J.O’Dawan , la suite de la lettre du docteur Co, par Bernard Sberro

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J.O’Dawan , la suite de la lettre du docteur Co

Il traverse actuellement une période où , malgré un abandon momentané de ses attirances « halakhiques » , dans son souci exagéré d’éliminer les excès de table auxquels il s’est laissé aller ces derniers temps , il a décidé d’ajouter à son régime amaigrissant qui le rend parfois excessif , un jour de jeûne respecté de tous vu son attachement à l’histoire de son peuple et à son sincère désir de manifester sa solidarité totale , soucieux de mener par cette voie ce combat qu’il juge nécessaire même s’il le sait déjà compromis .

Chère Lyne , chère Coleen , tu as sans doute compris que je ne pouvais précédemment te raconter la scène qui va suivre vu le risque d’une longueur future qui risquerait d’en empêcher la compréhension totale ; aussi je m’empresse de t’en décrire l’essentiel :

J’arrive donc ce jour-là à son domicile et d’emblée me saute aux yeux une bizarrerie jamais remarquée à ce jour : chaque jeûne , et cela est bien connu depuis l’apparition de cette notion dans le milieu médical , a pour effet de voir , à des degrés et des rythmes différents , selon les individus bien évidemment , un rétrécissement de l’organisme lié au manque de substance nutritive . Dans certains cas , d’éminents chercheurs ont remarqué avec un niveau de certitude qui va se confirmant , que cet état peut fréquemment se constater à l’œil nu . L’individu , en temps normal , rapetisse progressivement , sans que cela transparaisse pour un observateur non averti .

Combien de fois m’a-t-il fallu retirer mes verres myiopiques pour observer ce phénomène !

J’étais donc installé face à lui devant le grand sofa où il se plaisait tant à se délasser et , contrairement à toute attente , je vis soudain un de ses membres , le bras gauche ou le droit je ne sais plus trop tant la surprise fut grande , prendre des proportions anormales , une hypertrophie inattendue aussitôt suivie d’un regard furtif de va et vient allant de la porte d’entrée qui se trouvait face à lui , au téléphone dont il était si fier d’en avoir obtenu l’installation après ces mois d’attente du miraculeux engin .

Quoi d’étonnant à cela ? peut-être attendait-il une visite , un appel ? peut-être ma présence le gênait-elle ?

Mais ma surprise alla grandissant lorsque je remarquai qu’un seul de ses deux yeux se mettait à prendre une allure globuleuse comparable – t’en souvient-il – à ceux de cet acteur de génie qu’était Peter Lorre dans « M. le maudit » , ce foudroyant chef-d’œuvre de Fritz Lang ( savais-tu qu’il était juif lui aussi ? ) .

J’interromps juste un instant Coleen , juste un instant .

Moi qui ai lu cette lettre maintes et maintes fois , moi aussi j’ai soudain envie d’interrompre sa lecture , d’essayer de revivre un temps , en m’isolant des bruits et des tourments de la Grande Ville , d’essayer de revivre un temps que je n’ai pas connu et d’où s’éloigne instant après instant l’espoir de le connaître un jour .

Quand et pourquoi et pourquoi et comment cette insistance à dévoiler cette histoire ?

Et ce désir pressant de retrouver un peu au moins de cette intimité secrète et pudique qui m’accompagnait jadis…..

Le téléphone sonne .

Il bondit sur l’appareil et là , de la façon la plus attendue – et j’imagine combien malgré ta méconnaissance de l’anatomie humaine tu dois pouvoir aisément anticiper la suite – c’est au tour de l’OREILLE .

Ainsi tu dois essayer de m’imaginer face à lui , déformé , capable avec son œil resté intact et son oreille normale de poursuivre aimablement sa conversation avec moi alors qu’avec son oreille difforme il écoutait si attentivement ce que formulait son interlocuteur ; que son œil hyper-sphéroïdal poursuivait une folle course qui par moments s’interrompait brutalement sur un point mystérieux du mur d’en face faisant penser qu’il pouvait receler la clé de cette immense énigme .

Soudain j’ai peur , peur vraiment , sans fantaisie aucune ; comme une soudaine interrogation qui a tant de mal à être formulée , une question silencieuse qui m’empêche de livrer la fin de ce texte qui me hante , qui m’obsède .

Je sais profondément que j’oserai ; plus tard , juste un peu plus tard .

Merci .

Bernard Sberro

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Bernard Sberro

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