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Un affront qui s'ajoute aux torts


   

 Merci à Suzy Sternberg qui a bien voulu traduire ce document difficile.


Par Yair Sheleg, Ha'aretz

Rétrospectivement, l'accord concernant l'indemnisation des victimes de l'Holocauste auquel sont parvenus l'Allemagne et Israël, a été, du point de vue financier "un échec total".
Dans l'accord concernant l'indemnisation des victimes de l'Holocauste conclu entre Israël et l'Allemagne, les Allemands se sont engagés à transférer une somme de 833 millions de dollars, sur une période de 12 ans et sous forme de biens seulement. Pas un seul dollar ne fut donné en espèces. A l'aide de cette somme, l'Etat d'Israël a fait d'énormes pas dans le développement de son infrastructure - voies ferrées et wagons, flotte marchande, équipement pour l'industrie et l'électricité, et autres choses encore. L'Allemagne, pour sa part, a fait des avancées significatives sur la voie de la réhabilitation et de son acceptation en tant que nation légitime. D'un point de vue financier, cependant, l'accord a été un échec total pour Israël, principalement à cause de la petite clause "jusqu'à", que les Allemands y avaient incluse.

L'accord collectif avec l'Etat fut signé en même temps qu'un accord comprenant des indemnités personnelles pour les survivants de l'Holocauste partout dans le monde. Les Allemands y insistaient sur le fait que c'était à Israël de payer des dédommagements aux survivants de l'Holocauste qui étaient allés en Israël et ce "jusqu'au mois de janvier 1953"

Raul Teitelbaum, ancien journaliste et membre de l'organisation représentative des survivants de l'Holocauste en Israël, est en train de rédiger un livre sur la question des réparations; il remarque qu'Israël a consenti à cette condition parce qu'il craignait de perdre cet accord dans sa totalité, et aussi parce que les fonctionnaires des Finances estimaient que cela ne concernait qu'un petit nombre de gens, environ 3000 en tout.
Dans la pratique, cependant, uniquement en l'an 2000, l'état a payé des allocations mensuelles fondées sur cet accord à quelque 50000 personnes, pour un coût total de 400 millions de dollars. En termes clairs, on peut dire qu'au cours des deux dernières années seulement, l'Etat d'Israël a payé des indemnisations aux survivants de l'Holocauste pour un montant s'élevant presque à la somme totale qu'il a reçue à la suite de l'accord de réparation.

Demain, jour des héros et des martyrs de l'Holocauste, marque le cinquantième anniversaire de la première rencontre entre des représentants israéliens (David Horowitz, alors directeur général des Finances , et Morris Fisher, diplomate à l'Ambassade d'Israël à Paris) et l'ancien chancelier allemand Konrad Adenauer, réunion qui a ouvert la voie à cet accord. C'est également le cinquantième anniversaire du comité d'indemnisation de l'organisation juive internationale qui fut créé pour formuler les demandes générales de dédommagement auprès de l'Allemagne. Rétrospectivement, dit Teitelbaum, "il est encore difficile de comprendre pourquoi les Israéliens et les organisations juives ont accepté certaines des clauses; on ne peut l'expliquer que par la crainte de laisser passer une "occasion".

Le détail le plus stupéfiant, remarque Teitelbaum, est le fait que la législation allemande promulguée à la suite de ces accords ne mentionne absolument pas les Juifs en tant que groupe ayant droit à ces indemnités; elle parle seulement d'individus "qui furent persécutés par le régime nazi pour des raisons de race, de religion ou d'opinions politiques", dit-il. "Ceci cadre avec le fait que, pendant une longue période, il n'y eut pas de reconnaissance internationale du caractère unique de la Shoah. Au Procès de Nuremberg, la question de l'extermination des Juifs fut mise de côté.
Adenauer lui-même, en 1949, dans le premier discours où il reconnut la responsabilité allemande pour les crimes nazis, ne fit absolument aucune mention de l'extermination des Juifs. Ce qui n'est pas clair, c'est pourquoi les Juifs eux-mêmes acceptèrent cela", se demande-t-il.

