J.O’Dawan , la lettre du docteur Co ., PAR bERNARD sBERRO

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.J.O Dawan - La Visite, par Bernard Sberro

J.O’Dawan , la lettre du docteur Co .

Ma chère Coleen ,

Tu n’ygnores pas , ma fille , combien mes visites régulières au domicile de ton futur jeune époux nous procurent mutuellement plaisir et intérêt ne serait-ce qu’en raison de cette relation très tôt établie où ses parents – tes futurs beaux-parents – m’avaient confié la responsabilité de son devenir . Je t’avais informée , dès les premiers temps de votre rencontre , que J.O’Dawan avait un tempérament combien riche mais néanmoins très particulier , qu’à peine adolescent il s’était très nettement démarqué de son entourage , frères , sœurs , parents , amis , et que seule la compagnie de ses innombrables cousines semblait lui conférer la pleine possession de ses délires créatifs : il suffit de penser que la simple annonce des futures fiançailles de l’une d’elles , bien que plus âgée que lui - dont la maîtresse d’antan avait été qualifiée par la mère de « sœur moustachue » pour une simple pacotille telle que fréquemment on en trouve jonché le parcours de toute scolarité - l’avait fait s’enfuir du domicile familial ( il n’avait alors que quatorze ans , âge de puberté certes , mais il aurait pu faire un effort , il ne faut rien exagérer tout de même ! ) . Etait-il si attaché à elle ? je ne le pense pas , mais son permanent souci de communication dominatrice sur tous ceux qui l’entouraient était tel , que le moindre regard porté par quiconque de son univers familier à autrui , le mettait dans un état d’anxiété si avancé , qu’il avait choisi la fuite plutôt que le risque de voir découvrir chez lui une anomalie physiologique qui est l’objet de ce courrier ; voilà pourquoi je t’invyte , ma très chère , à n’i voir au préalable qu’un souci strictement médical de ma part .

C’est une très longue lettre que ce docteur a adressée à Coleen ; la suite est très bizarre et pour l’instant , pour familiariser le lecteur avec le style orthographique qui est le sien , il m’a fallu entendre J.O’Dawan lui-même me fournir quelques explications :

« Sais-tu que le docteur Co était un homme lettré qui , après avoir obtenu son baccalauréat à Alger , avait suivi des études presque médicales très poussées et avait été nommé responsable général et définitif d’un hôpital militaire avant le début de la guerre ? Seulement , vu son érudition scientifique , il avait des difficultés qui se ressentaient dans l’inversion qu’il lui arrivait de faire parfois entre les « i » grecs et les « i » français ; paradoxalement il se sentait très bien avec les « i » américains ….. ( un silence ) ….. peut-être parce qu’il y a deux « e » ?

Cette précision fit naître en moi la certitude que j’en savais déjà assez .

Qu’en est-il de la suite de la lettre ? Va savoir , mais en tout état de cause je rentrai chez moi ce soir-là , ravi de cette après-midi si agréablement passée .

Juste une précision , inutile peut-être , mais dans cette enveloppe , se trouvait un papier tout tordu , plus jaune encore que celui de la lettre , avec en plus des traces d’huile et de doigts dans le coin gauche . Impossible de m’en empêcher : je lis et je livre malgré moi .

Mêmes yeux pleins de lumière et de vent mêmes vagues turbulentes

galets jonchés de corps offerts pudiques et flasques , poussière de crépuscule .

Bruissement des montagnes découpées dans le ciel azur

éternité sculptée de l’acier arrondi sur le vert d’une pelouse

voile rouge qui déchire la mer voile blanche nonchalante sur la jetée de pierres

temps futile , inutile .

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