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LA PRIERE MEDICALE
ATTRIBUEE A MAIMONIDE
"Eloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et
l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances."
"Mon D.ieu, remplis mon âme d'amour pour l'art (médical) et pour toutes les
créatures. N'admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire
m'influencent dans l'exercice de mon art, car les ennemis de la vérité et de
l'amour des hommes pourraient facilement m'abuser et m'éloigner du noble devoir
de faire du bien à Tes enfants. Soutiens la force de mon cœur pour qu'il soit
toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l'ami et l'ennemi, le bon et le
mauvais.
Fais que je ne vois que l'Homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit
reste clair près du lit du malade, qu'il ne soit distrait par aucune chose
étrangère, afin qu'il ait présent tout ce que l'expérience et la science lui ont
enseigné ; car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont
pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures. Fais que mes
malades aient confiance en moi et mon art, qu'ils suivent mes conseils et mes
prescriptions. Éloigne de leur lit l'armée des parents conseils et les gardes
qui savent toujours tout, car c'est une vengeance dangereuse qui, par vanité,
fait échouer les meilleures intentions de l'art et conduit souvent les créatures
à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l'amour de mon
art, comme cuirasse, me rende invulnérable pour que je puisse persévérer dans le
vrai, sans égard au prestige, au renom et à l'âge de mes ennemis.
Prête moi, mon D.ieu, l'indulgence et la patience auprès des malades entêtés et
grossiers. Fais que je sois modéré en tout mais insatiable dans mon amour de la
science. Éloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté
et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui
découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l'art
est grand mais l'esprit de l'homme pénètre tout. "
La médecine de cette époque, après l'influence grecque, était donc représentée
par de grands médecins juifs et arabes.
A côté des monuments de la Tradition Hébraïque que sont des oeuvres comme le
"Michné Torah " (Répétition de la Loi), encore appelé "Yad Hah'azaka" ("La Main
Forte"), ou le Guide des Egarés, Maimonide a écrit d'autres textes moins connus
et à visée essentiellement médicale.
Maïmonide s'est intéressé à la science médicale dès son jeune âge, considérant
qu'il y a là une activité "religieuse" propre à renforcer la "vertu". II
décidera d'exercer véritablement le métier de médecin lorsque son frère David
disparaîtra dans un naufrage lors d'un voyage d'affaires, laissant Maimonide
dans un grand désespoir moral et dans un dénuement matériel total. Ne voulant
tirer aucune rétribution de ses travaux sur la Torah, Maïmonide subviendra à ses
besoins grâce à l'exercice de la médecine. Son prestige, ses connaissances,
devaient rapidement faire de lui un médecin réputé.
Le Sultan Saladin, conquérant de l'Egypte, en fit le médecin de sa cour. On
venait aussi le consulter depuis la Syrie, la Palestine, et encore de plus loin.
On dit même que Richard Coeur de Lion, qui régnait en Terre Sainte proposa de
l'attacher à sa cour.
La médecine de Maimonide puisait à trois sources : les notions de santé dans la
Tradition Hébraïque, la médecine pratiquée à son époque, ses propres recherches
et analyses liées à des expérimentations personnelles.
Nous reviendrons sur les notions de santé dans la Tradition Hébraïque. En ce qui
concerne la médecine de l'époque, elle était influencée par les écrits
d'Hippocrate ( 460-377), de Galien (131-201), de Rahzès (860-923), d'Avicenne
(980-1037), d'Asaph Hayehoudi (environ VIIème siècle), d'Isaac Israëli (830-930)
et d'autres encore. La médecine de cette époque, après l'influence grecque,
était donc représentée par de grands médecins juifs et arabes.
La plupart des écrits médicaux de Maïmonide sont des commandes. Faisait il une
différence quant à la certitude de ses ouvrages sur la tradition et la justesse
de sa position à ce sujet (qu'il tenait absolument à transmettre aux générations
futures), par rapport à une certaine relativité de la vérité médicale telle
qu'il la pressentait ? Nous le pensons.
Tous ces ouvrages médicaux ont été écrits en judéo-arabe.
