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Bruxelles embarrassé par la plainte contre Ariel Sharon

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par Jean-Pierre Stroobants, le Monde

Bruxelles -- Le gouvernement belge ne peut plus cacher son embarras après la plainte déposée récemment, à Bruxelles par vingt-trois personnes d'origines palestinienne et libanaise contre le premier ministre israélien, Ariel Sharon (Le Monde du 20 juin). Se fondant sur la loi de 1993, revue en 1999 et dite "de compétence universelle", qui permet de poursuivre les auteurs
d'actes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, ces rescapés des massacres commis, en 1982, dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila se sont
constitués parties civiles. Le parquet de Bruxelles, muet jusqu'à maintenant, va devoir statuer sur la recevabilité de cette plainte.

Très en pointe dans le combat contre l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet et certains auteurs du génocide rwandais, la diplomatie belge avait apparemment voulu éviter le piège qui
la menace aujourd'hui. Début juin, Louis Michel, le ministre des affaires étrangères, avait en effet indiqué qu'il convenait de revoir l'arsenal législatif qui avait permis à la Belgique de mener des actions à haute valeur symbolique.

A l'évidence, le gouvernement belge cherche désormais une échappatoire et va tenter d'éviter l'inculpation du premier ministre israélien. "Vous nous voyez gérer une crise pareille ? Nos homologues fulminent déjà !", s'écrie un diplomate, sous le couvert de l'anonymat. Un correspondant de la presse belge en Israël rapporte ce commentaire du porte-parole de M. Sharon
: "Les Belges feraient mieux de s'occuper des crimes qu'ils ont commis au Congo"...

Comment réformer la loi de "compétence universelle" ? Louis Michel plaide l'obligation de continuer à "dissuader et faire justice". Il souligne toutefois "la nécessité d'éviter les abus, de lever tout soupçon sur les poursuites et les procédures, d'écarter les plaintes de mauvaise foi ou non fondées". Un projet de réforme, discuté avec des spécialistes du droit international, est en préparation. Il devrait revoir les conditions d'application de la loi et confier notamment à un collège de magistrats, plutôt qu'à un seul juge, la compétence d'examiner la recevabilité des plaintes.

Ce projet ne fait pas l'unanimité des juristes. "En quoi un collège de magistrats changera-t-il quelque chose ? Pourra-t-il estimer, par exemple, que le dossier de Sabra et Chatila n'est pas "fondé" ?", se demande Pierre d'Argent, professeur à l'Université catholique de Louvain (UCL).

Il est de ceux qui s'interrogent ouvertement sur le fond de dispositions qui permettent, en principe, d'inculper des responsables politiques, même s'ils ne sont pas sur le territoire
belge et qu'ils soient, ou non, en exercice. "Imaginons qu'on révise uniquement la forme de la loi : si la Belgique inculpe, par exemple, M. Sharon lorsqu'il ne sera plus premier ministre.
Evitera-t-elle pour autant l'incident diplomatique qu'elle paraît vouloir écarter aujourd'hui ?", dit encore M. d'Argent.

© Le Monde, 21.06.2001.

 


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