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LE JOUR DE MON ANNIVERSAIRE


   LE JOUR DE MON ANNIVERSAIRE

Je me suis réveillé par la fraîcheur matinale de la mer et par les rayons de soleil qui pénétraient dans ma chambre à travers la porte entrouverte du balcon. Je restai allongé dans mon lit. Ce jour-là, Salem devait m'envoyer son chauffeur pour me chercher. Vers neuf heures du matin le téléphone sonna. C'était sa secrétaire qui était au bout du fil:
- "Vous dormiez, Monsieur?" Elle m'avait parlé en français avec une voix douce et hospitalière, puis elle continua:
-"Continuez à dormir, vous avez le temps, le chauffeur arrivera une heure plus tard que prévu, il vous attendra à l'entrée de l'hotel."
Effectivement je la remerciai et je me retournai de l'autre côté, je flânais encore un peu et profitais de cette grasse matinée. Dans le fond j'étais ravi de cette nouvelle. Je continuais mes rêves dans mon lit et je me disais:
- "Pour la première fois je me trouve sans aucune obligation."
C'était aussi un samedi, comme le jour de ma naissance, donc un jour très spécial pour moi. Salem et moi avions convenu à l'avance d'aller à Béja. C'était la raison de mon voyage, cela faisait bien longtemps que je m'étais promis d'être à Béja à mon anniversaire. Hélas, mon hôte avait reçu une visite inattendue d'hommes d'affaires. Dès que je mis les pieds dans son bureau il me salua, puis il fit:
- "Hey Oqo'd Bahdana, Thab Qahwa?" (Allez, restez auprès de nous, voulez-vous un café?) Salem ne savait rien de mon anniversaire. Dans son bureau il y avait quelques hommes, qui ne me paraissaient pas être du pays. Après un moment, il me dit:
- "Hadou Medjazayer" Ces messieurs sont d'Algerie. J'avais saisi la raison pour laquelle il voulait que je reste près de lui. Il voulait que j'assiste à la conversation, mais je n'avais pas grande envie d'entrer dans le monde des affaires. Et pourtant, comme il m'avait parlé d'eux auparavant, je consentis, et pour me rassurer, Salem me dit:
- "Je te conduirai moi-même à Béja." Je répondis:
- "C'est gentil et c'est mon jour d'anniversaire."
Lorsqu'ils apprirent que c'était le jour de mon anniversaire, les employés s'organisèrent discrètement à ce que l'un d'eux aille chercher quelque chose. En quelques minutes j'étais comblé de bons veux, de gentilles paroles, comme "Mabrouk" (bénédiction), "Marhaba" (bienvenue), puis une jeune fille me tendit un bouquet de roses. J'étais très touché de cette gentillesse et de ce geste. Le jour de ma naissance ma grand-mère avait apporté un "Tabal" (un groupe local de musiciens folkloriques) dans la rue. Ainsi tous le quartier apprenait la nouvelle.
La conversation des hommes d'affaires s'est tenue d'abord dans les bureaux de Salem, puis elle continuait dans un restaurant. Chacun d'eux avaient commandé une grillade de viande de mouton; à mon tour, j'avais choisi un rouget grillé. Ils essayèrent de me convaincre de prendre comme eux des grillades, mais je leur dis que nous n'avons pas de rouget aux Etats Unis. J'avais hâte de terminer le repas qui retardait mon voyage. Alors qu'on attendait d'être servis, Salem profita de discuter avec ses invités. Pendant que ces messieurs discutaient je regardais tout autour. La salle était vide, nous étions les seuls clients, tout était muet. De temps à autre on voyait des silhouettes de personnes qui bougeaient. Ce devait être les employés ou les garçons. Nous étions sans doute les derniers clients.
Vers une heure de l'après-midi, les invités se mirent en route pour l'Algérie. En effet leur présence ne semblait pas être agréable pour Salem, et comme j'avais plus ou moins suivi la conversation, j'étais aussi du même avis.