En voici la présentation succincte:
TRAITE DES APHORISMES
L'effigie de Maïmonide est sculptée dans la pierre des bâtiments de la Faculté
de Médecine de Paris, et on peut l'y voir encore aujourd'hui en passant rue
Jacob, au quartier latin.
Ce traité est divisé en 25 grands chapitres, où l'on aborde : l'anatomie et la
physiologie, les humeurs, la déontologie, la symptomatologie, les troubles de la
parole, la thérapeutique générale, les maladies "spéciales", les fièvres, les
périodes d'incubation, les saignées, les purgatifs et les vomissements, la
chirurgie, la gynécologie, l'hygiène, la condition physique et le sport, la
balnéation, les aliments et les boissons, les drogues, les médicaments
"magiques", la physio-pathologie, les cas rares, et enfin, le doute médical
(surtout par rapport à certains écrits de Galien)
Ces 25 chapitres toucheront donc à un grand nombre de spécialités médicales et
traiteront des troubles cardio-vasculaires, du diabète sucré, des tumeurs, de la
psychosomatique, des nerfs, du tube digestif, des troubles respiratoires, des
maladies infectieuses et parasitaires, de l'anatomie, de l'embryologie, de la
gynécologie-obstétrique, du sport, de l'anesthésie.
A lui seul, ce "Traité des Aphorismes" constitue une somme des connaissances
médicales de l'époque, depuis les apports antiques de la Médecine Hippocratique
jusqu'aux pratiques du XIIème siècle, celui de Maïmonide.
Cette oeuvre a été la source médicale la plus consultée du Moyen Age et a assuré
à son auteur une réputation considérable comme grand médecin de l'humanité,
reconnu par tous. L'effigie de Maïmonide est sculptée dans la pierre des
bâtiments de la Faculté de Médecine de Paris, et on peut l'y voir encore
aujourd'hui en passant rue Jacob, au quartier latin.
TRAITE DES POISONS
Il y est question des différents poisons, de la pharmacologie et des antidotes,
des traitements généraux, des régimes diététiques, de la prophylaxie de
l'empoisonnement.
TRAITE DE LA CONSERVATION DE LA SANTE
On y trouve des règles quant à la santé physique, mentale, sociale.
TRAITE DE L'ASTHME
Il y est traité des troubles psychosomatiques, de thérapeutique
d'expérimentations personnelles, de l'alimentation : en quantité et en qualité,
des horaires des repas, de l'environnement.
TRAITE DE LA VIE CONJUGALE
II aborde la nourriture dans la vie sexuelle, les facteurs psychologiques, le
nombre des partenaires, les aliments et boissons intervenants dans la sexualité,
les aliments contre-indiqués, les mets cuisinés, recettes et aphrodisiaques et
l'hygiène de vie à suivre.
TRAITE DES REPONSES MEDICALES
Destiné au Vizir Al Afdal, il contient des études sur la personnalité de ce
dernier et des conseils sur son emploi du temps, des aperçus sur les problèmes
de déontologie, et enfin une mise en relation de la médecine et de la religion.
TRAITE DES HEMORROIDES
On y trouve des conseils sur les mets bénéfiques et ceux à éviter pour qui
souffre d'hémorroïdes, des mesures de prophylaxie et de thérapeutique générale
et locale.
COMMENTAIRES DES APHORISMES D'HIPPOCRATE
Tout en considérant le Traité d'Hippocrate comme l'œuvre la plus utile pour un
médecin, Maïmonide estime nécessaire d'en clarifier certains points, ce qui rend
l'ouvrage plus abordable.
Comme pour Hippocrate, Maïmonide analyse et commente l'œuvre de Galein. Il
éclaircit certains points obscurs, en réfute d'autres, son but étant de
faciliter l'acquisition des connaissances.
GLOSSAIRE DES MATIERES MEDICALES
Maïmonide fait le point sur 1800 drogues, précisant leurs diverses dénominations
selon les pays et selon les langues. Son objectif est de "réduire le volume de
ce précis pour faciliter la tâche de qui veut le retenir, et, par cela même d'en
augmenter l'utilité". Il termine par ces mots :
"Que D.ieu nous guide dans la voie de la vérité "
VISION D'ENSEMBLE DU COMMENTAIRE GENERAL
Voici quelques exemples de l'enseignement de Maïmonide.