De plus, poursuit-il, les Allemands marchandèrent à propos de chaque détail, ce qui se termina par une capitulation totale du côté israélien en général; par exemple, au début, Israël avait demandé des réparations d'un montant de 1,5 milliard de dollars, se fondant sur une estimation de 500 000 survivants de l'Holocauste, à raison de 3000 dollars par immigrant. Les deux évaluations se révélèrent insuffisantes; cependant les Allemands les rejetèrent encore. Ils réduisirent immédiatement les chiffres d'un tiers, affirmant que c'était là la responsabilité de l'Allemagne de l'Est, qui comprenait un tiers du peuple allemand. Par la suite, ils demandèrent encore des réductions, ramenant finalement la somme destinée aux indemnités à 833 millions de dollars.

D'autres détails de ces accords ne s'avèrent pas moins problématiques, et
pas seulement le fait qu'Israël ait pris en charge le dédommagement des gens
qui avaient émigré avant 1953. Plus humiliant encore fut l'accord, accepté par Israël, selon lequel les allocations mensuelles (par opposition au paiement global) seraient accordées uniquement "aux personnes de culture germanique".

Et Teitelbaum d'expliquer : "Cette clause a faussé l'entière signification de la réparation et a donné lieu à une situation absurde dans laquelle ceux qui avaient souffert le plus recevaient le moins. Il n'y a rien eu pour les morts; les survivants d'Europe de l'Est, qui ont subi les épreuves les plus dures durant la plus longue période, n'ont reçu qu'un petit versement exceptionnel, tandis que les Juifs allemands, dont beaucoup avaient fui l'Allemagne avant l'Holocauste et avaient échappé à la menace d'extermination, furent les seuls à recevoir des allocations mensuelles".

Le versement exceptionnel donné aux autres survivants fut aussi fixé de façon humiliante, et fondé sur "un taux de compensation" de 5 DM (à peine plus d'un dollar par rapport à sa valeur en 1951) pour chaque jour passé dans un camp de concentration ou dans un ghetto. Noah Flug, secrétaire général de l'organisation générale des survivants de l'Holocauste en Israël, raconte qu'il a un jour entendu l'un des participants juifs aux négociations expliquer comment ce taux fut fixé. "Il m'a dit qu'il avait d'abord demandé une compensation de 150 DM par jour, somme égale au salaire d'un travailleur
allemand à l'époque. Il a dit qu'Adenauer avait blêmi et s'était mis à trembler, expliquant que l'économie allemande ne pouvait permettre de donner une telle somme et qu'il ne pourrait accorder qu'une compensation symbolique. Alors il mentionna la somme de 5 DM par jour. Nahum Goldman [alors président de l'Agence Juive qui conduisait les négociations au nom des Juifs - Y.S.] ne consulta personne et s'empressa d'accepter et cela fut à l'origine de cette somme", raconte Flug.

Officiellement, ces réparations avaient pour but de dédommager les Juifs pour la "privation de liberté" qu'ils avaient subie. Les accords affranchissaient aussi explicitement l'Allemagne de toute obligation de dédommager les personnes contraintes aux travaux forcés durant l'Holocauste.
Cette omission résultait de la décision des Forces Alliées (à l'exclusion de l'ancienne Union Soviétique) de dispenser l'Allemagne de payer de telles compensations avant la signature d'accords de paix permanents. Les Alliés Occidentaux voulaient que l'Allemagne rejoigne le bloc anti-soviétique et cherchèrent donc à diminuer la pression sur l'économie allemande, déjà instable à la suite de la guerre. Les traités de paix permanents ne furent jamais signés, et l'Allemagne s'est raccrochée à cette clause pour éviter les demandes de dédommagement pour travaux forcés, à la fois dans les accords de réparation qu'elle a signés et devant ses tribunaux, qui ont traité des demandes de particuliers au cours des années.

Aujourd'hui, Teitelbaum est convaincu que le désir d'expiation des Allemands
aurait pu conduire à de bien meilleurs accords si les Israéliens et les organisations juives avaient été moins pressés de toucher l'argent. Le livre de l'historienne Dvora Hacohen, "Le Plan d'un million", qui traite du projet ambitieux de l'ancien Premier Ministre Ben Gourion de faire venir un million de Juifs en Israël après la guerre, révèle quelques-unes des circonstances qui ont présidé à cet empressement.

