La vie a La Goulette, part 14

La vie a la Goulette etait une vie tres simple. Il ne fallait pas de beaucoup pour nous rendre heureux. Ni theatre, ni art, ni chambre de commerce, ni banque... Notre vie tournait autour de nos voisins et famille. Et ca nous suffisait. Le reste on le voyait au cinema. Ce qui nous rendait heureux peut etre que c'etait le soleil et la bonne humeur des gens. Moi j'aimais les proverbes et expressions tunes comme "le chameau qui se moque du bossu" (quand quelqu'un se moquait de quelqu'un d'autre) ou ma mere disait quand on etait impatient "Tu n'es pas reste 9 mois?" ou quand on disait quelque chose d'illogique "me met, ketlou l'aroub" traduction : "il n'est pas mort, il a ete tue" sous entendu: "Quelle Difference?"
Beaucoup parlaient en proverbes et ajoutaient une morale a la fin de chaque histoire qu'ils racontaient. Alors il y avait des centaines de proverbes goulettois que tout le monde utilisait d'apres les differentes situations. Un peu comme les morales de la Fontaine. "Pierre qui roule n'amasse pas mousse". ou "l'avarice perd tout en voulant tout gagner". Les goulettois grandissaient formes par la sagesse acquise de leurs parents et grand parents. Ma mere finissait tout ce que je disais par "Si Dieu Veut" ou "Yaichne" c'est a dire : "si Dieu permette que l'on vive." Moi je trouvais ca marrant car quand je parlais de ce que l'allais faire le lendemain ou dans quelques jours, j'etais sure que "j'allais vivre"
ou j'etais sure que "Dieu voulait" ce que je voulais. Je n'avais aucun doute que je pouvais accomplir ce que je voulais et que j'etais immortelle!
Je me suis vite apercue que Dieu quelquefois dit "non" a ce que je veux. C'etait peut etre leur maniere d'enseigner a leurs enfants l'existence de Dieu.
Je disais a ma mere "pourquoi "Si Dieu Veut"?, ce que "je veux" faire est tres simple en nature et ne va pas contre la volonte de Dieu (je ne vais ni voler, ni tuer, etc..). Ma mere disait "non, Tout est: "si Dieu veut".
Ma grand mere disait beaucoup de proverbes. Elle portait toujours un foulard qui cachait ses cheveux blancs. Les foulards tunisiens etaient en soie ou en satin
souvent avec des motifs colores. Les femmes mettaient les foulards a la synagogue. J'allais la voir et elle me donnait une piece qu'elle gardait avec son argent dans un mouchoir qu'elle fermait avec un noeuf ou deux. Ca prenait au moins une minute pour l'ouvrir avec ses vieilles mains. J'attendais patiemment.
j'achetais des bonbons ou des sucettes avec. Elle etait genereuse, elle ne disait jamais non. Elle n'avait que quelques dents et parlait en arabe. Elle nous racontait des histoires et ses souvenirs. Elle avait perdu un fils a sa circoncision et une fille a l'age de 21 ans et ne s'en etait jamais remise. Elle avait aussi le don de denouer le noeufs dans les pelottes de laine ou dans les fils embrouilles.
Mon autre famille etait ma tante qui tenait la synagogue de la Goulette Casino avec son mari. Et comme j'alllais souvent la voir, je l'aidais. A l'entree il y avait un portail metallique, puis on montait quelques marches en marbre blanc et en haut il y avait deux grandes portes en bois avec quelques sculptures dessus. A l'interieur, tout autour sur les murs il y avait les veilleuses avec des plaques indiquant le nom et les dates de vie des personnes. Elle me disait ou il fallait que j'ajoute de l'huile et ou il fallait que je change le cotton car le vendredi elle allumait les veilleuses. Je devais me mettre sur la pointe des pieds pour le faire quand c'etait trop haut pour moi car c'etait au niveau de la tete d'un adulte. Il y avait des plaques plus belles ou plus grandes que d'autres probablement d'apres le montant paye par la famille du defunt. Certaines etaient en marbre grave (avec un accent sur le e).
Quelques personnes venaient eux memes en semaine allumer les veilleuses d'un membre de leur famille. Quelquefois, elle me demandait de laver le parterre.
C'etait un beau parterre avec de grands carrelages et je l'essuyais vite car il n'etait pas tres sale. Les Torahs etaient dans des rouleaux et il y avait la Torah principale dans un conteneur decore de beaux motifs et de tissus brodes. Il y avait un placard ou les bibles etaient storees et ou ils gardaient l'argent collecte dans une boite. C'etait a Kippour que les gens faisaient le plus de donations et bien sur la synagogue comptait sur les gens aises comme le Docteur Berrebi pour faire le plus de donations. Je crois que c'etait un des rares jours ou il allait a la synagogue.
Que faisaient ils avec l'argent ?(liquide) :
ils achetaient les fruits secs qu'ils donnaient aux gens a la sortie du shabbat, ils payaient de temps en temps un bonne pour le nettoyage, les detergents, l'huile, les verres et les cottons pour les veilleuses, les bibles,.. et le reste c'etait pour ceux qui donnaient des cours pour preparer les petits garcons a la Bart Mitzvah et pour vivre. Un vie tres tres simple. Ils n'avaient qu'un seule petite chambre d'un cote et de l'autre cote de la synagogue une petite cuisine et vc. et il y avait un banc ou dormait la soeur de son mari et c'est tout. Je faisais l'aller retour chez elle, quelquefois plusieurs fois par jour. Ou pour lui apporter quelque chose de la part de ma mere ou pour aller la voir. Elle nous traitait comme ses enfants car elle n'en avait pas et quelquefois je mangeais chez elle et jouais avec son maquillage.
Avant notre depart de Tunisie, mon oncle alla dans une maison pour vieux a la Goulette qui etait l'ancien jardin d'enfants transforme en maison de vieux et ne vecu pas tres longtemps apres. Apres notre depart, sa soeur perdit la memoire et alla aussi dans la maison de vieux et ma tante choisit d'aller en Israel.

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