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LA FIN DES TEMPS |
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Des fondamentalistes chrétiens soutiennent la reconstruction du Temple: Daniel
Pipes sur le livre de Gorenberg
La fin des Temps: Le Fondamentalisme et la lutte pour le Mont du Temple, par Gershom Gorenberg
Free Press - 288 pp $ 25,00
Recension par Daniel Pipes Commentary Magazine Avril 2001
Traduction française de Menahem Macina pour CJE
Le Mont du Temple, dans la vieille ville de Jérusalem, défraye à nouveau la chronique. En
juillet dernier, Ehud Barak, alors Premier Ministre d'Israël, stupéfiait le monde en offrant à
Yasir Arafat de lui céder la souveraineté partielle sur le plus sacré des sites juifs. Quelques
mois plus tard, les Palestiniens ont répondu au dernier round des concessions israéliennes en
réactivant leur campagne de violence. Il est intéressant de noter qu'ils ont décrit leur
action, au moins au début, comme motivée par la détermination de protéger une mosquée située
sur le dit Mont du Temple.
Quand, au mois de février dernier, Ariel Sharon a été élu Premier Ministre d'Israël, il a
affirmé, pour sa part, dans l'une de ses premières déclarations de politique, que Jérusalem
resterait " la capitale une et indivisible de l'Etat d'Israël, avec le Mont du Temple en son
centre, pour toute l'éternité.
C'est donc avec quelque raison que Gershom Gorenberg, un Américain ayant habité Jérusalem
depuis 1977 et qui est maintenant Rédacteur en chef du Jerusalem Report, devait appeler cet
emplacement " le patrimoine le plus contesté de la terre ". Car, cette colline réalisée par
les hommes n'est pas seulement l'endroit où deux antiques temples juifs ont été construits et
où deux lieux saints islamiques majeurs - le Dôme du Rocher et la mosquée de al-Aqsa - se
dressent encore maintenant, c'est également, comme l'écrit Gorenberg dans La fin des Temps, le
lieu de " rêves millénaires " pour beaucoup de chrétiens.
Dans ce livre bien écrit, publié juste avant l'explosion de violence de septembre dernier,
Gorenberg se concentre sur le rôle joué par le Mont du temple dans les attentes de " millions
d'hommes et de femmes tout à fait raisonnables, appartenant à des mouvements religieux établis,
de tous les coins du globe, [qui] attendent la fin de l'histoire, qui doit être suivie de
l'avènement d'une ère de perfection ". Bien que chacun des [fidèles] des trois principaux
monothéismes doive recevoir sa rétribution à la fin des jours, Gorenberg se concentre
principalement sur les Chrétiens et sur les Juifs. Les Musulmans sont confinés au rôle de
spectateurs.
Comme Gorenberg l'indique, un grand nombre de chrétiens évangéliques croient que le second
avènement de Jésus se produira après une longue suite d'événements à la fois miraculeux et
terribles. Lors de l'" enlèvement de l'Eglise ", expression vulgarisée par le prédicateur
britannique du XIXe siècle, John Darby, les vrais chrétiens s'envoleront vers le ciel, tandis
que le reste du monde devra affronter sept ans de tribulations qui précéderont l'établissement
du royaume de Dieu sur terre. Parmi les nombreux événements qui auront lieu en ces années de
tribulation, l'Antichrist profanera le Temple de Jérusalem - un acte qui suggère implicitement
que le Temple lui-même aura été reconstruit avant que les Derniers Temps et le Second Avènement
puissent advenir.
Environ un quart des Chrétiens américains, connus sous l'appellation technique de que "dispensationalistes prémillénaristes ", adhèrent à
certains aspects de cette vision des choses.
Grâce à des efforts missionnaires, les nombre de ce genre de chrétiens grandit tant en Amérique
latine qu'en Asie de l'Est (mais pas en Europe de l'Ouest).
