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LE WEB DES JUIFS TUNISIENS

 

LA VIE A LA GOULETTE PART XV (PART 15

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Notre voisinage etait compose de juifs, de musulmans et d'un peu de chretiens.
Dans certains pays, on ne peut pas determiner la religion d'une personne sans d'abord leur parler ou les connaitre. A la Goulette, au contraire, c'etait tres facile a voir sur le visage d'une personne si elle etait juive, musulmane ou chretienne. Ils avaient tout simplement une physionomie et un regard differents.
Bien sur, il y avait des enfants de mere juive/pere catholique ou autre combinaison mais ils n'etaient qu'une minorite. Si la mere etait juive, on les considerait juifs.
A cote de chez nous, il y avait une famille musulmane dont le pere travaillait au marche. Ils avaient plusieurs filles et un ou deux garcons. Ils etaient paisibles et bien equilibres. On etait bons amis. A cote, etait une famille juive tres tres pauvre. Un couple non marie avec beaucoup d'enfants dont la moitie de mariages precedents. Le pere etait peintre. La mere de temps en temps se prostituait pour se faire de l'argent. Et c'etait des bagarres a longueur de journee.
A cote, il y avait une mere celibataire musulmane qui avait 4 enfants. A la naissance de son fils, je suis allee chez elle. Le pere de l'enfant etait un homme marie qui ne venait la voir que de temps en temps.
Une des petites filles demanda a manger a sa mere. Comme il n'y avait rien, la mere se mit en colere et fit sortir sa ceinture. Les 4 enfants se mirent ensemble dans un coin. La pauvrete rendait la mere violente. Je ne savais pas quoi faire pour l'arreter car je n'etais qu'une enfant. Tout d'abord je ne compris pas ce qu'elle voulait faire et la petite me dit que tous les soirs la mere les fouettait avec la ceinture.
Je regardai la mere et je crois que ca l'a arretee et ce soir la, elle les menaca sans les frapper et je partis. Ils etaient tous tres maigres. Quelques mois plus tard, j'ai vu une des petites filles demander aux gens si elle pouvait faire le menage pour manger. Elle n'avait pas plus que 10 ans. Ce n'est pas quelque chose que je lisais comme vous sur l'internet, c'etait quelque chose que j'ai vu de mes propres yeux. C'etait un peu cruel mais tout autour la vie continuait et on fermait les yeux sur ce genre de chose.
De l'autre cote, dans l'autre allee, il y avait une famille juive qui a progresse de un a 4 enfants. Ils etaient assez aises. A cote, il y avait une femme assez agee, mariee
et sans enfant. Je ne mentionne pas les noms car ce serait indiscret mais je me rappelle de tous leurs noms.
En haut, habitait une femme mariee. Son mari etait mechant et la battait. En allant chez elle, il y avait une atmosphere de tristesse.
Au tournant, sur la rue Habib Bourguiba, il y avait une famille que l'on allait voir tres souvent et ils venaient chez nous tres souvent aussi. Ils mangeaient chez nous et on mangeait chez eux de temps en temps. Ils habitaient au 1er etage et a cote il y avait un couple.
Lorsque la femme devint veuve, elle mourut tout de suite apres. Il n'y avait plus personne pour l'entretenir et donc sa vie n'avait plus aucun sens. Elle n'avait pas plus que 50/60 ans.
Les femmes et les hommes mourraient assez jeunes dans les annees 50. S'ils avaient 60 ans, c'etait bien. Apres 60/65,  c'etait considere une longue vie. 50 ans, c'etait moyen.
Il n'y avait aucune cure pour le cancer ou autre maladie terminale. De nos jours non plus, mais les vies sont beaucoup plus prolongees qu'il y a 30 ans. Les gens ages avaient tres peu de soins. Ils dependaient 100% sur leur famille proche car il n'y avait pas de services sociaux. Ils mouraient en general, a la maison.
Je me souviens, lorsque j'etait petite, ma cousine m'emmena un jour voir un vieil homme. Quand j'ai vu les bandages autour de son ventre, je me suis mise a pleurer. Il etait touche. La famille dit qu'il ne fallait plus m'emmener la bas et que j'etait trop petite pour aller voir ca. Plus tard, on me dit qu'il avait gueri comme par miracle. Je ne l'ai pas revu mais j'etais contente.
Il y avait un autre viel homme juif que j'etais allee voir un jour. Il attendait la visite de sa petite fille pour ses soins et son manger journalier.  Comme elle etait en retard, je l'ai aide en lui apportant un seau pour ses besoins car il avait du mal a se lever. Comme il n'y avait aucun "services sociaux", les gens sans ressources ne vivaient pas longtemps. Les handicapes physiques etaient indesirables et n'avaient aucune assistance du gouvernement.
S'ils se sentaient un poids sur la famille, ils mouraient jeunes.
Une voisine non mariee eut un fils (sans pere). Il ne vecu que quelques mois car il n'y avait aucun support familial. Elle le laissait et allait travailler sans s'occuper de lui. De nos jours, les enfants comme ca, on les met dans des "foster homes", dans une autre famille et l'Etat paye les frais.
