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«Les terroristes, il faut les chercher un par un» (Le Figaro 3/10/01) |
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«Les terroristes, il faut les chercher un par un» (Le Figaro 3/10/01)
Ben Eliezer : «Les terroristes, il faut les chercher un par un»
Telle est la réponse du ministre israélien de la Défense pour neutraliser les réseaux
de Ben Laden. Partenaire essentiel du gouvernement d'union
nationale, cet ancien général est un spécialiste du contre-terrorisme. Il fait partie
du conseil restreint de sécurité avec Sharon et Pérès
LE FIGARO. - Israël veut-il jouer un rôle dans la coalition américaine? Ou les
objections arabes à votre participation s'annoncent-elles aussi
insurmontables que lors de la guerre du Golfe?
Benyamin Ben ELIEZER. - Aujourd'hui, l'essentiel est ailleurs: Israël ne veut rien faire
qui puisse être un obstacle à la coalition américaine. Car, à long terme, Israël
tirera profit de cette prise de conscience internationale du danger terroriste.
Yasser Arafat souhaite lui aussi s'enrôler dans cette coalition...
En vérité, les Américains ne recherchent pas de partenaires dans le monde arabe.
Washington a besoin d'une approbation silencieuse, d'accords conclus sous la table. Car on
ne peut pas comparer les événements d'aujourd'hui avec
la guerre du Golfe. En 1991, le Koweït était attaqué et l'Arabie saoudite menacée. La
solidarité arabe était donc naturelle. Nous avons maintenant affaire à des armées sans
ennemis, à des dangers sans réponse militaire évidente. La bombe, c'est l'avion.
L'explosif, c'est le carburant. L'ennemi est décidément moins simple.
Est-ce pour cela que le ministre britannique des Affaires étrangères et l'ambassadeur de
France en Israël ont distingué entre le terrorisme
inadmissible de Ben Laden et un terrorisme palestinien plus compréhensible
Le terrorisme, c'est le terrorisme. Dans l'idéologie du Hamas, du Djihad islamique ou du
Hezbollah libanais, il n'y a aucune différence avec Ben Laden.
Etes-vous d'accord avec Ariel Sharon, qui compare Arafat à Ben Laden?
Les Palestiniens seront toujours nos voisins et, comme Etat démocratique, Israël doit
reconnaître à chaque nation le droit de choisir ses dirigeants.
Arafat ayant été désigné par les Palestiniens, nous devons respecter ce choix. Mais
nous devons tout faire pour amener Arafat à la table des
négociations. J'ai été le premier responsable israélien à être dépêché à Tunis
par le premier ministre Rabin, pour déterminer s'il était sage
qu'Israël s'engage dans le processus d'Oslo. J'ai rapporté une réponse très positive.
Depuis, que s'est-il passé? Rabin a été assassiné, Shimon Pérès a perdu les
élections de 1996 à la suite d'une terrible campagne d'attentats.
De même qu'Ehud Barak qui avait pourtant offert aux Palestiniens de leur rendre 97% des
territoires. Le résultat, ce fut l'intifada. Alors, nous sommes en droit de poser la
question: Arafat veut-il vraiment un accord?
Regrettez-vous le diagnostic positif que vous aviez rapporté de Tunis?
A l'époque, les dirigeants palestiniens m'avaient paru se rendre compte qu'après tant de
morts des deux côtés, le moment était venu de faire la
paix. Or, comme ministre de la Défense, ma conviction n'a pas changé: il n'y a pas de
solution militaire. Nous n'arriverons à un règlement du conflit israélo-palestinien
qu'en nous asseyant à une table de négociations. Dans
l'entourage d'Arafat certains dirigeants estiment que les Palestiniens doivent abandonner
le terrorisme et négocier. Il y en a même qui disent
qu'Arafat mène son peuple au désastre. Il y a un an, Arafat a découvert qu'il devait
donner son aval à l'existence d'une nation juive et il n'a pas pu s'y résigner:
«Attendons encore.»
Vous ne semblez pas croire au nouveau cessez-le-feu avec Yasser Arafat? Alors pourquoi
l'avoir conclu?
