| Page d'accueil | Objectif | Histoire | Religion | Coutumes | Délires | Commentaires | Arts | La bouffe | |Links | Galerie Photo | Contacts | Musique | Tunes Célèbres | Chatroom | Annonces | Enregistrement | Souvenirs | |Communautés | Recherche | Samsara | Fun |
|
Oussama Ben Laden, par Robert Fisk |
Forum Medias Culture Sommaire Harissatheque Genealogie Plan du site Kandil |
Reporter spécialiste du monde arabe au quotidien de Londres "The
Independent", Robert Fisk raconte pour "Le Monde" ses dernières rencontres
avec Oussama Ben Laden. Il brosse le portrait d'un homme réfléchi et modeste, obsédé,
à l'époque, par l'idée de la destruction des régimes proaméricains et qui rêvait de
transformer l'Amérique en l'"ombre d'elle-même".
Il a changé. La première fois que j'ai rencontré Oussama Ben Laden, son apparence
était d'une humilité presque ostentatoire : robe saoudienne et turban blancs sans
ornement, barbe modeste. Dans le désert du Soudan, il se servait du matériel de
construction de sa société pour tracer une nouvelle route reliant un village éloigné
de l'axe Khartoum-Port Saïd. Les villageois faisaient rôtir de la viande et dansaient,
petite fête pour remercier le héros de la guerre russo-afghane. Ben Laden finançait la
route et, manifestement, il aimait le rôle du guerrier devenu bienfaiteur aidant les
pauvres mais refusant les énormes plateaux de nourriture qu'on lui offrait. Il posait
respectueusement la main sur sa poitrine quand les anciens du village tentaient de chanter
ses louanges.
Un an plus tard, en 1996, par une nuit humide et chaude, je le revis en Afghanistan.
D'énormes insectes volaient dans l'obscurité et se cramponnaient comme des teignes sur
la robe blanche de Ben Laden et sur les vêtements de ses partisans armés. Ils se
posaient sur mon carnet de reporter et, quand je les écrasais, leur sang souillait les
pages. Ben Laden était toujours d'une politesse scrupuleuse ; chaque fois que nous nous
rencontrions, il me présentait l'assiette de nourriture qu'on offre à un étranger : un
plateau de fer-blanc garni de fromage, d'olives, de pain et de confiture. Encore un an
plus tard, je passai une nuit dans l'un de ses camps de guérilla, très haut dans les
montagnes afghanes ; il faisait tellement froid que, en me réveillant, j'avais du givre
dans les cheveux. Il plongea sous le couvert de ma tente et s'assit en tailleur en face de
moi, tout en se curant les dents avec un bout de bois de miswak. Il écoutait en silence
chacune de mes questions et réfléchissait parfois un moment avant de répondre. Beaucoup
d'Arabes, de peur de paraître stupides devant un journaliste, ont l'habitude de dire la
première chose qui leur vient à l'esprit, pas Ben Laden. Cette nuit-là, je dormis sous
une couverture grossière et laissai mes chaussures à l'extérieur de la tente.
Chaque fois que nous nous rencontrions, il interrompait nos entretiens pour dire ses
prières ; ses partisans armés venant d'Algérie, d'Egypte, des Etats du Golfe, de
Syrie étaient agenouillés à côté de lui, suspendus au moindre mot qu'il
m'adressait, comme s'il était le messie. Il n'a toutefois jamais prétendu être un mahdi
ou un prophète. J'ai donc été très surpris par la dernière bande vidéo provenant
d'Afghanistan. Elle a dû être tournée il y a à peine un mois et montre un Ben Laden
que je ne connaissais pas. Sa barbe était plus longue et plus hirsute, et il semblait
regarder de haut ses partisans Ben Laden est grand. Il portait une robe dorée et
brodée, et même un turban doré sur la tête. Qu'est-ce que cela signifiait ? Pourquoi
l'or et les broderies ? S'était-il mis à croire en lui en plus de Dieu ?