ALIMENTATION
"L'essentiel pour l'alimentation (comme dans tous les domaines) est de parvenir
à un équilibre et de s'y tenir..."
A propos des lois juives sur l'alimentation (Cacherout), il dit dans le Guide
Des Egarés III 35 :
" ... Les lois alimentaires nous éduquent à la maîtrise de nos instincts. Elles
nous habituent à contenir l'avidité et la faiblesse qu'on éprouve de rechercher
ce qu'il y a de plus doux et d'adopter comme but, la passion de manger et de
boire... "
Ainsi, pour Maïmonide, ces lois alimentaires de la Torah sont entre autres
significations, un exercice d'auto-discipline pour aider l'homme à réprimer son
instinct animal à l'égard de la nourriture. Maïmonide poursuit : "... Quant à ce
qui est indispensable, comme de manger et de boire, l'homme doit se borner à ce
qui est le plus utile et avoir en vue le seul besoin de se nourrir et non la
jouissance, il faut se borner au nécessaire et s'abstenir du superflu".
Dans son "Traité de Conservation De La Santé", il reprend ces recommandations de
la Tradition Hébraïque (Talmud Berah'ot 62 b) : "On ne mangera jamais que l'on
ait faim et l'on ne boira jamais que l'on ait soif".
La physiologie moderne nous confirme que la faim et la soif entrent dans le
cadre d'un auto-équilibre grâce à des mécanismes complexes de régulation
hormonale.
Maïmonide connaît bien le Talmud Guittin 70 a : "On ne mangera pas jusqu'à
réplétion complète de l'estomac, mais on restera d'un quart environ au-dessous
de la satiété complète".
La physiologie gastrique montre qu'un estomac plein a du mal à se contracter
convenablement, d'où une diminution de son travail de broyage par difficulté
mécanique et passage d'aliments insuffisamment préparés dans le duodénum et
l'intestin grêle, qui devront alors fournir un travail supplémentaire.
Il prend d'autres exemples du Talmud, que nous retrouvons dans les conseils que
l'on reçoit de nos jours dans les services de gastro entérologie; (Chabbat 82 a)
:"On ne se retiendra jamais pour satisfaire ses besoins naturels même un instant
tant pour uriner que pour aller à la selle"
Maimonide y ajoute cette notion d'hygiène très actuelle: "... Lorsque l'homme
travaille, se fatigue suffisamment, se nourrit modérément et lorsque ses
intestins se vident facilement : ses forces se raffermissent..."
Par contre, qui mène une vie tranquille sans exercice physique, qui tarde à
satisfaire ses besoins naturels,... mangerait-il des aliments sains... que, sa
vie durant, il serait sujet à des affections diverses.."
Du Talmud Berah'ot 32a, Maimonide reprend encore cette assertion, qui nous
apparaît véritablement comme une anticipation lorsque nous constatons les
ravages occasionnés par les maladies de pléthore dans nos pays industrialisés :
"La gloutonnerie est comme un poison mortel pour le corps humain et la véritable
cause de toutes les affections... dont la plupart ont pour origine les aliments
nuisibles, une alimentation trop abondante, même lorsqu'il s'agit d'aliments
sains".
Pour terminer cette évocation de quelques enseignements de Maimonide sur
l'alimentation, voici ce qu'il écrit dans "Le Guide des Egarés" I p. 267, 268 :
" L'essentiel pour l'alimentation (comme dans tous les domaines) est de parvenir
à un équilibre et de s'y tenir..."
EQUILIBRE, voici un maître mot pour qui veut comprendre la leçon maïmonidienne.
LES TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES
'Aussi ne faut-il pas trop y penser, ni trop se réjouir ni trop s'attrister, car
bonheur et malheur ne sont grands que dans notre imaginaire.'
Concluons en nous arrêtant un peu sur cette caractéristique essentielle de la
médecine de Maimonide : la psychosomatique. Maimonide considère que la maladie
résulte de la rupture d'un équilibre. Cet équilibre, à la fois physique et
mental, sera maintenu et conforté chez celui qui, en toutes choses, saura s'en
tenir au juste milieu. Le corps et l'esprit, bien que réalités distinctes,
entretiennent chez l'être humain des relations d'interdépendances. Tout
déséquilibre dans l'un se répercute sur l'autre, compromettant ainsi l'harmonie
de l'être.