Nous avons accepté cette tentative de cessez-le-feu pour deux raisons. La première,
c'est que les Etats-Unis nous l'avaient demandé pour faciliter la mise sur pied de leur
coalition antiterroriste. La deuxième, c'est de prendre Arafat au mot. S'il est honnête,
s'il veut vraiment la trêve, alors pourquoi pas? Après, nous entrerions directement dans
l'application du
rapport Mitchell.
Arafat peut-il se faire obéir des extrémistes du Hamas et du Djihad islamique?
Le dirigeant palestinien le plus puissant, c'est toujours Yasser Arafat. Il est le seul
chef qui puisse tout arrêter d'un simple geste de la main. Même s'il lui faut un jour ou
deux pour être totalement obéi, quand Arafat veut, il peut. Mais on en revient toujours
à la même question: que veut-il vraiment? Au contraire, ce que veulent les Israéliens
est sans ambiguïté: membres du Likoud ou, comme moi, du Parti travailliste, nous voulons
tous la sécurité. Je veux que ma fille et ma petite-fille puissent sortir dans la rue
tranquillement et rentrer à la maison tranquillement. Ensuite, peu m'importent les
concessions pénibles qu'il faudra faire, je me battrai pour tout projet qui conduira à
la paix.
Après l'attaque terroriste contre l'Amérique, Israël ne doit-il pas regarder au-delà
de son conflit avec les Palestiniens?
La scène régionale m'inquiète beaucoup. La Syrie est devenue une terre d'asile pour
toutes les organisations terroristes, y compris le Djihad
islamique palestinien, et le président Bachar el-Assad continue d'appuyer le Hezbollah
libanais. La Syrie peut-elle être acceptée dans la coalition
américaine si elle ne fait pas d'abord le ménage chez elle? J'espère aussi que les
Américains vont réaliser que la menace principale, c'est l'Iran. Non content de soutenir
le terrorisme, le régime de Téhéran s'équipe d'armes de destruction massives. Dans
quatre ans, en 2005, l'Iran pourra produire sa première bombe nucléaire.
Si les Etats-Unis frappent l'Afghanistan, ne craignez-vous pas que les intégristes se
vengent sur Israël?
Les événements du 11 septembre nous ont appris que, désormais, tout est possible.
Plusieurs hypothèses sont envisageables. Premièrement, une attaque contre Israël
semblable à celle subie par les Etats-Unis. Deuxièmement: la réaction du Hezbollah
serait immédiate, il lancerait des roquettes sur Israël. Enfin, si les Américains
interviennent en Irak, Bagdad se retournera
contre Israël: en 1991, des Scud avaient frappé Tel-Aviv alors que nous ne participions
pas à la guerre du Golfe. L'armée israélienne ne veut prendre aucun risque. Elle fera
face à toute éventualité.
Les Américains ont reproché à Israël de ne pas jouer le jeu de la coalition.
Et, après les représailles de Tsahal à Gaza, le Département d'Etat est allé jusqu'à
parler de «provocation». Vous sentez-vous coupable?
Cette déclaration du Département d'Etat est regrettable. Notre riposte était légitime.
Les Palestiniens avaient préparé une mine de 110-kilos de plastic qui, si elle avait
explosé, aurait pu tuer 20 de nos soldats. Heureusement
le bilan n'a été que de trois blessés. Mais les Palestiniens nous frappent toutes les
nuits. Notre bonne volonté ne peut pas être mise en doute. Il y a quarante-huit heures,
Arafat nous a demandé de laisser passer 450 de ses soldats pour essayer de rétablir
l'ordre à Rafah. Pas de discussion, nous avons ouvert la porte.
Dans l'escalade des violences, les torts ne sont-ils pas partagés?
