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Retourne dans ton pays

Auteur hajkloufette 
Retourne dans ton pays
Retourne dans ton pays » ! Ou pourquoi jâai fait mon Alya ?
Par Yaël Attal-Gusi Pour Guysen Israël News
28 juin 2004 / 00:05


Yom Kippour 1973. Je suis assise à côté de mon père (zal) à la Synagogue de mon quartier parisien. Soudain je lis sur les visages marqués par la fatigue du jeûne, une grande inquiétude et entends quelquâun qui crie « Israël vient dâêtre attaquée elle est entrée en guerre, priez pour nos frères ! » Après la fête, ma mère met les infos et devant la terrible nouvelle se met à prier en arabe : « Rabbi Meyer Baal Ha Ness (Rabbi Meyer, le Maître des Miracles) protège notre peuple, protège notre Terre dâIsraël⦠» Je suis encore une petite fille et demande à ma mère « mais pourquoi dis-tu notre Terre dâIsraël, puisque notre pays câest la France ? ».


Début Août 1992. Câest mon 5e voyage en Israël organisé par le M.A.F. (Mouvement de lâAlya de France). Notre groupe est très hétéroclite, et chacun fait ce voyage avec une motivation différente. Pour certains, câest lâoccasion de rencontrer lââme sÅur car là où ils habitent le choix est limité. Pour dâautres, câest parce que câest Casher et pas cher ! Et pour moi, câest parce que je ne supporte pas voyager imbécile, car le style bronzette, jupette et discothèque câest pas mon délire.

Dans le car qui nous ramène de Tel Aviv à Jérusalem, je parle avec ma copine Ilana qui me dit quâelle se sent fiévreuse et a très mal à la tête. Tout dâun coup, elle sâévanouit⦠On fait venir dâurgence le Maguen David Adom et lâinfirmier qui la réanime est tellement beau que quand elle revient à elle, elle refait un malaise ! Ilana souffre de déshydratation et va passer 3 jours à lâhôpital. Quand elle rejoint le groupe, elle semble superbement épanouie et nous annonce quâelle a décidé de rester en Israël pour se fiancer avec lâinfirmier du Maguen David Adom ! Elle est pas belle lâhistoire ? Célibataires, à bon entendeurâ¦

On voyage. Par la fenêtre du car qui nous conduit dâAshkelon à Ber Shéva, jâobserve le paysage qui est sans grand intérêt sur 10 Km environ. Il se teinte dâun dégradé de marron, dâocre et de beige (le désert, le sable, les pierres) quand tout dâun coup, je vois à lâhorizon une étendue de vert jade avec des touches jaune dâor, rouge et rose, et ces couleurs associées à celle du ciel dâun bleu transparent, me font penser à un magnifique tableau vivant de Pissarro. Jâen ai les larmes aux yeux tant cet oasis est beau et semble irréel... Les Israéliens ont fait reculer le désert et câest extraordinaire ce quâils ont construit en si peu de temps, après avoir survécu à la Shoah et à toutes les guerres, jusquâà ce jour.

Jâassiste à une série de conférences sur le peuple Juif, lâhistoire dâIsraël et un des dirigeants de lâAgence Juive commence son discours en nous disant que « quand quelquâun décide de quitter son pays dâorigine, câest afin de trouver une meilleure situation, une vie plus facile, plus de sécurité dans le nouveau pays où il désire sâinstaller⦠La décision pour un Juif de monter en Israël défie toute cette logique⦠»

Fin Août 1992, retour à Paris. Je prends ma voiture pour me rendre à mon travail (que jâaime beaucoup dâailleurs) et dans les embouteillages épuisants et quotidiens sur le Périphérique, je laisse mon esprit vagabonder au souvenir de tout « ce plein de beauté et de sainteté » que jâai fait en Israël. Je me revois devant le Kotel en train de prier D-ieu de mâaider à faire mon Alya et de la réussir... Je ferme les yeux et je sens lâair pur et la douceur du vent qui chante sur le magnifique Plateau du Golan. Je me retrouve en une seconde sur les hauteurs de Massada à contempler la Mer Morte, qui danse et brille comme une nappe infinie dâétoiles. Sur le sable doux de Haïfa, je regarde comme hypnotisée le soleil aux rayons oranges et roses, qui flotte un moment et sâendort sur la mer.

La file de voiture avance et un grand coup de klaxon me ramène à la réalité morose et polluée de ma situation. Le conducteur derrière moi me double sur la gauche et tout en freinant me balance agressivement « alors tu rêves, retourne dans ton pays ! » Oh oui merci, je ne demande que cela !

Moi qui arrivais tout le temps de bonne humeur à mon travail, je deviens silencieuse et rase les murs⦠Ma secrétaire qui est persuadée que jâai un chagrin dâamour (il faudrait quâelle arrête de fumer celle-là) me dit un jour : « il doit être extra ce garçon pour que tu te mettes dans un état pareil et il sâappelle comment ? » « Il sâappelle Israël et je vais aller le rejoindre très vite, je nây tiens plus !!! » « ??? ».

Je continue à voir mes amis, mais je mâennuie avec eux, leurs conversations me semblent dénuées dâintérêt : « le dernier livre dâuntel à acheter absolument... Les soldes chez... lâautorisation par le Consistoire de consommer une nouvelle marque de Chips... ». Je ne supporte plus de faire 80 minutes de trajet (aller/retour) en voiture le midi, pour aller avaler au lance pierres un sandwich Casher dans le centre de Paris. Jâen ai assez de répéter chaque année aux nouveaux venus non Juifs de mon travail « que je ne fête pas le 24 Décembre car je ne suis pas concernée, mais que non, je ne viens pas de Mars pour autant ! » Je ne supporte plus de passer Chabbat qui se termine à 23h00, alors que le Rabbin de ma Synagogue nâoffre quâun seul cours de Torah entre 17h30 et 19h00. Je trouve ça frustrant dâêtre concernée par Israël, rien que parce que je mâinquiète de la situation du pays, même si jâenvoie souvent de lâargent à diverses associations là-basâ¦

Pitié, jâétouffe, au secours ! Amenez-moi le frère de lâinfirmier du Maguen David Adom, sâil est aussi beau que lui !!!

Je veux me réveiller avec la clarté fabuleuse de Jérusalem, parler hébreu, rire et me disputer avec les Israéliens (après quelques années ici, je ne croyais pas si bien dire), travailler et contribuer au développement du pays. Je veux me sentir chez moi, parce quâici je nâai pas besoin de justifier le fait que je sois Juive, câest naturel de lâêtre. Je veux contribuer à ce merveilleux édifice que chaque Juif apporte quand il décide de sâinstaller sur Sa Terre.

Cela fait maintenant 11 ans que jâhabite à Jérusalem « la Ville Eternelle » - chaque ville dâIsraël est éternelle - et je me souviens ce quâavait dit le dirigeant de lâAgence Juive : « La décision pour un Juif de monter en Israël défie toute logique⦠». Câest vrai, mais câest une logique que chaque Juif doit intégrer à un moment ou un autre de son existence, peu importe sa situation et son âge.

Aujourdâhui, ce sont mes gamines qui disent avant de dormir « Rabbi Meyer Baal Ha Ness protège notre peuple, protège notre Terre dâIsraël⦠», mais elles prononcent cette prière en hébreu et je sais maintenant que jâen ai saisi tout le sens.
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