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Du respect pour le Proche-Orient

 

 

Du respect pour le Proche-Orient

Par Daniel SIBONY
Daniel Sibony est psychanalyste.

Libération, mercredi 02 janvier 2002


«L'épisode que nous vivons n'est pas une politique du pire, c'est un apprentissage de paix.» Avec les attentats-suicides, il y a en Israël, outre la peur, de la haine; avec les ripostes israéliennes, il y a chez les Palestiniens, outre la haine, de la peur. Il est vrai que ces deux affects, haine et peur, ne changent pas les protagonistes: ils sont en guerre, ils feront la paix un jour, sauf si leur guerre «originale» ou d'origine est vouée à être éternelle, auquel cas elle mériterait de la part des tiers du respect: comme si ces deux peuples héritaient d'une dissension de l'humain, radicale voire insoluble. Mais on n'en est pas là. Et la réaction ici est plutôt d'utiliser ce conflit pour écluser des haines aussi insolubles (liées à l'humaine condition? Allez savoir). Cet aspect des choses touche à des questions cliniques: comment l'affect infléchit la pensée jusqu'à la faire tourner en rond? Et, en même temps, sans affect, peut-elle même se mouvoir?

L'occasion m'a été donnée d'entendre les deux «sons de cloche» en même temps. Je feuilletais le journal du soir, avec sa suite rituelle d'articles violents contre Israël. Et, près de moi, un ami américain lisait son Herald Tribune, un antidote, semble-t-il. Je lisais des propos d'«historiens»: «Le sionisme s'est installé dans cette partie de la planète à une époque où rien n'était plus "normal" que de prendre les terres d'autrui.» J'imaginai un gang sioniste devant un globe, cherchant puis pointant l'endroit: «Ce sera là!» Et toutes les âmes qui pendant trois mille ans ont gémi pour être là, dans ce coin, se réjouissant: «Quel heureux hasard!...» Puis je lus l'article d'un stratège, expliquant le «logiciel» de la conduite américaine («logiciel»? Ce sont des ordinateurs? Ces Yankees ne peuvent pas avoir une logique...): on aurait cru, dit-il, que les Américains feraient céder Israël pour «compenser l'excès de "victoires militaires" sur les Arabes et les musulmans». On l'aurait cru, mais voilà: «On s'est trompé», dit-il aigri.
Pourtant, c'eût été «raisonnable» et «stratégique» (le monsieur est professeur de stratégie): lâcher Israël contre l'Afghanistan... Or c'est le genre de chose que les Américains ne font pas. C'est même en quoi ils nous semblent «naïfs»... L'Europe, elle, saurait faire ce genre d'échange; mais voilà, par un étrange effet de justice, elle est hors jeu dans ce conflit du Proche-Orient, elle n'a rien à «échanger».

Le voisin américain voit mon amertume: «Ecoutez, dit-il, ces gens là-bas sont en train d'apprendre à vivre ensemble en se tapant dessus, il faut leur
laisser du temps.» Puis, après une pause, il lança: «Le jour où il y aura un Etat palestinien, des intégristes voudront sûrement en découdre un peu plus avec l'ennemi, lancer de temps à autre un kamikaze ou quelques tirs de mortier, juste pour dire leur mal de vivre... Eh bien, avec ces ripostes, ils apprennent que ce sera vraiment impossible. Donc l'épisode que nous vivons n'est pas une politique du pire, c'est un apprentissage de paix.

Peut-être, rétorquai-je, mais pourquoi frapper l'Autorité palestinienne qui condamne les attentats?

Et qui vous dit qu'il n'y a pas un partage du travail entre elle et le Hamas? Celui-ci serait chargé de saigner les juifs, de les démoraliser, et elle recueillerait les concessions qui s'ensuivraient; tout en "condamnant".
Les deux instances, Autorité et terroristes, sont des frères ennemis qui plus tard s'affronteront, mais jusqu'ici elles ont oeuvré ensemble contre
l'ennemi commun, à des niveaux différents. Et Israël les traite ensemble tant que l'une, l'Autorité, n'a toujours pas arrêté l'autre, les
terroristes...»

Alors je lui montrai le propos du stratège: les Américains risquent de «déstabiliser» plusieurs régimes arabes... Il balaya l'argument: «Ces
régimes expriment l'équilibre du moment entre diverses composantes (nationaliste, moderniste, intégriste...), et vous croyez que les masses
vont "tout casser" pour leurs héros lointains? Surtout après l'épisode Ben Laden?»

En tout cas, le stratège appelle «les opinions occidentales» à «obliger les gouvernements à plus de conscience morale» en termes clairs: à contrer
Israël. C'est pourtant ce que fait notre gouvernement, en gros. Du coup, le stratège ne voulait-il qu'exhaler sa rage contre cet Etat «colonial», Israël, et comme le mot lui semble faible, il ajoute: «Etat d'apartheid» ?