Dans la montagne, le 20 mars 1997, il donnait encore une image d'humilité. A l'époque,
il n'avait que quarante et un ans, mais des poils blancs commençaient à apparaître dans
sa barbe grossièrement taillée et il avait des poches sous les yeux. J'ai perçu une
petite infirmité, une raideur dans une jambe qui le faisait boiter légèrement. J'ai
conservé mes notes, gribouillées dans l'obscurité glaciale à la lumière d'une lampe
à huile qui crachotait entre nous. "Je n'ai rien contre le peuple américain, a-t-il
dit, seulement contre son gouvernement."
Combien de fois ai-je entendu ces mots au Moyen-Orient même en Iran ? Des
décennies de dictature ont persuadé beaucoup de musulmans de la région que les
gouvernements ne représentent pas leur peuple. J'ai tenté d'expliquer à Ben Laden que
ce n'était pas pareil en Occident, que le peuple américain contre qui il était
censé ne rien avoir considérait son gouvernement comme composé de représentants
élus. Il ne répondit rien sur ce point, sinon : "Nous sommes encore au début de
notre action militaire contre les forces américaines."
En regardant l'épouvantable catastrophe de la semaine dernière, les deux avions de ligne
éventrant la fine enveloppe des tours du World Trade Center, je me suis souvenu de ces
paroles. Une autre remarque, plus inquiétante, qu'il m'avait faite dans les montagnes
glaciales m'est également revenue à l'esprit. "Nous croyons que Dieu s'est servi de
notre guerre sainte en Afghanistan pour détruire l'armée russe et l'Union soviétique,
a-t-il dit. Nous l'avons fait du sommet de la montagne sur laquelle vous êtes assis
et maintenant nous demandons à Dieu de se servir de nous une fois de plus pour
faire la même chose à l'Amérique, pour en faire l'ombre d'elle-même. Nous croyons
aussi que notre combat contre l'Amérique est beaucoup plus simple que la guerre contre
l'Union soviétique parce que certains de nos moudjahidins qui ont combattu ici en
Afghanistan ont aussi participé à des opérations contre les Américains en Somalie
et ils ont été étonnés par l'effondrement du moral américain. Cela nous a
convaincus que l'Amérique est un tigre de papier." Ce n'est pas le "tigre de
papier" qui m'a impressionné. C'est l'idée de faire de l'Amérique "l'ombre
d'elle-même" qui m'a fait froid dans le dos. Qu'est-ce que cela veut dire, me
suis-je demandé à l'époque ? Et, bien sûr, si Ben Laden, se révèle finalement le
responsable du crime contre l'humanité de la semaine dernière à New York et à
Washington, ces mots prennent un sens plus fort. Durant quelques minutes, la puissance
américaine est devenue une ombre.
Ben Laden m'a toujours semblé rechercher une célébrité qu'il n'a jamais trouvée
jusqu'à ce que les Américains et Time le qualifient de "parrain du
terrorisme international", et jusqu'à ce que les Etats-Unis offrent une récompense
de 5 millions de dollars pour sa tête (somme d'une faiblesse insultante pour un
millionnaire comme lui, a-t-il peut-être pensé). Lors de notre dernière rencontre dans
la nuit glaciale en Afghanistan, Ben Laden s'est emparé des journaux en arabe qui
étaient dans mon sac et s'est précipité dans un coin de la tente pour les lire pendant
vingt minutes, sans tenir compte ni de ses combattants ni de son hôte occidental. Bien
que saoudien il avait déjà été déchu de sa nationalité , il ne savait
même pas que le ministre des affaires étrangères iranien venait de faire une visite
officielle à Riyad. Il n'écoute donc pas la radio, me suis-je demandé ? Est-ce bien là
le "parrain du terrorisme international" ?
