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‘islamisation
de l’Intifada, ou le fondement religieux du conflit israélo-palestinien |
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[Cet important texte inédit nous est communiqué par Am Israël Hai avec l’autorisation gracieuse
de son auteur, historien et chercheur.]
Depuis 1997, le processus de paix entamé à Madrid et à Oslo au début des années
90, prévoyant la mise en place d’une “Autonomie palestinienne”, embryon d’État doté
de compétences propres[1] censé déboucher à terme sur la création d’un État palestinien,
s’est progressivement bloqué, l’Autorité palestinienne et l’État hébreux ne
parvenant pas à trouver un point d’entente. Grosso modo: l’Autorité reproche aux Israéliens de
limiter sa souveraineté à un simple transfert de compétences non régaliennes, Tel
Aviv conservant la
possibilité d’agir discrétionnairement en zone sous souveraineté palestinienne, au nom de la
lutte contre les actions terroristes et de la sécurité des implantations juives. Aussi
l’installation de celles-ci dans les zones destinées à passer sous le contrôle de l’Autorité
est-elle perçue comme un véritable casus belli par les Palestiniens. De son côté, la
partie
israélienne rechigne à appliquer, au nom de la “menace terroriste”, les accords
d’Oslo prévoyant la formation de l’État palestinien.
Force est d’ailleurs de reconnaître que s’il constitue parfois un épouvantail
utile permettant aux Israéliens de justifier leur réticence à appliquer les accords de paix,
arrêt permettant plus facilement la poursuite de la politique de colonisation, l’argument sécuritaire
n’est pas pour autant dénué de fondements si l’on étudie de plus près l’attitude
ambivalente de l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat - et de ses forces spéciales ou
alliées (Garde
présidentielle, Force 17, Fatah, Tanzim) vis-à-vis des mouvances islamistes
radicales et terroristes, que le leader palestinien ne peut ni ne veut réellement démanteler,
tablant sur une nouvelle “stratégie de l’embrasement” et sur une islamisation du
conflit, d’où le caractère bien plus religieux de la seconde Intifada, nommée “Intifada Al-Aqsa”, en
référence
à la mosquée “Al-Aqsa” de Jérusalem.
- De l’enjeu symbolique capital de Jérusalem à l’échec des accords de
Camp David
Comme on l’a vu lors du sommet de Camp David II, le statut de Jérusalem
divise non seulement les Israéliens et les Palestiniens, mais également les Israéliens entre eux,
l’un des principaux reproches formulés par Ariel Sharon à son prédécesseur Ehoud
Barak étant d’avoir ”sacrifié” sur l’autel des négociations “l’indivisibilité de Jérusalem”
et abandonné les droits d’Israël sur la partie la plus chargée de symboles, le Mont du Temple.
Jérusalem, mentionnée près de 700 fois dans l’Ancien Testament, commun aux
Juifs et aux Chrétiens, est à la fois le lieu saint par excellence du judaïsme, première
des trois religions abrahamiques, la terre de prédication du Christ et du Saint-Sépulcre, et la
“troisième ville sacrée” seulement de l’Islam après La Mecque et Médine. Les Musulmans
identifient en Jérusalem Al-Qods[2], “la Sainte”, et nomment la “noble
enceinte” - haram Al-Sharif - abritant le Dôme du Rocher et la Mosquée Al
Aqsa “l’Esplanade des Mosquées”. Les Juifs l’appellent depuis toujours
”l’Esplanade du Mont du Temple” puisqu’elle correspond à
l’emplacement exact du premier Temple[3] des Juifs - sur lequel seront
construits près de deux mille ans plus tard le Dôme (qui n’est pas une mosquée)
et la Mosquée Al Aqsa - ainsi que l’affirment les archéologues, ce que nient
les Palestiniens, à commencer par le Grand Mufti de Jérusalem et Yasser
Arafat.
D’après les représentations judaïques et sionistes, telles que formulées
notamment par les partisans d’Ariel Sharon et les milieux juifs-orthodoxes, Jérusalem est la
capitale et l’âme des Juifs du monde entier “depuis le roi David”, c’est-à-dire depuis 3004
ans. La légitimité religieuse fondant le droit à revendiquer ce petit morceau de terre de Jérusalem
est donc en réalité aussi bien judaïque et chrétienne qu’islamique. Aussi le statut de
la ville sainte est-il l’enjeu d’une véritable guerre de représentations symboliques et
spirituelles, le cour d’un “conflit identitaire” (ou “d’antériorité”)[4].
En présentant la visite de M. Sharon du 28 septembre 2000 sur l’Esplanade
comme une ”provocation sioniste”, une “profanation envers l’islam”, la
grande
presse et les milieux philo-palestiniens déformaient par conséquent la réalité à plusieurs égards:
d’abord, ils occultaient la dimension judaïque de l’Esplanade, accréditant la thèse
musulmane selon laquelle il s’agirait d’un site “sacré” exclusivement islamique. Ensuite, ils
reconnaissaient
objectivement la légitimité islamique de la rébellion palestinienne et
faisaient endosser au seul Ariel Sharon la responsabilité de la “nouvelle Intifada. Mais la réalité
est comme toujours moins manichéenne. Premièrement, la visite du “faucon” sur
l’Esplanade avait été agree par le Waqf, l’institution islamique palestinienne gérant l’Esplanade, Ariel Sharon ayant
procédé les années précédentes à la même visite sans qu’il n’y eût
jamais pareilles indignations médiatiques à l’échelle internationale. Il faut également préciser
qu’une manifestation anti-Sharon avait été simultanément autorisée en face de la
visite, ce qui justifiera la venue de 400 policiers sur les lieux et non pas “5000 soldats”
comme dit dans la grande presse[5]. Deuxièmement, l’argument de la “profanation” ne tient
pas dans la mesure où Sharon, peu religieux, ne se mit point à prier sur l’Esplanade lors de sa
visite.
Lors des pourparlers de Camp David, et en dépit de cette centralité indéniable
de l’Esplanade du mont du Temple pour les Juifs et dans la formation de l’identité israélienne,
Ehoud Barak avait pourtant envisagé de renoncer à la prétention israélienne sur
l’Esplanade et Jérusalem Est. Il avait été beaucoup plus loin que tous ses prédécesseurs, allant même,
au cours de différents entretiens de l’été 2000, jusqu’à reconnaître Al Qods comme
la capitale palestinienne, en échange de l’annexion des confins municipaux de
Jérusalem,
de Givat Ze’ev, Ma’ale Edomim et Gush Etzion. Dans la dernière phase des pourparlers de paix
(et dans leur version ultime telle que présentée dans le Plan Clinton de décembre 2000), il
était question de rendre aux Palestiniens 97 % des territoires, y compris à Jérusalem Est. En
cédant
au moins une partie de la souveraineté de la partie arabe de la capitale, le leader
travailliste espérait obtenir en échange la paix, tout en laissant de côté la question du reste
insoluble des revendications des réfugiés palestiniens. C’est tout le contraire qui se
produisit. Les concessions offertes encouragèrent Arafat - bien plus expérimenté que
Barak
en matière de négociations et soumis à de fortes pressions de la part des radicaux - à
exiger tactiquement encore plus (reconnaissance préalable de la souveraineté palestinienne sur Jérusalem
Est; question des réfugiés) et à relancer la stratégie du “chantage à
l’embrasement” pour faire pression.
Lors de la “Déclaration de principes” (accords d’Oslo) du 13 septembre 1993, on avait déjà
constaté cette stratégie des radicaux palestiniens consistant à faire échouer
systématiquement les accords de paix, les premiers attentats dans les autobus et supermarchés en
Israël même
(Jérusalem, Tel Aviv, Netanya, etc.) ayant été organisés juste après la célèbre
poignée de main entre Itzhak Rabin et Yasser Arafat. Dans cette stratégie extrêmement
sismique, l’insécurité ainsi obtenue en Israël est supposée déclencher et même justifier par réaction
le vote des Israéliens en faveur de candidats “de droite” moins “pacifistes”, ce
qui se vérifia en 1996
lors du triomphe du “faucon” Benyamin Netanyahou, élu pour “ramener la sécurité”,
le but final des radicaux palestiniens étant de discréditer les Israéliens en stigmatisant
les mêmes leaders à poigne dont ils ont pourtant justifié le choix, comme si les durs des deux
bords étaient objectivement alliés. Aussi l’assassinat de Rabin en novembre 1995 par un
ultra-nationaliste religieux israélien qui accusait le leader travailliste d’avoir
“trahi”
Israël et compromis sa sécurité en “pactisant” avec “l’ennemi”, montre bien qu’à la
stratégie ultra-nationaliste et ”sécuritaire” israélienne correspond une stratégie de la tension et de
l’embrasement des radicaux palestiniens. La victoire électorale de Sharon en 2001, est donc
ceteris paribus comparable à celle de Netanyahou en mai 1996: une réponse “sécuritaire”
à la stratégie belliciste des durs Palestiniens, lesquels réussissent à faire endosser aux
Travaillistes la responsabilité des attentats terroristes et de l’insécurité chroniques.
- Le Gouvernement d’Ariel Sharon: une réaction sécuritaire face à la
nouvelle Intifada islamiste et à l’inexpérience d’Ehoud Barak
A contrario de l’idée largement répandue selon laquelle Ariel Sharon porterait la
responsabilité de la nouvelle Intifada, le nouvel embrasement général des
territoires occupés est en réalité, outre les responsabilités israéliennes, indéniables, à la
fois le résultat d’une stratégie belliciste de l’OLP, du Fatah et de leurs alliés
islamistes, et de la politique de concessions d’Ehoud Barak. Rendre responsable de l’échec des accords de
Camp David le seul Ariel Sharon constitue non seulement une contre-vérité, mais également un
anachronisme, puisque les germes de l’Intifada et l’échec de Camp David étaient
consacrés dès le 25 juillet 2000 - soit deux mois avant la visite de Sharon -
lorsque Yasser Arafat, poussé par les radicaux et
différents pays musulmans: Arabie Saoudite (qui finance officieusement le
Hamas), Syrie et Iran (co-parrains du Hezbollah), rejeta toutes les formules proposées par Ehoud
Barak, Hosni Moubarak et Bill Clinton.
