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Frida GOZLAN


   

LA GOULETTE LES PIEDS DANS L'EAU 

(Extrait du livre par Frida GOZLAN)


Permettez-moi de vous présenter un extrait du livre "LA GOULETTE LES  PIEDS DANS L'EAU" par Frida Gozlan.

Frida Gozlan, d'origine espagnole de côté paternel et norvégienne du côté 
de sa mère, née à Bizerte, a passé une grande partie de sa vie en Tunisie.

Frida Gozlan, agée de 82 ans et qui ne dispose pas d'un ordinateur, m'a 
prié de vous transmettre ce texte.

Elle est l'auteur de trois livres: "LE DERNIER REGARD"
"LA GOULETTE LES PIEDS DANS L'EAU" et
"LA MENDIANTE D'AMOUR".

Elle est en train d'écrire un quatrième livre.



La Goulette avant l'independance de la Tunisie etait une jolie petite ville estivale, qui s'etalait au bord de la Mediteranee non loin de Tunis la capitale. Une petite ville tres specifique par la densite de ses habitants autochtones, juifs, maltais, siciliens et francais, surtout fonctionnaires. Le TGM, le petit train avec son va-et-vient incessant deversait tout les jours, surtout l'ete, son flot de vacanciers qui travaillaient a Tunis et qui le soir rejoignaient leurs familles pour fuir la chaleur torride de Tunis en cette
saison. Tous retrouvaient avec un certain plaisir la mer, leurs traditions dans des habitudes qui constituaient un folklore sympathique auquel toute la population participait. Des acteurs heureux, vivant des moments divertissants au bord de cette jolie plage bord‚e d'algues, dont les senteurs se melangeaient l'air du large. La jetee separait la Goulette du vieux port qui attendait les barques des pecheurs avant la tombee du jour, alourdies par les filets trempes et souvent de peches miraculeuses vendues a la criee et au particuliers. La jetee se terminait par un etablissement qui offrait aux amateurs de danses et de chants des spectacles fabuleux, concerts orientaux, danse du ventre, orchestres argentins qui deployaient leurs
bandoneons pour jouir des tangos et paso-doble tres a la mode a cette epoque. Les vacances duraient trois mois des le mois de juillet et ne se terminaient qu'en septembre apres les fetes juives et la rentree des classes. Non loin de la Goulette vieille, sur une hauteur surplombant la mer, la petite Sicile, les masures ou se groupaient les familles de pecheurs semblaient serrees les unes contre les autres comme pour se proteger des elements naturels qui se dechainaient souvent au cours de l'hiver. Des familles pauvres ayant fui la Sicile ou l'Ile de Pantelleria ou il regnait une grande misere cette epoque. La peche etait d'ailleurs le seul gagne-pain de ces pauvres gens.  Des gens courageux, determines a survivre par un travail dur, souvent dangereux. Ils etaient heureux de vivre dans cette Tunisie au bord de la Mediterranee qui leur rappelait leur pays qu'ils avaient quitte, emmenant avec eux leurs racines, leurs traditions, pour vivre en communaute dont le christianisme etait la base importante de leur vie. Les vieux qui ne pouvaient plus aller en mer etalaient au petit jour leur filets sur l'asphalte au bord du vieux port pour remailler leurs filets perces par des gros poissons recalcitrants au moment de la peche. Ils chantaient des complaintes siciliennes qui se repercutaient comme un message pour se rappeler du pays. Les mariages, les communions, les baptemes, les obseques se passaient dans ces immenses hangars qui leur servaient de gite ou ils pouvaient entreposer leur filets,... Certes ces pauvres gens n'etaient pas riches, mais ils etaient genereux. L'odeur de la sauce des macaronis se melangeait aux senteurs agreables de la soupe de poisson - poissons souvent invendus qui completaient leur menu quotidien. Une petite eglise non loin de la semblait proteger ses ouailles dont les prieres montaient jusqu'au clocher. 
