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LE WEB DES JUIFS TUNISIENS

 

Au nom de la République, au nom d’Abraham

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A l’heure où la bête de l’Apocalypse se déchaîne au Proche Orient et risque de distiller ses venins jusque dans notre cher pays de France, cher à nos trois cœurs de métèques, à l’heure ignoble où, en plein Hexagone, brûlent des sanctuaires et luisent les lames à la sortie des écoles, nous, soussignés, crions « halte là » à la haine.

Nous ne présumons pas de la force de ce cri : mais ce cri, nous ne pouvons plus le retenir.

Nous le crions à l’unisson : trois voix de citoyens français , frères dans la République ; trois voix de fils du Livre, puisque chacun d’entre nous a été abreuvé à l’une ou à l’autre des traditions issues de la même source spirituelle : la juive, la chrétienne et la musulmane.

Et ces trois cris disent deux fois « no pasaras » à la haine : une fois au nom de la République ; une autre au nom d’Abraham.

Il n’y a pas de place dans la République pour les affrontements intercommunautaires, ni d’ailleurs pour les comptes et décomptes identitaires, quotas, discriminations positives ou négatives, virulents ou doucereux précurseurs de la dissolution du lien social. La citoyenneté est ce qui nous rassemble et non ce qui nous sépare. La Nation ne doit voir en nous que des personnes, mues par leur libre arbitre, adhérant aux mêmes valeurs et respectant la même loi. Nous ne voulons pas être des membres interchangeables de tribus non miscibles aux intérêts inconciliables.

Nous, le juif, le chrétien et le musulman, viscéralement attachés à la laïcité, chérissons nos traditions respectives mais entendons les préserver là où elles adoucissent nos âmes. Ne les laissons pas déborder dans la Cité et régir notre espace social, là où elles nous opposeraient.

L’histoire nous a en effet trop appris que le nom du Très Haut (et, pour les athées, ses substituts révolutionnaires) pouvait être un magnifique alibi de massacre. Le Malin n’est jamais plus diabolique que lorsqu’il revêt l’habit de l’Idéal à accomplir, de la Pureté à restaurer et de la Justice à rendre. Que de Saint-Barthélémys, de Djihads, de pogromes et de croisades perpétrés sous de pieuses bannières…

La République, nous avions follement espéré qu’elle nous immunisait contre l’empoignade intercommunautaire. Les Lumières, pensions-nous, avaient érigé une digue contre l’intolérance, contre le sombre instinct de souder un « nous » en brûlant l’autre. Ce rempart pourrait céder aux passions venues d’outre-temps, d’outre-mer et d’outre- raison.

Consolidons la digue. Faisons les piqûres de rappel. Nos immunités s’affaiblissent. Le flot des pulsions génocidaires commence à battre nos murs.

Le moins que nous puissions faire est d’éviter toute complaisance envers les affirmations agressives d’appartenance, les ostentations identitaires, les solidarités trop « naturelles », la division trop simple entre bons et méchants. Evitons aussi l’invocation pleurnicharde de préjudices historiques appelant à repentance l’indigène hexagonal et attribuant une rente de situation aux descendants patentés des victimes. Les torts historiques : façon barbare d’imputer au fils la responsabilité du père, éternel prétexte de toutes les vendettas.

Mais nous, le juif, le chrétien et le musulman rejetons encore la haine inter-religieuse au nom de la religion elle-même.

Si, en laïcs convaincus, nous ne sommes pas des défenseurs enthousiastes du catéchisme à l’école, nous pensons cependant qu’il ne faut plus faire l’impasse sur notre mémoire spirituelle collective. Nous souhaitons à nos enfants, à tous les enfants, que Moïse, Jésus et Mahomet ne soient plus des étrangers. La laïcité ne doit pas être l’antireligion. Qu’ils retiennent au moins ce fait que même nos dignitaires religieux respectifs oublient trop souvent de rappeler : juifs, chrétiens et musulmans reconnaissons le même Dieu. Celui d’Abraham. Celui dont le messager souriant, Gabriel (Gibraïl), apparaît dans la Thora, l’Evangile et le Coran. C’est le sourire de l’archange qui lie les trois parties du Livre. Ce Livre qui, selon leurs propres termes, n’a pas été déchiré mais complété par le Messie du christianisme et le prophète de l’Islam. Ce rappel sera peut-être de nature à rapprocher les cœurs de nos gosses et à apaiser les passions dans les petites têtes brunes ou blondes.

Impies sont donc ceux qui détruisent, souillent ou mitraillent les sanctuaires où devraient prier ensemble les fils d’Abraham. Impies ceux qui effacent le sourire de l’Ange de Reims. Impies les intégristes et les inquisiteurs. Sacrilège, comme disait la grand-mère aragonaise de l’un d’entre nous celui qui crache au visage d’un juif, car c’est cracher au visage de Marie

Au nom de la République…Au nom d’Abraham : serrons les rangs.

 

Alain Mamou-Mani, chef d’entreprise, co-auteur des « Dix commandements » chez Albin Michel

Jean-Eric Schoettl, Conseiller d’Etat

Zaïr Kedadouche, Président de l’Association Intégration France

 


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