Rétrospectivement, on s’aperçoit qu’avec la libération, au cours de
l’année 2000, d’une centaine d’activistes du Hamas et du Jihad islamique, et surtout depuis le
retrait sans conditions de Tsahal du Liban-Sud en mai 2000, l’ex Premier Ministre Barak
signa non seulement son arrêt de mort politique, mais incita objectivement les
mouvances palestiniennes les plus bellicistes à reprendre la lutte contre l’État
Juif “impie”, toute paix conclue entre Arafat
et l’État hébreux étant pour l’heure contraire à la stratégie de la
tension des Islamistes, qui tablent au contraire sur l’embrasement pour mobiliser puis conquérir les
masses et prendre un jour le pouvoir.
Du point de vue israélien, le vote en faveur d’Ariel Sharon et le choix de
l’option sécuritaire consiste à subordonner toute concession allant dans le sens de la paix à des
garanties en matière de sécurité, c’est-à-dire pousser Arafat à prendre des mesures
contre l’infrastructure terroriste, mesures que, contrairement aux promesses faites à Oslo par le
leader palestinien,
il n’a jamais prises. Certes, la marge de manoeuvre de Yasser Arafat demeure
étroite, toute répression contre le Hamas et le Djihad islamique - de plus en plus populaires
- risquant de fragiliser son propre pouvoir. C’est ainsi que, jusqu’au déclenchement de
la nouvelle Intifada, Arafat avait considérablement perdu de sa légitimité historique, les
Palestiniens de plus en plus fascinés par l’héroïsme du Hezbollah, s’indignant face aux
représailles
de l’Autorité palestinienne contre les Fedayin islamistes. Pour nombre de responsables
palestiniens radicaux, Arafat commençait même à être assimilé à un “collaborateur” des forces
“colonialistes sionistes”. En fait, l’application du volet sécuritaire des accords
d’Oslo constituait en elle
même un levier de délégitimation pour Yasser Arafat, soudainement contraint
de faire le “sale boulot” pour le compte de “l’occupant israélien”. Mais on sait par
ailleurs que les Islamistes, notamment le Hezbollah, coopèrent étroitement avec la troupe la plus loyale
d’Arafat, la Garde
présidentielle, tout comme avec les autres structures théoriquement dirigées
par lui, à savoir le Fatah, et son bras armé ultra-radical, le Tanzim. N’oublions pas qu’il a
d’ailleurs toujours existé un courant islamiste au sein du Fatah et que Yasser Arafat lui-même fut
membre des Frères musulmans avant de refonder le nationalisme palestinien aux côtés de
cadres “laïques” ou de confession chrétienne en créant le Fatah. En fait, le Fatah, qui tente
couper l’herbe sous le pied du Hamas en développant son image “islamique”, contrôle depuis le
début l’Intifada, planifiée et organisée sur le terrain par le Tanzim, fortement populaire auprès
des jeunes et de la base.
Fait largement passé sous silence dans la grande presse, outre les Islamistes,
ce sont le Tanzim de Barghouti - également chef du Fatah en Cisjordanie - et le Fatah,
structurellement liés à l’OLP et Arafat, qui ont déclenché la nouvelle Intifada Al-Aqsa.
Hostile aux appareils de sécurité palestiniens et donc au volet sécuritaire des accords d’Oslo,
Barghouti est en grande partie responsable de l’échec des négociations de Camp David II
qu’il a rejeté depuis le début, exigeant un retrait total israélien des territoires occupés depuis
1967.
Chef de file des radicaux et considéré comme l’un des successeurs potentiels
de Yasser Arafat, Marwan Barghouti, bénéficie d’un avantage par rapport à Arafat: l’Autorité
palestinienne, fille de l’exil, correspond à l’ancienne génération, tandis que le Tanzim
apparaît comme une structure locale réellement représentative des Palestiniens des territoires
occupés. Dès lors, quand bien même M. Arafat essaierait sincèrement de tenir les
engagements pris
à Oslo visant à réprimer les éléments islamistes terroristes, rien n’indique que les autres
tendances de l’OLP - à commencer par celle de Barghouti, étroitement allié aux Islamistes depuis
le retrait israélien du Sud Liban et la nouvelle Intifada - aient renoncé à la raison
d’être première du nationalisme palestinien: la destruction de l’État hébreux
(voir charte du
Hamas[6]), qu’Arafat avait été contraint de déclarer “caduque”. Quant à eux, les
Islamistes continuent de contester Israël non pas uniquement dans ses excès (“apartheid ethnique”,
installation de colons, etc.) mais dans son existence même et dans son caractère
non-musulman
“infidèle”. De ce point de vue, le succès d’Ariel Sharon répond au “besoin de sécurité”
et à la peur existentielle de la société israélienne, entité juive “allogène” - en
partie seulement d’ailleurs -, véritable “anomalie infidèle” enclavée en plein cour du
“dar al-islam” (notion
coranique de “territoire de l’islam”).
- Le refus islamique du “pouvoir infidèle” et la destruction de l’État
d’Israël
Ce qui est insupportable pour les Musulmans stricts, ce n’est pas vraiment la
présence en tant que telle de Juifs en terre d’Islam, mais plutôt le fait qu’un espace
juridico-politique ”infidèle” autonome se soit reconstitué en plein cour du dar-el-Islam en
1948, avec la création de l’État d’Israël. Pour les Musulmans, Jérusalem, Al-Qods, (“La
Sainte”) ne peut pas devenir
la capitale de l’État israélien et il est impensable que des Mahométans
autochtones soient gouvernés par des Dhimmis et des Harbiyoûn[7], le problème des Israéliens étant
à cet égard voisin de celui des Chrétiens libanais à qui les Musulmans reprochaient -
cause réelle de la guerre civile - non seulement leur “extériorité civilisationnelle”, mais
surtout de détenir un
pouvoir politique sur les Musulmans.
Désireux de ne pas perdre sa légitimité auprès de la base, gagnée aux thèses
islamistes radicales, Yasser Arafat mobilise donc à l’envi la sainteté de Jérusalem et
joue pleinement le registre religieux, faisant de facto le jeu des Musulmans orthodoxes et des
Islamistes qui justifient le refus de donner le contrôle de Jérusalem aux Infidèles juifs
par les textes sacrés de l’Islam désignant les Juifs comme des “impurs” (Coran: IX, 28,
IX, 113) et sur lesquels pèse la “colère d’Allah” (Cor, I, 7). En fait, le Coran
interdit non seulement aux Musulmans de contracter amitié avec les Infidèles (V, 56),
dont ils sont tenus
de refuser le ”pouvoir barbare” (houkoum al-jahili), mais les Chrétiens et les Juifs sont
accusés d’avoir ”falsifié” les Ecritures Saintes qui leur avaient été révélées (II,
73; II, 72) par Dieu. Après avoir “violé” l’Alliance avec Dieu (IV, 154), ils auraient sciemment nié
les signes divins (III, 63), ce qui décida Allah a les maudire (V, 16), leur promettant même
l’enfer éternel (III, 112). Comment alors Yasser Arafat pourrait-il abandonner
Jérusalem aux
Juifs - ou même aux Chrétiens - si les Infidèles ont perdu tout droit de gouverner La Sainte,
au profit de la seule religion de la Vérité (Din al-Haq)?
Les Islamistes déploient une force de mobilisation religieuse considérable
lorsqu’ils déclarent que l’État sioniste n’est qu’une forme moderne du
colonialisme
occidental, lui-même résurgence moderne de la Croisade (Salibiyyia). Aussi Israël ne constitue-t-il pas un
problème isolé et
n’est-il que la réapparition contemporaine de “l’agression démoniaque”
perpétrée contre les ”Vrais croyants” par les “Infidèles” depuis 622. “Nous assistons
actuellement, écrit l’un des grands idéologues islamistes contemporains, Sayyid Qotb (d.1966), disciple du
fondateur des
Frères musulmans Hassan El-Banna, au vaste rassemblement des démons humains,
croisés, sionistes, idolâtres et communistes, qui divergent entre eux, mais convergent
dans une même offensive contre l’Islam pour détruire l’avant-garde des mouvements de la résurrection
islamique sur la terre”[8]. Or, il est évident qu’au sein de cette “confédération
anti-islamique”, l’”Occident croisé” (el-Gharb el-salibi), détient une
très grande part de
responsabilité. Un Occident qui continue d’être considéré comme “chrétien”
par les Islamistes.
C’est ainsi que les surenchères anti-israéliennes de certains responsables religieux chrétiens
occidentaux ou même palestiniens, tel Mgr Sabbah, visant au départ à inciter
les Musulmans et les Islamistes à épargner les Chrétiens en s’alliant contre “l’ennemi
sioniste commun”, apparaissent vaines, du point de vue théologique et idéologique - la laïcité
n’a pas du tout le même sens en Orient qu’en Europe -, ainsi que l’enseigne la Sourate de
“la Table servie” soulignant l’hostilité et la collusion des Infidèles entre eux: “Ils sont
amis les uns des autres. Celui qui parmi vous les prend pour amis (les Juifs et les Chrétiens)
est des leurs”.
