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L erreur a t elle ete le politiquement correct ???

Auteur hajkloufette 
L erreur a t elle ete le politiquement correct ???
La vague iconoclaste

Ils viennent de tous les horizons. Ils sont intellectuels, politiques ou militants associatifs. Tous, à leur manière, osent appeler un chat un chat. Qu'annonce cette vague ? Un début de ressaisissement national ou la victoire d'un pessimisme inéluctable ?

François Dufay

Au royaume du politiquement correct, l'état d'urgence a été promulgué. Malgré la vigilance de la « police de la pensée », des éléments incontrôlés osent en effet braver le couvre-feu idéologique en vigueur depuis trois décennies. Leur crime ? Remettre en question notre réputé modèle social français. Ne plus se payer de mots et d'illusions lyriques. Et, notamment, refuser de croire que des « opprimés » ne peuvent se comporter en barbares, que la téléréalité et les jeux vidéo font « monter le niveau », que l'islam est d'abord une religion de tolérance, l'assistanat le meilleur des systèmes économiques et la nation une vieille lune dépassée...


Il sera difficile, cette fois, de bâillonner ces iconoclastes en les faisant passer pour des émules de Le Pen. Ni xénophobes ni même droitiers, la plupart de ces « nouveaux réactionnaires » - qui ne sont que des convertis au réalisme - se recrutent dans les rangs de la gauche. De longue date, les Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Luc Ferry, Régis Debray, André Glucksmann ont ouvert le chemin. Au risque de l'opprobre, ces philosophes intempestifs ont entrepris de déconstruire la tyrannie du moderne, notre haine de la transmission et l'angélisme exterminateur qui nous tient lieu de credo.


Mais aujourd'hui il ne s'agit plus seulement d'une fronde d'intellos contre la pensée 68. Un automne 2005 aux rougeoiements d'incendie, prolongeant une séquence déjà sinistre - attentats kamikazes, liquéfaction de la construction européenne -, est passé par là, déliant les langues, remettant les idées en place, contraignant chacun à sortir de son confort intellectuel.

Les iconoclastes d'aujourd'hui sont d'abord des maires de banlieue écoeurés de voir partir en fumée des écoles maternelles, des jeunes des quartiers qui refusent de s'enfermer dans la tchatche victimaire, des profs qui n'en peuvent plus de ramer à contre-courant. Quant aux hommes politiques - à commencer par Nicolas Sarkozy ou Bernard Kouchner, qui n'exclut pas d'être candidat à la présidentielle tant il est exaspéré de se sentir inutile dans un PS incapable de changer -, leur cote s'envole dès qu'ils appellent un chat un chat.

Fin des diktats de la bien-pensance, de la novlangue usée qui camoufle nos mille et une lâchetés. Buvons plutôt le calice jusqu'à la lie, semble dire le philosophe Jean Baudrillard, qui écrit dans une tribune de Libération, à propos des jeunes émeutiers : « "Nique ta mère", c'est au fond leur slogan. Et plus on tentera de les materner, plus ils niqueront leur mère. Nous ferions bien de revoir notre psychologie humanitaire. » Plus cool du tout, l'auteur de « Cool Memories » ! Car l'exaspération gagne. Elle s'étend à tous les domaines, y compris la vie culturelle. Tandis que des essayistes dénoncent notre manie du festif à tout-va, véritable opium des bobos, le public du dernier Festival d'Avignon, soûlé de poncifs « gore », se révolte contre les spectacles qu'on lui propose au cri de « Qu'avons-nous fait pour mériter cela ? »

Même si les bien-pensants sont loin d'avoir dit leur dernier mot, on ne peut que se réjouir de voir le politiquement correct vaciller sur ses bases, et le déni de réalité prendre fin. Il reste que cette réalité, sur laquelle le voile se déchire, fait froid dans le dos. Et ceux qui, les premiers, avaient osé la regarder en face nous laissent au fond assez démunis. « Où est l'apothéose des "nouveaux réacs" ? s'interroge ainsi l'éditeur et théologien Jean-François Colosimo.

On ne restaurera pas la République idéale façon XIXe siècle qui est leur référence. Quand les beurs n'ont pour tout horizon que le communautarisme religieux, quand les Blacks ne se définissent que par l'esclavage et que les Gaulois demandent qu'on les protège des habitants des cités, on n'assiste pas au retour du Sens avec un grand S, mais à la poursuite de la désagrégation. Nous ne faisons actuellement que substituer à un discours de générosité béate un discours répressif, tout aussi fantasmé. »

De fait, la faillite des illusions droit-de-l'hommistes laisse la société française face à un pessimisme galopant, qui semble en passe de devenir la doxa du moment. Quand le progrès a fait faux bond et que pointe la barbarie, les prophètes du crépuscule s'engouffrent dans la brèche. La grande exposition qui triomphe actuellement n'a-t-elle pas pour thème « la mélancolie » - son auteur, Jean Clair, étant d'ailleurs l'un des pourfendeurs des impostures de l'art actuel ? Les essayistes méditent sur notre « ensauvagement ». Et nos contemporains capitaux sont des pessimistes antimodernes, nommés Michel Houellebecq ou Maurice G. Dantec, chantres « destroy » de l'Occident chrétien, imbibés de nihilisme.

Le plus étrange étant de voir la gauche, qui il y a quelques années les aurait cloués au pilori, les applaudir, comme si les horreurs qu'ils profèrent étaient des évidences admises par tous.

Preuve qu'au-delà des discours officiels chacun, en son for intérieur, semble avoir intégré la possibilité du pire. A l'heure de la grande inquiétude, tout se passe comme si la ligne de partage ne se situait plus vraiment entre la gauche et la droite, entre les vertueux et les sulfureux. Puisqu'il est communément admis que nous allons « dans le mur », elle passe dorénavant entre les volontaristes, qui pensent qu'il est encore temps d'éviter le fameux mur. Et ceux qui, comme l'essayiste Philippe Muray (voir interview p. 42), sont persuadés que, sans même le savoir, nous nous sommes déjà fracassés contre lui...


AM ISRAEL HAY
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