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Intervention de Habib Kazdaghli
Intervention de Habib Kazdaghli (Responsable du Groupe de recherche Histoire et mémoire de l’Université de Tunis I )
au cours de la Séance inaugurale du colloque :
Les relations judéo-musulmanes en Tunisie Du Moyen-Age à nos jours : regards croisés.
LA SORBONNE – Paris, 22 mars 1999.
Madame La Ministre,
Monsieur le Président de l’Université de Paris IV,
Honorables assistances,
Chers collègues et amis.
Mesdames, Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que nous nous retrouvons aujourd’hui dans ces hauts lieux du savoir pour entreprendre, avec nos partenaires de la Société d’Histoire des juifs de Tunisie, la seconde rencontre sur l’histoire des juifs de Tunisie rehaussée par la présence de Madame la Ministre de la culture. Permettez moi tout d’abord, au nom de tous les membres de la délégation qui participent à ce colloque de remercier le Rectorat de Paris de nous avoir permis de tenir, ces nouvelles assises, dans l’enceinte de la Sorbonne, je remercie, également le professeur Molinié pour l’ accueil chaleureux qu’il vient d’exprimer.
La rencontre d’aujourd’hui se tient presque une année après celle organisée à l’Université de Tunis à la fin du mois de février 1998 et qui a été suivie avec beaucoup d’intérêt, malgré le scepticisme en raison de la conjoncture internationale qui prévalait à l’époque, et qui continue à peser au présent ; La rencontre de Tunis a été suivie par un public nombreux, d’enseignants, de chercheurs et d’étudiants. La rencontre de Tunis comme celle qui démarre aujourd’hui a été co-organisée par le Groupe de recherche : Histoire et mémoire de l’Université de Tunis I, la Société d’histoire des juifs de Tunisie,(Paris), en partenariat avec des collègues de l’école des hautes études en sciences sociales, du C.N.R.S.de l’Université de Toulouse le Mirail, de l’Université de Paris IV. Nous nous réjouissons du fait qu’entre temps, d’autres collègues et d’autres institutions, se sont joints à nous.
Au cours de notre premier colloque dont les actes sont déjà publiés par le Centre de Publication Universitaire, l’accent a été mis sur les sources et sur les méthodes de cette histoire des juifs de Tunisie, de même qu’une large place fut donnée à la présentation de l’état actuel de nos connaissances sur les traces de la présence juive en Tunisie au travers des différentes époques depuis les phéniciens jusqu’à nos jours. Dans cette perspective, les différents travaux présentés ont essayé de montrer que l’histoire des juifs de Tunisie, ne participe pas uniquement à cette quête des itinéraires particuliers de ces minorités et communautés qui ont fait la « mosaïque » Tunisie, bien plus elle relève plus largement d’une de reconstruction de la mémoire collective sans tabou, sans exclusive ni mutilation. Notre démarche intellectuelle se veut un dépassement à la fois des occultations et des visions tronquées de l’histoire mais aussi des écritures partiales qui rappellent les temps de la littérature de ghetto. De ce fait, nous assumons l’histoire des juifs de Tunisie comme une partie intégrante de l’histoire de la Tunisie.
En tant que Groupe de recherche tunisien, nous considérons qu’il est du devoir des historiens de reconstruire et de s’interroger sur l’ensemble des éléments constitutifs de notre histoire nationale. Cependant, les historiens savent l’importance de la multitude des apports et la diversité des interférences dans le parcours de l’histoire. C’est pour cette raison nous ne pouvons concevoir notre recherche que dans une démarche scientifique ouverte. C’est dans le même esprit que nous avons cru à l’utilité de cette belle expérience d’organisation conjointe de ces rencontres avec nos amis et collègues français de la Société d’histoire des juifs de Tunisie, d’autant plus que presque la majorité d’entre-eux sont natifs de la Tunisie .
Convaincu du fait que ce savoir historique que nous sommes en train d’écrire devrait être la synthèse et l’expression d’une convergence d’efforts communs dans la diversité des éclairages et des sensibilités, nous avons accueilli favorablement l’idée que se joignent à cette « aventure scientifique », les collègues des universités israéliennes, d’autant plus qu’un nombre de juifs originaires de Tunisie vivent aujourd’hui en Israël. Diverses sources s’accordent pour estimer le nombre de juifs ayant quitté la Tunisie pour Israël entre 1948 et 1955 à 20.000 personnes. C’est parce que la science ne reconnaît pas les frontières, nous croyons que les recoupements et les croisements des regards de tous les historiens, sérieux et objectifs, indépendamment de leur nationalité et dans la diversité de leurs approches, pourraient enrichir et mieux connaître, non seulement l’histoire des juifs de Tunisie, mais aussi l’histoire globale de la Tunisie. Bien plus, l’étude des composantes minoritaires et marginales d’une société se révèle souvent, comme une entrée nécessaire, pour l’explication des attitudes majoritaires d’une société et de ses comportements collectifs.