Ainsi s’explique en partie l’exode des Chrétiens palestiniens qui, comme
leurs frères de tous les pays arabo-musulmans, préfèrent l’exil aux brimades, discriminations ou
persécutions dont ils sont victimes parce que perçus comme “extérieurs”, comme une “cinquième
colonne” des Occidentaux “chrétiens”. Même s’ils n’osent généralement pas le
dire, les Palestiniens chrétiens savent que leur futur en Palestine risque d’être de
plus en plus
difficile, d’autant que la réislamisation générale du mouvement palestinien et la promesse de
Yasser Arafat de ”faire flotter le drapeau palestinien sur toutes les églises et les mosquées”
renforcent les craintes.
Les inquiétants signes de radicalisme islamique constatés un peu partout jusque dans les
banlieues françaises (attaques de synagogues par des groupes de Beurs musulmans
au moment du déclenchement de l’Intifada Al Aqsa) ne doivent pas être perçus comme de
simples “réactions désespérées” (Gilles Képel) contre une intrinsèque “inimitié
occidentalo-sioniste” que la ”désolidarisation” d’avec Tel Aviv ou la condamnation de Sharon
calmeraient subitement. Certes, il est plus urgent que jamais de faire en sorte qu’Israël s’entende avec
ses voisins arabo-musulmans et calme la haine anti-sioniste en trouvant une solution
équitable
pour les Palestiniens. Mais indépendamment des responsabilités israéliennes, ces
signes constituent des facteurs aggravants du conflit et des indications précieuses sur ses sources
religieuses. Ils participent du défi lancé par l’islamisme international aux démocraties
occidentales dans leur ensemble, dont le Gouvernement d’Ariel Sharon est, qu’on le veuille ou
non,
un avant-poste en Orient. Telles sont les raisons complexes mais théologiquement et idéologiquement
fort ancrées pour lesquelles Israël et l’Occident sont assimilés - indépendamment du
soutien de ce dernier à
l’entité sioniste “judéo-croisée” - à des “forces colonialistes
infidèles” alliées, contre lesquelles, du point de vue islamique, la seule réponse réside dans le jihad
fi sabil’Allah, ou ”effort [de guerre] sur le chemin d’Allah”.
- Le Jihad contre les “Judéo-Croisés”
Désormais, la révolte palestinienne est autant un jihad contre les Infidèles
qu’une simple Intifada. C’est ainsi que des fatwas transformant les Fedayin palestiniens en
“martyrs de l’islam” sont édictées un peu partout dans le monde islamique, de
l’Université d’Al-Azhar, en Egypte, à l’Afghanistan des Talibans, en passant par l’Iran et
l’organisation islamiste terroriste d’Oussama Bin Laden, qui entretient des liens étroits avec
certaines mouvances islamistes palestiniennes, sans oublier le grand Mufti de Jérusalem ou les
Imams de Gaza. C’est ainsi que le Mufti de Jérusalem, cheikh ‘Ikrima Sabri, en appelle à la
“libération complète”par les Palestiniens non seulement de Jérusalem mais de tout Israël,
encourageant les enfants
palestiniens au “sacrifice” et au “martyre”. Interrogé par le journal
Al Ahram al-Arabi (27 octobre 2000) le Grand Mufti déclare: “Chaque Palestinien est
en fait en état
de jihad, je pense que le martyr est heureux parce que les anges le conduisent à son mariage
avec le Ciel (...). Plus jeune est le martyre, plus je l’estime et le respecte. (...). En
sacrifiant volontairement leurs rejetons, les mères participent à la grande récompense
du jihad qu’est la Libération d’Al Aqsa. (...). Je n’ai jamais salué un seul juif, je ne les
saluerai, ce sont les créatures les plus couardes qu’Allah ait jamais créé”.
De son côté,
Fathi Chakaki déclare, dans le quotidien arabe Al-Hayat: “des milliers d’enfants palestiniens sont prêts
à mener des attaques-suicides contre les occupants israéliens, les candidats se bousculent
pour inscrire
leurs noms”. Ces déclarations font échos aux discours enflammés de Saddam
Hussein - champion de la cause palestinienne et “nouveau Saladin” promettant de “libérer” la
Palestine et le monde arabe des Nouveaux Croisés - et du vice-président irakien, Ezzat Ibrahim, qui,
lors du dernier sommet du Caire, en ont appelé au jihad contre Israël. De même, les
processions des funérailles des “martyrs” palestiniens tombés sous les balles israéliennes
s’accompagnent des cris de ralliement “Allah ou Akbar” et les militants du Fatah y brandissent le
drapeau jaune et noir du Hezbollah.
Sortant de son habituelle réserve, c’est désormais le grand Mufti de La Mecque, Oussama Ben
Abdellah Khayat, qui, appelle au jihad en Palestine afin de légitimer la
nouvelle Intifada en lui donnant une dimension islamique. “Le sacrifice de soi est le plus noble
des sacrifices pour la défense de l’islam”, précisait l’imam lors de la prière du vendredi
du 20 octobre 2000, invoquant les “martyrs (Chahid) de l’Intifada”, afin de galvaniser les
Fedayin palestiniens et de les préparer au sacrifice de leur vie, qui, selon le Coran,
garantit l’accès
direct au paradis.
L’appel au jihad lancé par le religieux wahhabite contre les “Sionistes”
ne signifie pas forcément que les Saoudiens se soucient soudainement du sort des populations
palestiniennes, notamment des réfugiés, qui ne furent jamais soutenus par les pays du Golfe.
En dénonçant de plus en plus violemment “l’arrogance israélienne”, la position de
l’Imam répond en réalité à deux objectifs: tout d’abord, redorer le blason de la monarchie wahhabite auprès
des masses arabo-islamiques, souvent devenues anti-saoudiennes depuis la guerre du Golfe et
l’occupation par les GI’s américains de l’Arabie sainte - interdite aux Infidèles
(haram). Ensuite, l’Imam rappelle l’essence religieuse du conflit et l’interdiction islamique faite
aux “dhimmis” d’exercer un pouvoir sur des Vrais Croyants, ce qui est le cas de l’État hébreux
avec les Palestiniens majoritairement musulmans. Plus directement, on sait que Riyad, en
particulier le prince héritier Abdallah, aux positions fondamentalistes notoires, a pesé de
tout son poids politico-financier pour pousser Arafat à saborder les accords de paix. Lors de
la conférence de
la Ligue Islamique de Doha, Abdallah avait prévenu: “Si les Américains mettent leur ambassade à
Jerusalem, nous serons obligés de rompre les relations diplomatiques avec les
États-Unis”. En fait, Abdallah, bien plus américano-sceptique que son père et que les membres
du clan pro-occidental des Sudaïris, tient énormément à la solidarité arabe et
islamique, et constitue, à l’intérieur des classes dirigeantes saoudiennes, l’un des pôles les
plus proches de la mouvance islamiste et du wahhabisme traditionnel. Signe des temps, la compagnie
Mc Donald en Arabie Saoudite a dû accepter de consacrer un pourcentage acquis sur le bénéfice
de chaque
repas au profit des hôpitaux palestiniens pour éviter son interdiction pure et
simple.
En conséquence, grâce au soutien des pôles mondiaux de l’islam fondamentaliste, les Islamistes
sont parvenus, en soufflant sur les braises religieuses d’un conflit déjà
quasiment inextricable, à présenter le conflit israélo-arabe comme un choc religieux
judéo-islamique s’inscrivant lui-même dans le cadre du clash civilisationnel entre
l’Occident judéo-chrétien et
l’Islam. Ils ont beau jeu d’exploiter les situations d’injustice et la misère
des Palestiniens dans les camps et les territoires occupés - passant d’ailleurs sous silence
les millions de dollars du Golfe, de l’Iran ou même de l’Irak qui leur sont octroyés pour
promouvoir le fanatisme islamique et acheter des armes - pour justifier leur doctrine
fondamentaliste et inculquer aux masses arabes une lecture théocratique et ultra-radicale de la
question israélo-palestinienne, la haine venant ici s’ajouter à la souffrance. Désireux
de compromettre tout processus de paix et de pousser Israël à la faute via l’Intifada et les
attentats terroristes, les Islamistes font désormais leur la stratégie du harcèlement
du Hezbollah, stratégie “héroïque” du David défiant Goliath réputée être à
l’origine du retrait israélien du Sud Liban.
- L’Islamisation de l’Intifada et la popularité sans précédent du
Hezbollah
Pour les Islamistes et les Palestiniens en général, le retrait (volontaire) de
Tsahal du Sud-Liban fut en effet perçu comme une manifestation de “l’héroïsme”
islamique” et du ”renoncement israélien”. Désormais, les forces islamistes radicales comme
le Hamas ou le Jihad islamique, dont les références sont le Hezbollah libanais, la Gamaà et le
Jihad égyptiens, l’Iran ou même l’organisation terroriste de Bin Laden (Al Qaïda), sont
considérées comme seules capables de vaincre les “Judéo-Croisés”.
Plus globalement, la “hezbollahisation” des mouvements islamistes et radicaux palestiniens
correspond à une stratégie de la tension, entamée d’ailleurs au temps des
accords d’Oslo et de Rabin dans le but de discréditer le processus de paix et menée à son
paroxysme depuis les pourparlers de Camp David en juillet 2000 et les concessions de Barak.
Aussi n’est-il pas si surprenant que des nationalistes palestiniens “laïques”,
comme l’ex-communiste Barghouti, chef du Tanzim[9], fassent aujourd’hui cause
commune avec le Hamas et le Hezbollah. On sait même que, outre les mouvements islamistes sunnites
palestiniens soutenus par l’Iran (Hamas, Jihad islamique) et liés au Tanzim, la Centrale
palestinienne d’Arafat entretient elle aussi, moins officiellement, certes, une liaison
permanente avec le Hezbollah. Toujours est-il que les islamistes palestiniens et le Tanzim
semblent
avoir fait leur la “stratégie du harcèlement” du Hezbollah libanais: multiplication
des embuscades pour bloquer les couloirs reliant les implantations juives et Israël; empêcher
l’entrée de Tsahal dans les enclaves palestiniennes; multiplication des attentats terroristes
kamikazes, pourtant
longtemps rejetés par les Islamistes sunnites (notamment durant la première Intifada) mais
aujourd’hui légitimés par le Hamas et nombre de décrets religieux de muftis
palestiniens.
