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Le Moyen Orient entre dans une logique de guerre 

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Le Moyen Orient entre dans une logique de guerre (info #300703)
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

La confrontation globale au Proche Orient pourrait bien avoir déjà commencé.
Alors que les journaux et les télévisions occidentaux s¹attèlent encore a présenter les événements de l¹esplanade du Temple, qui ne recèlent toutefois aucun intérêt stratégique ou tactique pour l¹issue du conflit, les yeux des militaires et des analystes sont tournés dans une autre direction.
Depuis le 10 juillet, deux détachements armés irakiens, forts de 1000 à 1500 hommes, ont franchi la frontière jordanienne, en route vers la Palestine. A Aman, à Jérusalem et à Washington, on considère cette agression comme un casus belli et on prépare la riposte adéquate, tout en scrutant la prochaine initiative de Saddam Hussein.

Les états majors sont en état d¹alerte maximum et le Royaume Hachémite de Jordanie est carrément en situation de guerre. Le jeune roi Abdullah, soldat de formation, conduit personnellement les efforts, afin de repousser l¹incursion ennemie. Il ne paraît plus qu¹en battle dress et les marques de fatigue et de préoccupation sont désormais visibles sur ses traits.

Le roi sait qu¹il ne s¹agit pas d¹une action isolée de son dangereux voisin de l¹Est mais d¹un dispositif de guerre globale. En face, côté irakien, Saddam Hussein a créé un commandement du front Jordanie-Israël, qu¹il a confié à son fils aîné Qusay. Les rapports précis des services secrets jordaniens mais aussi israéliens et américains, font état d¹une menace tout ce qu¹il y a de plus tangible. Les Irakiens ont en effet déployé sur la frontière jordanienne la division d¹élite de la Garde républicaine, les Hummarabi, qui disposent de chars d¹assaut soviétiques modernes de type T-72. Plus à l¹arrière, entre la frontière et les deux bases aéronautiques H3, Qusay a déployé 4 brigades d¹infanterie motorisée. En tout, ce sont environ 20.000 hommes, qui menacent d¹ouvrir un front, en direction de Jérusalem et au travers du Royaume hachémite.

Tout aussi significatif, est la grande concentration de troupes irakiennes sur les routes menant à Damas et au Golan. A l¹heure où j¹écris ces lignes, j¹entends sur ma tête, le vrombissement continu des avions de reconnaissance de Hel Avir, qui guettent chaque mouvement suspect. Ce ballet aérien dure depuis plusieurs jours.

C¹est la publication américaine " Work net daily ", qui a été la première a annoncer la nouvelle de l¹agression irakienne, reprise ensuite par plusieurs autres agences. A la Ména, nous entretenons des vraies relations d¹amitié avec plusieurs personnalités jordaniennes de tout premier plan, auxquelles nous avons demandé de nous confirmer les détails de la situation militaire. Voici ce que nous pouvons affirmer, à l¹heure d¹écrire ces lignes :

- Les forces irakiennes, qui ont pénétré sur le territoire jordanien, sont des commandos aguerris, pouvant opérer de manière autonome durant de longues semaines.
- Le premier commando a franchi la frontière dans la région centrale, aux environs de la vallée d¹El Mubrah, avant de s¹infiltrer dans le Wadi Athner.
- Le second commando a franchi la frontière plus au Sud, dans la région des trois frontières (Iraq, Arabie saoudite, Jordanie), près de la localité de Ruwayshid. Il se trouverait actuellement dans la proximité de la ville d¹Abu Haffrat, à 80 kilomètres, à l¹intérieur des lignes hachémites.
- Les Irakiens couvrent leurs troupes au sol, par l¹appui de douzaines d¹avions, rescapés de la guerre du Golfe. Plus gênant encore, pour l¹armée de l¹air jordanienne, dont les appareils ne sont pas équipés de contre-mesures électroniques, les missiles sol-air Sam, disposés autour de la base irakienne d¹Al-Baghdadi, interdisent toute intervention aérienne contre les assaillants.
- Pour l¹instant, les tentatives du roi Abdullah, afin de localiser précisément les intrus, dans l¹immensité du désert jordanien et de les anéantir, se sont soldées par des échecs.
- On considère, à Aman, que les assaillants pourraient disposer d¹appuis locaux, notamment en la personne de Palestiniens, qui constituent la grande majorité de la population de la monarchie et qui n¹ont jamais fait mystère de leur sympathie pour le régime dictatorial de Bagdad.

