On ne peut que s'incliner devant la virtuosité de Yasser Arafat. Ayant obstinément
refusé, pendant près deux de deux ans, les conditions de paix généreuses que lui
proposait Ehud Barak, ayant obtenu, grâce à cette obstination, des concessions encore
plus étendues, il fait aujourd'hui mine de fléchir, de s'adoucir, de céder, et il y a
gros à parier qu'il finira par signer un accord aux termes équivoques - une nouvelle
Déclaration de principes, dit-on déjà - vers le 15 ou le 20 janvier, quelques jours ou
quelques heures avant que Bill Clinton ne quitte la Maison Blanche, ou même vers le 1er
février, à la veille des élections israéliennes.
Son calcul est limpide. Cet accord, pense-t-il, ne sera jamais appliqué.
Mais la non-application de l'accord n'entraînera pas pour autant, l'annulation des
concessions qu'Israël y aura formulées : le juridique, en l'occurrence, s'efface devant
le psychologique et le médiatique. Une fois qu'un premier ministre israélien, même
démissionnaire, même désavoué par son opinion, aura capitulé sur tel ou tel point,
les futurs premiers ministres israéliens ne pourront remettre ces capitulations en
question sans apparaître comme des extrémistes et des parjures. En d'autres termes, les
Palestiniens auront tout obtenu sans rien donner de leur côté. Du très beau travail
diplomatique, en vérité, digne de figurer dans les annales.
Le principe même d'une paix de compromis ou d'un repli n'est assurément pas, en soi, à
rejeter. Mais il en va en géopolitique comme au poker ou aux échecs : certaines cartes
ou certaines pièces sont décisives, et qui les perd, perd le jeu. Ce n'est pas un hasard
si la revendication palestinienne, aujourd'hui, porte avant tout sur le Mont du Temple et
le droit au retour des réfugiés de 1948. En arrachant le site du Temple, Arafat
anéantit la légitimité profonde, essentielle, du mouvement sioniste : le retour des
juifs dans leur patrie biblique. En arrachant la reconnaissance d'un droit au retour même
partiel des réfugiés, et donc d'une responsabilité d'Israël dans l'exode palestinien,
Arafat anéantit la légitimité d'Israël en droit international.
La question de Jérusalem a beaucoup été débattue sur cette radio. Examinons de plus
près, si vous le voulez bien, celle des réfugiés. Elle tient en quatre idées-force.
La première, c'est que la responsabilité de la première guerre israélo-arabe, en 1948,
et des exodes qui en ont résulté incombe aux Etats arabes, qui ont rejeté les solutions
pacifiques présentées par l'Onu puis procédé à l'invasion de la Palestine et à une
agression contre Israël.
Deuxième idée-force : les exodes ont touché les juifs autant que les Arabes, sinon
plus. Là où les Arabes ont été vainqueurs sur le terrain en Palestine, à
Jérusalem-Est et dans le Goush-Etzion, tous les Juifs ont été chassés. Dans le reste
du Moyen-Orient, le conflit israélo-arabe a eu pour conséquence l'exode de la
quasi-totalité des juifs vivant dans les pays
arabes ou musulmans. Les deux tiers de ces réfugiés juifs se sont installés en Israël,
tandis que les autres gagnaient principalement la France, l'Italie, le Canada et les
Etats-Unis.
Au total, on dénombrait 650 000 réfugiés arabes de Palestine en 1947-1949.
En regard, on compte 900 000 réfugiés juifs du monde arabe et islamique, dont 600 000 se
sont établis en Israël.
Troisième idée-force. L'Onu n'a pas accordé d'aide spéciale aux réfugiés juifs du
monde arabe. Ceux-ci ont été intégrés en Israël ou ailleurs avec l'aide des
gouvernements d'accueil. En revanche, une aide internationale a été accordée dès 1948
aux réfugiés arabes de Palestine. Calculée sur des critères occidentaux, elle se
traduisait, pour les bénéficiaires, par des éléments de niveau de vie supérieurs à
ceux d'une partie de la population des régions d'accueil, notamment en matière
alimentaire, médicale et scolaire. Cela ne pouvait manquer de susciter l'intérêt de
nombreux non-réfugiés, qui se sont donc inscrits auprès des services de l'Onu. En
septembre 1949, on dénombrait déjà 1 million de réfugiés palestiniens, soit 40 % de
plus qu'en janvier de la même année. En 1950, il était question de 1,2 ou 1,3 million
de réfugiés, soit une augmentation de 100 % par rapport au chiffre initial. L'Onu a
cessé, à cette époque, de procéder à des recensements.
On compte actuellement 3 millions et demi de réfugiés palestiniens officiels, toujours
reconnus et assistés par l'Onu : la plupart d'entre eux ne sont que les enfants ou les
petits-enfants des 650 000 réfugiés de 1948 ou des quelque 600 000 non-réfugiés qui
s'étaient joint à ces derniers. Un million et demi des titulaires actuels du titre de
réfugié palestinien sont citoyens jordaniens. Un million 300 000 d'entre eux sont
citoyens des Territoires autonomes palestiniens. Selon tous les critères appliqués aux
autres personnes déplacées dans le monde, c'est évidemment un pur abus que de qualifier
ces deux millions huit cent mille personnes de réfugiés ou de personnes sans patrie.
En outre l'on appliquait le calcul employé pour les réfugiés palestiniens en faveur des
réfugiés juifs du Moyen-Orient (réfugiés d'origine plus descendants), il faudrait
parler actuellement de 4 millions et demi de réfugiés juifs, dont 3 millions vivent en
Israël et 1 million et demi en
Occident.
Quatrième idée-force. De très nombreux exodes ont eu lieu entre 1948 et 2001. L'exode
palestinien est le seul qui a fait l'objet d'une aide internationale aussi importante et
aussi prolongée. Les réfugiés palestiniens sont les seuls dont la condition ait été
sacralisée et
proclamée héréditaire de père en fils. Et ce sont également les seuls à propos
desquels on invoque, cinquante-deux ou cinquante-trois après les événements, un droit
au retour. Ce droit n'est pas invoqué, en Europe, pour les 25 millions d'Allemands
descendants des réfugiés de 1945, ni, en Asie, pour les 75 millions de descendants des
réfugiés de l'Inde et du Pakistan de 1947, ni, en France, pour les 3 millions de
descendants des rapatriés chrétiens, juifs et musulmans venus d'Afrique du Nord en 1962.
La conclusion s'impose d'elle-même. Loin de procéder à des concessions sur la question
des réfugiés, Israël doit au contraire faire de l'extinction totale et immédiate de
cette question le préalable à tout accord de paix.
Le premier ministre qui sera élu le 6 février aura-t-il le courage d'agir ainsi ? Nous
le saurons bientôt. Et ce sera un test fondamental.
Diffusé sur RCJ le 7 janvier 2001.
(c) Michel Gurfinkiel, 2001.
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