En fait, depuis le retrait de Tsahal du Sud-Liban en mai 2000 célébrée dans tout le monde arabe
comme “un premier pas vers la libération de la Palestine et des lieux saints
de Jérusalem”, le prestige du Hezbollah n’a cessé de s’accroître, a fortiori si l’on met
en parallèle deux autres coups d’éclats successifs: la capture par le “Parti de Dieu”, le 7
octobre 2000, de trois soldats israéliens de patrouille en zone frontalière du Liban. L’embuscade
avait été planifiée depuis longtemps dans les moindres détails. Ensuite, le 16 octobre, l’enlèvement,
à Lausanne, de Elchanan Tannenbaum, un colonel de réserve de l’aviation israélienne,
consultant auprès des plus grandes firmes électroniques et de communications militaires de l’État
hébreux: Tadiran et Rafael. Deux opérations qui ont témoigné du très haut niveau de capacité
opérative et technologique atteint par le “Parti de Dieu”.
Le Hezbollah libanais est plus présent que jamais en Palestine, où ses drapeaux sont exhibés
régulièrement autour de la Coupole du Rocher et de la Mosquée d’Al-Aqsa, phénomène
quasi inexistant jusqu’en septembre 2000. Ainsi, outre les shebab, nombre d’étudiants,
d’intellectuels et de militants politiques, y compris ceux qui n’ont jamais
eu de sympathie pour l’islamisme politique, exhortent désormais les dirigeants palestiniens
à imiter le Hezbollah, vainqueur du “Goliath israélien”. C’est que l’ancien
groupuscule extrémiste chiite créé dans les années 80 par les services secrets iraniens est devenu
aujourd’hui une véritable force politique régionale disposant d’une légitimité de “résistance” y
compris auprès des ”laïques” ou non-musulmans (chrétiens, druzes, etc).
Désigné à la tête du Hezbollah en 1992, lors de la mort de son prédécesseur
Abbas Moussaoui, le cheikh Nasrallah est le principal artisan de la métamorphose du mouvement
terroriste clandestin en parti politique respecté de rayonnement international, d’ailleurs représenté
au Parlement de Beyrouth par un puissant groupe politique. Le Hezbollah gère des
banques, des
biens immobiliers, des écoles et des hôpitaux, des organismes d’assistance
sociale. Il possède journaux, radios et télévisions, émetteurs téléphoniques, un site internet
(www.hezbollah.org),
etc. Sa popularité au sein de la société palestinienne et dans tout le
monde arabe est mesurable au succès croissant de sa télévision, Al-Manar (“le
Flambeau”),
dont la diffusion satellite a d’ailleurs coïncidé avec le début des violences israélo-palestiniennes
de septembre 2000. En fait, la chaîne officielle du “parti de Dieu” n’a pas eu de
difficultés à étendre son audience au-delà des frontières du Sud-Liban, de l’Algérie - où elle est
également devenue très populaire - à la Palestine, où les images de commandos-suicides contre Tsahal
ont galvanisé les masses palestiniennes. Après l’enlèvement par des 3 soldats israéliens en
octobre, le standard
de la chaîne de télévision islamiste avait été littéralement assailli
d’appels de félicitations et de remerciements en provenance de Gaza et de Cisjordanie.
Outre la “force de frappe culturelle”, les armes et les fonds ne manquent
pas pour les 20 000 miliciens du mouvement. Les liens avec Damas et Téhéran demeurent forts.
L’Association de secours mutuel pour les blessés et les mutilés de guerre et la Fondation des
martyrs sont jumelées avec les homonymes et richissimes associations iraniennes.
Impressionnant, l’arsenal du Parti de Dieu est composé de missiles anti-tank à haute
précision (les Tow
américains hérités de l’affaire Iran-Contras), mortiers de 120 millimètres, mines télécommandées
à visées laser et à cellule photoélectrique, missiles iraniens Al Fajr 3 et 5, etc. Au
total, le Hezbollah dispose donc d’un potentiel économique, financier, politique et
militaire que ni Israël, ni Yasser Arafat ni même les États-Unis peuvent sous-estimer.
Comme le Hamas et le Jihad islamique, le Hezbollah tire toute sa légitimité
belliciste en Palestine du fait qu’à la différence de Yasser Arafat, obligé de faire des
concessions depuis plusieurs années, notamment la renonciation au thème fondateur de la
“destruction d’Israël”, cher à nombre de nationalistes arabes et palestiniens, il prêche toujours
l’anéantissement de
l’État sioniste et exporte désormais en Palestine sa stratégie de “harcèlement”
de l’État hébreux.
Depuis la libération du chef historique du Hamas en octobre 1997, cheikh Ahmed
Yassine, en échange de quatre agents du Mossad, le parti de Yassine, maintenant installé
à Gaza et étroitement lié au Hezbollah, reprend du terrain et coupe l’herbe sous le
pied de Yasser Arafat. La popularité du Hamas au sein de la société civile palestinienne est
principalement dû à l’action caritative et sociale du mouvement, doté de fonds considérables
en provenance du Golfe, d’Iran et des diasporas islamiques d’Europe et surtout des États-Unis
(diaspora musulmane et lobby islamique américain), le Hamas se substituant parfois de
facto à l’Autorité palestinienne en garantissant au peuple palestinien ce que Arafat n’est
toujours pas en mesure de garantir. Parallèlement, depuis 1997, le bras armé du Hamas, les
brigades
Ezzedine al-Kassam, est responsable de la majeur partie des attentats et des actions
suicides contre les objectifs israéliens et c’est avec son concours que les branches les plus
radicales de la Centrale palestinienne ont sciemment sabordé les accords de paix et relancé
l’Intifada, profitant des concessions de Barak.
Outre les liens existants entre non seulement le Tanzim, mais également
l’Autorité palestinienne et le Hezbollah, il n’est pas inutile de rappeler que
Yasser
Arafat s’est lui-même rapproché ces dernières années de Téhéran, parrain du Hezbollah,
dans le cadre de la nouvelle orientation nationaliste-islamiste du mouvement palestinien, de plus en
plus instrumentalisé par les différentes mouvances de l’islamisme mondiales qui
se livrent là d’ailleurs à une sorte de concurrence pour récupérer la cause
hautement
symbolique et politiquement porteuse de la question palestinienne. C’est ainsi que le 10 août
2000, Arafat s’était rendu à Téhéran afin d’exposer aux leaders iraniens les raisons
de l’échec des accords de Camp David avec Ehoud Barak, ceci au moment même où l’Iran retrouvait la
présidence de la Conférence islamique mondiale, ce qui avait motivé Arafat à
inscrire Téhéran
sur la liste de ses destinations. Le message du leader palestinien fut exposé de manière
percutante, du point de vue islamique: “je suis venu à Téhéran pour demander l’aide du Président
Khatami, et, à travers lui, celle de la Conférence islamique pour notre lutte et pour la
libération
des Lieux Saints d’Al-Qods” [10](Jérusalem). Le message de soutien et la réponse du
Gouvernement de Téhéran à la demande d’Arafat consistèrent à prôner l’unité de toutes
les forces de “résistance palestiniennes”, du Hamas et du Jihad islamique aux “laïques” du Fatah en
passant par le Hezbollah. Aussi ce dernier constitue-t-il l’atout principal de Téhéran sur
la théâtre de la conflictualité israélo-palestinienne. C’est également à Téhéran que sera
décidée une rencontre entre Arafat et le chef émergeant du Hamas, Khaled Mashal (docteur en physique
originaire de
Ramallah vivant en semi-clandestinité au Qatar), rencontre qui surviendra en
novembre à l’occasion de la Conférence islamique de Doha. En fait, Khaled Mashal s’était
lui-même rendu auparavant à Téhéran durant la première semaine d’octobre, afin de
discuter des rapports avec Arafat auprès des autorités iraniennes (Khatami et Khamanei) qui le considèrent
comme un dirigeant prometteur et ont décidé de renouveler leur appui politique et
financier au Hamas. Du point de vue iranien donc, la nouvelle Intifada Al-Aqsa, à forte dimension
islamique, n’est pas un phénomène exclusivement palestinien, mais participe de “la lutte contre
les “ennemis de
l’Islam dans le monde”, la mobilisation générale des forces de
l’islamisme s’inscrivant dans le cadre du monde multipolaire de l’après Guerre froide,
caractérisée par la
fin du paradigme Est-Ouest et la renaissance du choc des civilisations, notamment Islam/Occident,
ainsi que l’explique Samuel Huntington.
- De la fin du paradigme de la Guerre froide à la guerre du Golfe, ou l’islamisation du
nationalisme arabe et palestinien
Jusqu’à la fin de la guerre froide, les États islamiques les plus
fondamentalistes - du Pakistan à l’Arabie Saoudite - n’avaient jamais rien entrepris de concret
pour venir au secours des “frères” de Palestine, trop liés au bloc de l’Est, le nationalisme
palestinien étant à cette époque une entreprise “impie”, puisque à la fois nationaliste (pêché
politique suprême
pour les Islamistes qualifié d’”ina’ziliyya” en arabe, ou “séparatisme”)
et noyauté par des ”apostats” marxisants parfois d’origine chrétienne (Georges Habbache,
Ibrahim Sous, etc). Toute autre est la situation qui a émergé avec la Chute du Mur de Berlin et la
grande rupture survenue lors de la seconde guerre du Golfe. Avec la chute de l’Union soviétique
et la fin de la Guerre Froide, le mouvement nationaliste arabe perdra l’un de ses plus
précieux
appuis extérieurs (URSS), cependant que les États-Unis et Israël prendront sérieusement
leurs distances avec une mouvance intégriste qu’ils avaient ponctuellement encouragée
mais qui se retourna soudainement contre eux lors de l’opération Tempête du Désert, déclenchant
ainsi une
véritable révolution géostratégique à l’intérieur de la mouvance
islamiste sunnite que l’on croyait être, côté occidental, un contrepoids “conservateur” et
“pro-occidental” face à l’islamisme révolutionnaire iranien.