Des le debut des vacances un long cortege de charettes, voitures a deux roues, tires par des chevaux poussifs, conduits par des charretiers qui en tenant les guides marchaient pieds de Tunis jusqu'a la Goulette. Les familles devant leurs maisons louees pour les trois mois d'ete attendaient leur bagages,  matelas, couscoussiers, vaisselle, tout ce qu'il fallait pour agrementer leur sejour la Goulette, qu'ils retrouvaient chaque annee avec un plaisir evident pour se prelasser aussi au bord de la mer loin de ce Tunis surchauffe par la canicule dont la chaleur rendait l'air irrespirable en ete. Il y avait la Goulette vieille, la Goulette neuve et la Goulette Casino dont l'avenue principale etalait son merveilleux folklore judeo-arabe pour aller jusqu'a Kherredine (nom d'un illustre general du Bey de Tunis), Le Kram, Salombo, Amilcar, Carthage ou les familles plus aisees possedaient des maisons pour passer leur villegiature.  Sidi Bousaid construite sur une colline surplombant la baie de Tunis semblait par la blancheur de ses maisons proteger toutes ces jolies localites qui se prelassaieint au soleil et au bord de la Mediterranee. En fait toute une grande partie de la population venue de la Hafsia, de l'avenue de Londres se retrouvait a Goulette vieille dont l'avenue principale etait bordee de cafes ou les hommes et les femmes aimaient se reunir.  Le cafe Miled, le cafe Hamouda leur offraient leur terrasses ou les gens s'attablaient pendant des heures devant un cafe et un verre d'eau. Cel ne faisait pas l'affaire des cafetiers qui ne disaient rien, ils en avaient l'habitude, c'etait comme ca. Ils se rattrapaient avec les joueurs de cartes installes a l'interieur quelques fois jusqu' l'aube, qui leur laissaient aussi de genereuses cagnottes. Les ecorces des glibettes (grains de courges) grillees et salees, qui remplissaient les poches des clients, s'amoncellaient sur le trottoir devant les cafes, c'etait aussi le plaisir de certains estivants. Dans la semaine qui precedait le shabbat les femmes s'installaient au cafe soit apres avoir fait leur marche soit dans la soiree pour discuter avec leurs amies du genre de tafina qu'elles allaient preparer pour le shabbat, ou alors chacune donnait une recette de gateaux en parlant aussi de leur fille ou leur fils encore celibataires avec la marieuse installee tous les jours au cafe pour etre sollicitee. Les veilles de shabbat apres avoir mange un bon couscous, le vendredi soir toute la Goulette sentait le couscous boulettes, la t'fina pkaila, la nikitous, la camounia ou l'arrissa (un plat au ble). La veille du shabbat, les femmes juives apres avoir ete au Hamam (bain turc), reposees, vetues de leur plus jolis peignoirs, les yeux maquilles au Khol, s'installaient devant leur porte sur une chaise longue, un jasmin dans leur decolette, attendant leur maris, des fois une bonne partie de la soiree, pour plaire, en prevision d'une nuit amoureuse qu'elles esperaient souvent durant toute la semaine, pour honorer le shabbat. Les hommes, la plupart revetus d'une belle Djelaba blanche un jasmin l'oreille ou dans la main trainaient leurs Belras (savates) sur l'asphalte goudronne de l'avenue pour rejoindre leurs epouses, leurs enfants jouaient  moitie nus sur le trottoir. Il faisait si chaud a la Goulette, malgre une legere brise qui venait de la mer. Les baigneurs prenaient du plaisir se prelasser dans l'eau soit le matin soit
