Antisionisme : Vers l'union sacree? par Menahem Mecina

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ANTISIONISME : VERS « L'UNION SACREE » ?

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Par Menahem R. Macina

Depuis le déclenchement de l'Intifada II, c'est peu dire que l'image d'Israël est mise à mal dans l'opinion internationale, et force est de reconnaître que rarissimes sont les voix non juives autorisées qui s'élèvent pour s'indigner des calomnies et des accusations outrancières dont l'Etat juif est la cible.

La réputation d'Israël serait-elle devenue si indéfendable, que ses alliés d'hier, voire ses amis, se détournent ostensiblement de lui en ces heures difficiles ? Toujours est-il que le tribunal de l'opinion internationale a rendu son verdict dans le divorce, dramatiquement médiatisé, du couple éphémère Israël-Palestine. Il donne tous les torts à l'époux - Israël -, réputé abusif et brutal, tandis que l'épouse - Palestine -, qu'on affirme battue et honteusement exploitée, se voit gratifiée d'une 'pension alimentaire' exorbitante. Jugez plutôt : 4 à 5 millions de réfugiés à indemniser ou intégrer au sein de l'Etat d'Israël, avec en prime la cession de la capitale tri-millénaire des Juifs - Jérusalem, rebaptisée Al-Quds (la Sainte) pour les besoins de la cause, puisque, comme chacun sait, elle appartenait aux ancêtres des Palestiniens : les Philistins (Palestine se dit 'Phalestin', en arabe).

Et comme si cet ostracisme politique n'était pas suffisant, voici que se manifestent les signes avant-coureurs d'une « Union sacrée » [1]. Des voix chrétiennes de plus en plus nombreuses se joignent au chour des imprécateurs antisionistes. Exagération, paranoïa ? - Hélas non. Qu'on en juge.
A la mi-décembre dernier, paraissait, dans un nouveau média de Jérusalem, intitulé Intifada, une caricature représentant une croix sur laquelle est clouée une toute jeune fille, qu'une inscription en arabe au-dessus de sa tête désigne comme étant « Palestine ». Son flanc est transpercé par une flèche gigantesque ( lourd rappel du coup de lance par lequel un soldat romain avait donné l'estocade à Jésus) dont la pointe est ornée de l'emblème du drapeau israélien, et l'empenne, de celui du drapeau américain.

Mais il y a plus grave. Deux stéréotypes antisémites, d'origine chrétienne, sont ici mis en scène. Le premier s'origine à l'expression traditionnelle de prise de responsabilité, émise par un groupe de juifs : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants! ». Considérée plus tard comme une auto-malédiction et utilisée de manière polémique par les chrétiens, elle a eu des effets dévastateurs et donné naissance au mythe pseudo-théologique du « peuple déicide et maudit », qui a fait partie de l'enseignement de l'Eglise jusqu'en 1965, et à sa version laïcisée : « le Juif errant ».

Second stéréotype : celui du crime rituel. Selon cette calomnie populaire meurtrière, les juifs auraient coutume d'assassiner d'innocents chrétiens pour boire ensuite leur sang au cours de cérémonies secrètes aux rites blasphématoires. Combattu par l'Eglise, dès son apparition, au Moyen-Age, ce thème fantasmagorique n'en a pas moins connu une fortune immense. On le retrouve jusqu'aux débuts du XXe siècle, popularisé par la forgerie littéraire des « Protocoles des Sages de Sion », pamphlet accusant les juifs d'ourdir un complot planétaire pour dominer le monde. Il est régulièrement remis en course, de nos jours, dans la presse arabe.

Au pied de la croix, un trio judaïque au faciès caractéristique - mâchoire et bouche simiesques, appendice nasal busqué et démesuré à souhait -, sur lequel retombe le sang de 'Palestine', l'innocente victime. Clin d'oil du dessinateur en direction des chrétiens, comme pour dire : « Vous voyez, la Passion du Christ se rejoue. Les Juifs ne changeront jamais. La malédiction du 'déicide' les poursuit, et le sang que jadis ils appelaient sur leurs têtes retombe sur eux aujourd'hui pour ce nouveau crime : le 'génocide' du peuple palestinien ! ».

