Voici le texte
intégral de la lettre envoyée le 27 novembre 2000 sur Harissa.com (site des Juifs
tunisiens), en début de réponse à la campagne déclenchée contre moi par certains
étudiants (à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis) et certains
avocats, tous proches des milieux nationalistes arabes, fondamentalistes et gauchistes
(version « khmer rouge », qui nont de gauche que le nom) et qui
mont « reproché » davoir qualifié les Juifs tunisiens de
« parfum de la terre » (article écrit avant février 2000 (entre décembre
1999 et janvier 2000).
Personnellement, je vois deux motifs cachés au déclenchement de cette
campagne :
- La confusion dramatique que ces courants opèrent entre juifs tunisiens et
Israël ;
- La colère déclenchée dans ces mêmes milieux par un article que jai
écrit dans « Réalités », (hebdomadaire paraissant à Tunis) fin août
dernier (bien avant le déclenchement de lIntifadha dEl Aqsa) et dans lequel
je donnais ma position sur le Tatbî ou normalisation avec Israël. Ce qui a dû
être particulièrement insupportable dans mon article, cest que :
- Je qualifiais une certaine normalisation (celle qui affaiblit la position des
Palestiniens) de trahison, au sens de coup de poignard dans le dos et que
lobjectif pour lequel je milite est celle qui favorise la « connaissance de
lautre » ou « taârof » (terme puisé dans le Coran :
« nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous vous connaissiez
les uns les autres ») comme moyen de réduire les obstacles devant la paix (juste et
durable).
- Je ne cachais pas mes contacts avec le camp israélien pour la paix, notamment
ma rencontre avec Shimon Peres en 1994. La paix pour moi impliquant, avant tout,
lapplication stricte des accords dOslo et des résolutions onusiennes sur le
conflit israélo arabe, celles là mêmes qui avaient décidé les
Palestiniens à accepter la « paix des Braves », selon lexpression
chère au Président Arafat.
- Que le véritable objectif dans le camp arabe devrait être le respect de
lindépendance de la décision palestinienne (combattue depuis toujours et
avec acharnement ! par le camp « progressiste » arabe qui continue
à traiter le Président Arafat de traître) et non pas cette diversion sur la question du
tatbî ou normalisation, (campagne déclenchée contre moi en novembre 2000, suite
à la « découverte » de ma lettre sur le site harissa.com par un avocat
tunisien plutôt effacé mais qui sest découvert des vertus de délateur et qui a
profité de sa position denseignant dans une faculté de Tunis pour distribuer
ladite lettre à des étudiants, ce qui en dit long sur son éthique
professionnelle !).
- Que le traitement de la question de nos rapports avec les Juifs devait
impérativement évoluer, notamment par labandon de notre « ignorance »
de lholocauste (condition majeure pour que les Juifs commencent eux mêmes à
réaliser linjustice historique quIsraël a causée aux Palestiniens) et par
lattachement à nos propres valeurs de tolérance, ancrées dans nos traditions.
Texte intégral de cette lettre :
« Mes très Chers (je madresse à des amis sur Internet),
Ce matin, les étudiants de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis ont
organisé une assemblée pour demander de boycotter mon cours. Leur argument: un article
que j'ai écrit il y a quelques mois (ou plus) à l'adresse des Juifs de Tunisie que j'ai
qualifiés de "parfum de la
terre".
Manifestement, ces étudiants - très probablement manipulés - pensent être tombés sur
un gros gibier en cette période critique de la lutte du peuple palestinien confronté à
la féroce réplique israélienne.
Manifestement, ces étudiants confondent (ce qui n'est pas nouveau chez nous) entre Juifs
tunisiens (que je continue de qualifier de parfum de la terre!) et Israël.
Evidemment, compte tenu de ce niveau, je n'irais pas jusqu'à leur suggérer qu'en Israël
même, il y a des citoyens qui se solidarisent des Palestiniens (Cf le Monde diplomatique,
novembre 2000) et que le Président Arafat (que les milieux qui leur ont suggéré cette
action contre moi détestent!) vient - en pleine Intifada - de traiter Léah Rabin de
"soeur".
Evidemment, la culture politique qui anime ces étudiants n'a pas de référence dans
l'Islam dont le Prophète Mohammed mettait en garde tous ceux qui auraient un comportement
agressif contre les Gens du Livre. Pourrait-ils se réclamer de l'esprit de tolérance du
Calife Omar Ibn al Khattab; de Mehrez Ibn Khalaf - Saint patron de Tunis (Soltane al
Madina) qui protégeait les juifs; du Skaykh al Akbar, Mohieddine Ibn Arabî; de l'Emir
Abdelkader d'Algérie qui, dans son exil de Damas, demandait du Gouverneur turc -et
obtenait de lui- l'arrêt des massacres contre les Chrétiens; du Sultan Mohamed V qui
-face à la répression de Vichy -fit entrer les Juifs dans son propre palais? et j'en
passe!
Quel monde arabe que celui qui renie ses valeurs de tolérance? Comment peut - on
confondre encore entre Juifs de nos pays et Israël? Comment peut - on avoir de la
sympathie pour Adolf Hitler ou même pour Roger Garaudy qui a refait la comptabilité du
génocide nazi. Heureusement qu'il se trouve un homme politique maghrébin (l'algérien
Béchir Boumaaza) pour le ridiculiser.
Quel monde arabe qui ne comprend pas (ou feint de ne pas comprendre) que le qualificatif
de "parfum de la terre", attribué aux juifs veut tout simplement dire que leur
présence dans un pays veut dire qu'il y a de la tolérance. Je disais à qui voulait bien
m'entendre qu'un pays qui perd ses minorités (juifs et autres) est un pays qui entre dans
une phase d'intolérance et donc de répression.
Par ailleurs, je dirais à ces mêmes personnes que la lutte du peuple palestinien n'a que
faire de ces réactions primaires. Qu'ils écoutent le Président Arafat, qu'ils écoutent
Marwan Barghouti (chef du Fatah en Cisjordanie et figure de cette 2ème Intifada). Que la
marine israélienne bombarde les civils palestiniens, cela n'a rien d'étonnant et n'est
pas nouveau. Mais que les manipulateurs de ces mêmes étudiants se calment: nos frères
palestiniens qui jouissent de la légitimité combattante ne feront jamais la même chose.
Evidemment ce ne sont pas eux qui ont fait exploser un bus scolaire israélien à Gaza.
Ils sont trop fiers et
suffisamment courageux pour ne pas céder à ce genre de forfait. Eux ils s'attaquent aux
soldats en armes, les mains nues et c'est là la bravoure.
Quant à ceux qui en sont encore à confondre en juifs tunisiens et Israël, il faudrait
leur demander de changer de références. Les meilleurs sont ceux qui combattent pour la
liberté, comme les Palestiniens pas ceux qui ont toujours tiré dans le dos des de ces
derniers au nom de je ne sais quelle surenchère progressiste.
Pour le moment, ce qui compte le plus, c'est de soutenir réellement le peuple palestinien
dans sa lutte légitime et ne pas essayer de créer des diversions en s'attaquant à ceux
qui ont grandi dans l'esprit et la pratique de la libération nationale. Ceux qui étaient
et demeurent aux premières lignes du combat pour la liberté. Celui - là même que les
Palestiniens mènent aujourd'hui.
Quant aux Juifs tunisiens - qui ne sont pas moins tunisiens que nous! -ils continueront à
être le parfum de cette terre! »
Slaheddine Ben Abid
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