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Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire

Envoyé par ladouda 
Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
07 juin 2012, 13:56
Humbert GURRERI

UN SICILIEN A TUNIS

Histoire d’une famille peu ordinaire


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UN SICILIEN A TUNIS

Histoire d’une famille peu ordinaire

Tous les évènements reproduits ici sont réels avec une part d’incertitude pour les dialogues.

Cette plongée dans le Tunis du XIX et XX siècles est le récit de la double aventure d’une famille et d’un pays. C’est avant tout l’histoire de notre famille, une famille modeste et laborieuse qui évolue dans un territoire en devenir. On perçoit la complexité d’une société multiculturelle, évoluant tantôt de manière cloisonnée, et tantôt dans une véritable osmose, tout en laissant leurs places aux hasards de la vie.

CHAPITRE 1 : LE DEPART DE SICILE ET L’ARRIVEE A TUNIS

CHAPITRE 2 : LA RENCONTRE AVEC SUZZA

CHAPITRE 3 : LES ANNEES GALERES

CHAPITRE 4 : L’ASCENSION DE VANNINO

CHAPITRE 5 : LE TEMPS DE GUERRE

CHAPITRE 6 : LA MAISON DE L’AEROPORT

CHAPITRE 7 : LE DEPART DE TUNIS


AVANT PROPOS

Pendant toute mon enfance quand je trainais dans les pattes des adultes, j’ai entendu très souvent ‘che bedda sta Sicilia’, ‘a mè Sicilia bedda’, sans y prêter attention, ne sachant pas que cette expression sous forme de plainte nostalgique exprimait la tristesse d’un rêve perdu de retour au pays. Cette plongée dans le passé familial m’a permis de mieux comprendre les petites douleurs qu’une âme d’immigré pouvait exprimer, comme j’ai pu mesurer l’extraordinaire faculté d’adaptation de toute cette famille.

J’ai écrit ces quelques lignes par jeu personnel, mais aussi pour les offrir aux plus jeunes d’entre nous, issus d’une même souche : Biagio Gurrieri. La famille au sens large s’est complètement francisée, aucun ne parle la langue de cet aïeul qui peut-être par défi, par goût ou bien par peur du lendemain quitta son pays natal pour tenter une aventure peu ordinaire.

C’est l’histoire d’une famille peu ordinaire qui vous est contée ici. Merci à la providence de m’avoir offert le plus beau des cadeaux, l’occasion de vous parler de ce passé.

Avant d’aborder cette aventure familiale, j’ai voulu essayer de comprendre sinon partager les sensations, les émotions, les angoisses, les peurs et les espoirs de ceux qui quittent leur pays pour un nouvel avenir, et j’ai trouvé deux citations, elles n’ont en rien, résolu mes interrogations, elles apportent un début d’explication à l’aventure humaine de nos parents.
‘Immigrant. Individu mal informé qui pense qu’un pays est meilleur qu’un autre.’
‘Quiconque a le malheur d’émigrer une fois – une seule ! – restera métèque toute sa vie et étranger partout, même dans son pays d’origine. C’est notre malédiction à nous, immigrants.’

Je remercie les nombreux sites internet auxquels j’ai fait appel et ceux qui les alimentent, ils m’ont permis de réunir une abondante documentation.

Petite règle lexicale : en italien le U se prononce OU

PETIT AJOUT A L’AVANT PROPOS

Depuis que j’ai terminé mon écriture et alors que j’étais dans la relecture et l’affinage du texte, des évènements importants se sont produits.

J’ai perdu ma sœur Gina, notre aînée, elle qui m’a donné mes premiers biberons et lavé mes couches, je dédie ce petit livre à Gina.
En ce début d’année 2011, le peuple tunisien avec un extraordinaire courage s’est débarrassé de son chef, à la fois dictateur et tyran. Au cours de mon trop bref voyage en terre tunisienne j’ai très peu parlé des Tunisiens pourtant à l’heure où je ressens très profondément tout mon attachement à mon pays natal, je tiens à exprimer ma joie, mon émotion et mon admiration au peuple tunisien.

CHAPITRE 1

LE DEPART DE SICILE ET L’ARRIVEE A TUNIS

Notre aventure familiale commence à Palerme, le vendredi 9 septembre 1892. Le petit Vannino écarquille ses yeux d’enfant, derrière les barrières du quai N° 5, sa petite main blottie dans celle de son père, il voit l’énorme paquebot accoster. Sur le quai des hommes s’affairent, ils ont dans leurs bras d’énormes cordages qu’ils déroulent.

En haut sur le bateau d’autres hommes préparent d’autres cordages, qu’ils lancent du pont arrière à d’autres hommes qui s’en saisissent ; les gestes sont sûrs et précis quelques cris sont échangés entre les marins et les hommes à quai, sans doute pour mieux coordonner la manœuvre. Deux énormes cordes sont très vite placées à l’avant et à l’arrière sur les bites d’amarrage et elles se tendent lentement, le bateau est désormais tout proche du quai, en quelques instants il s’immobilise.

Vannino totalement absorbé par la vue du mastodonte, n’avait pas aperçu la foule des curieux et le fourmillement des hommes : qui, poussant une charrette à bras, qui, portant des marchandises, qui, assis sur le plateau d’une charrette tractée par un cheval aux pattes frêles. Biagio se penche vers son fils et lui dit : «   tu vois ce bateau, demain nous reviendrons et nous emprunterons la passerelle qu’ils vont maintenant descendre jusqu’au quai ; » - Mais alors papa c’est ce gros bateau qui va nous emmener à Tunis ?

Ils quittent le port et reprennent le chemin de la pension, où ils sont logés depuis hier. Tout juste arrivés par le train de Ragusa, ils ont cherché dans les rues animées de Palerme, l’adresse que leur avait indiquée le cousin de Biagio. Aujourd’hui ils sont plus légers pas de valise, à porter, ils ont laissé leurs lourdes charges à la pension, ils se sont promenés et fait quelques emplettes.

Biagio est né à Comiso, petite ville du Sud de la Sicile, province de Syracuse (en Italie, c’est ainsi que l’on nomme les plus petites divisions administratives, du nom de la ville principale, cette province sera divisée après la 2ième guerre mondiale et Comiso rejoindra la province de Ragusa). Le jeune Vannino est né dans la même ville que son père, il n’a jamais connu d’autre, que les rues étroites de Comiso. Les grandes avenues de Palerme où se presse une foule bruyante et colorée lui donnent le tournis. Il voit passer les calèches richement décorées, les charrettes peintes et les chevaux portant le panache (le très fameux ‘carrettu sicilianu’).