Apparemment, dès 1944, Ben Gourion avait projeté de financer ce plan grandiose avec, entre autres ressources, les réparations que l'Allemagne serait forcée de payer après la guerre. L'occasion de réaliser ce plan se présenta quand Goldman l'informa qu'Adenauer était disposé à payer des compensations. Ben Gourion n'avait pas l'intention de laisser cette chance lui échapper.

"Le gouvernement israélien, qui tint de nombreux débats sur l'accord des réparations collectives que l'Etat devrait accepter, ne discuta pas une seule fois des détails des compensations personnelles aux survivants.
Apparemment, ils se soucièrent si peu de cette question que l'on peut soupçonner qu'ils craignaient peut-être que la demande d'indemnités dans ce domaine ne se fasse aux dépens des réparations attribuées à l'Etat", accuse Teitelbaum. Ce dernier fait aussi remarquer que les équipes de négociateurs ne comportaient aucun survivant de l'Holocauste.

Pour expliquer cela, on affirmait habituellement que ce n'était pas un groupe officiellement organisé, et que beaucoup s'opposaient même à l'idée de réparation. On peut supposer sans se tromper que, s'ils avaient participé aux négociations, ils auraient été beaucoup plus exigeants dans leurs demandes.

De plus, en 1972, Goldman persuada le gouvernement de signer un document
spécifiant que le peuple juif et le gouvernement d'Israël renonçaient à présenter à l'Allemagne de nouvelles demandes d'indemnités concernant l'Holocauste. "Selon l'accord initial, dit Teitelbaum, "la possibilité de soumettre des demandes de réparation prit fin en 1969. En 1972, Goldman s'avisa de dire qu'il y avait une chance d'obtenir un autre million de DM des Allemands, au titre de la compensation pour les immigrants d'Europe de l'Est qui arrivèrent après 1953, à condition de signer un renoncement à toute autre demande, et le gouvernement israélien accepta de signer".

Flug, qui, à l'époque, travaillait aux Finances à Jérusalem, se souvient : "Je fus abordé par Pinhas Sapir, alors ministre des Finances, qui voulait me consulter sur un certain sujet, à condition que je n'en souffle mot. Après avoir obtenu ma promesse, il m'informa de la proposition des Allemands et me demanda mon avis, car j'étais "quelqu'un qui venait de là-bas". Je lui dis qu'à mon avis, on ne devrait pas signer le document tant qu'il y aurait ne serait-ce qu'un seul survivant de l'Holocauste encore en vie. J'appris par la suite qu'en effet, il avait bien adopté mon point de vue et qu'il avait été le seul membre du Cabinet restreint de Golda à s'opposer à la signature de cette déclaration. Il annonça même que, bien que minoritaire, il n'apposerait pas sa signature sur le document. En conséquence, le cabinet désigna son adjoint, Zvi Dinstein, pour le signer".

Seule une combinaison de deux événements, qui, par coïncidence, se produisirent presque en même temps, fit changer les choses à la fin des années 80. D'une part, en 1989, les survivants se réunirent en une association plus puissante, l'organisation générale des survivants de l'Holocauste en Israël. Mais l'événement qui a vraiment permis de rouvrir les négociations fut la réunification de l'Allemagne en octobre 1990, fournissant une excellente excuse pour présenter de nouvelles demandes à l'Allemagne de l'Est, au nom d'une obligation qui n'avait pas été respectée.
De cette façon, par exemple, la voie aux réparations pour travaux forcés fut
ouverte. 
A la suite de la réunification, la Cour Suprême allemande décréta que la reconnaissance d'une Allemagne unie par les quatre "Alliés" historiques équivalait à un accord de paix permanent et facilitait donc le paiement d'indemnités pour travaux forcés. Teitelbaum remarque que, malgré tout, les tribunaux allemands tendaient à rejeter les demandes soumises à cet effet.
Il a fallu des recours collectifs en justice soumis à des tribunaux américains et la menace des Américains de boycotter des sociétés allemandes qui refusaient d'accorder des compensations aux travailleurs forcés pour que des négociations voient le jour, il y a deux ans, et aboutissent à l'établissement d'un fonds allemand pour l'indemnisation de ces personnes, dit-il.
En même temps, la réunification facilita aussi les discussions sur les indemnités accordées à d'autres groupes de survivants qui avaient été négligés dans l'accord initial. Des paiements exceptionnels de 5 000 DM furent accordés à 225 000 survivants dans le monde entier, tandis qu'un autre groupe de 50 000 survivants "nécessiteux" reçoivent depuis des allocations mensuelles de 500 DM. Limiter les allocations mensuelles aux "nécessiteux" est une question encore en discussion car on estime qu'accorder des compensations à ceux qui ont souffert ne devrait pas dépendre de la situation actuelle de ces personnes.