La diffusion de leurs idées concernant la fin du monde se reflète également dans les ventes de
livres. La collection " Left Behind ", une succession de récits à suspense, de Jerry Jenkins et
Tim LaHaye, qui suivent une ligne dispensationaliste prémillénariste, a vendu dix millions
d'exemplaires (et un film majeur, qui s'en inspire, vient de voir le jour). Encore plus
spectaculaire, The Late Great Planet Earth (1970), de Hal Lindsey, un autre manière de traiter
des " derniers temps " et du retour de Jésus, s'est vendu à quelque 34 millions d'exemplaires,
dans 54 langues, et pourrait être le livre au plus fort tirage du XXe siècle qui
vient de s'achever.
En Amérique, au moins, des points de vue de cette nature générale sont tout sauf des additions
récentes au paysage chrétien. Le Millénarisme, écrit Gorenberg, " est arrivé avec le Mayflower
", et depuis, est devenu une note caractéristique de la religion américaine ". Une curieuse
conséquence de cet état de choses a été l'éclosion, au XXe siècle, d'une tendance sioniste
chrétienne qui anticipait sur le Sionisme politique en milieu juif, et qui se trouvait là pour
accueillir et conforter ce dernier. Ainsi, dans une pétition de 1891, connue sous le nom de "
Blackstone Memorial ", du nom d'un pasteur évangéliste de Chicago, 413 éminentes personnalités
américaines juives et chrétiennes invitèrent le Président à organiser " une conférence
internationale qui prendrait en compte la situation des Israélites et leurs affirmations selon
lesquelles la Palestine était leur antique foyer ".
Pour quelques chrétiens, la déclaration Balfour de 1917, exprimant la sympathie du gouvernement
britannique à l'égard des aspirations sionistes, est apparue comme la confirmation de la
véracité d'une antique prophétie; et à combien plus forte raison, la fondation de l'Etat
indépendant d'Israël, en 1948. En 1967, lors de la Guerre des Six Jours, la reconquête du Mont
du Temple par Israël a apporté la preuve absolue de la validité d'une partie des prophéties, ce
qui a provoqué un tournant vers le renouveau chrétien et a accru les espoirs d'une
reconstruction du Temple.
En bref, des millions de chrétiens de par le monde croient sincèrement et pieusement que le
statut des constructions de l'esplanade de Jérusalem déterminera le destin de l'expérience
humaine, si ce n'est celui du cosmos. Et cela signifie, comme l'écrit Gorenberg, que "ce n'est
pas de suite à son propre choix" que l'Etat d'Israël a été projeté "dans le
rôle-vedette du drame de la Fin des Temps". Selon les termes de ce drame, le seul impératif n'ait pas qu'Israël
ait le contrôle du Mont du Temple; la tâche pressante de reconstruire le temple est une tâche
qu'il est du ressort des Juifs d'accomplir, pas des chrétiens. Cependant, si passionnés que
soient les Evangéliques de voir un troisième Temple s'élever, le mieux qu'ils puissent faire
est de pousser les Juifs dans la direction préférée.
Cela signifie grosso modo soutenir Israël de support dans son conflit avec les Arabes, et
favoriser le parti (Likud) qui suit la ligne la plus dure en Israël. Cela signifie également,
bien sûr, de faire de la propagande pour la continuation d'un contrôle sur le Mont du temple.
Certains chrétiens s'impliquent de manière plus directe, en assurant une aide morale et
financière généreuse, à ceux des juifs qui sont eux-mêmes déterminés à reconstruire le Temple.
Dans un chapitre piquant intitulé "Les Cavaliers de l'Apocalypse", Gorenberg relate l'histoire
de quelques chrétiens qui ont essayé d'aider à élever une génisse entièrement rousse, un animal
dont, selon la Bible, les cendres sont nécessaires pour purifier les Prêtres du Temple de
l'impureté rituelle.