Ben Laden m'avait parlé longtemps auparavant de la décision immédiate qu'il avait prise
en apprenant que l'armée soviétique avait envahi l'Afghanistan. Il avait apporté le
matériel de construction de sa société à des chefs tribaux en révolte pour combattre
ce qu'il considérait comme une armée corruptrice et hérétique pillant l'Afghanistan
islamiste. Il finança le voyage de milliers d'Arabes moudjahidins en Afghanistan pour
qu'ils se battent à ses côtés. Ils vinrent d'Egypte, du Golfe, de Syrie, de Jordanie,
du Maghreb. Beaucoup furent taillés en pièces par des mines ou déchiquetés par les
mitrailleuses des hélicoptères Hind soviétiques qui attaquaient les guérilleros
d'Afghanistan. Sur le plateau montagneux où j'ai passé la nuit, il y avait derrière ma
tente un gros abri antiaérien de 7,5 mètres de haut sur 7,5 mètres de large, taillé
dans le roc de la paroi, et qui s'étendait peut-être sur 30 mètres dans l'obscurité.
Le matériel de construction de Ben Laden avait servi à creuser ce trou géant dans le
rocher. Aujourd'hui, ses hommes sont partis dans les nombreux camps d'entraînement
construits à l'origine par la CIA ce qui explique, naturellement, pourquoi les
Américains savent où lancer leurs missiles Cruise. Les camps ont été créés par les
Américains.
Lors de notre première rencontre, au Soudan en 1994, j'ai convaincu Ben Laden
contre son gré de me parler de cette époque. Il m'a raconté que, pendant une
attaque contre une base offensive russe proche de Jalalabad, dans la province de Nangahar,
un obus de mortier était tombé à ses pieds. Dans les fractions de seconde de
rationalité qui en ont suivi la chute, il a éprouvé c'est ce qu'il m'a dit
un grand calme, une impression d'acceptation sereine qu'il a attribuée à Dieu.
L'obus (à la grande consternation des Américains aujourd'hui) n'a pas explosé. Quelques
années plus tard, à Moscou, j'ai rencontré un ancien officier de renseignements
soviétique qui avait passé quelques mois en Afghanistan pour tenter d'organiser la
liquidation de Ben Laden tout comme les Américains tentent de le faire
aujourd'hui. D'après lui, il avait échoué parce que les hommes de Ben Laden ne se
laissaient pas acheter. Personne ne voulait le trahir. "C'était un homme dangereux,
le plus dangereux pour nous", me dit ce Russe. Ben Laden m'a répété qu'il n'avait
jamais accepté la moindre balle provenant de l'Occident, qu'il n'avait jamais rencontré
d'agent américain ou britannique.
Cependant, ses bulldozers et ses engins creusaient des routes dans les montagnes pour que
ses moudjahidins lancent leurs missiles antiaériens Blowpipe, fabriqués en
Grande-Bretagne, assez haut pour atteindre les Mig soviétiques. L'un de ses partisans
armés m'a emmené plus tard sur la "piste Ben Laden", odyssée terrifiante de
deux heures dans la pluie et le verglas au bord de ravins effrayants, tandis que le
pare-brise s'embuait à mesure que nous montions dans la montagne glaciale. "Quand on
a foi dans le djihad (la guerre sainte), c'est facile", m'a expliqué le terroriste
en se battant avec le volant quand des pierres jaillissaient de sous les roues et
s'enfonçaient dans les nuages pour tomber dans les vallées. "Toyota est bon pour le
djihad", a-t-il dit en riant. C'est la seule plaisanterie que j'aie entendue de la
bouche d'un des hommes de Ben Laden.
De temps en temps c'était en 1997 , des lumières clignotaient à notre
adresse loin dans l'obscurité. "Nos frères nous font savoir qu'ils nous ont
vus", dit le terroriste. Il nous a fallu encore deux heures pour atteindre le camp de
Ben Laden ; la Toyota dérapait en arrière vers les falaises escarpées, les phares
illuminaient des cascades gelées au-dessus de nous.