Voici ce que Maïmonide écrit dans " Le Traité de l'Asthme " : " Il est clair
pour les médecins, que l'on ne peut parvenir à la thérapeutique des maladies de
manière directe ; il faut s'efforcer avant tout de bien connaître le tempérament
du malade..."
II faudra donc, pour guérir le patient, tenir compte entre autres choses, de ses
données psychiques. Dans ce même traité, on trouve au chapitre VII :
" Quant aux émotions, leur importance nous est connue ; c'est à dire que
l'action de la souffrance morale et de l'oppression, que nous constatons,
affaiblit les fonctions psychiques et physiques à tel point qu'au cours des
repas, l'appétit disparaît à cause de la douleur, de l'angoisse, de la tristesse
ou des soucis. Si l'homme veut alors élever la voix, cela lui sera impossible,
car son émotion affaiblit ses organes respiratoires dont il ne pourra se servir
convenablement... Il n'a même pas de force pour lever ou déplacer ses membres.
Si cet état persiste, il tombera obligatoirement malade et si cela se prolonge,
il mourra... La joie et le plaisir provoquent l'état contraire et renforcent le
moral et les mouvements du sang et de l'esprit. Ainsi, l'organisme verra
s'accomplir ses fonctions aussi complètement que possible.
Si l'on exagère la jouissance, comme cela arrive chez les ignorants et les
débiles, on peut en devenir malade et même en mourir à cause de l'anéantissement
et du pourrissement de l'âme, laquelle quitte le corps, le cœur se refroidit et
l'homme mourra. La thérapeutique de ces deux sortes d'émotions psychiques et
leur prévention ne consiste pas uniquement en un régime alimentaire et des soins
médicaux... elle dépend d'autres spécialités, telle que l'étude des vertus par
les "philosophes" (nous dirions aujourd'hui psychiatres ou psychosomaticiens)...
Il n'y a pas de doute que par ces méthodes le malade guérira bien mieux...
Ainsi, les enseignements des "philosophes" les éloigneront des émotions. Ils ne
se sentiront pas trop affectés par la tristesse ou par la joie, comme cela
arrive aux gens ordinaires.
Leurs émotions seront influencées par des conseils humains, sans manifestations
organiques à l'exception d'un resserrement de cœur, de la faiblesse et de ce qui
en résulte. De même grâce aux enseignements éthiques, on regarde avec d'autres
yeux le monde et ce qu'il contient, qu'il s'agisse de bonheur ou de malheur, car
au fond ces deux états n'existent pas. Aussi ne faut-il pas trop y penser, ni
trop se réjouir ni trop s'attrister, car bonheur et malheur ne sont grands que
dans notre imaginaire. Une analyse réelle, montre qu'ils ne sont que
plaisanteries et jeux, qui passent comme la nuit"
Ce texte sublime montre bien à quel point Maimonide était en avance sur les
notions de prévention en matière de psychiatrie, de psychologie et de
psychosomatique. C'est à travers la Tradition Hébraïque que Maïmonide développe
sa conception de l'homme, mélange inextricable d'un corps et d'un esprit
totalement interdépendants.
Toute l'œuvre de Maïmonide, qu'elle soit théologique, philosophique, juridique
ou médicale, est profonde, claire, concise. Il a été un grand codificateur et un
pilier universel de la connaissance humaine. Ses capacités de synthèse et
d'organisation, la puissance de son intelligence et son audace intellectuelle
dans tous les domaines ont fait de Maimonide un savant reconnu par toute
l'humanité. Pour le monde médical, il est "Le Prince des Médecins". Pour les
Juifs, il est "l'Aigle de la synagogue". Sur sa tombe présumée à Tibériade
(Israël) est inscrite en Hébreu la phrase souvent citée à son propos : "Mi Moshé
ad Moshé, Lo Kam ké Moshé" ("De Moïse à Moïse, il ne s'est levé personne comme
Moïse). Le Premier Moïse est celui de l'Exode, l'autre est Moïse fils de Maïmon,
Rabbi Moshé Ben Maïmon, dit le "RAMBAM".
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