Quant aux Juifs qui entretiennent également l'espérance d'un troisième temple, ils se
réunissent dans des groupuscules qui portent des noms comme les Fidèles du Mont du Temple, et
le Mouvement pour l'Erection du Temple, leur nombre est quelque peu gonflé par ceux qui
croient à demi à leurs objectifs. Ces objectifs incluent la fin de toute guerre et une ère au
delà de l'histoire. Un dirigeant, cité par Gorenberg, croit qu'une tentative de construire le
Temple "amènera la paix, apportera la sécurité, guérira toutes les misères de la société!"
(D'autres peuvent conclure que cela précipitera des représailles musulmanes et un terrible bain
de sang.) Certains s'acheminent vers cette fin en préparant de manière méticuleuse les habits,
la monnaie, et les instruments sacrificatoires qui seront en usage dans un temple
reconstruit.
Et les Musulmans? Avec grande attention et une certaine agressivité, ils observent tout
mouvement potentiel entre les juifs et les chrétiens pour détruire les constructions islamiques
sur le Mont du Temple, qui sont désignés collectivement sous le nom de Al-Haram ash-Sharif (le
Noble Sanctuaire). Ce que cela peut signifier, on l'a vu en septembre 1996, quand les
dirigeants palestiniens ont déclenché une vaste émeute suite au fait que le gouvernement
israélien avait désobstrué la sortie d'un tunnel à Jérusalem à une distance d'au moins 200
yards de la mosquée d'al-Aqsa; la violence qui s'ensuivit eut comme conséquence presque 80
décès. De même, il se peut qu'il n'y ait aucune incongruité à voir dans l'actuel soulèvement
palestinien contre Israël une forme de protection anticipée de la mosquée à un moment
extrêmement délicat : l'intifada millénariste.
Phénomène plus étonnant en effet, les musulmans se sont également laissé emporter par la fièvre
du Mont du Temple. En fait, ils sont tellement atteints par les idées d'origine occidentale que
beaucoup adaptent maintenant certains aspects de l'eschatologie chrétienne évangélique à des
fins islamiques. Ainsi, des musulmans à la mentalité apocalyptique voient la création d'Israël
comme le début d'un processus qui va soit vers le triomphe de l'Islam, la destruction de
Israël, ou la fin du monde. Symboliquement, l'année chrétienne 2000 a pris pour ces musulmans
une signification que l'Islam traditionnel n'acceptera jamais, avec plusieurs publications
populaires si ce n'est hétérodoxes annonçant que l'Antichrist (dajjal, en arabe) doit arriver
cette année-là.
Le fait que certains Musulmans en sont venus à croire que la fin du monde est déterminée par
des événements qui auront lieu sur le Mont du Temple enflamme encore davantage une situation
déjà tendue - bien qu'en pratique, du fait que l'intérêt principal des musulmans consiste à
maintenir le statu quo en cet endroit, il semble peu probable qu'ils prennent l'initiative de
poser des actes de provocation. Il est aussi tout à fait possible que quelqu'un, aujourd'hui
anonyme, tente de mettre à feu [une catastrophe] au Mont du Temple, écrit Gorenberg. Et en
effet, il ne faudrait pas grand chose pour déclencher une conflagration dans ce
morceau de territoire, dont les murs et les bâtiments antiques pourraient facilement être abattus ou
détruits de toute autre manière par une bande même peu nombreuse de fanatiques.
Gorenberg craint que de tels événements se produisent bientôt. Dans la pensée religieuse, le
"millénium", à proprement parler, ne se réfère pas à une année avec trois zéros, mais à une
longue période marquant la fin de histoire normale et le commencement du royaume de Dieu. S'il
doit y avoir quelque chose, les fièvres millénaristes peuvent être plus fortes
cette année que durant l'année 2000, parce que tant de gens qui attendaient la Fin l'an dernier ont été déçus.
Le dossier historique enseigne à quel point de telles déceptions peuvent mener à la violence,
et adresse un avertissement à quiconque a poussé un soupir de soulagement quand le calendrier
est passé à 2001. "Le jour qui suit le dernier est le plus dangereux", observe Gorenberg.
