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Il y avait une fois quatre amis qu'on voyait toujours ensemble jouer aux cartes. Roger
était très riche, Braitou était bourrelier et avait son propre atelier, Kiki était un simple
employé de poste et Mouchi était peintre, mais il était souvent chômeur. Mais les quatres amis
étaient très attachés l'un à l'autre et malgré leurs différents niveaux sociaux ils
s'entendaient très bien, surtout parcequ'ils jouaient toutes les semaines aux cartes ensemble.
Un jour Braïtou, le bourrelier, tomba malade. Ses amis, Mouchi le chômeur et Kiki
l'employé de poste, allèrent lui rendre visite. A leur grand désarroi ils découvrirent que
leur ami, qu'ils croyaient être plus aisé qu'eux, était démuni de tout meuble et que sa femme
n'avait même pas de quoi lui acheter des médicaments, ou de quoi lui faire une soupe. Elle
expliqua aux deux amis que depuis plus de trois mois il n'avait pas eu de quoi acheter de la
marchandise pour exercer son métier.
Son état de santé était lamentable et il nécessitait d'urgence une aide monétaire. Les
deux amis se conseillèrent ensemble, comment aider leur pauvre ami, qui jusqu'à ce jour-là ne
leur avait jamais refusé quoi que ce soit. Le chômeur eut une idée et dit à son ami:
"Allons voir notre ami Roger, il sera certainement en mesure de donner une aide, même
ne serait-ce qu'en forme de prêt, en attendant que notre ami guérisse de sa maladie et reprenne
son honorable métier. Les deux amis se dirigèrent vers la maison de leur riche ami, qui était
veuf et avait une fille de seize ans. Arrivés à la maison du riche, il montèrent les quelques
marches qu'il y avait devant la porte de la maison et lorsqu'ils arrivèrent sur la plate-forme
extérieure, ils entendirent Roger, faire des reproches à sa fille:
"Mais comment oses-tu allumer le feu avec deux allumettes? Tu veux me ruiner? Te
rends-tu compte combien deux allumettes coûtent?" Kiki, en entendant ces rudes paroles, que
leur ami qu'il considérait beaucoup venait d'adresser à sa fille, dit à son ami, qui
l'accompagnait:
"Oh, là-là, s'il crit pour des allumettes, c'est qu'il n'a plus rien! Faisons
demi-tour, car il ne pourra certainement pas nous donner de l'argent pour notre pauvre ami
malade." Lorsque celui-ci voulait descendre les escaliers, son ami Mouchi lui dit:
"Arrête, nous allons quand-même frapper à la porte et s'il nous refuse, et bien on
saura qu'il n'est pas un ami, et si vraiment il n'a plus d'argent comme il le dit à sa fille,
alors on aura encore un ami pour qui nous devrons nous soucier. Si nous sommes déjà là, autant
connaître la vérité." Son ami l'écouta sans dire un mot, puis il répliqua:
"Je crois que tu as raison, on ne sait jamais, allons-y." Les deux amis frappèrent à
la porte, leur riche ami leur ouvrit et dès qu'il les vit, il fut d'abord étonné puis il les
reçut avec une gentillesse extraordinaire.
"Entrez, mes chers amis, entrez, qu'est-ce qui vous amène ici? J'espère qu'il n'y a
rien de grave?" Mouchi était stupéfait de l'aimable accueil que leur réserva leur riche ami et
lui dit:
"Oui, mon cher Roger, c'est la raison pourquoi nous sommes ici. Notre ami Braïtou est
mourant!"
"Qu'est-ce que vous dites! Mon Dieu, que puis-je faire pour aider?"
"Nous étions sur la plate-forme lorsqu'on t'a entendu faire des reproches à ta fille
d'avoir allumé le feu avec deux misérables allumettes. Nous étions presque prêts à repartir."
Le riche répondit:
"Mais pourquoi aviez-vous cette idée de rebrousser chemin?" Kiki lui dit:
"En réalité nous sommes venus pour te demander une aide urgente pour notre ami
Braïtou!" Roger répliqua:
"Mais vous avez bien fait de venir ici, c'est la moindre des choses, Braïtou est un
trés bon joueur de cartes et il ne faut surtout pas le perdre à cause d'une maladie, il faut
absolument le sauver." A ces paroles, Kiki sauta sur l'occasion et lui dit:
"Oui, mon cher ami, nous savions que l'on pouvait compter sur toi." Roger tout
bouleversé continua:
"Combien vous faut-il?" Mouchi fit spontanément:
"Oh, pas beaucoup, environ dix mille ou quinze mille francs, c'est tout!" Roger sortit
de sa poche quinze mille francs et les tenda volontiers en disant:
"N'avez-vous pas besoin de plus?" Kiki intervint à son tour:
"Mon cher ami, j'ai une question à te poser."
"Vas-y," fit Roger. Kiki continua:
"Nous ne comprenions pas quelque chose, on t'avait entendu crier sur ta fille pour deux
malheureuses allumettes alors que tu nous donnes sans hésitation quinze mille francs?" Le
riche fit un sourire et leur dit:
"Maintenant, je comprends, mais là j'étais en train d'éduquer ma fille, car si
lorsqu'elle sera mariée, bien sûr à un homme riche, mais que pour une raison ou une autre la
situation changerait et ils deviendraient les deux pauvres, il faut qu'elle sache faire des
économies et pouvoir allumer le feu avec une seule allumette." Les trois amis se mirent à
rigoler et ensuite, les deux quittèrent le troisième et tout joyeusement retournèrent chez leur
ami malade avec des paniers pleins de victuailles et des medicaments nécessaires. Le reste de
l'argent ils le remirent à la femme de Braïtou.
Leur dévouement et le don généreux de Roger a donné courage à Braïtou, qui ne tarda pas
à se rétablir, à reprendre ses forces et à retourner à son travail. Après quelques semaines
les quatre amis se retrouvèrent à nouveau autour d'une table et reprirent leur jeux de cartes.
Ensemble ils se souvenaient du passé comme d'un mauvais rêve car cette épreuve a consolidé leur
amitié.
Emile Tubiana
mirodirect@aol.com
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