Le but opérationnel des commandos consiste à atteindre, puis à traverser le fleuve du Jourdain (où les Israéliens ont dépêché d¹importants renforts) et à se rendre dans les villes palestiniennes afin de soutenir l¹Intifada.

Les objectifs politiques de Saddam sont, quant à eux, plus complexes, plus ambitieux et plus dangereux aussi ! D¹abord, il est le premier (et le seul) leader arabe, à ne pas se contenter d¹encouragements verbaux, à l¹endroit du soulèvement armé déclenché par l¹Autorité palestinienne. Le seul fait de l¹incursion de ses commandos, lorsqu¹il sera connu des masses arabes, en fera vraisemblablement le champion de la lutte pan-arabique.

Dans le cas où Israël réagirait militairement à la menace qu¹il fait peser sur elle, ou dans l¹hypothèse, qu¹Israël prête main forte au roi Abdullah, comme ce dernier l¹a déjà demandé, Saddam Hussein grouperait instantanément autour de lui l¹ensemble des États arabes, dans une croisade globale contre l¹État hébreu. Ariel Sharon a très bien compris l¹embrouille, qui aimerait bien laisser les Américains attraper la patate brûlante.
Dans un discours, au sens sibyllin pour son auditoire, ignorant de la crise, le Premier Ministre israélien a procédé jeudi dernier à une déclaration, dans le langage le plus décrypté possible : "Au bout du compte, " a dit Sharon, " il s¹agit des intérêts américains. Ils sont impliqués dans les préparatifs de leur campagne contre l¹Irak et ils ont besoin du soutien des autres États arabes. Ils ne nous veulent pas en travers de leur chemin et je prends cela comme un signal d¹alarme ! "

La vraie question, pour Israël et pour les USA, c¹est d¹établir une ligne rouge, de définir, jusqu¹où ils doivent supporter sans broncher les provocations du dictateur de Bagdad et à partir de quand, l¹inaction deviendrait périlleuse. Il apparaît aux analystes de la Ména, que la ligne rouge ne se situe pas forcément au même endroit, suivant qu¹il s¹agisse des intérêts américains ou israéliens. On ne serait donc pas étonné outre mesure, que, pendant que nous écrivons ces lignes, des consultations soient en cours, afin de se mettre d¹accord sur des senseurs de situations militaires, acceptables par les deux alliés.

A nos yeux, cependant, cette affaire n¹est pas simple et elle pourrait avoir des conséquences très graves pour la région. L¹initiative irakienne met d¹abord en exergue la fragilité du régime hachémite et pose la question de la nécessité de sa pérennité au plan de la politique régionale.
Formellement, Israël est garante de la sécurité de la monarchie trans-jordanienne, sur la base d¹un accord secret entériné par feu le roi Hussein et le Premier Ministre assassiné, Itzkhak Rabin. Cet accord prévoit qu¹Israël interviendra militairement pour porter secours à son voisin, au cas où ce dernier serait menacé. Il semble désormais, que nous ne sommes pas éloignés de cette éventualité et Israël a d¹ores et déjà pris les devants, afin de parer à toutes les éventualités. De Métula, nous pouvons vous dire, que le Ministre de la Défense, Fouad Ben Eliezer, a procédé a deux visites à Aman en fin de semaine. Il a rassuré ses hôtes jordaniens et les a assurés du soutien d¹Israël.

S¹agissait-il d¹un acte trivial ? La nervosité des dirigeants hachémites était-elle sans objet ? Non et non ! Le roi Abdullah et ses frères ont bien raison de presser leurs alliés américains et israéliens à s¹impliquer, le plus rapidement et le plus tangiblement possible, dans la protection de leur royaume. A exiger des gages !