Son père se dirige vers le quartier où se trouve la ‘Vucceria’ le marché le plus populaire de Palerme (le mot Vucceria nous rappelle que les Normands ont longtemps occupé la Sicile et que la rue des boucheries est devenu Boucheria puis Vucceria, la confusion des phonèmes B et V étant qualifiée du nom savant de bétacisme très fréquent dans les langues romanes) ; Vannino regarde le spectacle de la rue, tout l’intrigue et l’intéresse.

Ils tournent soudain dans une petite ruelle noire de monde, les échoppes étalent leurs marchandises jusque dans la rue, on entend un bruit de foule dont émergent parfois les cris des marchands ; des odeurs de viandes grillées, de poisson, de fruits se mêlent et se confondent ; ici c’est le poulpe que l’on fait bouillir dans d’énormes marmites, là c’est la ‘scacciata’ fumante que l’on coupe en tranches et là ce sont les citrons et les oranges que l’on propose aux clients ; la ‘Vucceria’ est le plus grand restaurant en plein air et en pleine rue que l’on puisse imaginer.

C’est là que Biaggio va acheter le repas du soir pour lui et son petit. Il se fait servir ‘una granfa di purpu’ (une tentacule de poulpe) qu’il fait découper et assaisonner d’oignon et persil. Plus loin il prend une demie ‘scaciatta cu miliciani ’ (la fougasse aux aubergines). Pour le dessert il prendra au café ‘la granita’. Assis sur un banc, ‘ Fontana Prétoria’ (appelée aussi ‘La piazza della Vergogna, la place de la honte, pour la nudité des statues qui ornent le pourtour), ils dégustent leur repas en silence. En sicile, c’est le père qui parle, l’enfant ne s’exprime que si on l’interroge.

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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
08 juin 2012, 15:50
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Devant le père on ne dévoile pas ses sentiments on a la pudeur d’attendre que le père vous sollicite. Le jeune Vanino a un nœud à la gorge, il ne sait pas s’il doit être content de cette aventure qui s’annonce ou s’il doit craindre de découvrir un nouveau continent : l’Afrique, les arabes et leurs turbans, peut-être même les lions ; dans un livre illustré il a lu qu’il y avait des lions en Afrique.

Mais il a entendu son père déclarer à la famille qu’il préférerait mourir de soif en Afrique que de faim dans son propre pays, que celui-ci avait abandonné ses enfants et qu’il voulait gagner sa vie en travaillant. Vanino pensait au lendemain matin, à ce bateau immense qui devait l’enlever à cette terre qui l’a vu naître et qu’il ne reverrait peut-être jamais.

Il pensait aussi à cette Afrique où paraît-il, le soleil est si chaud que le sol vous brûle les pieds, en Afrique pourrait-il aller à l’école ? Quelle langue parlait-on ? Toutes ces questions s’entremêlaient dans son cerveau d’enfant, mais il n’aurait jamais osé le demander à son père.

Soudain Biagio se tourne vers son fils : « tu ne manges pas, tu n’as pas faim ? Je te préviens sur le bateau il n’y aura que du pain et du fromage alors manges un peu ce soir. » Vannino avait beau se forcer ça ne voulait pas passer. Le repas expédié Biagio se lève, il plie le sac en papier huilé qui avait servi à envelopper le pique-nique et le fourre dans son sac en attendant de s’en débarrasser dans la poubelle de la pension.

Il s’arrête au café qui faisait face à la place et se fait servir un grand verre de vin rouge il commande une granite pour le petit. Vannino déguste sa granite avec gourmandise ; c’était sa friandise préférée ; à Comiso son père, l’emmenait avec lui et lui achetait une ‘granita di lumiuni’, confectionnée avec ces citrons de Sicile qui ont un goût incomparable.

Cette glace rafraichissante pouvait aussi s’appeler ‘a granita di mennuli’ quand elle est préparée avec des amandes.

La nuit était tombée, les rues qui tout à l’heure étaient grouillantes et noires de monde sont presque vides, les passants pressent le pas comme si désormais l’heure de rentrer avait sonné.
Biagio se dirige vers la pension qui s’appelle ‘locanda Giovanna’ située non loin du port, ce n’est pas le luxe mais la chambre est confortable et il y a des draps propres.

Pour les besoins il y a le pot que l’on vide dans un trou d’aisance à l’extérieur.

Vanino se couche et se recroqueville comme s’il était rongé par l’angoisse de l’inconnu. Il ne tarde pas à trouver le sommeil, la nuit précédente son esprit vagabond l’a empêché de dormir et la journée a été longue et fatigante.

Lorsqu’il se réveille après une rude secousse de son père, il fait toujours nuit, mais il est temps de se préparer et de se rendre au port, ils ont de lourds bagages à porter, il a fallu être prévoyant pour ce départ sans retour. Après s’être légèrement débarbouillé à l’eau du puits Vanino boit un grand verre d’eau, ce matin ce sera son déjeuner.

Croulant sous leurs fardeaux, le père et le fils se dirigent vers le port, de loin ils aperçoivent le bateau qui doit les mener vers leur nouvelle patrie ; ils ont bien fait de se lever tôt, autour de leur bateau règne une grande effervescence les dockers vont et viennent ils transportent sur leur dos d’énormes colis, ils montent et descendent de la passerelle presque en courant, en effet ils sont payés à la tâche c'est-à-dire au poids transporté.

Biagio demande à l’un deux, où se trouve le bureau de l’émigration, en effet il faut que la police du port vérifie et tamponne le document que lui a fourni l’officier d’état civil de la municipalité de Comiso chargé de l’émigration.

Grâce à ce précieux laissez-passer il pourra acheter son billet pour faire la traversée. Non loin du bureau de l’émigration il dépose ses lourds bagages et demande à Vannino de ne pas bouger de là et de les surveiller pendant qu’il s’occupera du certificat d’émigration.

