PETIT TEXTE…………inutile, par Bernard Sberro

Ce matin-là je me levai et je vis : on était très au-delà dans le temps, du côté du siècle suivant ou d’encore plus lointain ; des hommes et des femmes de bonne volonté avaient écrit, avaient souffert, avaient péri. D’autres avaient écouté, terrés dans leur univers clos, enfermés dans une souffrante torpeur.

Personne n’avait perçu cette similitude d’attitude, celle qui s’était produite au cours du siècle dernier et semblait s’être confirmée jour après jour dans les premières années du siècle naissant.

Un fort long temps avait été nécessaire pour entendre enfin une Eglise reconnaître combien ses accusations n’étaient pas fondées, n’avaient été que mensonges destructeurs, haines inutiles, souffrances injustes.

Depuis des temps immémoriaux on l’accablait de tous les maux que subissait la Terre, que subissaient les hommes ; les uns lui reprochaient son avidité et sa laideur, d’autres s’en prenaient à lui pour décrier les avatars venus troubler le besoin de quiétude auquel ils aspiraient et, insidieusement, s’installa dans les mentalités du Monde cette venimeuse perversion qui durant les siècles fit de lui celui que l’on craignait, qu’en secret on admirait, qu’on détestait de façon latente, fréquemment patente.

Il faut dire qu’il portait seul cette lourde volonté de s’approcher de cette Vérité, celle dont il savait que jamais il ne l’atteindrait mais qu’il vénérait au-delà de tout au point de ne jamais voir, au travers de ses blessures, des coups à lui administrés sans raison, sinon d’être celui qu’il était, ne voir que le juste prix de son incommensurable désir d’authenticité.

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Au fond le parallèle peut être fait quant à ce que fût la haine du juif au sein du monde chrétien et ce qu’elle est de nos jours au sein du monde musulman. Certes il n’est pas question de rendre l’individu chrétien responsable en tant qu’homme ; il y en eut qui certainement n’éprouvèrent pas de tels sentiments, ni l’homme musulman – il suffit d’un seul pour qu’il soit impossible de généraliser le phénomène – mais ici semble s’établir cette similitude : des temps ancestraux à la Shoah l’antijudaïsme-antisémitisme ( économique ) a sévi, aujourd’hui remplacé par l’antijudaïsme-antisionisme ( politique ) ; leur point commun reste en tout état de cause l’antijudaïsme ( religieux ) en tant que racine monothéiste jalousée par tous ceux qui au cours du temps ont voulu s’en assurer sinon la paternité ( historiquement impossible ), pour autant trouver dans d’autres religions un substitut dont la finalité consiste à éradiquer le judaïsme de ce en quoi il est porteur d’une approche de l’homme qui attire et effraie en même temps comme peut l’être toute idée neuve, toujours et indéfiniment renouvelée.

Aujourd’hui les rencontres entre juifs et chrétiens sont légion, toujours porteuses d’un mieux vivre ensemble dont il est possible d’entrevoir la dynamique ascendante n’excluant pas les chaos et aléas de l’histoire.

Alors ce matin je me levai et je vis : dans des temps très futurs les dialogues politiques lentement viendront faire naître un semblant de paix, de paix entrecoupée de grandes violences car plus elle se rapprochera la Paix, plus les forces du mal frapperont ; elles frapperont très fort et encore et encore la souffrance s’abattra sur le Monde et il sera là toujours l’éternel accusé comme il y est aujourd’hui et le long débat,, politique cette fois, devra sans fin se poursuivre, inlassablement, et d’autres hommes remplaceront les hommes en place et il y aura des zones sombres qui passeront d’un point à un autre et ça deviendra clair quand même, de plus en plus clair et il y en aura des générations qui passeront et l’invraisemblable rencontre entre juifs et musulmans mais là mes doigts restent figés au-dessus du clavier car ils savent qu’il faut écrire sous la Grande Dictée et ils n’y sont pas du tout habitués et ils voudraient tant frapper sur d’autres touches et c’est malgré eux qu’ils frappent, sûrs de cette impossible vision inspirée par l’écoute, tôt le matin, d’une interview de Paul Giniewski.

Bernard Sberro

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