Le même argument est valable aussi pour une série d'autres conditions fixées par les Allemands pour des compensations supplémentaires. "Par exemple, un des critères stipulés dans l'accord pour recevoir une compensation, c'est d'avoir passé six mois dans un camp de concentration ou dans un ghetto", dit le Rabbin Azriel Miller de l'organisation générale des survivants de l'Holocauste. Et maintenant, en tant qu'organisation juive, nous devons dire aux gens qui ont passé "seulement" quatre mois dans un camp de concentration qu'ils n'y ont pas droit. Naturellement, ceci nous place dans des situations très difficiles".
Et que dire de ceux qui refusent d'accepter des compensations, et dont le nombre semblait élevé au temps de ce dramatique débat sur l'accord ? Il n'y a pas de chiffres exacts, mais toutes les personnes et organisations impliquées dans cette affaire estiment que le nombre d'individus qui refusent les indemnités est négligeable. Dans ce contexte, Flug dit, qu'en fin de compte, quelque 4 000 000 de demandes de compensation de toutes sortes ont été soumises à l'Allemagne au cours des années (il se peut que quelques survivants aient soumis plus d'une demande, à des titres différents) et que quelque 2 000 000 ont été retenues. Avec de tels chiffres, et sans oublier que le nombre total de Juifs de l'Europe de l'Est qui ont survécu à l'Holocauste se situait aux environs de 3 000 000, il apparaît, en effet, que très peu de survivants ont refusé d'accepter des compensations.

"Dans l'état actuel des liens qui nous unissent à l'Allemagne", dit Flug,
"le refus n'a tout simplement aucun sens"

Ralph Pinto, directeur du département du Ministère des Finances pour la réadaptation des survivants de l'Holocauste (entité chargée de s'occuper de ceux qui ont droit à des indemnités de la part du gouvernement), estime aussi que le nombre d'individus qui refusent les compensations est presque nul, attribuant ce fait, en premier, à la pression de la seconde génération : "Les survivants qui, à l'époque, refusaient d'accepter des compensations ont vieilli depuis ; les enfants qui ont la responsabilité de prendre soin de leurs parents, ne partagent pas nécessairement les mêmes sentiments et ils font pression sur leurs parents pour qu'ils présentent des demandes de réparations, quelquefois même, ils font les demandes eux-mêmes."

A tout prendre, dit Teitelbaum, tant ceux qui s'opposaient à l'accord que ceux qui l'approuvaient avaient raison. "Les opposants avaient raison de dire que cet accord a fourni à l'Allemagne un regain de réhabilitation à bon marché, bien que les Allemands aient payé un prix beaucoup plus élevé qu'ils ne l'avaient eux-mêmes prévu. Ils pensaient que tous les accords leur coûteraient environ 7 milliards de DM. Finalement, à ce jour, ils ont payé - antérieurement à l'établissement du nouveau fonds de compensation pour les travailleurs forcés (10 milliards de DM ) - plus de 100 milliards de DM.

D'autre part, Ben Gourion avait raison de dire que cet accord a permis à Israël de développer une infrastructure vitale pendant les premières années de l'Etat. Il est impossible de savoir si, sans cela, l'Etat aurait pu survivre ou non, mais cela a certainement aidé le pays. Les liens avec l'Allemagne ont été avantageux pour Israël, et pas seulement du fait des réparations directes. Depuis, l'Allemagne a fourni à Israël une aide économique et militaire appréciable et elle est devenue l'allié politique le plus important de l'Union Européenne."
Dans ce contexte, Teitelbaum fait remarquer que, depuis plusieurs années
maintenant, Israël est l'un des partisans les plus fervents de l'objectif allemand de réhabilitation définitive : l'acceptation de l'Allemagne en tant que puissance mondiale dans le club exclusif des membres permanents du Conseil de Sécurité.

Difficile d'imaginer une ironie plus saisissante de l'histoire, dit Teitelbaum.

Copyright Haaretz, 2001.
Traduction française de Suzy Sternberg

  


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