Devant le bureau une longue queue est déjà formée, le bureau ouvre seulement dans une heure et des centaines de candidats à l’exil attendent patiemment. Biagio prend son tour. Deux heures après la queue s’est allongée de quelques dizaines de futurs émigrants, la colonne avance lentement. Deux heures passent encore et Biagio revient, il montre le précieux papier à son fils et lui dit d’attendre encore, il doit prendre les billets l’autorisant à faire le voyage. Après une heure Vanino voit son père, se frayant un passage au milieu de la foule qui a envahit le quai.

Cette fois ça-y-est ils vont pouvoir monter à bord, mais les deux passerelles sont prises d’assaut et il faudra encore patienter, jouer des coudes, se faire bousculer tout en portant les lourds bagages. Enfin ils se rapprochent de la passerelle, ils peuvent maintenant gravir les marches, en haut sur le pont un marin qui porte une casquette vérifie les titres de passage et oriente les passagers selon le type de billet.

Biagio s’est contenté de voyager dans la cale où sont aménagés d’immenses dortoirs avec des sortes de paillasses à même le sol, en effet la vie est dure en Sicile et l’argent manque ; mais pour un jour de traversée, ça fera l’affaire.

A dix heures, (Vannino a été réveillé à quatre heures du matin), on entend un sifflement strident, le bateau est prêt à partir, soudain Vannino est déséquilibré par une secousse, il ne peut pas voir ce qui se passe dehors ; dans la cale, assis sur une malle il attend le départ ; au bruit des moteurs et aux chocs qu’il entend sur les flancs du bateau il imagine que celui-ci quitte le quai et bientôt le port ; rivé à son siège il ne verra pas sa terre de Sicile s’éloigner ; comme les centaines d’émigrés qui partagent son sort et la cale où ils sont parqués, il ne verra pas une dernière fois sa ‘SICILIA BEDDA’

Le vrai prénom de Vannino est Giovanni mais les Italiens comme les Siciliens adorent employer des diminutifs. Depuis son plus jeune âge Giovanni fils de Biagio s’est appelé Vannino et il gardera ce prénom jusqu’à son dernier souffle. Maintenant le bateau a pris la mer il avance vers un nouvel horizon. Les passagers des cales sont autorisés à monter sur le pont mais seulement à l’avant du bateau. Au bout de quelques heures, Biagio et son fils se risquent à prendre l’air sur le pont. Le spectacle est magnifique, de l’eau à perte de vue, une eau violet foncé, des vagues qui viennent battre les flancs du navire, Vannino est immobile et contemplatif, on lui avait parlé de la mer, celle dans laquelle on se baigne à la plage, mais cette mer du large immense et sauvage c’était autre chose.

Il gardera pour la mer une grande passion au point de bâtir à l’âge adulte sa maison au bord de la mer, de telle sorte que du haut de sa terrasse, comme sur un bateau le regard puisse plonger dans l’immensité de la mer.

La journée se passe ainsi, le plus souvent allongés sur leurs paillasses les passagers de la cale tuent le temps, parfois ils remontent aspirer un peu d’air frais, certains jouent aux cartes sur une malle, on les entend se disputer ou commenter le jeu qu’il aurait fallu faire pour ne pas perdre. Vannino observe tous ces visages d’hommes mûrs, dans la force de l’âge, tous partent pour travailler dans ce pays lointain, plus tard quand ils auront gagné assez d’argent, ils feront venir femme et enfants.

Vannino accompagnait son père parce qu’il était orphelin ; lui ne savait pas de quoi serait fait son lendemain. Il savait seulement que Biagio devait rejoindre ses amis de Comiso, la famille Caruso dont un fils et deux filles avaient abandonné le moulin familial pour tenter leur chance en Tunisie.

Vannino attend avec impatience les moments où son père se lève pour rejoindre le pont ; là il retrouve l’air frais du large, et toutes ses sensations d’évasion et de liberté. A la dernière sortie il voit le ciel plus obscur, la nuit gagne l’environnement, on ne perçoit que le bruit des vagues sur la coque.

« Allez, on descend, il va bientôt faire nuit et c’est dangereux de marcher sur le pont sans lumière au milieu des cordages. »



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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
10 juin 2012, 14:01
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Une fois arrivés à leur emplacement Biagio s’assoit, il demande à son fils d’en faire autant et sort de son sac la grosse miche qu’il a acheté la veille à la ‘Vucceria’ et un beau morceau de fromage dont on devine qu’il a été farci de grains de poivre. Vannino connait bien ce fromage parce que c’est celui que mange tout bon Sicilien, ce fromage au lait de brebis que les paysans font vieillir jusqu’à ce que l’huile suinte de tous côtés. Biagio coupe vigoureusement une tranche de pain qu’il tend à Vannino puis il coupe un bon morceau de fromage.

« Tiens, manges, tu as besoin de forces pour demain. »
Le morceau de pain est vite avalé, la journée a été longue et il n’a rien mangé depuis hier soir. Heureusement son père a apporté un fiasque de vin et une petite bonbonne d’eau et il a pu boire quelques verres d’un petit peu de vin allongé de beaucoup d’eau. Après avoir bu une nouvelle gorgée Vannino s’allonge sur sa paillasse pour la nuit, demain il se réveillera dans cet ailleurs qu’il ignore et qui l’angoisse.

Pas besoin de réveil, le bruit des passagers qui se lèvent, qui se parlent (on parle très fort en Sicile) qui vont et viennent a suffi pour annoncer la nouvelle journée. Vannino se frotte les yeux, pas besoin de s’habiller, il a dormi tout habillé, il salue respectueusement son père comme il en avait l’habitude à la maison et attend assis sur sa paillasse, il ne sait pas quoi, mais il attend. Comme la veille Biagio sort sa miche et son fromage et il sert son fils. La mer a été particulièrement calme et le bateau n’a pas beaucoup bougé, néanmoins Vannino a un peu la tête qui tourne, mais il a faim et éprouve une sensation de bonheur en avalant son pain et son fromage.

Au bout d’un long moment Biagio se lève et entraîne son fils sur le pont, le pont est mouillé, sans doute l’humidité de la nuit, une grosse boule rouge apparait à l’horizon, « il va faire beau dit Biagio ». Vannino n’avait jamais vu le soleil ainsi, et puis il découvre au loin une ligne un peu plus foncée, Biagio qui a compris que cette ligne intrigue son fils, lui dit aussitôt : « ce sont les côtes de l’île de  ‘Pantelleria’ on n’est plus très loin de la Tunisie. »

Ils redescendent, la prochaine fois qu’ils sortiront de la calle ils verront la côte de leur terre d’accueil. Vannino se recouche, on dirait que le temps s’est arrêté, maintenant il a hâte de découvrir tout ce qu’il a imaginé dans ses rêveries d’enfant. Au bout de quelques heures on s’agite autour de lui, petit à petit la calle se vide de ses occupants ; Biagio et Vannino montent à leur tour sur le pont, maintenant le pont est noir de monde, tout le long des bastingages les hommes regardent la mer, pas moyen de s’approcher, Vannino se penche et il aperçoit au loin une côte avec des collines et une terre rouge et grise.

