De Gaulle et l'embargo, par Annie Boukris

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De Gaulle et l'embargo

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Un souvenir de la guerre des six jours en Israël et l'embargo declaré par de gaulle qui, à mon humble avis ne mérite pas de majuscules.

A l'epoque j'habitais Marseille et travaillais dans une maison de transit très importante: import-export, marché commun, plus une division spéciale pour l'exportation vers Israël tant le traffic était intense. Cette compagnie de transit avait deux associés. Un juif, marié à une non juive et un non juif, marié à une juive. Mon travail consistait surtout aux conversions des changes pour le marché commun afin d'établir nos "accounts receivables" et "payables". Je ne devais rapporter qu'au patron juif qui m'avait embauchée par l'intermédiare du bureau de placement de L'Agence Juive.

Le jour de l'embargo, mon patron vient me voir dans mon bureau, l'après-midi, pour me dire: annie ne partez pas ce soir, j'ai besoin de vous parler. Personne ne savait rien a l'intérieur, au sujet de l'embargo. Très heureuse, je m'attendais à une augmentation... Divorcée, trois enfants en bas âge, sans aide de mon ex, ce n'était pas de refus. J'étais la seule juive dans ce service de dix-sept employés. Les bureaux fermaient à six heures et demie.
Une fois tout le monde parti, mon patron m'appelle et me demande de venir le rejoindre au département douanes. Là il m'informe de l'embargo...j'étais blanche comme un linge de colère et surtout de soucis pour Israël. Les mirages étaient payés à l'avance et prêts à être expédiés...Ils faisaient partie de l'embargo. ( Ça, c'est une autre histoire)

Mon patron me dit alors, vous êtes la seule à qui je peux m'adresser et en qui j'ai confiance. Après un petit bavardage sur la situation il me fait part de son plan. Il me demande de rester au bureau tout le week-end, deux policiers seraient postés pour ma sécurité. Il me dit: Vous voyez tous ces D6? il y en a 118, Ils ont tous été déja tapés avec le mot "armes". Je vous demande de les retaper tous, en changeant le mot "armes" à "pièces détachées" et aussi n'oubliez pas de changer le code douanier. J'accepte tout de suite évidemment, mais je demande à rentrer chez moi d'abord pour rassurer les gosses et ma grand'mère. Il me dit ne vous en faites pas j'ai déja envoyé quelqu'un et votre grand'mére a si bien compris, qu'elle s'est mise à prier pour sauver Israël. (en Hebreu). Un des policiers vous apportera à manger ce que vous voulez. J'ai précisé que je ne voulais pas grand'chose, mais que je voulais quelque chose de cacher, même de chez moi, et surtout des boissons.

Ce point éclairé, ce n'était pas tout. Il me dit, lundi matin, je vous veux à huit heures précises ici. Si les hommes de la douane y vont, vous ne dites rien, s'ils n'y vont pas, vous y aller à leur place. - Je réponds vous voulez que moi j'aille en douanes? Il me répond: OUI. Je sais que ce n'est pas un endroit recommandé pour les femmes mais A LA GUERRE COMME A LA GUERRE....Je ne viendrai au bureau qu'après avoir reçu votre coup de fil, me confirmant l'embarquement des caisses. Il ajoute ne vous en faites pas, si inspection il y a ils trouveront vraiment des pièces détachées. Je vais passer le week-end à la ZIM, avec tous les juifs de Marseille a démonter ces armes en pièces détachées, refaire les caisses et les ramener à quai. Merci, je compte sur vous, au revoir, à lundi.
Me voilà donc devant cette pile et au boulot. Ces D6 étaient par exemplaires de six pages, avec carbone à main pour chacun. (pas de papier NCR a l'époque). Je retape les 118 formes, il y avait beaucoup à taper sur chacune d'entre elles. Je me souviens avoir tapé sans interruption de vendredi soir à dimanche midi.

Je prends la vieille pile avec moi et rentre à la maison. Ma grand'mère très heureuse de ma Mitzvah, les gosses très heureux de me revoir. Bien sür, sans piper mot de ce que j'ai fait, je passe un bon moment avec eux et crevée, je vais me coucher. J'appréhendais beaucoup le lendemain.
Serais-je à la hauteur???

