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Perceptions arabes du conflit israelo-palestinien

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Voici comment la presse d'un pays arabe, en l'occurence le Maroc, traite de la question israélo-palestinienne, je viens juste de tomber dessus et je me suis dit c'est à montrer à ceux qui prêchent la haine des arabes parce qu'un imam ( les rabins et jésuites orthodoxes ne sont pas mal sur ces chapitres) quelconque pense du mal de Pokemon ou de je ne sais quoi d'autre) par ignorance de la diversité à la fois de ces pays que l'on a tendance à mettre tous dans le même sac, les arabes sont ceci ou cela..etc, comme des opinions au sein de ces mêmes pays où l'on trouve des religieux, des laics, des démocrates, des dictateurs bref, des gens sympas et des cons comme partout. 
Denis Elkoubi <elkden@micronet.fr

Le fou du village Ce drôle de tandem israélo-palestinien .

Par Omar Mounir 

Drôle de destin que celui des juifs hier, des Israéliens aujourd'hui. Drôle de quiproquo qu'est l'antagonisme israélo-arabo-palestinien. Drôle de quotidienneté burlesque et tragique, où l'on se trompe de conflit, où l'on se trompe d'ennemi, si ennemi il y a, le bien n'étant pas le bien qu'on croit, et le mal n'étant pas le mal qu'on croit. Tout est faussé par l'inévitable amnésie collective et le tourbillon déroutant des événements. C'est Israël, ennemi conventionnel des Palestiniens, qui leur fournit l'énergie, le gaz, le service bancaire et emploie des dizaines de milliers parmi eux. C'est la chrétienté, dans ce qu'elle a de plus médiéval et de plus inconscient qui a fait le plus de mal aux juifs. Et ce sont les Arabes et les Palestiniens qu'on cloue au pilori. Il n'y a pas plus inoffensif qu'un Arabe. Il n'y a plus inoffensif qu'un Palestinien. Car il n'y a pas plus généreux qu'eux. Sans doute. Il n'y a pas plus conciliant qu'un juif. Et pourtant. Mais il y a un autre pourtant : ces gens sont des parents condamnés à s'entendre. 

Ce conflit touche vraisemblablement à sa fin. Pourquoi ? Parce que plus exécrable n'existe pas.
Ces gens sont allés au bout de l'abomination, au bout de l'horreur. Ils voient de leurs propres yeux qu'il n'y a d'issue que dans le demi-tour. Alors ils le feront, ce demi-tour difficile. Ce
demi-tour de malheur qui leur donne des fils à retordre depuis des siècles. Voilà tout. 

L'expérience historique montre en effet que c'est en pays chrétien que les juifs ont souffert le plus. Pour ne citer qu'un événement de fraîche date, rappelons que ce ne sont pas les
musulmans ni les Arabes qui ont inventé et mis au point des camps de concentration à l'intention des fils d'Abraham, dont ils avaient programmé l'extermination. Mais c'est bel et bien la civilisation chrétienne dans ce qui lui reste de la nuit des temps. L'Islam s'inscrit dans la suite de la judaïté et les musulmans en sont conscients. La chrétienté est un mouvement de dissidence juif et les chrétiens se sont comportés et continuent inconsciemment de se comporter, quoique pas systématiquement, en dissidents vis-à-vis des juifs. 

Qui est l'ami et qui est l'ennemi ? La question est désormais sans objet du moment que personne ne veut le malheur de l'autre en réalité. Du moment que, quoique cahin-caha, même Sharon semble avoir compris que le malheur des uns fait le malheur des autres.

Au Maroc, la précarité statutaire des juifs au début du XXe siècle était terrifiante. Il n'empêche qu'elle participait d'un statut qui n'excluait guère une vie en intelligence entre les deux communautés. Mais c'était insuffisant pour empêcher les juifs de percevoir l'envahisseur français de 1907 - ce qui n'est pas la France, ni d'hier ni d'aujourd'hui - le percevoir comme un sauveur. Lors de la reddition de la kasbah de Settat, au printemps 1908, les Marocains musulmans se sont sauvés tandis que les juifs, hommes, femmes et enfants, ont vu dans le général d'Amade leur salut, et sont sortis l'accueillir festivement aux portes de la ville.
C'était la libération ! 

Ces juifs, la France en a transféré un grand nombre vers ce qui s'appelait alors la métropole.
Ils s'y étaient crus à l'abri, sauvés une fois pour toutes, ils n'étaient, pour beaucoup, qu'en instance de livraison à la Gestapo en 1941. A cette époque, le salut allait changer de camp.
Échappés et survivants parmi ces juifs étaient revenus au Maroc se mettre sous la protection du Sultan Mohamed ben Youssef. Le gouvernement de Vichy avait accepté et collaboré à la remise des juifs à la Gestapo. Le Sultan du Maroc avait refusé. L'apparition de mouvements néofascistes et néonazis en Europe, depuis la chute du communisme, montre que la civilisation chrétienne n'a pas encore conjuré les démons de l'antisémitisme et ne s'est toujours pas débarrassée de l'obscurantisme chrétien moyenâgeux. Il y a, dans la fondation d'Israël par les puissances occidentales, quelque chose de pervers. Ce quelque chose participe, à l'insu des sujets eux-mêmes, de l'antisémitisme juif et arabe à la fois : le désir inconscient de se débarrasser des uns et de créer un handicap aux autres. Nous sommes là en présence du syndrome des croisades et de la débâcle coloniale agissant des limbes du subconscient.