" Pourquoi " réclameront les lecteurs éveillés de la Ména ?

Bien, c¹est que, parallèlement à la logique qui veut que les USA et Israël sauvegardent le royaume hachémite et qui constitue, pour l¹instant, l¹option préférentielle de ces deux nations, il existe une théorie diamétralement opposée ! Bush et Sharon sont conscients de l¹artificialité du royaume jordanien. Ils savent, que cet État, tracé à la craie par l¹empire britannique sur le déclin, n¹a pas vraiment d¹avenir à long terme. Les bédouins hachémites (qui sont mes grands amis mais je ne suis ni Bush, ni Sharon !) ont été transférés par les Anglais depuis la péninsule arabique. Jusqu¹à maintenant, ils ne forment qu¹environ 15% de la population jordanienne, alors que l¹écrasante majorité de celle-ci, plus de 70%, est constituée d¹exilés palestiniens et de leur nombreuse descendance. 

Et si nous considérons, avec une certaine dose de clairvoyance, que la promiscuité entre les juifs et les Arabes, en Eretz Israël-Palestine, est telle, qu¹elle rend impossible la pacification de la région, nous ne nous trouverions plus qu¹à un petit pas d¹une conclusion stratégique douloureuse : Pourquoi ne pas laisser le royaume jordanien s¹effondrer, à l¹issue d¹un conflit inter-arabe, et y installer confortablement l¹État palestinien, à grand renfort d¹aide internationale ?

Cette idée n¹est pas nouvelle. En 1970, lors des événements de Septembre noir, qui ont vu des affrontements sanglants entre les bédouins hachémites et les fedayin palestiniens, il s¹est trouvé un politicien israélien, pour condamner l¹aide militaire, que nous avions alors apporté au roi Hussein, jouant ainsi un rôle instrumental dans la défaite d¹Arafat. Ce politicien, qui voulait déjà installer les Palestiniens de l¹autre côté du Jourdain, quitte à leur donner un coup de main pour y établir leur pouvoir, avait un nom. Il vit toujours, d¹ailleurs et il n¹a peut être pas renoncé
  son projet, il s¹appelle Ariel Sharon !

Je suis absolument certain, que cette hypothèse tactique a au moins été abordée, durant les dernières consultations, en rapport avec l¹agression irakienne et c¹est donc tout à fait normal, qu¹elle donne des sueurs froides au monarque jordanien. Pourtant, l¹autre plateau de la balance n¹est pas vide non plus :

- le pouvoir jordanien est un gage de stabilité et de paix dans la région
- il est bien intentionné envers Israël et les occidentaux
- il constitue une barrière efficace contre le fondamentalisme islamique
- si les Palestiniens établissent un État en Jordanie, rien ne dit, que plus tard, ils s¹en contenteront et ne s¹en serviront pas plutôt comme base pour " libérer Jérusalem ? " 

Tactiquement, il existe encore un autre péril. Si d¹aventure, le roi Abdullah se persuadait qu¹Israël et les USA le lâchaient, il lui resterait encore l¹option de se rallier aux envahisseurs irakiens et de sauver, par ce geste désespéré, le peu qui pourrait l¹être. J¹ai entendu les princes de Jordanie, en conversation privée, me dire toute la haine et le mépris qu¹ils ressentent envers le régime irakien et leur ressentiment est incommensurable. Pourtant, aussi vrai que les responsables de l¹État hébreu et ceux du Capitole envisagent toutes les configurations possibles et sans états d¹âme, je ne doute pas non plus, que mes amis hachémites soient également contraints par les circonstances, d¹envisager
froidement toutes les issues possibles. La stratégie, à ce niveau de complexité, est un jeu d¹échec et aucun grand maître n¹a jamais joué aux échecs, en y mêlant ses sentiments personnels !