Croyez-moi, ce n'est jamais nous qui ouvrons le feu en premier. Sous nos postes de garde,
les Palestiniens ont creusé 12 tunnels, peut-être même 16. Ils y font passer des armes,
des munitions. Celui qui envoie des enfants de
12 ans se faire sauter avec une bombe, ce n'est pas moi. C'est Arafat. Celui qui veut
envoyer des centaines d'enfants de neuf ou dix ans s'entraîner dans des colonies de
vacances pour devenir des terroristes suicides, ce n'est pas
moi. C'est Arafat. Je ne rêve que d'une chose: m'asseoir à une table pour parler de
paix. Si les gens d'en face acceptent, ils seront surpris de
découvrir combien moi Benyamin Ben Eliezer, je suis prêt à me montrer très, très
flexible. Mon seul objectif c'est d'en finir avec la guerre, d'en finir avec la haine.
Mais beaucoup d'enfants qui n'avaient comme armes que des pierres ont été tués ou
blessés par les balles des soldats israéliens.
Mes ordres à mes soldats sont très clairs. Ne frappez jamais des innocents.
Je le reconnais, dans les quatre derniers jours, deux enfants ont été tués. Des gamins
de douze ans, bardés d'explosifs, qui vont se jeter sur nos
tanks. Bien sûr, il peut arriver que, lors d'une manifestation, des enfants puissent
être touchés par nos tirs. Je ne connais que deux cas. Il s'agit d'accidents et nous en
sommes profondément désolés.
Cette disproportion dans la riposte, qui a été dénoncée par les Américains, ne
démontre-t-elle pas que l'armée veut empêcher la réussite des
conversations entre Pérès et Arafat?
Même s'il y a des gens qui veulent créer des problèmes entre Pérès et l'armée, c'est
ridicule. L'armée israélienne n'a pas le droit de se déplacer d'un mètre sans un ordre
du ministre de la Défense. Tsahal ne peut pas lancer une opération, monter une
embuscade, construire une fortification, sans instructions signées de ma main. Mes
généraux sont libres d'exprimer leur opinion. C'est le génie de notre armée: je
n'attends pas de nos officiers qu'ils se mettent au garde-à-vous et disent «Oui,
monsieur le
Ministre.» Mais la discussion se fait dans mon bureau, pas dans une arène politique.
Selon les journaux israéliens, Pérès aurait accusé le chef d'état-major adjoint de
vouloir tuer Arafat. Est-ce vrai?
Encore une stupidité! Il n'y a aucun projet d'éliminer Arafat. Ces accusations sont
regrettables. J'ai dit à Shimon Pérès qu'il ne devrait pas accuser ainsi l'armée.
Aujourd'hui, en Israël, paix et sécurité ne sont-ils pas contradictoires?
Soyons clairs. Je veux la paix. Mais, comme ministre de la Défense, mon premier devoir
est d'assurer la sécurité d'Israël. C'est le seul pays que nous ayons. Je faisais
partie de l'équipe de négociateurs qui a proposé à Yasser Arafat 97% des territoires
occupés. J'ai été le dernier à soutenir Ehud Barak et jusqu'à la dernière minute.
Car je pensais que si on veut la
paix, on doit être prêt à en payer le prix. Mais, comme pour un mariage ou pour un
contrat commercial, il faut un partenaire. Seul, on ne peut rien faire d'autre que de
lever les yeux au ciel et de supplier: «Dieu, aide-moi.»
Comme militaire vous étiez un spécialiste du contre-terrorisme. Comment les Américains
doivent-ils riposter à Ben Laden?
Avec les terroristes, il faut être sans pitié. Les Américains doivent les détruire
parce que la négociation est impossible. Mais avec des avions par centaines, les vraies
cibles ne seront jamais atteintes. Contre un ennemi invisible, ce ne sont pas des tanks
qu'il faut utiliser, ni des missiles. Pour aller fouiller des tanières en Afghanistan ou
ailleurs, rien ne vaut les commandos. Et, pour éliminer un à un des bandits dont l'arme
la plus
efficace est le téléphone portable, il faut un homme contre un homme. Tsahal n'a aucun
projet d'éliminer Arafat La Syrie est devenue une terre d'asile pour toutes les
organisations terroristes Dans l'idéologie du Hamas, du Djihad islamique ou du Hezbollah
libanais, il n'y a aucune différence avec Ben Laden.
Propos recueillis à Tel-Aviv par Charles Lambroschini et Pierre Prier
Publié le 3 octobre 2001, page 14
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