|
|
"Je suis rentré en Israël le 27 Yiar, après une visite d'une
semaine à Paris. Ce soir là, Jérusalem fêtait les 40 ans de
sa libération, lors de la Guerre des six jours.
Je ne me rappelle ni de la guerre, ni de la libération, je
n'avais qu'un an à cette époque! Mais tes souvenirs, ô
Jérusalem, ont accompagné mon enfance. J'aimais jouer dans
les tranchées de Guivat Hatahmoshet (la colline des
Munitions), en m'imaginant les courageux soldats, qui
avaient été prêts à sacrifier leur vie pour toi, pour enfin
te retrouver. J'ai grandi avec l'histoire de ce soldat qui
avait versé des larmes au Kotel, avec l'image du Rav Goren,
qui, un Séfer Torah dans les bras, avait sonné du shofar et
avec l'annonce de Motta Gour sur son émetteur : «Le Mont du
Temple est entre nos mains ! Je répète, le Mont du Temple
est entre nos mains !»
Et tout cela s'était produit alors que quelques jours avant,
Israël était en danger de destruction. Ceux qui se
souvenaient du début de la guerre m'avaient raconté qu'on se
demandait déjà qui éteindrait la lumière. Ils m'avaient
parlé de ces jardins publics qu'on avait déjà préparés à
servir de cimetières. Et voilà que, contre toute attente, la
situation s'était retournée : la délivrance et la joie
avaient remplacé la peur.
C'est pourquoi je suis venu vers toi, ô Jérusalem, pour me
réjouir de ta joie, contempler ta splendeur et fêter ta
libération. Nous sommes de retour! Ô Jérusalem! Nous
t'étreignons, après des milliers d'années de supplications
et de nostalgie, ville sainte, ville royale.
J'étais si heureux de te voir resplendir dans ta robe de
fête, au milieu de tous ces drapeaux, qui t'ornaient de
toute part, parmi ces jeunes venus danser pour toi, des
drapeaux à la main. (Chaque année, des milliers de jeunes se
réunissent en centre ville et défilent en dansant et en
chantant, passant entre les portes de la vieille ville, pour
se joindre à la prière de fête, qui a lieu au Kotel.)
Mais quelque chose me manquait. Quelque chose était
incomplet, comme si cette fête n'appartenait qu'aux jeunes,
et pas à tous encore. Etait-elle la propriété de ceux qui
portent une kippa crochetée ?? Ceux qui ont choisi la kippa
noire et ceux qui n'en ont pas, le Juif d'ici et celui de
là-bas, le soldat et le civil, où étaient-ils ???
Aujourd'hui, quarante ans après, que reste-t-il de ce
sentiment extraordinaire, de cette élévation que tous
avaient éprouvé à l'égard du miracle, de la victoire et de
la bravoure de ces jours, qui nous avaient vus retourner
dans tes rues et dans celles d'Hébron, de Jéricho et de
Shechem, ces villes saintes et millénaires pour lesquelles
nous avions prié plus de deux mille ans ?
Pourquoi, si soudainement, de courageux soldats, ayant
libéré Israël, sommes-nous devenus des conquérants ?
Pourquoi de patrimoine, notre pays s'était-il transformé en
territoires occupés ? Où se sont envolées la joie et
l'honnêteté naturelle ? Comment avons-nous subitement oublié
ce pour quoi nous avons prié deux mille ans ???
Je dois avouer qu'à ma joie se mêle une certaine tristesse.
''Ce sont mes frères que je cherche.'' Tous mes frères !
Jérusalem, tu n'appartiens pas qu'à moi. Tu es à nous tous !
Tu es revenue, tu es ''entre nos mains''. Mais peut-être que
nous, nous ne sommes pas suffisamment revenus vers toi. Nous
ne nous sommes pas assez efforcés de fusionner avec toi, de
comprendre ta valeur et tout ce que tu représentais. Nous
avons cru que c'était clair comme le jour. Et voilà,
justement maintenant que nous sommes de retour, nous
commençons à t'oublier. Certains d'entre nous sont même
prêts à te donner à nos ennemis en échange de la ''paix.''
Je ne désespère pas, à D.ieu ne plaise. Je dis même le
Hallel à Yom Yéroushalayim, car je vois comme tu te
développes, je vois qu'aujourd'hui vivent en ton sein des
milliers de fois plus de gens qu'il y a cinquante ans et je
vois les constructions qui fleurissent dans tous tes
quartiers. Je remercie le Saint béni soit il pour toutes tes
yéshivoth, tes communautés, tes usines, tes magasins, tes
bâtiments, tes rues et tes quartiers, les anciens comme les
nouveaux.