Il était presque une heure et demi de l'après-midi lorsque nous prîmes la route. Salem me parlait de ses invités et de ses affaires. Je ne l'écoutais pas et je n'avais aucune intention de suivre ses propos, j'étais bien concentré à voir la route. Dès la sortie de Tunis, tout le chemin me paraissait inconnu, d'autant plus que je ne voyais pas d'arbres le long de la route. De gauche et de droite j'observais les nouvelles maisons genre HLM. Elles avaient un style différent de celui que l'on voit en Europe ou aux Etats Unis. Toutes ces maisons étaient peintes en blanc. Je les trouvais agréables à la vue. Je n'avais pas vu tant de voûtes et d'arcades avant. Ce genre de voûtes on les voit surtout en Californie ou en Amérique du Sud. Ces maisons étaient assez retirées de la route, elles laissaient un espace assez large. Elles permettaient une bonne vue aux automobilistes et créaient une bonne circulation d'air. En quelques minutes nous étions au Bardo "Bardou", du moins c'est ce que mon hôte me disait. Je me souvenais qu'en 1939 papa me parlait de sa caserne militaire au Bardo, il me disait aussi des choses sur le palais du Bey, comme:
-"Khla'at leqtatess fel Bardo." (Les vacances des chats au Bardo.) On employait cette expression quand quelqu'un se vantait d'aller en vacances mais n'avait pas d'argent, car lorsque le Bey allait en été à la Marsa ses employés oubliaient les chats aux palais du Bey qui était au Bardo, et les laissaient sans nourriture, ainsi ils crevaient de faim. Jusqu'à ce jour-là, la région du Bardo m'avait été inconnue.
La route s'étalait comme une bande grise, la circulation était très faible, nous étions presque seuls sur la route. De temps à autre une voiture nous dépassait. De loin je voyais un troupeau de moutons. Au début il me paraissait être sur le pré, puis soudain, Salem freina brusquement. En effet le troupeau était sur la route. Celui-ci croisait la route très lentement, Salem n'avait pas l'air d'être content, il commençait même à perdre patience. Puis il commençait à grogner sur les moutons et sur le berger. Je n'étais pas d'accord avec lui, car depuis longtemps je n'avais pas vu de troupeau croiser la route.
- "Des scènes pareilles sont très rares," me disais-je, puis d'une voix neutre et aimable je lui dis:
- "Voir des moutons croiser une route principale aux Etats Unis, me paraîtrait drôle," puis je lui lançais un regard sérieux en disant:
- "Estime-toi heureux de pouvoir encore voir des moutons." Il ne comprenait pas ma remarque. Il me regardait d'un air étonné et inoffensif et me dit:
- "Vous avez des moutons qui traversent la route en Amérique?" Je lui répondis:
- "En Amérique ce serait un luxe, beaucoup d'enfants n'ont jamais vu un mouton ou une vache." Il n'en revenait pas et me dit:
- "C'est mieux comme-ça." Je continuais:
- "Savez-vous que certains enfants ne savent même pas que le lait vient de la vache. Ils croient même que le lait est un produit de fabrique". Puis je continuais:
- "Gardez-vous de transformer ces beaux champs et cette vie naturelle en usines et en fabriques. Vous serez certes riches en produits de luxe et en voitures mais vous aurez perdu les valeurs naturelles et spirituelles que vos ancêtres vous ont laissées. Puis me référant à nos ancêtres communs je disais:
- "C'est bien le précieux de la vie qu'ils nous ont communiqué."
Le troupeau passa lentement de l'autre côté de la route, le berger ne semblait pas avoir l'air de se presser et ne montrait aucun signe de nervosité. Je l'admirais avec son troupeau.
- "Celui-ci a bien ses pieds sur terre,"me disais-je. Puis je me tournai vers Salem et lui dis:
- "Nous avons peut-être perdu le sens du lien naturel avec la terre où nous sommes nés." Puis je continuai:
- "Moi qui vis loin, je saisis profondément l'intensité de l'amour qui me lie à cette terre, elle est bien notre mère." Puis, alors qu'il conduisait, je repris la parole:
- "J'espère que la nouvelle génération reconnaît aujourd'hui sa valeur romantique et surtout spirituelle. Je l'espère du moins pour elle." Salem me regardait d'un air étonné, il semblait admirer ce que je disais puis il fit:
- "Je commence à comprendre pourquoi vous revenez voir votre ville!" A ces propos, je repris:
- "Nous sommes comme des arbres déracinés et transplantés à des milliers de kilomètres, certains résistent et certains meurent et ceux qui vivent ne trouvent pas facilement l'épanouissement naturel. Il leur faut plus de temps et de souffrances pour pouvoir émerger dans le nouveau monde qu'ils ont volontairement ou involontairement adopté." Salem me regarda et me dit:
- "Brabi Echnoua Elhadra, Hada Ghriq!" (Pour l'amour de Dieu, qu'est-ce que ce sont que ces paroles, c'est du profond!) J'avais compris qu'il avait saisi la profondeur de mes pensées et avec un ton sérieux et grave je continuai:
- "Ceux qui ont saisi le sens et les relations entre nous-mêmes et la terre de laquelle nous sommes nés, découvriront les richesses spirituelles qui nous guideront vers l'accomplissement de nous-mêmes et de notre bonheur sur terre." Salem aussi sérieux me dit:
- "Barakala Fik." Comme pour me dire bravo, sans avoir à entrer dans une conversation philosophique. Il ne perdait pas de vue que j'étais son hôte et l'hospitalité musulmane dit qu'il ne faudrait jamais contredire un invité.