C’est pour toutes ces raisons et en parfait accord avec nos partenaires de la Société d’histoire des juifs de Tunisie, que nous avons invités les participants à cette session à privilégier l’études des relations judéo-musulmanes en Tunisie, du Moyen Age à nos jours . Comme vous pouvez le lire dans le programme de la rencontre, les universitaires tunisiens proposent à travers les thèmes abordés un ensemble d’interrogations et de réflexions sur la profondeur et les limites des relations entre les deux communautés juives et musulmane dans des contextes sociaux et historiques différents. Du Moyen Age à nos jours, de la ville au milieu oasien en passant par le milieu rural, de l’élite au milieu populaire, du champs des croyances et de la culture à celui des échanges économiques, des approches en terme d'individu à celles des groupes et collectivités, les contributions ont tenté de multiplier les angles d’approche en focalisant prioritairement sur les sources musulmanes.
Composée d’enseignants-chercheurs et de doctorants en histoire, notre délégation compte en son sein plusieurs générations de collègues qui appartiennent à plusieurs disciplines et qui exercent dans diverses universités tunisiennes. Notre délégation se trouve honorée par la présence en son sein du doyen des historiens tunisiens, notre éminent professeur si Mohamed Talbi que nous suivrons avec beaucoup d’intérêts, tout à l’heure, dans sa leçon inaugurale, ainsi que celle du professeur Sirat.
Je dois, remarquer que le déplacement de cette importante délégation de chercheurs et doctorants tunisiens a rendue possible grâce au soutien et à l’ encouragement qu’a trouvé, à Tunis même, notre jeune équipe de recherche, de la part de notre ministère de l’Enseignement Supérieur, de la part de présidence de l’Université de Tunis I et de la part des doyens et directeurs des différentes institutions auxquelles appartiennent nos collègues.
Je profite également de cette occasion qu’il m’est offerte pour remercier le gouvernement français de l’appui et de l’intérêt manifestés à l’égard de notre initiative. En effet, le soutien qui nous a été exprimé lors la rencontre de Tunis, par son excellence l’ambassadeur de France en personne, lorsqu’il a rehaussé de sa présence une des séances scientifiques du colloque, ce soutien s’est encore renouvelé cette année, en facilitant le séjour en France, de six doctorants appartenant à notre équipe de recherche, c’est ce qui leur permettra de profiter de ce colloque, de participer à la séance doctorale prévue demain en fin de journée et surtout de compléter leur documentation dans les divers centres d’archives et les bibliothèques de Paris .
Mais tout en réitérant notre remerciement pour ce soutien ainsi que notre gratitude pour le gouvernement français pour nous avoir accordé la gratuité des visas et tout en enregistrant la nette amélioration introduite dans l’octroi de ces visas pour les intellectuels et pour certaines catégories professionnelles, en tant qu’universitaires tunisiens, et parce que notre délégation est composée en majorité d’historiens qui répètent à leurs étudiants au moins une fois par an la définition que donne Braudel de la Méditerranée qui la qualifiait de « plaine liquide », et qui dit plaine, dit absence de tout obstacle devant la rencontre entre les hommes de bonne volonté. Pour toutes ces raisons, nous formulons le vœu de voir disparaître cette barrière qui constitue une entrave « symbolique » à plus d’approfondissement des liens de travail et d’échanges entre les intellectuels des deux bords de cette plaine .
Tout en renouvelant notre fierté et notre bonheur d’être parmi vous ce soir et durant les trois jours qui viennent pour présenter les résultats de nos travaux, enrichir nos connaissances par les exposés qui seront donnés par nos collègues français et israéliens et surtout interroger le passé avec ses passions, ses tensions pour mieux comprendre le présent et surtout pour poser les jalons d’une collaboration durable et profitable à nous tous, laquelle collaboration vient d’être enrichie par l’acceptation par le comité mixte tuniso-français de coopération du projet d’action intégrée qui lui a été présenté par notre équipe et celle du laboratoire CIREJED de l’Université de Toulouse le Mirail.
Au nom de toute la délégation tunisienne, je tiens à remercier encore une fois tous ceux qui ont contribué ici en France, des mois durant, à la préparation de tous les aspects tant scientifiques, administratifs qu’ organisationnels pour la tenue de notre rencontre. Encore une fois je vous remercie, monsieur le Président de l’Université, pour cet accueil chaleureux dans l’enceinte de la Sorbonne. Enfin, je remercie plus particulièrement Monsieur Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Madame Catherine Trautmann, Ministre de la culture et de la communication, Monsieur Frédérico Mayor, directeur général de l’UNESCO et le Centre National de la Recherche (CNRS) qui ont bien voulu placer cette rencontre sous leur patronage.
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