Lui qui n’avait pas pu voir les côtes de la Sicile au moment du départ il découvre de loin la côte tunisienne, et alors qu’il devrait ouvrir de grands yeux curieux, il sent monter dans sa gorge un sanglot ; il vient de comprendre enfin que sa rue, sa maison, son école, ses camarades de jeu, ses oncles et tantes, il ne les reverrait plus. Mais en Sicile on ne montre pas ses sentiments, on ne montre pas cette tristesse inexplicable qui envahit tout le corps.

De tous temps les hommes se sont déplacés, de tous temps ils ont quitté maison, famille, amis pour chercher ailleurs ce que leur terre n’était plus capable de leur offrir ; mais connait-on seulement cette souffrance intérieure qui monte dans tout le corps et qui petit à petit envahit le ventre, les membres puis la tête au moment où le regard posé sur cette terre qui pourtant vous accueille, vous révèle que des liens se sont définitivement brisés avec ce que vous êtes au plus profond de vous-même et que vous ne serez jamais plus.

Il faudra désormais changer de peau et se fabriquer un nouveau soi-même, c’est souvent moins difficile qu’on ne le pense quand on a soif d’avenir, mais pour l’instant il faut souffrir en silence.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
12 juin 2012, 05:33
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Le bateau a maintenant ralenti son allure, les passagers des cales qui tout à l’heure se pressaient sur le pont redescendent dans les entrailles du navire pour récupérer leurs bagages.

A nouveau il va falloir se charger lourdement pour aller où ? Vannino ne le sait pas. Le bateau a bien réussi sa manœuvre d’accostage. Le voilà immobilisé dans le port de la ‘Goletta’.

Les escaliers qui mènent de la cale au pont supérieur sont encombrés, il faudra encore patienter. On a enfin posé les passerelles, les premiers immigrés siciliens de ce jour : samedi 10 septembre 1892 débarquent en terre africaine ; ça-y-est ils sont sur le sol tunisien.

Le tour de Biagio et Vannino arrive enfin, ils empruntent avec leur chargement la passerelle et aussitôt ils se retrouvent à terre. Les voilà maintenant orientés vers une file qui attend patiemment les formalités de police, de douane, des services d’immigration. Il est près de onze heures malgré la chaleur encore si forte en septembre, la foule est silencieuse, on attend le fameux ‘bollo’ (tampon) qui fait de vous un nouveau citoyen.

Vannino nullement ennuyé par ces longues minutes d’attente ouvre grands ses yeux et bien grandes ses oreilles, il voit circuler des hommes portant une calotte rouge, vêtus pauvrement, ils portent tous la moustache cela ne l’étonne pas beaucoup, les Siciliens portent aussi la moustache ; par contre il ne comprend pas leur langage. La plupart s’affairent avec de lourds chargements autour de charrettes tirées par des chevaux qui lui paraissent plus frêles que ceux qu’il avait l’habitude de voir, le sol est jonché de détritus des restes de chargements de tomates, de courgettes et de melons ; ceci aussi ne le choque pas, à Comiso, après le marché il avait vu les mêmes tas d’ordures laissés par les marchands.

Bientôt le père et le fils sont devant une sorte de bâtisse, des soldats qui portent des fusils en gardent l’accès, un officier en casquette semble commander ce détachement ; Biagio et Vannino entrent dans le bâtiment un autre officier commande à deux hommes en uniforme de les fouiller, Biagio qui n’a pas compris le langage de l’officier, a un geste de recul, il est empoigné vigoureusement, il n’est plus libre; avant même qu’il puisse esquisser un mouvement , un homme s’approche de lui et lui parle en Sicilien : «  nu riri nienti è siempre acussi » (ne dis rien c’est toujours ainsi).

Ce fut le premier contact avec les autorités françaises ; mais après tout c’est une situation normale pour satisfaire aux procédures d’immigration. Le certificat reçu en Sicile fut transformé en un certificat en langue française, un coup de tampon vint officialiser le tout. Enfin les voilà complètement libres, mais livrés à eux-mêmes. A aucun moment ils n’ont vu les autorités italiennes, personne pour les accueillir.

Biagio déplie un papier qu’il a gardé précieusement enfoui dans une poche de son veston qu’il porte malgré une chaleur étouffante, c’est l’adresse que lui ont transmis leurs amis Caruso de Comiso.

Heureusement d’autres Siciliens lui expliquent que Tunis est éloigné de quelques kilomètres et que les charrettes chargées d’hommes et de bagages vont à Tunis. Avec son langage il se fait comprendre de l’homme qui conduit la charrette et ils montent avec leurs caisses et leurs sacs.

Biagio Gurrieri entame son aventure tunisienne.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
13 juin 2012, 05:56
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CHAPITRE 2 : LA RENCONTRE AVEC SUZZA

L’histoire tunisienne de la famille de Biagio se confond avec celle des Italo-tunisiens ou plutôt des Siciliano-tunisiens, car l’essentiel de l’immigration italienne en Tunisie provient de Sicile.
Les premiers Italiens à s’installer en Tunisie sont les Génois qui occupent la région côtière nord-septentrionale et la petite ville d’origine phénicienne puis berbère de Tabarka. Du reste le fort génois domine le port de pêche (du nom antique de Thabraka qui signifie en berbère pays des bruyères). Une famille génoise les Lomellini, s’approprie la ville jusqu’au début du XVIIIéme siècle.

Auparavant de nombreux juifs émigrent de Livourne vers Tunis et développent des échanges commerciaux avec l’Italie. Dans le dernier quart du XIXéme siècle de nombreux réfugiés et exilés dont Giuseppe Garibaldi viennent grossir les rangs des Italo-tunisiens. Mais une fois l’unité italienne réalisée ce sont les Siciliens qui émigrent en très grand nombre pour atteindre jusqu’à 70% des italiens de Tunisie. Le peuplement italien atteint les 100 000 âmes en 1900, ce qui en fait la communauté la plus nombreuse avec les Israélites.