Si les juifs européens émigrent en Israël, c'est parce l'Europe chrétienne ne les a jamais acceptés en tant que tels. C'est donc contraints par une excommunication d'essence cléricale et décidément irréductible qu'ils quittent leurs pays. N'est-ce pas le propre de la déportation ?
Une déportation encore plus massive que vers les camps de concentration du père Hitler. Elle recèle quelque chose du rapatriement de sans-papiers et de clandestins. 

Pour n'avoir jamais été acceptés socialement et humainement par les sociétés européennes, les juifs y auront été une sorte de sans-papiers ; pour y avoir été contraints, dans bien des situations et bien des cas, de cacher leur foi et de passer pour des chrétiens, ils y auront été une sorte de clandestins. 

Quelle clandestinité plus grave que l'obligation de cacher sa foi ? Il va sans dire que ce qui est vrai pour l'Europe est encore plus vrai pour les pays arabes et dits arabes. Plus vrai et
plus aberrant à l'idée que des sémites ont chassé d'autres sémites. Nous avons une part de responsabilité morale dans ce qui arrive aussi bien aux Palestiniens qu'aux Israéliens. Cette
déportation, présumée être un retour sur "la terre des ancêtres" est en fait un transfert obligatoire vers une sorte de gigantesque camp de concentration. Il n'y a pas que les Palestiniens à avoir un régime concentrationnaire, Israël lui-même est un vaste camp. En aggravant l'asphyxie des Palestiniens, il ne fait qu'aggraver la sienne. Ce pays est un camp de concentration, parce qu'il a tous les attributs du camp de concentration, étant enfermé entre l'abîme marin et l'abîme des rivalités environnantes. Et chaque débarquement de juifs accentue l'effet concentrationnaire. Ce n'est pas pour rien que les partants sont parfois plus nombreux que les arrivants. Israël est démographiquement un courant d'air. Il le restera tant que la
belligérance durera. Ce qu'il fait aux Palestiniens lui est fait et ce qu'il fera aux Palestiniens lui sera fait. En mal comme en bien.

A supposer même que ce pays s'élargisse de l'ensemble des territoires palestiniens actuels, et pas seulement de ces colonies qui créent infiniment plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. A supposer, donc, cet élargissement, la concentration sera toujours là. Un pays ne respire pas par l'étendue de son territoire mais par l'ampleur de son ouverture. 

Camp de concentration, Israël l'est avant tout humainement. Car c'est quoi, un camp de concentration, en définitive ? C'est une situation d'attente dans l'épouvante, assortie d'une forte probabilité de mort violente. Sous cet aspect, le pays hébreu est une continuation à grande échelle d'Auschwitz. Auschwitz + Terezienstadt + Dachau + Buchenwald + Mauthausen + Birkenau + Sachsenhaussen + la télévision + un soleil obscur == Israël à quelques brindilles d'un semblant de bonheur près. Drôle de tandem que le destin de ces deux peuples. Dans le
malheur de l'un le malheur de l'autre et dans le bonheur de l'un le bonheur de l'autre.
Pourtant, il suffit d'un pas pour s'en sortir.

Il est un point d'horreur où, curieusement, la haine et l'amour se rencontrent. Il est un point des hostilités où l'on finit par aimer l'adversaire. Les extrêmes se rejoignent, dit-on.
Palestiniens et Israéliens en sont là. Quoi qu'on dise et quoi qu'ils disent, il suffit d'un pas pour s'en sortir. 

L'épilogue de la bataille de Bou Gafer est édifiant à cet égard. Cela s'est passé lors de ce qu'on appelle "la pacification du Maroc" au début du XXe siècle. Assiégés depuis plusieurs mois
et ayant épuisé vivres et munitions, les guerriers berbères avaient fini par accepter de se rendre. Non seulement les militaires français avaient dit oui à leur condition, c'est-à-dire
une reddition l'arme à la main et non après avoir déposé les armes, mais ils leur avaient fait une haie d'honneur en leur présentant les armes, hommage à leur combativité et leur sens de la dignité. Pourtant, ces gens sortaient d'une boucherie. Et, quelques jours à peine auparavant, ces mêmes Berbères tuaient l'un des fleurons des troupes françaises au Maroc à l'époque : un certain lieutenant Bournazel.

Excusez le fou du village. Prague, le 9 avril 2001 La Nouvelle Tribune (12-04-01, casablanca)

 


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