Nous continuions notre route. Un silence agréable s'installa dans la voiture. J'étais tellement absorbé par le paysage, que Salem croyait que j'étais fâché avec lui à cause des moutons.
La voiture de Salem roulait calmement, on entendait à peine le bruit du moteur. La route défilait devant mes yeux, Salem accoudé vers la gauche et avec la main droite tenant le volant, suivait la route comme une couturière qui coud avec la machine et suit la coupe. Un bon moment passa sans que nous échangions un mot. Il avait l'air de chercher une excuse pour m'adresser la parole, puis soudain il se tourna vers moi et avec un visage sensible il me dit:
- "C'est tellement important les moutons?" Le silence qui s'était installé pour un certain temps l'avait inquiété. Il pensait que j'étais fâché et que la cause était mon opinion sur les moutons. En effet je me trouvais plongé dans mes rêves et je ne prêtais pas attention à la discussion, mais je voulais simplement l'éclaircir sur l'importance de la nature. Des deux côtés de la route les arbres d'eucalyptus passaient en sens inverse et notre voiture paraissait immobile.
J'interrompis aussitôt Salem pour lui expliquer que nulle part dans les pays industrialisés on ne peut voir des troupeaux de moutons traverser librement les routes principales comme ici et j'ajoutais:
- "J'espère que vous n'allez pas avoir la folie de l'Occident et commencer à interdire l'élevage libre des troupeaux de moutons dans les champs." Salem reagit en me disant:
- "On ne peut pas rester primitif toute notre vie, il faut éduquer ces paysans". Je répliquai avec ces paroles:
- "C'est par leur grâce que nous vivons, pense à Moïse", et je continuai: "Dieu l'avait choisi, parce qu'il avait pris soin d'un agneau." Salem qui était concentré sur la route ne semblait pas m'avoir entendu; alors je lui demandai si le goût du mouton qu'il venait de manger était bon. Après un silence, il me répondit tout fièrement:
- "Le meilleur au monde". A cela je lui dis:
- "C'est parce que le mouton est nourri naturellement, alors qu'ailleurs il n'a pas de goût, on lui donne des tas d'additifs artificiels pour le faire grossir." Salem semblait être satisfait de ce que je venais de dire et me répondit:
- "Je suis entièrement d'accord avec vous." Il comprenait bien à quoi je me référais. Les quelques kilomètres que nous venions de parcourir m'avaient bien convaincu que la Tunisie était encore liée, volontairement ou pas, aux anciens principes et malgré le progrès je ne voyais pas un danger immédiat pour l'élevage de moutons.
En moins d'une heure nous arrivâmes au croisement de Medjez-El-Bab, à gauche un signe montrait la direction de Testour. Je lisais et relisais "Testour". Je ne pouvais pas ignorer le nom de Rebbi Fraji Chaouat qui est associé avec Testour. Je me souvenais des beaux pèlerinages de Testour, auquels j'avais participé avec mes parents.
L'enseigne qui disait "Testour" avait reveillé en moi des sentiments de jadis. Tout les souvenirs des pèlerinages se déroulaient dans ma tête en silence, Salem ne se doutait de rien, il conduisait calmement. Les souvenirs du pèlerinage m'avaient capturé de sorte que j'oubliais que nous roulions encore en voiture. Voici déjà plus d'une heure que nous avions quitté Tunis. Salem, qui ne se rendait pas compte de mes pensées et de mes souvenirs, me voyant avec mes yeux mi-clos, croyait que je dormais. Et soudain il me dit:
- "Alors, vous allez continuer à dormir tout le long de la route?" J'avais l'impression que quelqu'un de ma famille me disait ces paroles, tellement j'etais plongé dans mes songes. J'ouvris les yeux et je fus saisi cette fois-ci par les plaines et les champs verts qui resplendissaient comme une grande surface illuminée.
- "C'est divin! c'est miraculeux! la route montait directement au ciel" m'exprimais-je.

                                           


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