De fait, cela semble plausible: Israël empêche des populations entières de bouger... L'Américain me rabroua: «Mais vous jugez de la situation comme si c'était un temps de paix, or cette région est en guerre! Si des civils sont tués par un kamikaze, quel Etat sensé ne bouclerait pas le coin? Et ne ferait pas des contrôles à tout bout de champ? Vous jugez de ces contrôles comme s'ils avaient lieu chez vous; chez vous, ils seraient intolérables, là-bas, c'est un acte de guerre. Vos médias aussi jouent l'identification: si les Israéliens avaient dix tués par attentat tous les trois jours, ils seraient adorés ici.

Pourquoi trois jours?, dis-je.

J'ai observé que c'est la durée de l'excitation victimophage, une sorte de rémanence rétinienne, ça dure trois jours; après, on ne les "voit" plus.

Admettons, dis-je. Mais à quoi veut arriver Sharon avec cette politique?

A leur montrer qu'il n'est pas dupe de leur division du travail, qu'ils ne peuvent pas gagner sur les deux tableaux en étant à la fois des attaquants, par le Hamas, et des civils que l'on tracasse. C'est une guerre...

Mais l'idée même d'un Etat palestinien s'éloigne!

Non, dit-il, c'est l'idée d'un Etat-tremplin contre Israël qui s'éloigne.
Le jour où il sera clair que cet Etat n'aura pas de composante terroriste et voudra vraiment vivre avec Israël, et non pas lancer contre lui des formules anachroniques de haine du juif, alors il verra le jour.»

Il m'agaçait: «Mais, enfin, casser l'autorité de l'OLP au moment même où on lui demande d'arrêter les terroristes, n'est-ce pas contradictoire?»
Réponse: «Pas plus contradictoire que, pour Arafat, de permettre des attentats, qui semblent parfois sa seule arme, pour ensuite les condamner et promettre d'arrêter leurs responsables. Qu'est-ce qu'un chef qui est censé régulièrement mettre une part de ses troupes actives en état d'arrestation?
Est-il crédible?

Que voulez-vous? Il est tiraillé entre ses politiques, ses intégristes, ses terroristes, l'opinion arabe dure, l'opinion arabe molle, les Américains, les Européens, la partie de ses masses qui veut la paix, celle qui ne renonce pas au mythe... Il n'a plus de place où se tenir.

Eh bien, les Israéliens, loin de dissoudre Arafat, entérinent le fait qu'il est déjà dissous, qu'il n'a pas comme vous dites de lieu où "se tenir", qu'il est "non-lieu". Et eux se contentent de marteler qu'on ne fait pas
chez eux du terrorisme impunément.

C'est un peu court, comme politique, non?

Je pense qu'elle induira dans l'OLP une révision radicale.

Mais vous rendez-vous compte de l'image d'Israël que cela donne ici?...

Vous savez, le malheur des Palestiniens, c'est que leur cause draine avec elle tant de gens passionnés qui s'en servent pour s'épancher et qui n'ont cure des Palestiniens réels, qui eux veulent vivre... Tous ces gens passionnés obtiennent le maximum de ce qu'ils peuvent: rendre l'image d'Israël exécrable; ils y arrivent, mais cela n'apporte rien à ladite cause.
Ça la remet chaque fois au point zéro. Comme si l'histoire était une prof implacable qui lisait la copie et mettait "zéro" sans rien dire. A refaire.

Sharon est quand même un sacré tueur...

Ils le font passer pour tel, et ça leur fait plaisir: quand aujourd'hui des jeunes lisent qu'il est le "boucher" de Sabra et Chatila, ils croient qu'il y a massacré des gens.Or, dans ces deux lieux, des chrétiens du Liban, pour se venger, ont massacré des musulmans qui soutenaient leurs ennemis... Bref, chrétiens et musulmans se sont entre-tués, pourquoi est-ce évident que c'est un juif qui doit payer? Certes, on peut le taxer de bêtise, de ne pas s'être
interposé, mais ce n'est pas un "boucher".»

Quelqu'un près de nous soupira: «Eh bien, il y aura donc encore des kamikazes désespérés...» Là, l'Américain fut cinglant: «Ce que vous dites
est, psychologiquement, une bêtise: ceux qui se tuent pour tuer ne sont pas des désespérés, ils sont formés au nom d'un idéal. Ni ceux qui les
recrutent, ni eux-mêmes ne sont désespérés. Ils constituent une technique singulière de lutte; et, devant eux, ils en trouvent une autre. Il n'y a pas d'arme absolue ni de technique toute-puissante. L'histoire décidera...»

Je restai pensif: bien sûr, si les tiers-témoins renoncent un peu à écluser leurs passions par ce canal, les deux protagonistes ont des chances de
s'«entendre». Mais vu la portée symbolique de ce conflit, vu ses racines dans la question de l'origine, les tiers peuvent-ils y renoncer, et se
calmer? Peu probable. C'est donc l'histoire qui décidera? Mais "qui" est-elle? En tout cas, sa vérité est sûrement entre deux voix.

 


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