Un autre élément, qui pèse son poids (qui devrait au moins) dans la balance, en faveur d¹un soutien inconditionnel à la Jordanie, c¹est celui de l¹exécrable réputation, qu¹a Israël, au niveau de sa façon de traiter ses amis ! C¹est peut-être là, l¹un des seuls dénominateurs communs, que je trouve aux politiques classiques, israéliennes et françaises. On y sacrifie facilement ses amitiés, au profit de ses intérêts immédiats. Les amis d¹Israël se font de plus en plus rares, qui ont vu l¹État hébreu abandonner les Maronites à leur sort, puis leurs proches dans les territoires palestiniens, les Druzes pro-israéliens du Golan et enfin leurs alliés chrétiens du Sud-Liban. Nul doute, que si Israël lâchait la Maison de Jordanie, à son tour, les nouvelles amitiés ne se presseront pas au portillon et Israël, a désespérément besoin d¹amis, isolée qu¹elle est, au milieu de populations hostiles !

Au plan stratégique, et sans plus de relation avec la Jordanie, nous devons encore considérer que l¹Irak est toujours dotée d¹armes balistiques, capables de porter la mort non-conventionnelle, dans les centres urbains d¹Israël. On ne considère pas un adversaire, qui dispose de tels moyens avec dédain, ni avec hauteur et cela transforme chaque décision, lors d¹une telle confrontation, en un véritable casse-tête !

On doit aussi se demander impérativement, quel est le degré de concertation qui existe, entre la Syrie et l¹Irak de Saddam Hussein. A Métula, on a senti le jeune et impulsif président syrien très amer, de se trouver contraint, par son infériorité militaire criarde face à Israël, de mettre son poing dans sa poche et de commander aux Hezbollani de cesser leurs provocations, à proximité des Fermes de Chabaa. Ici, nous doutons qu¹un Assad se le tienne pour dit et qu¹il accepte sa situation sans se rebeller et sans chercher des nouveaux coups pour férir !

Les stratèges du chef d¹état major israélien, Shaul Mofaz, sont aussi inquiets, de l¹éventualité d¹avoir à livrer une bataille difficile, alors qu¹ils sont toujours confrontés à la révolte armée des Palestiniens, à l¹intérieur même de leur périmètre de défense géographique. Nul doute que, dans le cas d¹une globalisation du conflit et de l¹entrée en guerre de forces arabes régulières, la répression militaire pourrait se durcir contre l¹AP et qu¹elle se ferait à grands renforts de soldats réservistes.

Comment terminer cette courte mais combien inquiétante analyse, sans mentionner le considérant le plus dangereux de cette situation ?
Comment ne pas rappeler aux lecteurs, que nous avons non seulement à faire à un dictateur sanglant, dont l¹autorité personnelle est suffisante, nous l¹avons vu avec l¹invasion du Koweït, pour précipiter son peuple dans une guerre perdue d¹avance mais encore et vraisemblablement à un caractère psychologiquement instable et excessif. Les exemples de ses excès et de ses exactions gratuites sont de notoriété publique, aussi n¹y reviendrons-nous pas. Il faut toutefois considérer, avec la plus extrême des attentions, les suites de l¹agression délibérée des troupes d¹un homme, qui passe pour avoir égorgé des ministres de ses propres mains, lors de séances du conseil. (Ca me rappelle et avec quel vertige, que m. Chevènement était alors Président de l¹Association des Amitiés franco-irakiennes, que messieurs Giscard d¹Estaing et Chirac ont livré à cet énergumène une centrale atomique, usine à fabriquer des bombes atomiques, clés en mains et que la moitié des Français, ignorante de cette irresponsable démence ­ j¹ai bien dit " démence ! " ­ va probablement voter pour cet apprenti sorcier, lors des prochaines élections présidentielles !)

Et lorsqu¹on sait que Saddam Hussein est très certainement atteint d¹une maladie incurable, à un stade avancé de son évolution et que la crainte de la mort altère la compréhension, mêmes des personnes les mieux équilibrées, on se dit que le risque le plus grave, qui pèse sur les têtes des enfants du Proche Orient, c¹est celui des réactions imprévisibles d¹un vieux despote déraisonnable, abruti par les désillusions de ses rêves de grandeur et rongé de l¹intérieur par la maladie! Les réactions d¹un genre, que même les plus avisés des analystes sont incapables de prédire ! 

email: mena@noos.fr  


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