Il y a également une leçon ici pour ceux qui pourraient être tentés d'écarter comme "bavardages
bibliques" un ensemble de croyances qui, en soi, ne sont ni absurdes ni frauduleuses. Dans ce
pays, le fait d'avoir ignorer les vues apocalyptiques de David Koresh a contribué de manière
significative aux conséquences désastreuses de la propriété de la Branche Davidienne de Waco,
au Texas. De même, écrit Gorenberg, en ignorant la "crise théologique déclenchée par l'Accord
d'Oslo" chez certains Juifs, les autorités israéliennes se sont trouvées prises au dépourvu par
le massacre d'Hébron, perpétré en 1994 par Baruch Goldstein. Pour prévenir la violence,
prévient-il, les autorités doivent suivre une ligne équilibrée, "non pas considérer les
croyances comme criminelles [mais] comprendre où ces croyances pourraient mener."
Il y a aussi un besoin plus général - le besoin de comprendre ses amis. En acceptant l'appui
d'alliés chrétiens "qui croient en la Bible", les Israéliens ont fermé les yeux de manière
significative sur quelques stipulations du programme millénariste, dont l'une a trait à la
future conversion de masse au christianisme de la génération "ultime" des Juifs. D'autre part,
quelques évangéliques semblent ne pas avoir compris le fait que, mis à part quelques marginaux,
les Israéliens n'ont pas l'intention de détruire les lieux saints musulmans pour construire un
temple.
C'est assurément un signe inquiétant lorsque chaque partie d'une relation fonctionnelle abrite
ses propres attentes à l'ombre de l'autre; ou quand, ainsi que l'écrit Gorenberg, chaque partie
"considère souvent l'autre comme un instrument inconscient pour atteindre un but plus élevé".
Son souci est que, déçus de voir que les Juifs n'entreprennent pas le travail de reconstruction
attendu, les chrétiens fervents risquent de considérer les juifs comme faisant obstruction à
l'enlèvement [de l'Eglise] et qu'ils manquent encore Jésus. "Quand la génération 'ultime' [des
Juifs] refuse d'atteindre son terme, une ancienne frustration à l'endroit des Juifs qui ne
joueront pas leur rôle a toutes les chances de ressurgir."
Il y a au moins un précédent à un tel changement d'humeur, non mentionné par Gorenberg mais
récemment étudié par Michael Barkun de l'Université de Syracuse. L' "Israélisme" britannique
[British-Israelism], mouvement chrétien qui était pro-sioniste avant la naissance de l'Etat
d'Israël, est devenu antisioniste quand il ne s'est pas vu invité associé à la construction du
nouveau pays. "Comme les fondamentalistes contemporains", écrit Barkun, "ils avaient besoin
d'un Etat juif en Palestine pour des raisons théologiques, mais cela ne signifiait pas
nécessairement qu'ils aimaient les Juifs". Le mouvement "British-Israel" a par la suite donné
naissance au mouvement de l' "Identité Chrétienne", également connu sous le nom de "Nation
Aryenne", qui est peut-être le mouvement chrétien le plus violemment raciste et antisémite qui
existe aujourd'hui.
Gorenberg a raison de s'inquiéter des problèmes liés au Mont du Temple, parce qu'ils ont la
capacité unique de précipiter des crises internationales effrayantes. En même temps, cependant,
son analyse souligne la nécessité de distinguer soigneusement entre modérés et extrémistes,
particulièrement lorsqu'on a affaire à un phénomène aussi varié que le Christianisme
évangélique américain. Les croyances sont une chose, influer sur elles en est une autre. Comme
les Juifs qui prient trois fois par jour pour la reconstruction du temple et la restauration
des sacrifices d'animaux, la grande majorité des évangéliques n'ont aucune difficulté à
distinguer entre le domaine de la croyance finale et celui de l'action terrestre. Jusqu'ici, à
l'exception d'une poignée d'extrémistes, le centre a tenu, et l'on peut raisonnablement
s'attendre à ce que cela continue ainsi.
© Daniel Pipes & Commentary Magazine, 2001.
(L'historien Daniel Pipes est le directeur du Middle-East Forum, à Philadelphie.)
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