La réponse de Ben Laden à Washington prétendant qu'il était le plus grand
"terroriste" mondial et je lui ai affirmé que les Américains le
pensaient vraiment était toujours la même. A cette époque, on l'accusait
principalement d'attaques contre les forces américaines dans le Golfe. "Si libérer
mon pays est considéré comme du terrorisme, a-t-il répondu, c'est un grand
honneur pour moi." Il a dit qu'il n'y avait pas de différence entre les
gouvernements américain et israélien, entre les armées américaine et israélienne. Il
avait toutefois de l'estime pour l'Europe et la France en particulier parce
qu'elle prenait ses distances vis-à-vis des Américains. Il n'a pas fait de commentaires
sur la politique française en Afrique du Nord, pas plus qu'il n'a mentionné l'Algérie,
même si j'ai eu l'impression que le mot planait au-dessus de nous comme un fantôme
pendant quelques minutes. Parmi les combattants assis à côté de moi se trouvaient des
Algériens. En 1996, Ben Laden m'a averti : toutes les forces occidentales dans le Golfe,
y compris les troupes françaises et britanniques, étaient en danger. En 1997, il a fait
comprendre que ses menaces n'étaient plus dirigées contre Paris et Londres.
En effet, à l'époque, il semblait plus obsédé par l'idée de la destruction des
régimes arabes pro-américains du Moyen-Orient que par une attaque contre l'Amérique. Il
était encouragé par le soutien politique qu'il recevait de la communauté pakistanaise
de plus en plus encline au djihad. Cette nuit-là, sous la tente, il m'a donné une
affiche en ourdou qui proclamait le soutien des étudiants pakistanais à sa "guerre
sainte" contre les Américains ; il m'a même tendu des photographies en couleur de
graffitis sur les murs de Karachi exigeant le retrait des troupes américaines des
"deux lieux saints" (La Mecque et Médine, en Arabie saoudite). Ben Laden m'a
affirmé avoir reçu quelques mois plus tôt un émissaire de la famille royale saoudienne
qui lui a dit que sa nationalité saoudienne lui serait rendue, ainsi qu'un nouveau
passeport saoudien et 2 milliards de riyals saoudiens (3,390 milliards de francs) pour sa
famille, s'il renonçait au djihad ; celui-ci était retourné en Arabie saoudite. Lui et
sa famille avaient rejeté l'offre, m'a-t-il dit. A l'époque, Ben Laden avait trois
femmes ; la plus âgée était la mère de son fils de seize ans, Omar, enfant très
intelligent, la plus jeune était encore une adolescente. Un autre de ses fils, Saad, m'a
été présenté. Ils étaient manifestement excités de façon innocente
par le fait d'être entourés de tant d'hommes armés. Tous vivaient avec lui ainsi
que les femmes et les enfants d'autres moudjahidins et habitaient un complexe à
l'extérieur de Jalalabad. Ben Laden m'a même invité à visiter ces maisons
étouffantes, humides et misérables en compagnie de l'un de ses combattants égyptiens.
Ses épouses la plus jeune devait retourner dans sa famille n'étaient pas
là. Chacune avait sa propre tente. "Ce sont des femmes qui ont l'habitude de vivre
dans le confort", a dit l'Egyptien. Le campement était protégé par des draps de
toile et quelques fils barbelés. On avait creusé dans la terre une rigole d'écoulement
et trois latrines séparées ; dans l'une d'elles flottait une grenouille morte. Le fils
de l'Egyptien, assis à côté de nous avec un fusil sur les genoux, a dit que des agents
de renseignements du gouvernement égyptien avaient vu le camp.