Depuis la fin de la Guerre Froide et la guerre du Golfe donc, le nationalisme
arabe s’est partiellement réconcilié avec l’islamisme, jadis en conflit violent avec
lui, puis a été peu à peu récupéré et intégré par ce dernier, doté d’une plus grande légitimité
idéologico-religieuse que le nationalisme laïcisant de type baassiste (Irak, Syrie), d’origine
philosophique occidentale “impie”. Partout dans le monde arabo-musulman, l’option
panarabe socialisante et
nassérienne laisse la place à la “solution islamique”, plus conforme au mouvement de
”réindigénisation” (Huntington) et plus légitime, car “autochtone” et
non héritée de la colonisation. Cette évolution explique en grande partie la réislamisation
soudaine non seulement du régime de Saddam Hussein, contraint de suivre la mode
“national-islamiste” pour
conserver une légitimité, mais également de révolutionnaires ou terroristes
pro-palestiniens ou arabes célèbres comme Ibrahim Abdallah ou Carlos[11].
En fait, la guerre du Golfe est le véritable moment fondateur de la synthèse
“arabo-islamiste” révolutionnaire. La “croisade” occidentale contre l’Irak suscitera une réaction
anti-occidentale extrêmement violente de nombreux Islamistes, jadis financés
par les services secrets saoudiens, pakistanais et américains, qui ne supportent plus la présence
de GI ”infidèles” en Arabie (territoire sacré, “haram”, interdit aux “Mécréants”).
Elle sera l’occasion pour les Islamistes, au départ fort peu enthousiasmés par le régime
“impie” de Saddam Hussein, de reconstruire leur légitimité populaire et d’opérer une
“OPA” sur le nationalisme arabe, Saddam, l’ancien “apostat” fasciné par
Nabuchodonosor, jouant soudain la carte islamique pour souder autour de lui son peuple et les nations musulmanes.
Résultat: l’Irak, jadis champion de l’anti-islamisme pendant dix années de guerre
contre l’Iran khomeyniste, se réislamise[12]: constructions de gigantesques mosquées,
programmes islamiques à la TV, recrudescence des sentiments anti-occidentaux et
anti-chrétiens,
inscription sur le drapeau de la mention “Allah ou Akbar”, etc. C’est ainsi que Saddam
surenchérit avec les Islamistes sur le terrain symbolique et hautement mobilisateur de la lutte
contre “l’Occident
croisé”, le jihad et la geste de Saladin, dont se réclame Saddam, d’où le
lien étroit entre les théâtres palestinien et irakien. Ainsi, peu après le déclenchement de la
nouvelle intifada palestinienne, en novembre 2000, près de 4 millions de jeunes Irakiens ont signé
un “livre blanc” de soutien aux “frères” des territoires occupés, dans le cadre
d’une vaste campagne
gouvernementale en faveur de la Palestine, sur fond de références à Saladin
et au Jihad. La lutte pour la libération d’Al-Qods revêt donc une importance capitale dans
le nouveau discours de légitimation du régime baassiste. La ferveur pro-palestinienne en Irak est
telle que le thème de la “libération” de Jérusalem et de la Palestine a désormais détrôné
celui de la nation irakienne “agressée”, Saddam Hussein se présentant comme le “nouveau
Saladin” venu “libérer la Oumma” arabo-islamique “occupée” par les “judéo-croisés”. Telle est
en tout la grille de lecture passionnelle et incandescente qui imprègne non seulement les
consciences de millions
d’Irakiens d’autant plus fanatisables qu’ils souffrent, mais aussi celles
d’une large partie des masses arabes et palestiniennes.
Quoi que l’on pense de la guerre du Golfe et de la politique de l’embargo
sur l’Irak, qui dure depuis plus de dix ans et continue de pénaliser gravement les seules
populations civiles, la politique américaine “des raids et des embargos” (Gallois) et la présence
de GI’s en Arabie (interdite aux “Infidèles”) ont sans conteste nettement contribué à la
radicalisation générale des masses irakiennes arabo-musulmanes en générales. Globalement, la stratégie
belliciste américaine en Irak et la politique de l’embargo sont vécues dans le monde
arabe comme le résultat d’une agression “impérialiste” et “sioniste”, les conséquences
d’un “complot
sioniste”. Aussi cette radicalisation comme la dangereuse grille de lecture
antisioniste de la guerre du Golfe rejaillissent-elles inévitablement sur le théâtre proche
oriental et risquent-elles de compromettre gravement toute résolution du conflit israélo-palestinien
en établissant des parallèles explosifs, fortement préjudiciables à la
perception générale de l’État hébreux en Orient, déjà passablement négative. Ainsi seulement
s’explique le
déclenchement d’une vague de haine anti-occidentale et judéophobe sans équivalents
dans le passé, en tout cas depuis les Croisades. C’est dans ce sens qu’il faut
comprendre les analyses du stratège américain Edward Luttwak, prédisant lors de l’opération Tempête
du Désert, que l’intervention occidentale sera à terme fortement préjudiciable pour l’intérêt
et la sécurité
d’Israël.
- Israël face à la stratégie islamo-pétrolière des États-Unis et de l’islamisation du conflit
Le résultat de la guerre du Golfe - livrée, on le sait, pour des raisons essentiellement
pétrolières, mais présentée en partie comme une “guerre pour la défense
d’Israël” - et de ses conséquences, sont une fanatisation anti-israélienne générale au sein des
masses et de certains régimes arabo-musulmans. Ainsi les discours de mobilisation convergents des
mouvements islamistes comme ceux des leaders arabes (Saddam Hussein) et palestiniens présentent-ils
symétriquement les drames des peuples palestinien et irakien, victimes d’un même
“complot judéo-sioniste” encore plus que du seul Occident “infidèle”, selon eux
“colonisé” par les perfides et tout-puissants “lobbies” judéo-maçonniques et sionistes.
Souvent justifié par les dirigeants américains comme une garantie de sécurité
pour l’État d’Israël, le maintien des sanctions contre l’Irak, via la résolution 986
“pétrole contre nourriture”, qui empêchent Bagdad d’importer jusqu’aux médicaments et
denrées les plus indispensables, est en réalité destiné à conférer aux Américains le
pouvoir de contrôle et de
régulation du marché du pétrole, à travers le protectorat qu’ils ont
instauré de facto dans le Golfe depuis 1991. L’Irak est ainsi maintenu, au gré des priorités économiques
américaines, à l’intérieur ou en dehors du marché international du brut. Mais la géopolitique
du pétrole étant inséparable de celle de l’islamisme sunnite, dont la capitale financière est
l’Arabie Saoudite,
ainsi que de la stratégie islamique de Washington, il est fort à craindre que
la sécurité de l’État d’Israël et de l’Europe, bien plus proches du théâtre
moyen-oriental que les États-Unis, ne soit à terme menacée par cette fanatisation islamiste
anti-occidentale croissante, conséquence de la “diplomatie coercitive” américaine.
Qualifiée “d’arrogante” par le professeur américain Samuel Huntington,
celle-ci constitue une source de conflits civilisationnels majeurs futurs entre l’Occident et
l’Islam. Mais les États-Unis peuvent d’autant mieux continuer à souffler sur les braises de
l’islamisme revanchard - nouvel Ennemi plus utile que réellement menaçant pour Washington
- que le projet Anti-missiles américain (NMD) et les lois de la géographie inciteront les
Cavaliers d’Allah à
déverser leur haine anti-impérialiste sur les éléments les plus vulnérables
de l’entité ”occidentale”: Israël, enclave “infidèle” en terre d’Islam, mais également
la vieille Europe, ”ventre mou” de la famille occidentale, selon la criante expression du général
Gallois. Ceci ne fait que mettre en lumière l’ambivalence de la politique étrangère américaine,
dont la stratégie pétrolière et pro-wahhabite risque d’être compromise par le
soutien à Israël, de plus en plus “encombrant”. D’où même l’hypothèse à long terme d’un lâchage
partiel d’Israël par son protecteur américain.
Parallèlement, une nouvelle forme de terrorisme intellectuel, que nous avons
nommé ”l’islamiquement correct”, et qui doit aussi beaucoup à l’ambivalence
des États-Unis et de l’Occident, tenus par l’alliance stratégique et économico-politique avec
les monarchies pétrolières fondamentalistes du Golfe, empêche de comprendre l’une des
raisons géopolitiques profondes, “civilisationnelles” et religieuses, de l’exacerbation du
conflit israélo-palestinien: le rejet musulman de tout “pouvoir infidèle”. Or il
apparaît que cette auto-censure en matière d’Islam, également héritée d’une mauvaise
conscience occidentale, doit être mise en perspective avec d’autres phénomènes tels que la désinformation
et l’instrumentalisation idéologique de la question israélo-palestinienne au
sein du débat politique dans les sociétés occidentales, en l’occurrence la France.
- L’instrumentalisation de la Shoah contre ses victimes historiques par les
milieux pro-palestiniens et “islamiquement corrects”
Comme nous l’avons vu précédemment, le conflit israélo-palestinien est inséparable
de son contexte géopolitique proche et moyen-oriental. Il doit être également analysé
à l’aune du paradigme civilisationnel et du phénomène de la montée générale du
fanatisme islamiste et de l’antisionisme qui l’accompagne, lequel masque mal en fait une
recrudescence
globale des idéologies antisémites, les liens entre le national-socialisme d’une part et
le panarabisme et l’islamisme de l’autre étant souvent occultés afin de maintenir la
perception manichéenne des
”victimes” palestiniennes et musulmanes luttant contre les
“colonisateurs” israélo-occidentaux.