Me voilà donc au bureau lundi matin à huit heures précises. Je trouve les quatre hommes de la douane, assis bavardant et rigolant. Je dis bonjour avec beaucoup de charme, et je dis: alors pas de douane aujourd'hui??? Le plus ancien répond, nous n'y allons pas.- Ah!!! et pouquoi donc? - n'êtes-vous pas au courant??? - Au courant de quoi??? - De l'embargo sur Israël - Oui je suis au courant comme tout le monde...et tout en parlant je m'approche de la pile de D6 et je lis à haute voix, en insistant sur les mots "pièces détachées". - J'ajoute alors, l'embargo est pour les armes seulement. Les pièces détachées, n'en font pas partie....
Tous les quatre s'approchent pour vérifier l'authenticité de mes dires, et ahuris, ils disent mais nous avons tous tape "armes" sur ces D6. Je dis alors, vous voyez bien que non. C'est vous qui confondez. Ils font un tel raffut que l'autre patron arrive, demande: pourquoi tout ce vacarme? Ils expliquent, j'explique....et tous prennent la décision de ne pas partir en douane. - Tres süre de moi, je dis à très haute voix, ne vous bagarrez pas, j'irai en douane.
Je prends la pile que j'avais tapée et fonce vers la douane. A l'arrière, il y avait quatorze guichets, tous réservés aux expéditions sur Israël, et tous avaient une queue interminable...Je les fais tous, un par un, jusqu'au dernier. Tout à coup comme un éclair, une chose me revient. Je recule un peu a l'avant dernier guichet... Je m'approche de la fenêtre et avec un peu d'hésitation je demande: Fanfan??? Il me regarde et me dit: annie boukris !!!! je fais oui, et je lui montre ma pile de D6. - Il me fait "je regrette vraiment, tu dois faire la queue. - Je réponds quoi??? Avec tous les devoirs de math. que j'ai faits pour toi au lycée, en premiere et seconde année, tu as le culot de me dire fais la queue. - Tu as raison, je m'excuse, va à la porte principale devant, je te rejoins. Voyez-vous un bac, math.elem, même en 1948, sert toujours dans la vie, y compris les filles....(pas très féminin, mais j'avais passé les deux, philo. également).

J'y cours, il était neuf heures et demie, le Theodore Herzl quittait à dix heures et demie.... Quelques minutes après, mon tant désiré Fanfan, s'amène, avec deux tampons douaniers et deux "ink Pads" (Sorry, j'ai oublié le mot en français). Nous voilà donc tous les deux tamponner avec fièvre chaque feuille de chaque D6 séparément, jusqu'à épuisement.

Merci beaucoup, et me voilà courrir, vers le Theodore Herzl. Il sifflait, alors que j'étais en cours de route. Je pouvais voir nos caisses SEULES à quai. Je crie: Attendez-moi, j'arrive avec tous les papiers düment tamponnés. Je nomme le nom de ma compagnie, le bateau continuait à siffler mais les hommes à quai m'avaient fait signe qu'ils m'attendaient...J'arrive, l'Officier Israëlien en charge me dévisage d'abord, et me dit en rigolant: Vous êtes essouflée, mais vous avez une personnalité à qui l'on peut faire confiance.- Merci beaucoup, mais il y en a 118, je vous en prie, dépêchez-vous. - Il donne l'ordre de faire monter les caisses à bord, grue, etc...me donne les reçus, et ajoute, il y en a beaucoup trop, je ferai mes papiers après.

Nous nous embrassons mutuellement pour nous remercier, j'attends jusqu'a ce que la dernière caisse soit montée a bord, et du Theodore, je téléphone à mon patron, pour lui dire: MISSION ACCOMPLIE.

Cette journée est demeurée gravée dans mon esprit. Je me sentais presque une héroïne. J'y pense encore avec beaucoup d'émotion. J'ai éprouvé le besoin de la partager avec mes amis Harissiens et Harissiennes.

Moralité de cette histoire, si D...garde, Israël est en danger, les juifs du pays et du monde entier deviennent unifiés à part entière. C'est la loi de la Torah. C'est la loi de la nature.

Paix sur Israël, Israëliens, et dans le monde. Amen!!!!

Amicalement,

Annie Boukris

Hannah4b@aol.com

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