la tombee de la nuit, une ambiance pleine de serenite, qui obligeait les gens de toutes condition et de toutes religions s'aimer. Les meres de famille etaient entourees d'une ribambelle d'enfants de tous ages venus s'ebattre apres la plage, des bains de mer qui duraient de longues heures dans la journee. La vie a la Goulette se passait la plupart du temps dans la rue. Les veillees reunissaient les voisins devant les portes des maisons ou sur les terrasses des cafes bordant la principale avenue. Ces veillees se prolongaient tard dans la nuit. Les estivants qui habitaient surtout en bordure de la plage n'etaient pas presses de retrouver leurs lits infestes de punaises malgre les precautions prises au cours de l'occupation des lieux, des cafards volants enormes venaient vous surprendre des que la lumiere eclairait les chambres. Les fenetres etaient toujours ouvertes pour permettre aux estivants de respirer l'air de la mer. Tout le monde prenait ce mal en patience, meme de facon tres optimiste: ils degustaient leur villegiature a la Goulette.  Les femmes s'arretaient souvent apres leur marche sur les terrasses des cafes pour rejoindre leurs amies et parler de la tafina du shabbath, on parlait aussi souvent de la fille ou du fils qui n'arrivaient pas trouver chaussures leurs pieds c'est a dire le mariage. Les meres qui s'attardaient au cafe sortaient de leurs poitrines le porte-monnaie bien cale sur leur sein, pour donner aux enfants quelques sous pour calmer leur faim, casse-croute tunisien ou autres brik a l'oeuf. Une chaude odeur de mechoui venait de quelque part etaler la saveur des merguez ou du foie grille que chacun degustait soit dans une assiette soit en sandwich releve d'harissa. L'apres midi , des odeurs agreables s'echappaient des tagines, faitouts en terre cuite dans lesquels cuisaient a petit feu sur des canouns remplis de braise le repas du soir qui reunissait toute la famille autour d'une table, apres l'arrivee du pere qui travaillait a Tunis et qui se rafraichissait d'abord d'un bain de mer qu'il prenait en arrivant de la gare. Les peres de famille voulaient, eux aussi, profiter de leur sejour a la Goulette.  Une multitude grouillante de gens venus de toutes parts degustaient leurs vacances selon leur moyens. Les phonographes nasillards des cafes en bordure des trottoirs chantaient Ali Riahi, Om Kaltom et Farid El Atrache, chanteurs Egyptiens bien connus en Tunisie. Toute cette musique et ces chants donnaient a cette ambiance une touche judeo-arabe agreable a entendre, que nous adorions d'ailleurs. Habiba Msika etait une merveilleuse chanteuse juive tunisienne dont la beaute et la voix n'avait pas d'egale. Elle exprimait l'esprit d'entente qui reignait alors entre Juifs et Arabes qui vivaient dans une meme culture. Alors qu'elle dormait un soir dand son lit un amant jaloux l'aspergea
d'essence et mit le feu son lit. Elle mourut dans d'atroces souffrances. Tout Tunis pleurait cette merveilleuse chanteuse.  L'amant econduit se suicida par la suite. Habiba Msika eu des obseques a un niveau national, meme une chanson a ete improvisee pour raconter sa vie, sa mort. Un drame passionnel dont beaucoup de gens se souviennent encore et en parlent avec tristesse.  Un temps d'arret chez Bichi "le roi du poisson complet" repute pour "la testira" (melange de tomates, poivrons, ail,
cuits a feu doux, haches), le poisson frit, frites et oeuf poche avec ca un gobelet d'harissa et du pain arabe ou italien, un regal . Les gens venaient de toutes parts pour deguster ce fameux poisson. Les tables etaient partout, meme dans la rue. Les voitures avaient du mal se frayer un passage, mais personne ne s'enervait, tous les gens se connaissaient plus ou moins et puis c'etait la Goulette, un dimanche - comment peut on oublier cette periode de notre vie, nous etions heureux. Surtout le dimanche. A cote de l'etalage de Bichi sur lequel etait expose une grande variete de poissons frais et assortiments dont il avait le secret pour preparer son poisson complet si apprecie de tous.  