Aussi persiste-t-on à occulter le plus possible la dimension religieuse du conflit, et
passe-t-on généralement sous silence le fait que Yasser Arafat, dont on exhibe
systématiquement les collaborateurs chrétiens ou “laïques” et dont on vante le
“progressisme”, fut formé à l’école islamiste des Frères musulmans, responsables à l’époque où
Arafat y militait, d’une vague d’assassinats politiques. Résultat de cette analyse autant partielle
que partiale du conflit, l’on est parvenu en fin de compte, par une étrange “ruse
de
l’histoire”, à “fasciser” et réduire Israël “ad Hitlerum”, afin de mieux
disqualifier et
criminaliser la partie israélienne, seule coupable.
Or, pour que cette technique de “disqualification-fascisation” de l’Autre
- inaugurée par les dictatures communistes dont celle de Staline pour justifier
les purges et les
persécutions des opposants (“bourgeois” et “fascistes”), désormais banale - demeure légitime
et opératoire, il demeure essentiel d’occulter le fait que le nationalisme palestinien,
inexistant en tant que tel jusqu’à sa constitution en réaction à l’arrivée d’”Infidèles”
juifs et à la création d’un État “impie”, fut créé durant l’entre deux guerres par le
célèbre
Grand Mufti de Jérusalem Hadj Al Husseini, leader du monde arabe d’alors, ami personnel d’Hitler -
qui l’accueillit un temps à Berlin - et instigateur des Légions SS musulmanes bosniaques et
albanaises et des volontaires arabes du IIIème Reich[13]. Mieux, les liens stratégiques qui
unirent les milieux palestiniens islamistes du début aux nationaux-socialistes historiques
(d’ailleurs accueillis en masse dans les pays arabes après la défaite nazie et qui prêteront main
forte aux terroristes palestiniens et aux régimes arabes nationalistes, dont l’Irak, la
Syrie et l’Égypte de Nasser) ont été maintenus par les héritiers des deux mouvances: dans les
années 70-80,
durant les heures les plus sanglantes du terrorisme palestinien, jusqu’à nos
jours, les pro-palestiniens d’extrême-droite et/ou néo-nazis n’ont jamais cessé de
coopérer avec les milieux palestiniens[14], cependant que l’entourage de Yasser Arafat lui-même[15]
autant que les radicaux et les Islamistes palestiniens continuent à s’inspirer des
Protocoles des Sages de
Sion, référence suprême y compris dans les écoles palestiniennes, et même,
plus secrètement, aux différents écrits nationaux-socialistes (notamment Main Kampf, toujours
best seller dans le monde arabe).
Ceci n’empêche point certains de continuer à “nazifier” Israël, comme
si la seule manière possible d’émettre des reproches consistait à qualifier l’autre de
“SS”, “fasciste” ou “nazi”. Comme si toute comparaison était acceptable. Comme si les descendants et les
rescapés de la Shoah étaient finalement “pareils que les Nazis” et comme si ils avaient eu
tort de trouver en Israël une réponse digne face à la Shoah.
Pour des raisons à la fois électorales (les partis politiques tentent de s’attirer les
suffrages des communautés musulmanes), psychologiques (la culpabilité
occidentale vis-à-vis de la colonisation), et idéologiques (l’Islam représente l’antithèse
civilisationnelle archétypale de l’Occident honni par une Gauche “anti-impérialiste” pratiquant la
haine de soi culturelle), l’Arabo-musulman - a fortiori le Palestinien - tend à remplir le rôle de
nouvelle “victime essentielle”, concurrente de la précédente, d’où la nécessité de
“fasciser” Israël et de retourner la Shoah contre ses victimes historiques et leur postérité installée
en Israël.
Aussi assiste-t-on, depuis l’accession au pouvoir de “l’extrémiste de
droite” Ariel Sharon, comme durant les guerres civiles en Yougoslavie, à une instrumentalisation tous
azimuts des douleurs de l’Holocauste contre ses victimes historiques dans un but de
”diabolisation-disqualification” médiatique: de même que l’on a justifié
la campagne militaire de l’OTAN contre la Serbie[16] en assimilant les Serbes de la Yougoslavie
communiste à des ”nouveaux nazis” adeptes de la “purification ethnique” et des
“génocides”
(assimiler la mort de moins de 3000 Kosovars majoritairement terroristes de l’UCK, à un “génocide”
indigna à juste titre Claude Lanzmann, Simon Wiesenthal ou Simone Veil, qui y dénoncèrent une
grave
”banalisation de la Shoah”[17]), de même les Islamistes palestiniens et même
les journaux égyptiens dépeignent-ils aujourd’hui les soldats de Tsahal avec des casques
frappés de la croix gammée.
En ex-Yougoslavie comme ailleurs, tout se passe comme s’il était impossible de dénoncer les
violences dans le monde autrement qu’en déployant un arsenal historico-idéologique
et émotionnel relatif à la seconde guerre mondiale, arsenal d’autant plus
inapproprié que dans ces deux cas précis, les “anti-nazis” historiques et les victimes réelles du
national-socialisme
sont ceux-là mêmes que l’on réduit “ad Hitlerum” (Léo Strauss).
Concernant Israël, il n’est pas nécessaire de rappeler combien la Shoah a accéléré sa formation et même
fondé en partie son identité, l’État hébreux étant pour nombre de Juifs du monde entier la
terre de refuge essentielle en cas de nouvelles persécutions. Mais pour ce qui est de la
Yougoslavie moderne, fondée par Tito et ses partisans communistes, en majorité serbes (d’où
l’expression médiatique ”serbo-bolchéviques”) - communisme qui sera d’ailleurs toujours reproché
aux Serbes par les nationalistes slovènes et croates - on ne peut nier qu’elle a également forgé
son identité sur la lutte contre le pangermanisme et le nazisme. Certes, la Yougoslavie n’est
pas Israël, et Milosevic n’est ni Barak ni même Sharon. Mais s’il était parfaitement fondé
de dénoncer le régime anti-démocratique de Milosevic, encore faut-il rappeler que sa nature
totalitaire procédait du socialisme ou du communisme “auto-gestionnaire”, et à aucun
moment de quelque fascisme ou nazisme que ce soit, Staline et Pol Pot ayant démontré que les
dictatures communistes sont également capables de tuer massivement. N’oublions pas également
que les Serbes, “seul peuple judéophile d’Europe”, comme aiment à le rappeler
Claude Lanzmann en France ou Youssef Bodanski aux États-Unis (peu suspects d’accointances
national-socialistes), ont toujours été fiers de faire barrage à l’hégémonisme
allemand dans les
Balkans et qu’ils protégèrent les vies de nombreux Juifs balkaniques, tchèques (comme Madeleine
Albright), roumains, etc, tandis que les Croates, les Albanais, les Bosniaques et les Slovènes
les exterminaient en même temps que les Juifs (la propagande nazie assimilant les
deux “races inférieures”) dans le cadre de la coopération avec l’Axe.
Il est des parallèles que la déontologie la plus élémentaire interdit d’établir.
Par ailleurs, il est à noter que l’instrumentalisation de la Shoah comme arme
de propagande
contre les Serbes ou les Israéliens est également au cour de la rhétoriques des révisionnistes,
d’extrême-gauche comme d’extrême-droite. Alors comment expliquer de telles simplifications et
de si dangereux parallélismes? Comment peut-on ne pas s’apercevoir “qu’à tout
ramener au
nazisme, on normalise totalement le nazisme et qu’à instrumentaliser à des fins partisanes (ou
narcissiques) la question juive, on ne cesse de donner du grain à moudre à l’antisémitisme?”
[18].
- L’instrumentalisation de la Shoah et l’antisionisme: nouvelles formes
d’antisémitisme
Force est de constater que, pour nombre d’intellectuels réputés “bien pensants”, les Juifs ne
sont les “bons” que lorsqu’ils revêtent le statut de minorité persécutée
et qu’ils sont instrumentalisables en tant que “victimes essentielles” d’une Shoah utilisée
à leurs dépens et à des fins partisanes pour criminaliser les “mal-pensants”. Mais les
milieux antisionistes et/ou islamophiles retournent cyniquement contre les intéressés cette même
Shoah lorsqu’il s’agit de diaboliser Israël et justifier les violences palestiniennes et
islamistes. Les Juifs incarnent soudainement la figure du Mal dès lors qu’ils sont à la tête
d’un État souverain et qu’ils portent l’uniforme (Goldnadel).
En fait, au delà des responsabilités ou torts d’Israël, les Clercs d’une certaine “pensée
unique” néo-soixante-huitarde, réfractaire à toute forme d’ordre,
reprochent à l’État hébreux ce qu’ils reprochent à tout autre État national: assurer la sécurité
constitue une “dérive sécuritaire” et la répression est par essence “fasciste”, en vertu de
l’adage “il est interdit
d’interdire”. Aussi est-ce jusqu’à la notion même de frontières
nationales que les adeptes d’utopies égalitaires et internationalistes cherchent à disqualifier en la réduisant
ad Hitlerum faute de pouvoir nier sa raison d’être par une argumentation
pertinente.
Mais la traditionnelle formule “CRS-SS” vaut d’autant plus pour Tsahal
qu’il s’agit là de démontrer que “les Juifs aussi peuvent être des SS”, raccourci permettant
aux bonnes consciences de gauche de procéder à une auto-déculpabilisation vis-à-vis de
la Shoah, assouplissement de la conscience qui leur permet d’instrumentaliser avec
encore moins de scrupules la légitimité morale de la Shoah dans le but de “diaboliser-fasciser” tel ou tel
adversaire politique, en l’occurrence tout ce qui est lié à “la droite”,
l’ordre, “la sécurité”, etc.
