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Les Islamistes ne sont pas moins
dangereux quand ils sont modernes |
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Traduit spécialement pour Reponses-Israel par Nathan Dubinski
Un Musulman fondamentaliste me déclarait un jour : «J'écoute Mozart, je lis
Shakespeare, je regarde Comedy Channel et je crois aussi à l'avènement de la
Shari'a (la loi islamique). Cette invraisemblable combinaison peut paraître
excentrique, mais elle ne l'est pas. Le fondateur du Jihad Islamique, une
organisation fondamentaliste (ou plus précisément Islamiste) responsable
d'innombrables meurtres, se vantait de prendre plaisir à la lecture de
Shakespeare. L'ayatollah Ali Khamenei, le personnage le plus influent du
gouvernement islamiste d'Iran, manifeste une tendresse bien connue pour le barde
de Stratford.
Plus généralement, les extrémistes islamiques sont portés à bien connaître
l'Occident (à l'exception principalement de ceux d'Arabie Saoudite et
d'Afghanistan) pour en avoir appris les langues, étudié les cultures ou y
avoir vécu. Une proportion importante d'entre eux (tels les chefs des
organisations islamistes turque et jordanienne) sont des ingénieurs. Dans une déclaration
lancée depuis sa cellule de la prison de Manhattan, le cerveau de l'attentat du
World Trade Center évoquait, avec une pointe de sarcasme, les lois de la
physique de Newton.
Ceci met en évidence une réalité importante, encore que peu connue : en dépit
de leur haine intense pour l'Occident, les Islamistes entretiennent des liens étroits
avec lui. Ce ne sont pas des paysans vivant dans une campagne reculée, mais des
individus évolués, totalement inscrits dans la modernité et souvent diplômés
d'université. Dotés d'un bagage occidental et confrontés à la vie moderne,
ils sont en quête du savoir de l'Occident et admirent son efficacité.
Les Islamistes, paradoxalement, connaissent à peine leur propre culture et
souvent la méprisent. Azir al-Azmeh, un spécialiste de l'Islam, note qu'ils
sont « totalement indifférents à l'expérience historique des Musulmans et au
caractère historique de leur loi ». Malgré leur dessein de récréer la société
du temps du Prophète, ils attachent peu de prix à l'Islam traditionnel - la
foi profondément gratifiante de près d'un milliard de fidèles - et encore
moins à sa connaissance. Le vaste corpus du savoir coranique les laisse froids,
tout comme les poètes lyriques persans et les splendides mosquées égyptiennes.
A leurs yeux, non moins qu'à ceux d'un bureaucrate suédois en charge de
l'assistance ou d'un économiste de la Banque Mondiale spécialiste du développement,
le monde musulman est un endroit arriéré qui appelle d'urgence une réforme à
travers l'adoption de méthodes occidentales.
Que les Islamistes visent non un ordre islamique traditionnel mais une variante
-au parfum islamique- d'un mode de vie occidental est parfaitement perceptible
dans leur conception de la religion, de la politique et de la loi. Leurs idées
concernant les femmes sont sans doute les plus révélatrices. Malgré leur
obstination à les voiler et à les punir en cas de relations sexuelles hors
mariage, les Islamistes épousent en fait une approche s'apparentant davantage
au féminisme de type occidental qu'à un quelconque schéma islamique.
L'homme musulman traditionnel tirait gloire du fait de garder son épouse à la
maison (dans les foyers aisés, les femmes ne sortaient presque jamais). A
l'opposé, les Islamistes évoquent fièrement la « libération des femmes »
et l'organisation dirigeante des états musulmans appelle au « respect de la
dignité et des droits des femmes musulmanes ainsi qu'au renforcement de leur rôle
dans tous les aspects de la vie sociale ». Jadis le voile ne servait qu'à protéger
la vertu d'une femme ; aujourd'hui il facilite aussi l'objectif féministe
qu'est la poursuite d'une carrière.
Et il représente encore davantage pour certains Musulmans qui affirment trouver
le voile attirant (sexy). Shabbir Akhtar, un écrivain britannique, le voit
engendrer « une véritable culture érotique, dispensant du besoin d'excitation
artificielle que procure la pornographie ». Même les restrictions islamistes
imposées aux femmes découlent des modèles occidentaux. Comme le fait
remarquer As'ad Abu Khalil de l'université d'état de Californie, « ce qui
passe, dans l'Arabie Saoudite d'aujourd'hui, pour du conservatisme sexuel tient
davantage au puritanisme victorien qu'aux moeurs islamiques ».
Les Islamistes sont donc malgré eux des adeptes de l'Occident. Quelle que soit
la direction dans laquelle ils se tournent, ils finissent par lorgner vers
l'Ouest. Les hommes arborent des T-shirts proclamant « L'Islam est la solution
». Les femmes portent des blue jeans sous leur chadors et scandent « Mort à
l'Amérique ». Tout en rejetant ostensiblement l'Occident, ils l'acceptent dans
le même temps.
Cet état de fait a deux conséquences. Aussi réactionnaire qu'il soit dans ses
visées, l'islamisme embrasse des idées et des institutions qui ne sont pas
seulement modernes mais aussi occidentales. Le rêve islamiste d'expurger le
mode de vie musulman de ses habitudes occidentales est voué à l'échec.
Mais surtout, l'hybride qui en résulte est plus vigoureux qu'on ne le croit.
Les opposants à l'islamisme, Musulmans et non-Musulmans confondus, le balayent
trop souvent comme une volonté passéiste de se préserver de la vie moderne et
se rassurent en prédisant son abandon au fil des avancées de la modernité.
Cette espérance est illusoire, car l'islamisme séduit irrésistiblement les
Musulmans aux prises avec les défis du monde moderne et son utopisme
totalitaire a encore un énorme pouvoir de nuisance.
L'islamisme demeurera une force pour un certain temps encore. Ses adversaires ne
peuvent se contenter de rester passifs et d'attendre sa chute, mais doivent
combattre activement ce qui est devenu un fléau quasi mondial.
© Daniel Pipes, The Jerusalem Post, August 8, 2001.
http://www.jpost.com/Editions/2001/08/08/Opinion/Opinion.32106.html
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