Un autre Arabe du camp s'est montré plus expansif. Il a dit qu'aucun autre pays n'était
ouvert à Ben Laden. Il ne pouvait pas partir d'Afghanistan. "Quand il était au
Soudan, les Saoudiens voulaient le capturer avec l'aide des Yéménites, a dit le jeune
homme. Nous savons que le gouvernement français a essayé de convaincre les Soudanais de
le leur livrer parce que les Soudanais leur avaient déjà livré le Sud-Américain
Carlos. Les Américains pressaient les Français de s'emparer de Ben Laden au Soudan. Un
groupe arabe payé par les Saoudiens a essayé de le tuer, mais les gardes de Ben Laden
ont répliqué en faisant feu, et deux hommes ont été blessés."
Ben Laden est un homme grand et mince ; ses yeux sombres me regardaient fixement pendant
qu'il me parlait de sa haine pour la corruption saoudienne. En fait, lors de ma longue
conversation avec Ben Laden en 1996 la nuit des moustiques , le royaume
saoudien occupait plus son temps que les Etats-Unis. Pour lui, la trahison du peuple
saoudien avait commencé vingt-quatre ans avant sa naissance, quand Abdulaziz al-Saud
avait proclamé son royaume en 1932. "Le régime a démarré sous la bannière de
l'application de la loi islamique, et, sous cette bannière, tout le peuple d'Arabie
saoudite est venu aider la famille saoudienne à prendre le pouvoir, a-t-il dit. Mais
Abdulaziz n'a pas appliqué la loi islamique ; le pays a été créé pour sa famille.
Puis, après la découverte du pétrole, le régime saoudien a trouvé un nouvel appui
l'argent pour enrichir le peuple, lui offrir les services et la vie qu'il
voulait et le contenter."
Pour Ben Laden, la date la plus importante était 1990, année de l'invasion du Koweït
par Saddam Hussein. "Quand les troupes américaines ont pénétré dans le pays des
deux lieux saints, les oulémas (autorités religieuses) et les étudiants de la charia
ont protesté vigoureusement dans tout le pays contre l'intervention des soldats
américains, m'a dit Ben Laden. Le régime saoudien, en commettant la grave erreur
d'inviter les troupes américaines, a révélé sa duperie. Il a apporté son soutien à
des nations qui combattaient les musulmans. Ils (les Saoudiens) ont aidé les communistes
yéménites contre les Yéménites musulmans du Sud la famille de Ben Laden est
originaire du Yémen et ils aident le régime d'Arafat à combattre le Hamas.
Après avoir insulté et emprisonné les oulémas, le régime saoudien a perdu sa
légitimité."
Ben Laden pensait manifestement qu'une grande trahison avait eu lieu. "Le peuple
saoudien se souvient maintenant de ce que lui ont dit les oulémas, et il s'aperçoit que
l'Amérique est la principale cause de ses problèmes. L'homme de la rue sait que son pays
est le plus gros producteur de pétrole du monde, et pourtant il subit des impôts et ne
bénéficie que de mauvais services. Le peuple comprend maintenant les discours des
oulémas dans les mosquées selon lesquels notre pays est devenu une colonie
américaine. Il agit avec détermination pour chasser les Américains d'Arabie saoudite.
Ce qui s'est passé à Riyad et à Khobar (vingt-quatre Américains tués dans deux
bombardements) est une preuve manifeste de l'immense colère du peuple saoudien envers
l'Amérique. Les Saoudiens savent maintenant que leur véritable ennemi est
l'Amérique."
Les enquêteurs américains disent que plusieurs des pirates de l'air de la semaine
dernière étaient saoudiens. Et Ben Laden a dit autre chose qui résonne maintenant pour
moi de manière sinistre. "Si un kilogramme de TNT a explosé dans un pays dans
lequel personne n'avait entendu d'explosion auparavant il faisait allusion à
l'Arabie saoudite , l'explosion de 2 500 kilos de TNT à Khobar est assurément la
preuve de la résistance du peuple à l'occupation américaine
En tant que
musulmans, nous avons un grand sentiment de cohésion
Nous partageons la douleur de
nos frères en Palestine et au Liban. L'explosion de Khobar n'est pas la conséquence
directe de l'occupation américaine, mais la conséquence du comportement américain
envers les musulmans." Il a parlé des milliers d'enfants qui mouraient en Irak du
fait des sanctions des Nations unies. "Le fait de tuer ces enfants irakiens est une
croisade contre l'islam. En tant que musulmans, nous n'aimons pas le régime irakien, mais
nous pensons que le peuple irakien et ses enfants sont nos frères, et nous nous
préoccupons de leur avenir."