Lorsqu’en 1881 la France occupe la Tunisie, l’immigration italienne est progressivement stoppée. Une méfiance réciproque s’installe entre l’Italie et La France mais les Italiens bénéficient d’un statut particulier grâce aux accords Franco-italiens de Paris signés le 28 septembre 1896, au terme desquels les Italiens disposeront d’écoles, d’un hôpital, de banques, de journaux et même d’une association culturelle la ‘Dante Alighieri’. La communauté italienne conservait sa nationalité d’origine, la liberté de commerce et l’extraterritorialité en matière de pêche et de navigation.

C’est donc tout naturellement que les pêcheurs siciliens traversèrent le bras de mer (70 km à partir de Pantelleria) qui les séparait de la Tunisie pour fonder le port de ‘La goletta’ qui trouve son origine dans gola (gorge) du fait qu’il entraine le visiteur dans un petit conduit fluvial. Autre interprétation le mot ‘Goulette’ pourrait venir de l’arabe ’Halk El Oued’ autrement dit le goulot du fleuve : c’est là que s’installe le gros des premiers immigrés siciliens et quelques maltais.

La ville devient quasiment une ville sicilienne, avec ses coutumes et ses évènements (le 15 Août on marche en procession derrière la vierge rapportée de Trapani). Le fait est qu’en cette fin de XIXéme siècle, la Régence de Tunis (c’est ainsi que la France a nommé juridiquement, son leadership sur la Tunisie, on emploie aussi le terme de protectorat) ressemble à une colonie italienne sous administration française.

Cette relative autonomie permit aux Italo-tunisiens de participer pleinement au développement du pays. En cette fin de siècle tout était à construire, églises, hôpitaux, écoles, routes, rues, réseaux, immeubles, bref le travail ne manquait pas et les capitaux tant français, qu’italiens affluaient ; la main d’œuvre aussi.

Une corporation était particulièrement appréciée : celle des ‘ scapellini’ (les tailleurs de pierres). Biagio était scalpellino, il prit très vite la mesure de l’énorme opportunité qu’il y avait à exercer cette profession. La plupart d’entre eux venait de Ragusa, et des villes voisines, Modica, Scicli, Noto, mais les plus réputés venaient de Comiso. Pourquoi cette corporation a-t-elle connu un tel essor, la raison essentielle en est l’important tremblement de terre du 11 janvier 1693 qui détruisit en Sicile, une grande partie de ces villes et de quarante autres centres urbains ; La reconstruction permit l’émergence d’un art architectural particulièrement flamboyant : ‘le baroque sicilien’. On eut recours à des centaines de maçons, de tailleurs de pierre et de sculpteurs ; dans chaque famille il y avait au moins un ‘scalpellino’, en sicilien ‘scarpellino’.

Revenons à cette journée du 10 septembre 1892, Biagio et son fils Vannino se retrouvent dans les ruelles de Tunis la foule très colorée et grouillante se presse vers le ‘bazar’, l’après-midi est bien entamée et tous deux se dirigent comme ils peuvent au milieu de ces hommes (il y a surtout des hommes) qui parlent une langue que Vannino n’a jamais entendu. Après bien des recherches, chargés comme des mules ils retrouvent la petite échoppe de leur ami Luciano Caruso ; les retrouvailles entre les deux amis sont particulièrement chaleureuses. Ils posent leurs bagages et Luciano leur offre à boire, puis il donne au petit Vannino un morceau de pain et une belle tomate qu’il a prélevé sur son étal, car Luciano tient une petite épicerie.

Les deux adultes discutent, pendant que l’enfant regarde avec curiosité le spectacle de la rue.

Luciano était l’un des enfants d’une famille de meuniers qui possédaient un moulin non loin de la petite bourgade de Comiso. Mais comme pour le moulin de ‘Maître Cornille’ qu’Alphonse Daudet nous a si bien conté, les moulins naturels à vent et à eau (celui des Caruso était à eau) périclitèrent jusqu’à voir leur activité disparaître complètement au début du XXème siècle.

Sans doute pour prendre les devants ou alors parce que le moulin ne pouvait nourrir toute la famille, Luciano décida de tenter sa chance en Tunisie comme des milliers de Siciliens.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
16 juin 2012, 01:59
A mio Amico Umberto.






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Le début de soirée étant proche, Luciano entraîne Biagio chez lui.

Luciano habitait un modeste appartement dans une rue mal éclairée de la ville arabe. Cette dénomination de ville arabe prit tout son sens lorsque de larges rues et de belles avenues furent tracées au début du XXème siècle et constituèrent par opposition la ville moderne et européenne.

La ville arabe c’est la Médina. La plupart des Siciliens se regroupèrent ainsi dans de petits immeubles à deux niveaux qui se trouvaient dans les rues étroites de la médina. Un portail ordinaire donnait sur la rue, passé ce portail la maison s’ouvrait sur un patio autour duquel de petits appartements se serraient les uns contre les autres. Cette architecture est caractéristique des constructions d’habitations d’Afrique du Nord. Au Maroc ces habitations beaucoup plus grandes et richement décorées, s’appellent des Riads que les riches touristes se disputent encore aujourd’hui. Au premier niveau une petite galerie faisait le tour du patio et permettait à chaque famille d’accéder à son appartement.

Le patio outre le fait de servir de cadre à l’habitation, est un élément fondamental de la vie quotidienne, rien de ce qui se passe chez les uns et les autres n’échappe à l’œil curieux, perspicace et inquisiteur du patio. Tout ce qui ne relève pas de la stricte intimité, est happé par le patio : on s’y marie, on y danse, on y joue, on s’y dispute, on s’y entraide et on y pleure tous ensemble la disparition d’un être cher. Le patio est à la fois un lieu de passage et le centre névralgique de tous les évènements. Le patio a sa propre personnalité, le patio vit au rythme de ses résidants, il porte le nom de la personne la plus représentative, (qui ne connaissait pas dans la communauté sicilienne, le patio de ‘Donna Ninfa’, réputé pour la bonne humeur de ses soirées) ; il alimente enfin les rumeurs qui se propagent le plus souvent de patio en patio.