Non loin de la il y avait le Breykagi Khlifa. C'etait un plaisir de le voir confectionner ses briks an l'oeuf sur une table en marbre enduite d'huile. Des boules de pate qu'il prenait l'une apres l'autre dans un recipient pour l'etaler avec dexterite sur le marbre de la table, il ajoutait un peu d'oignons et du persil sale, puis il mettait un oeuf au centre de la pate et d'un geste precis il pliait la brik en deux et la jetait dans une huile de friture pour la retirer une fois cuite avec une longue pince. C'etait un regal. Les clients etaient nombreux.  Le marchant de casse-croute tunisiens etait aussi installe  a cote et sur le meme trottoir. Celui-ci confectionnait ses petits pains remplis de thon et de bonnes salades cuites, olives, harissa ou pas, le tout arrose d'une cuiller d'huile d'olive.  Ses gestes etaient lents et precis pour donner un avant gout de degustation tres apprecie de tous.  Le Keftagi, marchant de boulettes de poissons offrait son etalage pour proposer des petits pains remplis de ces bonnes boulettes au cumin garnis d'une salade qu'il faisait frire au fur et a mesure. Les marchands de pistaches, de pois chiches grilles, de glibettes deambulaient au milieu de la foule. Le vendeur de jasmin, la chechia inclinee de cote, un jasmin a l'oreille, sa corbeille sur la tete offrait aux passants ses bouquets de jasmin et de fleurs d'orangers. Des colliers de jasmin autour de son cou. Il chantait "Yasmin, yasmin". Non loin de la, le Ftairi, juche sur une estrade devant sa bassine d'huile bouillante confectionnait des beignets chauds que les gens aimaient manger soit avec du sirop soit avec des figues fraiches. Il y avait aussi le marchand de sohleb ou droua (soupe de farine de sorgho) que l'on prepare ainsi: on melange la farine et le sucre sec, on delaye dans un peu d'eau froide, on melange l'ensemble dans l'eau qui bout a petit feu puis on melange constamment avec une grande cuiller. On sert dans un bol et on soupoudre avec du gingembre. Ce breuvage etait tres apprecie par les connaisseurs qui prenaient un bol tous les matins. 
Une ambiance difficile a oublier, tres specialement l'ambiance du dimanche a la Goulette. Parcourir les trottoirs bourres de tables et de chaises sans oublier les tables de Bichi,  le calme et l'esprit amical qui y regnait. En bref c'etait la joie de vivre, de deguster ces moments heureux, c'etait la Goulette avant l'independance. Le marchand de petits pains chauds et de boutargue (oeuf de poissons de mulet et thon) promenait son chariot vitrine parmi les passants en quete de "taquouits" qui les rendait plus disposes a rejoindre leurs epouses pour des nuits de relations amoureuses. Les oeufs et abattis de poisson ont toujours ete reconnus comme des aliments aphrodisiaques. Les Goulettois ainsi que les gens venus d'ailleurs se bousculaient devant les etalages qui leur offraient pour un moment la joie de vivre leurs racines par ces plats succulents qu'ils degustaient avec un reel plaisir. Il n'y avait qu'a la Goulette que le vrai sens des traditions prenait une dimension affective et chaleureuse, une vie que chacun appreciait a sa juste valeur. Aucune difference, aucune maniere ne separaient les gens de tous cultes, ils etaient unis par ce pays si attachant qui les avait vu naitre pour la plupart. La Tunisie, La Goulette. Notre vie etait conditionnee par cette nourriture succulente qui nous installait confortablement dans nos racines. Les marchands ambulants, plateau enorme sur la tete passaient en chantant, a'assel a'assel (miel miel). Ils vendaient des beignets au miel tout chauds qui nous regalaient. Les fins de semaines etaient vraiment "l'operation bouffe" ..........................................................................................

C'etait le bon temps que nul ne peut oublier.

           

 

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