Mais je veux te renforcer. Jérusalem de mon cour, je ne
saurais laisser aucun vent de faiblesse séparer la mère de
la fille. Je veux te garder unie pour l'éternité.
C'est pourquoi, à travers ces lignes, je souhaite éveiller
l'attention et avertir que si nous ne réfléchissons pas à la
signification de Jérusalem, si nous ne la considérons
qu'avec notre instinct, comme un folklore, alors, à D.ieu ne
plaise, des vents de faiblesse risquent de nous séparer de
la Jérusalem unie de nos rêves. Ces vents pourraient bien
mettre un frein au merveilleux processus historique et à la
réalisation des visions de nos prophètes, phénomènes qui se
déroulent devant nos yeux.
Je pense qu'il est important d'apprendre Jérusalem, de la
connaître et non pas seulement de l'aimer. Il faut
comprendre le pourquoi Jérusalem, pour éviter que les
sentiments ne s'évanouissent et que les pensées de faiblesse
ne nous coupent de la ville de l'éternité, à D.ieu ne
plaise. Nous ne connaîtrons pas Jérusalem, si nous ne nous
retrouvons pas nous-mêmes d'abord, si nous ne reconnaissons
pas les racines de notre nation, si nous ne savons pas qui
nous sommes et quelle signification a notre vie.
Jérusalem nous réconcilie avec les racines les plus
profondes de la conscience nationale et spirituelle de notre
peuple. Ce n'est pas un hasard, si nous sommes revenus entre
Pessah et Shavouoth, entre la fête de la liberté et celle du
don de la Torah. Jérusalem fait en effet la liaison entre
nos aspirations spirituelles et nationales. Il semble qu'il
ne puisse y avoir de patriotisme juif sans judaïsme, ni de
judaïsme sans patriotisme.
Je me sens profondément obligé de renforcer l'Etat, le
gouvernement et toute la nation, pour que ce merveilleux
rêve, qui se réalise devant nos yeux, se poursuive et
avance. Ce rêve incarne tout ce que nos prophètes avaient
prédit, il y a des milliers d'années. Je veux, moi aussi,
prendre part à ce processus. Je souhaite, plus que tout, que
vous vous y associez et qu'ensemble nous remarquions
comment, chaque jour, une nouvelle page de l'incroyable
histoire du peuple éternel s'inscrit devant nos yeux
émerveillés, juste comme nos sages rapportent que les
prophètes avaient promis.
Je vous invite à prendre part à l'histoire de Jérusalem, à
fusionner avec la ville de l'éternité, pas seulement ici-bas
mais surtout avec la Jérusalem d'en haut. Je souhaite vous
voir fusionner avec l'identité juive originale, avec les
anciennes aspirations qui nous avaient soutenus toutes ces
longues et difficiles années d'exil. Il ne s'agit pas d'un
simple folklore, d'une simple culture, mais du mode de vie,
non seulement de l'individu, mais aussi du peuple. Ces
aspirations doivent aujourd'hui guider l'Etat d'Israël, dont
le cour est Jérusalem et le temple.
Certes, tout n'est pas encore parfait, la plupart des
enfants d'Israël sont encore dispersés et tout le monde n'a
pas encore la joie de monter à pied à Jérusalem trois fois
par an. Le temple est encore remplacé par un sanctuaire
étranger.
Je suis si reconnaissant pour tout ce que nous possédons et
je m'étonne que nous n'ayons toujours pas de temple, où
renouveler le service des Cohanim, dans la ville de la paix,
Jérusalem qui est bâtie avec une harmonieuse unité.
Jérusalem de la présence divine, Jérusalem du pèlerinage
fait à pied par tous les Juifs !!
Jérusalem, tu es si belle, comme l'a écrit le roi David, ce
merveilleux psalmiste, ''comme elle se dresse magnifique,
joie de toute la terre, la montagne de Sion, aux flancs
dirigés vers le nord, la cité du roi puissant.'' Tu me
manques, Jérusalem royale tant ici-bas, qu'aux cieux,
Jérusalem de tout le peuple.
Si D.ieu le veut, l'année prochaine, nous nous réunirons
tous ensemble, heureux au cour de Jérusalem construite."
|