L’appartement de Luciano se trouvait dans une petite rue mal éclairée, la plus grande partie des Comisani (on dit aussi Cumisari) s’étaient regroupés dans la même rue. Il avait entraîné dans son aventure ses deux sœurs Biagina et Palma ; Biagina était célibataire, et habitait alors avec lui. On se serra un peu pour faire place à Biagio et Vannino, mais ça serait vraiment pour quelques jours, le temps pour Biagio de trouver du travail.

Le lendemain Biagio se rendit au rendez-vous des embauches, il se présenta à un représentant de la corporation des ‘scalpellini’ ou ‘scarpellini’, il n’y eut guère besoin de longs discours, on savait déjà que Biagio Gurrieri avait quitté Comiso pour venir travailler en Tunisie, la réputation des ‘scarpellini cumisari’ n’était plus à faire. On lui demanda s’il était prêt à se rendre immédiatement sur le chantier. Biagio demanda d’aller chercher ses outils à la maison. Il avait du, par obligation, abandonner bien des choses, mais un Sicilien ne se sépare jamais de ses outils de travail. Il eut tout juste le temps de confier son petit, à Biagina et il prit le chemin de son chantier.

Lorsque Biagio prit la décision de quitter Comiso, il venait de perdre sa femme qui lui laissa un enfant, Vannino. L’histoire de Biagio est peu commune, car lorsque son épouse, la mère de Vannino, expira, Biagio venait de perdre sa troisième femme. En effet il s’est marié trois fois et trois fois chacune de ses épouses s’est mis en tête de le laisser veuf. Comme il ne pouvait se résoudre à vivre seul il retenta chaque fois l’expérience sans succès. La troisième fois pensant que les Siciliennes de Sicile étaient fragiles, il voulut tenter sa chance ailleurs. Mais ne soyons pas sévères avec le pauvre homme, son but essentiel était de trouver du travail et nourrir son enfant Désormais il était exaucé et c’est sans état d’âme qu’il se rendit à son travail.

Les jours s’écoulaient ainsi, on avait inscrit Vannino à l’école et son père venait le retrouver après plusieurs jours. Un jour Biagio déclara qu’il avait une grande nouvelle à annoncer, l’entrepreneur qui l’employait lui avait déniché une chambre avec cuisine, non loin de la rue où logeait Luciano, ainsi il pourrait enfin remercier Luciano de l’aide qu’il lui avait apporté, il demanda seulement qu’on puisse s’occuper de Vannino, bien entendu il paierait pour sa pension. Il compta les pièces qu’il avait sorties du gousset de son gilet et trouva qu’il y en avait assez pour acheter un lit, quelques couvertures et régler la pension.

Quelques jours plus tard, Biagio s’installe définitivement ‘rue des teinturiers’ qui avait la particularité d’avoir accueilli l’essentiel de la colonie ‘cumissara’. Le petit Vannino est toujours accueilli chez Luciano. Lorsque Biagio revient de ses chantiers il récupère son fils, non sans avoir auparavant fait un brin de causette avec ses hôtes. Biagio est né le 29 juin 1850, lors de son départ pour la Tunisie c’est un bel homme mûr de 42 ans, il porte une belle moustache aux pointes légèrement relevées, et des cheveux bruns coiffés en arrière. Comme tous les Siciliens, pendant ses temps libres il aime s’habiller, et sous sa veste il porte un gilet de soie, duquel pend une chaine d’or reliée à la magnifique montre à gousset qui lui vient de son père.

Malgré sa petite taille il a plutôt tendance à plaire aux femmes. Malheureusement la vie ne lui a guère souri et ce veuf (trois fois veuf) est venu seul, seul mais libre.

Cet homme dans la force de l’âge ne pouvait guère rester longtemps célibataire. Au fil des rencontres avec la famille Caruso, des regards furent échangés avec l’une des deux sœurs. Petit à petit des sentiments naquirent et ainsi curieuse coïncidence Biagio et Biagina se plurent. Biagina avait un surnom on l’appelait Suzza, surnom ou diminutif difficile de le savoir, mais pour Biagio ce fut Suzza.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
17 juin 2012, 02:37
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Mais à cette époque, il était hors de question d’établir des relations amoureuses hors mariage.

Biagio était libre de tout engagement Suzza également, rien ne s’opposait à un mariage mais pour mériter le qualificatif de famille peu ordinaire, il fallait rompre avec les habitudes, les conventions et les pesanteurs d’un contrôle social contraignant et pesant pour l’époque.

C’est ce qui fut fait, Suzza alla s’installer chez Biagio et c’est ainsi que commença leur vie de couple. (il faudra attendre 100 ans et une formidable évolution des mœurs pour voir se multiplier les couples hors mariage, à cette époque en Sicile ça n’existait pas). Cette situation fut cachée et devint très vite un secret de famille (le premier secret de famille).

Personne n’en parlait si bien que très rapidement tout se passa comme dans n’importe quel couple, et sans que Suzza fût considérée comme ‘déshonorée’ elle tomba enceinte. Entre-temps la vie s’écoulait paisiblement, Biagio alternait ses absences pour travailler sur des chantiers lointains et quelques rares moments de présence où il apportait une partie de son maigre salaire qui suffisait juste à subvenir au besoin de sa femme et de son fils.

Vannino allait à l’école italienne, malheureusement orphelin de mère, il avait du mal à trouver auprès de la femme de son père le réconfort que l’on trouve auprès d’une maman. La grossesse de Suzza parvint à son terme et elle donna naissance à un beau garçon qui ressemblait tout à fait à son père, il se prénomma Salvature qui se déclinait en Ture puis en Turiddo.

Cette naissance loin de réduire la précarité du couple ne fit que l’augmenter au point de la rendre insupportable. Suzza qui avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts envoya même Vannino travailler en dehors de la période scolaire, chez un barbier du quartier. En attendant Vannino grandissait, il était un bon élève et il jouait avec le petit Turrido qu’il prit en tant que grand frère, sous sa coupe.

La petite famille vivait difficilement, certes Bagio travaillait, le travail ne manquait pas. Tunis après plusieurs siècles d’immobilisme s’étendait et se développait, et la ville européenne en prenant de l’ampleur était toujours avide de main-d’œuvre ; toutefois celle-ci n’était pas très bien payée et les familles siciliennes avaient beaucoup de mal à survivre. Suzza pour essayer d’augmenter le budget familial vendait sur le marché quelques légumes qu’elle se procurait par l’intermédiaire de son frère Luciano.

