respect et par amour pour mon pays de naissance dans lequel j’ai passé mes vraies et grandes joies qui m’ont permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Citoyens français à part entière, nous irons remplir nos obligations comme il se doit dans mon nouveau pays d’élites, du droit et de la libre pensée. Nous respecterons ses institutions comme nous avons respecté celles du pays d’avant. Cette civilisation ‘gauloise’, ne m’est pas étrangère puisqu’ elle nous suivait déjà depuis nos tendres berceaux. Nous étions déjà prêts, grâce aux Missions des Affaires Culturelles Françaises, à affronter sans embûches ni dépaysement cette terre de France qui nous a appris à lire, à écrire, à chanter et à s’instruire dans nos petits livres d’histoire, de géographie et de sciences. Sa grandeur et son rayonnement universelle, grâce à tous ces maîtres de bonne conscience, à ses penseurs, savants etc….honore celui qui est peut être le soixante un millionième français. Bon dernier. Nous lui devons notre émancipation culturelle et notre savoir sans lequel aucune progression intellectuelle n’aurait pu se faire. Cette belle langue si riche m’appartient encore plus aujourd’hui comme elle m’a appartenu hier et appartiendra demain.

Je regrette amèrement d’en connaître si peu. Sinon, j’aurai fais exploser le site ‘HARISSA’.

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