Alors que se fête le nouvel an juif,
comme une façon de souhaiter une bonne année 5771 à
tous mes lecteurs juifs, et comme une façon
d'expliquer aux autres quelques-unes de mes
positions essentielles, je dirai ici que
j'ai conscience, à chaque instant, de ce que
l'humanité doit à la culture et au peuple juif, et
que j'ai cette conscience depuis longtemps.
J'en suis venu à m'intéresser à la culture juive par
la découverte de l'antisémitisme et des ignominies
auxquelles il avait conduit.
De Primo Levi et Elie Wiesel, je suis passé à la
lecture des oeuvres de Léon Poliakov.
Les oeuvres de Léon Poliakov m'ont conduit à tenter
de déchiffrer ce que détestaient les antisémites, et
j'ai trouvé des éléments importants chez Winston
Churchill qui, dans « The World Crisis », l'ouvrage
qu'il a
consacré à la Première Guerre Mondiale, parle de la
Loi, et de ce que « nous devons aux Juifs » : Un
système d'éthique qui, même s'il était
entièrement séparé du supranaturel, serait
incomparablement le bien le plus précieux
de l'humanité, plus précieux que les fruits de toute
la sagesse pris ensemble .
Winston Churchill m'a conduit à relire Léo Strauss,
chez qui j'ai appris la philosophie du Droit, et à
découvrir l'un de ses livres, « La
persécution et l'art d'écrire », où il est beaucoup
question de Moïse Maïmonide.
La découverte de la pensée de Moïse Maïmonide m'a
conduit vers la pensée juive
: La philosophie du judaïsme » de Julius Guttman,
puis des textes de Mordecai Kaplan, Abraham Joshua
Heschel, Joseph Soloveitchik.
Sachant que mes lecteurs ne pourront pas tous
consacrer des années à l'étude, si je devais ne leur
conseiller qu'un seul livre aux fins de comprendre,
je leur conseillerais, cela dit, le volumineux
mais passionnant ouvrage d'un auteur qui, comme moi,
n'est pas juif :
Paul Johnson. L'ouvrage s'appelle « A History of the
Jews ».
Il existe en édition française, je crois, mais je
l'ai lu, et le relis en anglais. C'est l'ouvrage
d'un historien. C'est un ouvrage lumineux,
passionnant, impeccable en termes d'érudition, et
c'est un livre imprégné vis-à-vis du peuple juif, du
seul amour qui vaille à mes yeux : un amour lucide
et pleinement fondé.
Je ne puis faire mieux que citer Paul Johnson, qui
va dans le même sens que Winston Churchill : « Le
judaïsme explique que l'être humain doit être traité
avec respect et dignité, et on lui doit l'émergence
de ces idées en tant que principes »
Toutes les grandes découvertes de l'intelligence
semblent évidentes une fois qu'elles sont révélées,
mais il faut un génie tout particulier
pour les formuler pour la première fois.
Le peuple juif est porteur de ce génie .
Nous lui devons l'idée d'égalité devant la loi,
divine et humaine, l'idée du caractère sacré de la
vie, de l'individualité de la conscience et
donc de la rédemption personnelle, de la paix en
tant qu'idéal abstrait, et de l'amour en tant que
fondement de la justice, mais aussi la plupart
des autres éléments qui constituent le dispositif
éthique fondamental de l'être humain.
Sans les Juifs, le monde serait un endroit bien plus
vide .
Je parlerai de ce qui m'attache à Israël dans un
autre texte.
Mais d'une même façon que je suis un ami
indéfectible d'Israël, parce que je connais
l'histoire d'Israël, je tenais à dire en ce moment
précis, qu'en un temps trouble où l'antisémitisme
remonte de divers côtés, j'entends plus que jamais
être un ami fidèle du peuple juif : parce que je
connais l'histoire du peuple juif.
Et parce que je sais ce que tous les hommes aspirant
à vivre dignement, partout sur terre, doivent au
peuple juif.
Je sais qu'il faut être très vigilant.
Je sais aussi, et je tiens à l'écrire, que les
ennemis du peuple juif ne peuvent triompher, car ce
qu'ils haïssent au travers de leur haine
des Juifs est ce qui constitue cela précisément : «
le dispositif éthique fondamental de l'esprit humain
.
Je sais que sans ce dispositif, l'esprit humain se
perd, et, avec lui, l'humanité elle-même.
|