Ben Laden était convaincu que, "tôt ou tard", les Américains quitteraient
l'Arabie saoudite. "La guerre déclarée par l'Amérique contre le peuple saoudien
signifie la guerre contre les musulmans partout dans le monde. La résistance contre
l'Amérique va s'étendre à de multiples lieux dans les pays musulmans. Les chefs en qui
nous avons confiance, les oulémas, nous ont donné une fatwa afin que nous chassions les
Américains. La solution à cette crise est le retrait des troupes américaines. Leur
présence militaire est une insulte au peuple saoudien."
En 1996, j'avais interrogé Ben Laden sur l'assassinat de dix-neuf Américains en Arabie
saoudite, et il avait répondu que c'était "le début de la guerre entre les
musulmans et les Etats-Unis". A propos du bombardement qui avait suivi, ayant
entraîné la mort de vingt-quatre appelés américains, il devait me dire que c'était
"une action magnifique à laquelle (il n'avait) pas eu l'honneur de participer."
Pendant les deux années qui ont suivi notre dernière rencontre, Ben Laden a formé son
mouvement al-Qaeda et a déclaré la guerre au "peuple" américain pas
seulement au gouvernement et à l'armée des Etats-Unis. Suivirent le bombardement des
ambassades des Etats-Unis à Nairobi et à Dar-es-Salaam, les attaques de missiles Cruise
sur les camps de Ben Laden, le naufrage évité de justesse de l'USS Cole dans le port
d'Aden. Il marche maintenant avec une canne évolution du problème au pied que
j'avais remarqué quatre ans plus tôt et parle plus lentement. Et il porte cette
robe dorée.
Mais peut-il réellement commander une armée de terroristes kamikazes depuis les
montagnes désolées d'Afghanistan ? Il voulait instaurer la "véritable charia"
au Moyen-Orient il y aurait, je crois, encore plus de têtes coupées dans son
Arabie et il voulait la fin des dictateurs installés par les Américains, des
hommes qui soutiennent la politique des Etats-Unis tout en réprimant leur peuple. Et j'ai
l'impression que, pour des millions d'Arabes, c'était un message fort. On n'a pas besoin
d'ordres de Ben Laden pour former un petit groupe de partisans, pour décider d'actions
individuelles. Ben Laden n'a pas besoin de préparer des bombardements ou des
renversements de régime. Je me demande donc toujours en supposant que Ben Laden
soit lié au crime contre l'humanité commis la semaine dernière s'il est même
nécessaire de commander une organisation paramilitaire pour que de telles choses se
produisent. Les Arabes sont assez en colère contre les injustices qu'ils reprochent aux
Américains pour ne pas avoir besoin d'ordres venant d'Afghanistan. L'inspiration pourrait
suffire. Je me suis demandé, en regardant les images de New York la semaine dernière, si
Ben Laden n'était pas aussi étonné que moi de les voir. A supposer qu'il ait la
télévision
Robert Fisk
Traduit de l'anglais par Florence Lévy-Paoloni
| Page d'accueil | Objectif | Histoire | Religion | Coutumes | Délires | Commentaires | Arts | La bouffe | |Links | Galerie Photo | Contacts | Musique | Tunes Célèbres | Chatroom | Annonces | Enregistrement | Souvenirs | |Communautés | Recherche | Samsara | Fun |
Pour toutes informations, critiques et commentaires, envoyez un émail a : jhalfon@mediaone.net