Vannino était maintenant un jeune adolescent qui avait une belle prestance. Il était plutôt doué pour les études, pourtant son rêve était d’exercer le même métier que son père. Il s’essayait au burin et il avait appris à lisser la surface de la pierre. Les ‘scalpellini’ siciliens n’étaient pas de grands sculpteurs comme les illustres artistes que l’Italie a connu au cours des siècles, mais ils étaient de très bons ouvriers de la taille de la pierre, ils en connaissaient la structure profonde et au son de leur burin ils savaient comment l’appréhender, la maîtriser.

La plupart des grandes réalisations de Tunis furent l’œuvre des ‘scalpellini’ siciliens.

Biagio travaillait maintenant non loin de Tunis, absent la semaine, il pouvait rentrer le dimanche. Ce jour là c’était un peu la fête dans la maisonnée. Il venait les bras chargés de victuailles qu’il s’était procuré dans les environs. Parfois il avait dans son sac une poule ou un lapin, différents légumes et même des fruits ; il posait alors sur la table toutes ces denrées qui faisaient briller les yeux des enfants.

Turrido avait maintenant quatre ans ; il n’allait pas encore à l’école, mais il était plutôt dégourdi pour un enfant de cet âge, entre un frère plus âgé et une mère submergée par les tâches quotidiennes, il avait appris à se débrouiller.

Absent la semaine, Biagio ne restait pas inactif à la maison, certes il prenait le temps de rencontrer ses amis de ‘Comiso’, de s’enquérir des nouvelles du pays, mais il ne manquait pas d’assumer ses responsabilités qui conduisirent Suzza à connaître sa deuxième grossesse. Cette fois ce fut un petit ‘Peppino’ qui vit le jour. La famille s’est agrandie, désormais Suzza doit s’occuper de trois garçons, les salaires des ‘scalpellini’ n’ayant pas notablement augmenté la naissance de ‘Peppino’ en sicilien ‘Pippino’ ajouta de la difficulté aux autres difficultés.

Mais Suzza courageusement (et il fallait beaucoup de courage pour élever trois enfants avec l’incertitude matérielle du lendemain) assuma son rôle. Aujourd’hui à la lumière des évènements passés il serait difficile de dire que l’entreprise fut totalement réussie. Vannino souffrait bien sûr d’être le demi-frère de ‘Turiddo’ et ‘Pipino’, il souffrait au fond de ne pas être le fils de Suzza.

Plus âgé que ses deux frères il était bien souvent l’objet de réprimandes. Il en garda une certaine amertume qui le conduisit bien plus tard à prendre des décisions qui modelèrent de façon inattendue le cours de sa vie.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
18 juin 2012, 15:31
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Cependant Luciano qui avait mal accepté le statut instable de sa sœur, pressait Biagio de régulariser sa situation. Biagio qui ne voulait pas déplaire à son beau-frère en fit la promesse, sans pour autant s’exécuter. Les mois passèrent, on changea bientôt de siècle.

La première année du nouveau siècle était passée, Suzza tomba enceinte pour la troisième fois. Luciano perdit alors patience et somma Biagio de respecter son engagement, mais surtout d’assumer toutes ses responsabilités familiales et de régulariser une situation qui n’avait que trop duré.

Biagio ne souhaitait pas entrer en conflit, il ne cherchait pas à s’opposer ouvertement, du reste en signe de gage il déclarait qu’il avait reconnu ses enfants, qu’il leur avait donné son nom et qu’il s’acquitterait de sa dette envers Suzza le plus tôt possible. Un petit ‘Paolo’ diminutif ‘Paolino’ en ‘cumissaro’ c’était ‘Paulino’, vint s’ajouter à la nombreuse famille.

Biagio reconnu ce nouvel enfant, mais dans la précipitation des évènements il ne corrigea pas l’erreur de l’employé de l’état civil qui rédigea le nom de famille Gurreri au lieu de Gurrieri. Ainsi le dernier enfant n’avait pas le même nom que ses trois autres frères.

A la naissance de ‘Paulino’ le conflit entre Luciano et Biagio prit un tour aigu. Luciano interpella très sèchement son ancien ami et le menaça de prendre toutes les dispositions qui s’imposaient. Biagio soit qu’il fut pris par son travail soit qu’il s’appliqua à faire traîner les choses, ne prit pas l’avertissement au sérieux.

Le coup de théâtre se produisit à l’initiative de Luciano, lassé du comportement pour le moins indolent de Biagio décida de faire en sorte que sa sœur ait une situation régulière et stable. N’étant pas en mesure d’obliger Biagio à s’exécuter, il prit des dispositions afin que sa sœur devint néanmoins et par le mariage : Biagina Gurrieri.

Pour les Italiens qui étaient sous statut particulier, il n’y avait pas de mariage civil. On se mariait à l’église qui enregistrait les actes pour les transmettre ensuite au consulat d’Italie, celui-ci transformait l’acte religieux en acte civil qui ne devenait officiel que lorsque l’autorité italienne adressait le document aux autorités françaises.

Il convient de préciser que jusqu’à la Révolution, la France était soumise à ces mêmes règles, seul le mariage religieux était reconnu.

Les registres paroissiaux tenaient alors lieu d’état civil. La loi du 20 septembre 1792 instaure définitivement le mariage civil qui devient le seul valable aux yeux de la loi ; il doit précéder toute cérémonie religieuse.

Le non respect de cette règle est constitutif d’un délit (sauf pour la Tunisie qui bénéficie d’une dérogation). Le baptême républicain fut également institué au nom du principe que seules les municipalités étaient habilitées à établir des actes civils (loi du 8 juin 1794-20 prairial an II).

Mais à l’inverse du mariage aucun texte législatif ne vint officialiser la mesure ; ce qui le rendit facultatif ; de fait il tomba en désuétude. En Italie les choses étaient plus compliquées, après l’unité italienne, le nouvel état s’intéressa à la reconnaissance d’une cérémonie strictement civile, notamment pour les athées; mais la pression exercée par l’église rendit la mesure inefficace officialisant le statut quo, jusqu’au concordat de 1929 qui reconnu le mariage religieux comme seul acte d’état civil.

L’obligation du mariage civil fut instituée bien plus tard au milieu du XXème siècle.