En conséquence, le palestinisme inconditionnel de certains milieux politiques
radicaux d’extrême-gauche comme d’extrême-droite cache de plus en mal une forme détournée
d’antisémitisme. Rappelons la célèbre formule de Jorge Semprun:
“l’antisionisme est la nouvelle forme subtile et perverse de l’antisémitisme”. On comprend mieux alors
pourquoi les
groupuscules néo-nazis et une partie de l’extrême-droite, traditionnellement
anti-arabe et réfractaire aux “races sémites”, s’enflamment soudain pour les non moins
sémites Arabes palestiniens ou irakiens avec qui ils brûlent des drapeaux israéliens en
saluant l’héroïsme du Hamas et du Hezbollah. D’autres se solidariseront avec les attaques de
synagogues par des bandes de jeunes maghrébins “antisionistes”, ces derniers ayant
l’avantage d’être non ”fascisables” puisque Musulmans et Arabes, donc “victimes” du
racisme.
Ici, le mot de Semprun prend toute sa signification, tout comme celui de la psychologue et
intellectuelle Rachel Israël: “On accepte des Arabes ce que, venant de tout autre, on appellerait
fascisme”.
- L’islamiquement correct au secours de l’antisionisme et du manichéisme
D’évidence, la disqualification de toute analyse “civilisationnelle” au
nom d’une mauvaise conscience occidentale et d’un “islamiquement correct”
contribue à accréditer
la perception manichéenne présentant les radicaux palestiniens comme des “victimes
essentielles” et les Israéliens, acculés à des réactions violentes par les actions terroristes,
comme les “mauvais”.
En dépit de terribles images - parfois “retravaillées”[19] - dépeignant
une fausse dichotomie où les “méchants” Israéliens persécutent impunément les “victimes
palestiniennes”, on ne peut pas se borner à reproduire les lieux communs du genre: “aux jets de pierre
des enfants palestiniens, les Israéliens répondent avec des rafales de fusils
automatiques”. Car les enfants palestiniens ne lancent pas “spontanément” leurs pierres. Ils sont
encadrés puis envoyés au charbon par les responsables du Fatah et du Tanzim, quant à eux dotés
d’armes sophistiquées et liés aux structures mondiales du terrorisme. Ils sont
cyniquement sacrifiés dans le seul but de susciter l’émoi médiatique international, ardemment
relayé par les médias -
que les autorités israéliennes protègent lors de leurs reportages, ce qui
n’est pas le cas des Palestiniens - et les bonnes consciences “progressistes” d’Occident
lesquelles cautionnaient, il y a peu, les pires actions terroristes palestiniennes, notamment au Liban où
les victimes
chrétiennes-maronites de l’OLP étaient assimilées à des “fascistes”
tandis que les guérilleros palestiniens et leurs alliés islamistes, responsables de la guerre civile
libanaise, étaient qualifiés “d’islamo-progressistes”. L’horreur de Sabra et Chatila était
supposée excuser les villages chrétiens rasés par l’OLP d’Arafat.
Concernant le thème hautement mobilisateur du “droit au retour” des
centaines de milliers de réfugiés palestiniens et de leurs descendance, argument essentiel des
pro-palestiniens, on constate que ce même “droit au retour” n’est jamais invoqué au bénéfice
des centaines de milliers de Juifs qui durent quitter les pays arabes entre 1948 et 1967[20],
dans un climat
général d’effervescence islamiste et nationaliste.
En dépit d’un “islamiquement correct” autant fondé sur la haine de soi occidentale que sur la
peur de parler du “péril islamique” (il est moins risqué de critiquer le
Pape, l’Opus Dei, les Lefébvristes ou les Juifs orthodoxes que les Islamistes), le péril majeur du
XXIème siècle est, qu’on le veuille ou non, le fanatisme islamique, véritable “fascisme
religieux” tentant d’exciter l’Islam et le tiers-monde contre l’Occident judéo-chrétien
mais dont les premières victimes demeurent les Musulmans eux-mêmes (cf Algérie,
Afghanistan, etc). Ce
“totalitarisme théocratique”, que les “intellectuels de gauche” comme Foucault ont salué
comme “progressiste” et “anti-impérialiste” en Iran, menace aussi bien les États-Unis et
l’Europe, qu’Israël, que les Islamistes projettent tout simplement de détruire.
* Alexandre del Valle, chercheur à l’Institut International d’Etudes Stratégiques
(IIES), spécialiste des questions internationales et géostratégiques, a rédigé de
nombreux articles ou reportages dans des revues de géopolitique (Hérodote; Stratégique, Géostratégiques,
Limes,
Quaderni Geopolitici), ou d’actualité politique (Figaro Magazine, Spectacle
du Monde, Panoramiques, etc.), ayant tous pour toile de fond les questions de
l’Islamisme radical, du terrorisme, des Balkans, ou de la Sécurité européenne.
Son dernier ouvrage, “Guerres contre l’Europe, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie”,
paru aux éditions des Syrtes en mai 2000, réactualisé, développe entre autres les idées-forces
exposées dans le présent article.
[1] En vertu des clauses de l’accord de Washington, l’Autorité
palestinienne contrôlait, à des degrés différents, avant le déclenchement de la nouvelle Intifada, les
territoires autonomes de la bande de Gaza et de Jéricho ainsi que trois zones, A, B et C, dotées
d’une autonomie plus ou moins large: zone A, constituée par 4 % de la Cisjordanie et 20 % de sa
population, mais
excluant Jérusalem-Est et une partie d’Hébron. L’Autorité palestinienne y
détient des pouvoirs de police et civils, sauf à Hébron; zone B, comprenant 450 villages
palestiniens, représentant 23 % de la superficie de la Cisjordanie. L’Autorité palestinienne y détient
les pouvoirs civils et une partie des pouvoirs de police; zone C, représentant 73 % de la
Cisjordanie et demeurant sous contrôle exclusif, de par les colonies juives, de l’État
israélien.
[2] Jérusalem, mentionnée aucune fois sous ce nom dans le Coran, est citée à
travers différents termes: Al Qods, Bayt al Maqdis, Bayt al-Muqqades, ou la “Maison sainte”. La
“sainteté” de Jérusalem est fondée sur la représentation coranique et traditionnelle selon
laquelle Mahomet, essayant dans un premier temps de convaincre les Juifs d’Arabie de rejoindre
sa communauté, décréta que l’on prierait en se tournant vers le Nord, en direction de Jérusalem.
Mais après avoir rompu avec les Juifs de Médine, les faisant massacrer un grand nombre, il
fixa l’orientation de la prière (Qibla) vers La Mecque. C’est également via Jérusalem
que Mahomet aurait accompli un ultime voyage nocturne sur le dos de sa jument blanche
magique Al-Buraq à tête de femme et aux ailes d’aigle. Il aurait attaché celle-ci au Mur situé
à l’Ouest du Mont du Temple et de là, depuis le Dôme du Rocher, via Hébron, Bethléem et tous
les autres lieux de la tradition biblique, serait monté au Septième Ciel avec l’ange Gabriel,
rencontrant en
passant Adam, Noë, Abraham, David, Jésus, devenus “musulmans”. Jérusalem
est donc le lieu par excellence de la “captation” par l’islam de l’héritage et de la
tradition biblique judéo-chrétiens. Pour les Musulmans, Al Aqsa désigne la Ville de Jérusalem
et la totalité du sanctuaire de Al Haram Al-Sharif, zone couvrant 15 % de la Vielle Ville, située
dans le Sud-Est
de Jérusalem Est, et qui inclut le Dôme du Rocher et l’Esplanade dite des
Mosquées. La mosquée Al Aqsa se tient sur la partie sud de Al Haram Al Sharif, à 500 mètres au sud
du Dôme du Rocher.
[3] Dans leurs nombreuses déclarations et fatwas, nombre d’imams ou muftis
palestiniens (notamment le Mufti de Jérusalem: Ekrama Sabri) nient totalement la relation du
judaïsme au Mont du Temple ainsi que son emplacement. Une fatwa du cheikh Sabri déjudaïse
totalement Jérusalem, la Ville étant présentée comme presque exclusivement musulmane.
Le Temple et le “Mur des Lamentations” (en réalité Mur occidental de l’ancien Temple)
sont
alors niés en tant que lieux saints. Ceci explique pourquoi l’Autorité palestinienne et le Waqf
interdisent tout travaux archéologiques dans l’enceinte visant à prouver l’existence de
vestiges du Temple.
C’est également dans le cadre de cette bataille symbolico-historique que les responsables
palestiniens ont fait détruire le tombeau de Joseph sans que Tel Aviv ne réagisse,
ce qui sera fortement reproché à Ehoud Barak.
[4] La géopolitique ne sous-estime pas a valeur historico-symbolique considérable
du “conflit d’antériorité” concernant Jérusalem et l’Esplanade, dans la mesure où
les hommes se sont toujours battu, depuis des milliers d’années, pour ce type de “patrimoine
identitaire”, l’épisode des Croisades offrant un exemple d’autant plus parlant qu’il
continue de nos jours à agir sur les consciences collectives: du point de vue chrétien, certes, mais
aussi islamique, les “occupants infidèles” israéliens étant assimilés à des “Judéo-croisés”,
expression révélatrice de la “guerre des représentations” en cours. Mais Jérusalem
n’est pas le seul théâtre de cette guerre représentative. La ville d’Hébron abrite par
exemple des Palestiniens arabes, mais aussi de nombreux Juifs, perçus comme “extérieurs” mais qui y
ont toujours vécu, avant même la création d’Israël. Du point de vue judaïque, la présence de
Juifs à Hébron est capitale dans la mesure où s’y trouve le site des tombeaux des patriarches,
Abraham et Sarah, Isaac et Rébécca, Jacob et Léah, ainsi que des stèles et pierres tombales
vieilles de sept à dix siècles. Pour les Juifs, le Caveau des Patriarches, vieux de près de 4000
ans, a une valeur inestimable.
