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Témoignage en souvenir des juifs d'Irak
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En marge de la condamnation des Juifs d'Iran, je tiens à apporter le témoignage suivant
:
En 1967, je représentais une société internationale basée à Genève et faisais de
fréquents voyages à travers les pays arabes. Un jour, je devais me rendre à Bagdad. Des
amis juifs, vivant en Suisse, me supplièrent de remettre à leurs proches restés dans la
capitale irakienne des lettres, tout simplement pour leur donner des nouvelles. C'était
juste après la guerre des six jours.
Au contact des destinataires de ces lettres, je vis de mes propres yeux des familles
cloîtrées chez elles, tremblant de peur ... On leur avait coupé les lignes
téléphoniques. Elles n'avaient pas le droit de sortir de chez elles ni surtout de
fréquenter l'unique club de bridge où les Juifs et non Juifs se réunissaient
périodiquement pour passer le temps. L'un deux, un cardiologue, refusa de prendre les
lettres que je lui tendais et me demanda de quitter immédiatement sa clinique. A vrai
dire, je commençais à avoir des crampes à l'estomac. La peur ... la peur ... partout la
peur. Mais que faire des autres lettres que j'avais en ma possession? Je pris mon courage
à deux mains et me rendis chez le rabbin. Ce dernier me reçut avec beaucoup de calme et
de dignité. Il me présenta son fils qui était assis à côté de lui.
Je lui demandai de distribuer lui-même les lettres qui restaient. Mis en confiance, le
rabbin me raconta comment les Juifs d'Irak vivaient dans la terreur. On refusait de leur
accorder le visa de sortie. Il me supplia de ne plus remettre les pieds chez lui.
"Car, me dit-il, vous ne savez pas qui pourrait espionner : est-ce le chauffeur de
taxi qui vous a déposé chez moi?
Est-ce le cireur de souliers qui est posté juste en face de la maison? Est-ce la
standardiste de l'hôtel ? Est-ce le concierge? S'il vous plait, enchaîna-t-il, dites à
nos amis, à nos parents que nous nous portons bien. Mais de grâce, ne contactez plus les
Juifs de Bagdad parce que vous les mettez en danger et que vous serez vous-même en
danger... Quand vous entrez dans les geôles irakiennes, vous ne savez pas ce qui peut
vous arriver". Il m'accompagna à la porte de son domicile avec un triste sourire aux
lèvres.
Je quittai Bagdad avec la hantise d'avoir la police à mes trousses tout en me jurant
d'aller témoigner partout où je pourrais me trouver et de parler du sort des Juifs
d'Irak. Mais le pire était à venir. Quelques mois plus tard, je me trouvais à Londres.
J'ouvris un journal et mes yeux tombèrent sur une nouvelle qui me fit tressaillir
d'effroi : 40 personnes, je dis bien 40 personnes, pendues à Bagdad pour cause
d'espionnage au bénéfice d'Israël.
Dans la liste des suppliciés, je reconnus les noms de Juifs et de non Juifs qui m'avaient
gentiment reçu, dont le fils du rabbin. Il y avait aussi des gens qui comme moi, pour des
raisons humanitaires, avaient remis des lettres strictement innocentes à ces pauvres
malheureux ou leur avaient rendu service.
Je ne suis pas Juif et n'ai aucune relation avec Israël. Je suis tout simplement un être
humain très serviable. Je tiens absolument à déclarer qu'aucune des personnes que
j'avais contactées n'avait la tête d'un espion : des pères de famille, des médecins,
des commerçants ... Le sort des prisonniers d'Iran réveille en moi ce cauchemar qui me
hante depuis ce temps-là.
J'implore tous les pays du monde et surtout les pays musulmans (l'Islam n'est-il pas une
religion de tolérance ?) de faire pression sur l'Iran afin de libérer ces pauvres
prisonniers.
Au fait, que sont devenus les Juifs d'Irak ? Vivent-ils toujours dans la terreur ?
Sont-ils vivants ? Morts ? On n'en parle plus ... Ma pensée, dans ces moments difficiles
va vers eux. Tant que je serai en vie, je continuerai à parler des 40 innocents pendus
dans l'indifférence, à Bagdad.
Juifs et non Juifs, donnons-nous la main afin d'aider par tous les moyens les prisonniers
de Téhéran à recouvrer leur liberté et leur dignité.
Antoine Safar
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