Elle est folle, elle est mejnouna, elle est loca, maboula, fada, insana, pazza.

Elle est barjote, chtarbée, dérangée.

Elle s’égare, elle déraisonne, elle déraille, elle divague.

Elle a peur du noir, elle est folle.

Elle dit, je t’aime, elle est folle.

Elle parle aux oiseaux, aux chats et aux chiens, elle est folle.

Elle veut des corbeilles pleines de tendresse, des paniers  de mots d’amour,  des couffins d’affection, elle est folle.

Elle veut les bonnes et les mendiants à sa table, les reines et les princes à sa porte, elle est folle.

Elle pleure du chagrin des autres, souffre  du mal des autres, elle est folle.                                         

Elle aime les couleurs éclatantes, les  danses endiablées  et,  parle à la mort et au noir, elle est folle.

Elle a peur de la longue nuit qui n’en finit pas, du sommeil réparateur, elle est folle.

Elle  se ballade, le cœur en bandoulière, sans protection, sans filet,  elle est folle.

Elle rit  des  cascades, elle pleure des chutes d’eau, elle est folle.

Elle est ivre sans vin, triste pour rien, gaie pour un sourire, en larmes pour un  reproche, elle est folle.

Elle est impudique, se donne nue au soleil, à la mer,  elle est folle.

Elle adore  les robes et les tailleurs, les étoles et les jupes, elle aime que les tissus la caresse, frôle sa peau et, porte aux nues la nudité, elle est folle.

Elle aime l’amour, le plaisir, les mains d’un homme sur elle, elle  aime jouir, elle le crie à tue-tête elle est folle. 

Elle veut l’érotisme et la pudeur, la tendresse et l’outrage elle est folle.

Elle ne veut pas se soumettre, elle ne veut pas s’incliner, elle ne veut pas obéir, elle ne veut pas se prosterner, elle est folle.

Elle vouvoie les petits et tutoie les grands, elle est folle.

Elle n’a pas la foi, ne connaît pas Dieu et aime les rituels elle est folle.

Elle est blessures, plaies et meurtrissures, elle est folle.

Elle est pessimiste  et gaie, elle est folle.

Elle regarde le monde avec de grands yeux liquides, innocents et avec l’inquisition d’un Torquemada, elle est folle.

Elle ne veut ni barrières, ni treillis, ni clôtures, ni grillages, elle est folle

Elle blasphème dans les temples, les églises, les mosquées, les synagogues, elle est folle.

Elle  prie sur les rivages  et s’agenouille devant une rose, un enfant, un épis de blé, elle est folle

Elle veut mourir tous les soirs et s’émerveille à chaque matin, elle est folle.

Elle hurle, crie, vocifère et aime le silence, elle est folle.

Elle veut s’endormir blottie, collée contre lui, lovée contre lui et, se réveiller seule dans son grand lit, surtout sans lui, elle est folle.

Elle balaye les idées préconçues, les préjugés, elle est folle.

Elle veut une maison pleine de vents, persiennes closes et portes ouvertes, elle est folle.

Elle est née juive, ne connaissait pas le mot goy,  elle est folle.

Elle frotte sa peau aux Arabes, aux Gitans, aux Goys,  et dit que c’est bon, elle est folle

Elle mélange le Nord et le Sud, elle est folle.

Elle emmêle les points cardinaux, elle est folle.

Elle confond la droite et la gauche, elle est folle.

Elle regarde avec son cœur, elle est folle.

Elle ne croit, ni à Dieu, ni au Diable, elle est folle.

Elle invoque les jnins, les lutins, les sorciers, elle est folle.

Elle ne compte pas, elle raconte, elle est folle.

Elle n’a pas de tribu, pas de clan, pas de peuple, elle est folle.

Elle fuit les ghettos, les enclos, elle est folle.

Elle exècre le sacrifice de l’agneau, elle maudit le hallal et le casher, elle est folle. 

Son impudeur est timide, sa sensiblerie est obscène, elle est folle.

Elle veut être libre, libre, libre

Il faut  la faire taire, il faut la cloîtrer, il faut l’enfermer, il faut la bâillonner.

Il faut l’isoler, la séquestrer, la museler, la censurer, l’ostraciser.

Elle est dangereuse, elle est libre.

Elle est subversive, elle est libre.

Elle est nuisible, elle est libre.

Monique Zetlaoui