[5] Autre précision d’importance, la grande presse a largement fait écho au
projet des Israéliens de construire un tunnel sous l’Esplanade vécu comme une atteinte
à la sacralité de Sharif Al-Haram. En réalité, le tunnel en question ne faisait que longer le
Mur extérieur de l’Esplanade sans aller sous le site religieux musulman.
[6] “Les Hamas est engagé dans la guerre sainte pour la Palestine contre les
Juifs, jusqu’à ce que la victoire d’Allah soit assurée (...). La terre doit être nettoyée de
l’impureté et du vice des occupants tyranniques (...) les Musulmans ont obligation par ordre de
leur Prophète, de combattre les Juifs et de les tuer là où ils peuvent les trouver. (...). Le
Hamas s’emploie de toutes ses forces à établir une entité dans laquelle Allah est
l’objectif ultime, le Coran sa constitution, le Jihad (la guerre sainte) son moyen, la mort pour
la cause
d’Allah la plus sublime des aspirations”. Extraits de la Charte du Hamas.
[7] Les Dhimmis (de l’arabe “Ahl al-dhimma” ou les “gens du pacte”)
sont les Juifs et les chrétiens vivant en terre d’islam (dar al-islam) que la loi
islamique (Charià)
oblige à payer un tribut (Jiziyya) en échange d’une liberté de culte limitée. Le Dhimmi
n’est pas considéré comme un citoyen à part entière: il ne peut en aucun cas commander un “vrai
Croyant”; il ne peut porter les armes; il doit enfin accepter la supériorité du musulman ainsi
que son prosélytisme sans avoir quant à lui le droit de manifester sa foi non-musulmane.
[8] Sayyid Qutb, Fi Zilal Al Qur’an, III, p. 1208.
[9] Le Tanzim (“organisation”) est une structure paramilitaire issue d’une
faction du Fath créée à Ramallah en Cisjordanie par Marwan Barghouti, dirigeant de la première
Intifada et secrétaire général du Fath en Cisjordanie. La popularité de Barghouti vient
du fait qu’il s’identifie à la base plutôt qu’avec le sommet. Les Tanzim disposent
d’armes et de sièges propres.
[10] Cité in Limes, “Teheran si prepara alla guerra, Israele/Palestina, la
terra stretta”, janvier 2001.
[11] Jadis persuadé que l’islamisme était une création de la CIA et du
Mossad, Carlos explique aujourd’hui que l’islamisme “néo-wahhabite” style Ben Laden constitue
la seule réelle voie ”radicalement révolutionnaire” face au Nouvel Ordre International et à
“l’hégémonie américano-sioniste”. Commentant les représailles américaines de l’été
1998 contre des bases de
Ben Laden au Soudan et en Afghanistan, Carlos écrit: “l’agression impérialiste
vise à ralentir l’expansion de l’islam, en s’attaquant à Bin Laden, à décapiter le
renouveau Wahhabite qui se prépare à balayer les usurpateurs du Nejd et du Héjaz, à libérer les
Lieux-Saints et la Palestine. Les attentats de Naïrobi et Dar es-Salam sont dans la continuité
historique des nôtres, commencés il y a un quart de siècle sur terre, mer et dans les
airs
contre les sionistes”, lettre envoyée par le terroriste à Jeune Afrique (N°1966, 15-21
septembre 1998) depuis la Santé, “Carlos: Les Américains, Ben Laden et moi”.
[12] La réislamisation de l’Irak, visible à tous les niveaux du pouvoir: armée,
gouvernement, et parti Baas, se manifeste à travers les discours politiques, le soutien aux
associations islamiques, la répression de boissons alcoolisées lors du ramadan et des réunions
officielles, ou le commencement des discours officiels par la formule islamique: Bismallah al
Rahman al Rahim (“Au nom de Dieu le clément et le miséricordieux”), etc. Les cadres
du parti sont de moins ouvertement laïques. Ils ne boivent plus d’alcool en public, fréquentent
ostensiblement les mosquées et fondent leur discours sur le thème de la “récupération”
de Jérusalem, la rhétorique islamiste confirmant celle du panarabisme.
[13] A l’instar des Frères musulmans, le Grand Mufti de Jérusalem Al-Hadj
Amin Al-Husseini, pilier historique de l’entente islamo-nazie contre les “sionistes” et ami
personnel d’Hitler - qui l’accueillera en Allemagne - prôna le Jihad contre les Juifs en Palestine
et dans tous le monde islamique, de l’Egypte à la Tchétchénie en passant par les Balkans et
l’Afrique du Nord
et le Machreq, la Solution finale étant ici réinterprétée à la lumière du
Jihad. Hadj Amin Al-Husseini édicta une fatwa stipulant que l’enrôlement des
Musulmans dans
les armées allemandes correspondait à une “obligation religieuse”. A son appel, vingt
mille Musulmans bosniaques s’engagèrent dans la Division Waffen SS musulmane “Handchar”.
Seront également
constituées la division musulmane SS Kama, les milices de Nasid Topcic et Hajji
Effendic Cadres Verts, ainsi que la Légion Islamique de Huska Milikovic, sans oublier la
division albanaise SS
[14] L’ouvrage de référence en la matière est La croix Gammée et Le
Croissant, Les secrets de l’alliance entre l’Islam et le nazisme d’Hitler à nos jours, de Rémy
Kauffer et Roger Faligot.
Voir aussi Pierre Péan, L’extrémiste, Fayard.
[15] C’est ainsi que le journal officiel de l’Autorité palestinienne
Al-Hayat Al-Jadida (voir sa livraison du 25 janvier 2001) cite abondamment les Protocoles des sages de
Sion, très diffusés en Palestine et dans tout le monde arabe, pour fustiger la politique
israélienne et la ”perfidie des Juifs”, relayant ainsi les classiques théories judéophobes
du “complot juif” et
entravant gravement la paix en cultivant la haine.
[16] Cette précision me permet de répondre à l’article de présentation de
mon livre Guerres contre l’Europe, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie (Syrtes, 2001), écrit par M.
Jaques Baudoin dans le numéro de Politique Internationale de l’Hiver 2000-2001, article fort véhément
et déséquilibré présentant mes thèses relatives à la guerre du Kosovo comme
“anti-américaines” et favorables au régime dictatorial de Slobodan Milosevic. Or, M. Baudouin, qui
relaye sans recul aucun la propagande de guerre de l’OTAN visant à “nazifier les Serbes” et
ne prouve à aucun moment ce qu’il avance sur mes accointances “slavo-bolchéviques”, omet
de
préciser que je qualifie à 21 reprises le régime de Milosevic “d’autoritaire”,
“dictatorial”, “détestable”, etc, et que c’est pas la volonté de l’OTAN et de l’Occident “d’empêcher
une catastrophe humanitaire”, but apparemment fort louable, que je dénonce, mais au contraire
le fait qu’il s’agissait d’un prétexte légitimant l’opération Force Alliée. Je dénonçais
l’utilisation cynique et éhontée, par les médias et responsables occidentaux
puis l’OTAN,
des douleurs de la seconde guerre mondiale et de la Shoah (ou des termes comme “génocides”,
“charniers”, “camps de la mort”), ceci dans le cadre d’une “propagande de guerre” visant à
justifier le fait que l’on
intervienne au profit des terroristes nationalistes de l’UCK et non en Afrique
ou en Indonésie ou encore ailleurs (les cas ne manquent pas hélas) où les morts, bien plus
nombreux, laissent indifférents. Le dangereux résultat de ce type d’instrumentalisation de la
Shoah, comme l’ont averti Claude Lanzmann, Simone Veil, réside dans le fait que l’Holocauste
risque d’en ressortir banalisé, galvaudé, minimisé, but des négationnistes...
[17] Voir Claude Lanzmann, “La nouvelle Affaire Dreyfus”, Colloque Fondation
Marc Bloch sur la Guerre du Kosovo: “Je n’ai pas besoin de la Shoah pour dire que ce qui se
passe en ex-Yougoslavie est effrayant (...). Rien n’est plus épouvantable que la
comparaison des horreurs, mais quand on dit déportation, cela a pour moi un sens précis: on déporte
vers les
camps de la mort”, cité in Le Figaro, 31 mai 1999.
[18] François Darras, “Les Juifs de France pris en otage”, Marianne, 17/23
juillet 2000.
[19] Cf photos truquées de Jeune Afrique du 24 octobre 2000 (“octobre noir à
Hébron”) simulant l’assassinat d’un fedayin par un soldat de Tsahal en réalité blessé par
les jets de pierres d’un de ses compagnons; émission de France 3 sur Gaza; Israéliens tués par
des Palestiniens mais présentés comme des Palestiniens tués par des Israéliens, etc. Ces différents
cas de
désinformation sont analysés par la Ligue Internationale Contre la Désinformation
présidée par maître William Goldnadel, à l’origine d’un colloque sur ce thème:
“Rouages et méfaits de la désinformation”, 6 novembre 2000, Actes disponibles auprès de Carles Rheims
Evénements, 98 rue de Sèvres, 75007 Paris, 01 56 58 51 50.
[20] Durant les cinq années qui suivirent la création d’Israël en 1948, près
de 500 000 réfugiés Juifs, dont près de la moitié constituée de rescapés de la
Shoah,
et le reste provenant des pays arabes, furent absorbés par le jeune État hébreux. Un
nombre équivalent, également composé de nombreux Sefardim des pays arabes, fut accueilli en Israël
au cours des cinq années suivantes.
© Alexandre del Valle, 2000.
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