Concluons par cet extrait d'une 'prière' publiée dans le même média :

« Mon Seigneur, le Trahi. qui fûtes trahi par le méprisable baiser de trahison, descendez vers nous des tours du ciel. Faites que nos jeunes entrent maintenant par la Porte de Damas en chantant leurs psaumes et en parcourant la Via Dolorosa. Mais ils ne tendront pas l'autre joue; au contraire, ils arracheront la croix de leur dos et jetteront à terre leurs couronnes. Ils lèveront les yeux au ciel . à la gloire du liquide [sorti] du cour [de Jésus], qui lave la Via Dolorosa de la poussière des soldats [israéliens] qui marchent seuls vers le Golgotha. Ô Fils de la Vierge, ils ne peuvent triompher de vous deux fois ! .»

On se fût attendu à ce que le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Sabbah, se
désolidarisât de cette ignominie, même si, à l'évidence, il n'y était pour rien. Or, non seulement il ne l'a pas fait, mais il n'a pas craint de reprendre à son compte, dans son homélie de Noël, une calomnie journalistique locale, selon laquelle l'armée israélienne « bombarde » les églises palestiniennes.

Mais le mal n'est pas circonscrit à la Palestine : il gagne nos régions et n'épargne pas la presse catholique. Il suffit de feuilleter un numéro récent d'Okapi, revue populaire, éditée par le groupe Bayard et destinée aux jeunes catholiques. Titre de couverture : « La Palestine pourquoi ? », illustrée par la photographie dramatique d'un enfant vu de dos, faisant face à une énorme masse de flammes et de fumée, et s'apprêtant à lancer une pierre de sa main gauche, tandis que l'index et le majeur de sa main droite dessinent le V de la victoire. Suivent 11 pages racoleuses uniquement accusatrices d'Israël, comme en témoignent les titres de chacune des parties du 'reportage' dont le titre générique est : « Les raisons de la colère » : « Raison 1 : Jérusalem, la ville confisquée » - « Raison 2 : Les colonies s'installent partout » - « Raison 3 : Les frontières sont leurs prisons » - « Raison 4 : L'eau n'est pas à tout le monde » - « Raison 5 : Que vont devenir les réfugiés ? » La parole, comme on s'en doute, n'est pas donnée à l'accusé.

On frémit en pensant aux conséquence de ces germes d'antisionisme, semés dans d'aussi jeunes consciences. Auront-elles assez d'anticorps de discernement et de justice pour résister à la résurgence des épidémies d' antisémitisme dont de nombreux cas sont déjà signalés partout dans le monde?

Deux autres exemples. Le nouveau patriarche d'Antioche des grecs-melkites catholiques n'a pas craint affirmer récemment, dans un discours prononcé devant le pape : « On ne peut pas permettre à un seul peuple de troubler la paix et l'équilibre d'un si grand nombre de pays arabes, d'y semer les guerres et la haine, de les ruiner économiquement, et d'ainsi mettre la présence chrétienne en danger ». Quant au mufti de Jérusalem, il a pu, sans être désavoué par quelque autorité, laïque ou religieuse, affirmer au reporter du Spiegel qu'il « n'y a pas, à Jérusalem, une seule pierre qui témoigne d'une présence juive et encore moins de l'existence d'un Temple juif ».

A la lumière de ces faits inquiétants, il est grand temps que les chrétiens se souviennent de la parole de leur apôtre Paul : « Ce n'est pas toi qui portes la racine (les Juifs), mais la racine qui te porte ».
Ils devraient y prendre garde : si cette racine est arrachée de son terreau natif - la terre d'Israël, et de sa matrice religieuse - Jérusalem, ils le seront avec elle, et la mort de l'« olivier franc » entraînera le dépérissement des branches qu'ils sont, eux, les païens de jadis greffés sur lui.

Qu'ils se ressaisissent donc et fassent leur l'exclamation de Dieu Lui-même: « Qui vous touche, touche à la prunelle de mon oeil ! » (Zacharie 2, 12)

© M.R. Macina pour CJE
CJE - Chretiens & Juifs pour un enseignement de l'Estime" <cje@pi.be>

[1] Allusion à la réconciliation, entre les anticléricaux et les catholiques
qui avaient bravement combattu côte à côte, lors de guerre de 1914.

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