De l'autre cote, il y avait un pere veuf remarie avec une femme au moins 20 ans plus jeune que lui mais comme elle n'avait plus de pere, le mariage fut arrange pour raison economique. La fille de son premier mariage etait ma copine d'ecole. Il eut d'autres enfants au second mariage.
En general, beaucoup de Goulettois etaient maries avec des femmes 10 ans plus jeunes qu'eux. C'etait considere la normale.
Notre maison etait composee de trois maisons separees par une cour. D'un cote, il y avait ma grand mere avec sa fille et son petit fils. De l'autre cote, il y avait ma tante, mon oncle et leur 3 enfants, et enfin il y avait notre famille.
On avait aussi de la famille plus loin du cote de La Goulette Casino.
A La Goulette, il y avait donc comme dans toute communaute, des gens de toute sorte. Ce n'etait pas que des familles parfaites avec "le pere, la mere et les enfants". Il y avait aussi les mere celibataires, les veufs (veuves), les vieux et comme dans toute communaute il y avait deux ou trois homosexuels. Ils etaient les artistes de la Goulette: un etait danseur, l'autre chanteur et il y avait aussi un autre qui etait le fils d'une mere dont le mari etait parti et l'avait abandonnee. Il y en avait peut etre d'autres mais a la Goulette, ils n'etaient pas visibles car c'etait considere comme une deviance.
Sur l'avenue Habib Bourguiba, il y avait l'epicerie, le marchand de legumes et le boulanger. A l'interieur de la boulangerie, il y avait les machines a petrir le pain, les grands fours, et les boulangers qui travaillaient. Ils me laissaient voir comment
ils faisaient le pain. Comme on n'avait pas de four a la maison, on faisait cuire notre pain petri (et leve) a la maison, le boulou et tous nos gateaux, la bas. On les apportait dans des conteneurs et ils les mettaient au four. Le vendredi, il y avait toutes les voisines qui apportaient leur boulou et leur pain a faire cuire au four aussi et l'apres midi tout le monde allaient les reprendre cuits. On donnait un numero et il etait trouve dans l'ustensile pour les identifier. Bien sur, on payait pour ce service : un franc, un franc ciquante ou deux francs (100, 150 ou 200 millimes), d'apres la quantite de pain cuit. Le vendredi, ils faisaient un pain brioche en tresse que les gens achetaient tout chaud. Le marchand de legumes etait super sympa et il avait les meilleurs fruits du monde. J'adorais les dattes deglas. Il vendait aussi le lait tourne, comme une sorte de yaourt liquide.  J'ai oublie comment ca s'appelle. Les travailleurs l'achetaient pour le dejeuner et le buvaient de la bouteille pour se donner des forces. Les gens mettaient les fruits et les legumes directement dans leurs couffins. Si on n'avait pas de couffin, il voulait quelques millimes en plus pour le sac en papier marron. Une fois, je lui dis : "Si vous pesez dans le paquet, ca fait partie du poids que vous chargez et on ne doit pas payer en plus".
Il a trouve ca amusant et m'a donne le paquet gratuit.
Quand mon pere est venu le voir, il lui a raconte l'anecdote et lui a dit (en arabe) "votre fille, elle est maligne: elle me dit de ne pas faire payer pour le paquet si on pese dedans". Alors quand j'allais le voir il pesait sans le paquet et si je voulais le paquet en papier, je payais en plus.
Si je ne voulais pas payer, il me disait, "ok, je le pese avec les fruits."
Il etait le propietaire du building et donnait l'endroit ou vivait la femme avec enfants et sans mari, presque gratuitement.
Chez l'epicier, les notes etaient ecrites sur papier au crayon ou au stylo et ils calculaient en arabe dans leur tete. Si on n'etait pas d'accord, on refaisait l'addition devant eux et quelquefois on trouvait un autre resultat. Alors les deux, on refaisait l'addition. Ou l'un ou l'autre avait raison. Si on n'etait pas d'accord, une troisieme personne recalculait.
C'etait marrant mais toujours on trouvait un montant ou l'on etait d'accord. Les epiciers etaient tres gentils. Ils connaissaient les reguliers et faisaient credit a la semaine ou plus. Ils avaient un tas de papiers et un petit carnet ou ils inscrivaient les notes dues et deduisaient les payments au fur et a mesure.
Ils faisaient les additions a une vitesse incroyable, presqu'aussi vite qu'une machine a calculer car ils additionnaient mentallement toute la journee.
En face, sur l'avenue Habib Bourguiba, il y avait une italienne ou francaise avec son mari. Elle etait couturiere et faisait les degraissages.
Plus tard, elle ouvrit un petit salon de coiffure en face dans un tout petit endroit. Les gens du voisinage y allaient. Elle faisait tout tres simplement et elle n'avait que deux sechoirs. Petit a petit, elle a ajoute deux autres sechoirs, le maquillage et les manucures. C'etait une des rares femmes  "entrepreneurs" de La Goulette. Il y avait aussi la marchande de chaussures qui etait veuve et avait un fils. Elle ferma son business pour partir et la francaise un peu apres le depart des juifs.

a la prochaine

Aline Guetta Dinoia

aline@french-american-tv.com 


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