Luciano se rendit donc à la nouvelle belle cathédrale de Tunis, (appelée aussi cathédrale Saint Vincent de Paul, elle fut construite entre 1893 et 1897, Biagio contribua sans doute à son édification car les ‘Scalpellini’ furent largement mis à contribution). Elle se dressait magnifiquement belle au tout début d’une très grande esplanade : l’esplanade de la Marine qui à l’origine en 1885 n’était qu’un immense champ tout en longueur, boueux et mal odorant car des égouts à ciel ouvert (les khandaqs) le parcouraient et se déversaient dans le lac Bahira appelé aussi Chicly, du nom de l’île et du château en ruine qui se trouvait au milieu du lac et qui aurait été construit selon la légende lors de la conquête de Tunis par Barberousse ; en réalité la présence de vestiges romains rendent l’hypothèse improbable.

Il rencontre le curé et fait dresser à l’insu de Biagio, des actes de mariage au nom de Biagio Gurrieri et de Biagina Caruso. Les bans publiés il ne manquait plus que la cérémonie officielle qui fut fixée au samedi 16 mai 1903 jour de la St Honoré comme si symboliquement celui-ci rétablirait Biagina dans son honneur.

Le Curé était-il dans la confidence, il est difficile de le savoir, mais le coup fut préparé dans la plus totale discrétion. Ainsi ce samedi 16 mai par une très belle journée de printemps, Biagina au bras de son frère Luciano qui joua pour l’occasion le rôle du futur époux entra dans l’église pour épouser Biagio Gurrieri.

Pour la famille Caruso qu’importait cette entorse à la morale chrétienne puisque ‘Dieu reconnaitrait les siens’, néanmoins cet évènement devint  le deuxième grand secret de famille.


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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
20 juin 2012, 13:49
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En fait, lorsqu’il l’apprit, Biagio ne l’entendit pas de cette oreille, mais comme à son habitude plutôt que d’ouvrir la voie à un scandale caractérisé, il préféra rompre devant l’obstacle ; il rompit si bien qu’avec la même discrétion qui avait présidé au mariage blanc, il organisa en silence sa fuite.

Et quelques jours après cet évènement il prit un billet de retour sur le premier bateau en partance pour la Sicile. C’est là que se perd la trace de Biagio ou plutôt on suppose qu’après un retour à Comiso il préféra abandonner son passé à l’oubli. Pourtant lors d’un voyage en Sicile à Comiso deux de ses descendants rencontrèrent un autre fils de Biagio né après l’épopée tunisienne qui ressemblait à s’y méprendre à Turiddo.

Biagio avait-il encore sacrifié à son besoin inextinguible de procréer ? Comiso perd officiellement la trace de Biagio, aucun acte civil ou religieux ne nous informe sur ce que devint Biagio, le souvenir évanescent de ce qu’il fut, continue d’alimenter les échanges mi amusés, mi irrités de ses descendants.

Il laisse à Tunis une femme qui porte indûment son nom, quatre fils dont l’aîné provient d’un autre lit et toute une famille dans le plus grand dénuement.


CHAPITRE 3

LES ANNEES GALERES

Alors commencent les années les plus difficiles qu’une famille (on dit aujourd’hui monoparentale) puisse connaître. Suzza se trouve livrée à elle-même, sans la moindre ressource (les services sociaux sont, à cette époque, inexistants ou réduits à la plus simple expression). L’aide précieuse apportée par Luciano, son frère, n’y suffit pas. Suzza se lève aux aurores, pour vendre ses légumes au marché central.

Le marché central de Tunis est sans doute l’un des plus beaux marchés d’Afrique. Construit à la fin des années 1890, il allie son architecture de type colonial et la finesse de ses décorations faites de faïences richement colorées. Comme dans tous les marchés arabes les denrées sont regroupées par catégories, sur le milieu les légumes et les fruits, tout autour des galeries couvertes où l’on trouve les marchands d’épices, les poissonniers, les bouchers, les volaillers les fromagers et même les épiciers.

La vente a lieu exclusivement le matin. A ses débuts le marché constituait un lieu de rencontre et d’échanges, la saisonnalité des produits était parfaitement respectée, sauf pour la poissonnerie qui proposait à la vente la pêche de la nuit. Seul le mauvais temps en mer avait raison de la présence des marchands.

Le marché était également un lieu de brassage social, car du plus riche au plus pauvre, il manquait quelque chose à la journée, si l’on n’avait pas fait son tour au marché. Le Ramadan ne changeait rien aux habitudes, que l’on soit musulman ou non musulman le marché gardait sa traditionnelle animation où vendeurs et acheteurs toutes religions confondues échangeaient dans toutes les langues.

Suzza vendait des tomates, des pommes de terre et parfois des haricots ou des petits pois. Elle vendait pour le compte de son frère. Le travail était dur et pénible car il nécessitait des efforts physiques, trop importants pour une mère qui avait eu trois enfants. Plus tard, elle trouva une autre activité, elle pétrissait de la pâte qu’elle apportait à l’aube à un boulanger.

Sentant que néanmoins elle n’y arriverait pas elle mit au travail ses jeunes enfants. Vannino qui désormais était un jeune homme très près de l’âge adulte avait fait de bonnes études par rapport à l’époque et par rapport au milieu familial dont il était issu, il avait pris sous son aile protectrice Turiddo qu’il poussa le plus loin possible à l’école. Il finit par renoncer lorsqu’à l’adolescence il fallut rapporter de l’argent à la maison.

Pipino et Paulino eurent moins de chance, Pipino accompagna son frère Turiddo sur les chantiers car ils entreprirent d’exercer le métier de ‘scalpellino’ comme leur père. Paulino quitta l’école à neuf ans et fut placé chez un barbier qui lui donnait deux sous par semaine pour nettoyer la boutique, balayer cheveux, barbe et moustaches.

Devenu plus tard coiffeur, il n’oublia jamais son expérience d’enfant ouvrier. Il racontait comment le ‘maître’ le rudoyait ; mais aussi de manière plaisante, ces séances douloureuses où le barbier se transformait en arracheur de dents, les cris de douleur des patients emplissaient tout le quartier ; une fois sa besogne d’arracheur de dents terminée le barbier reprenait son activité.

Il avait un rasoir qui impressionnait le jeune Paulino, le patron se saisissait de l’affuteur en cuir déposait un peu de pâte d’affûtage et alors commençait une longue séance de va et vient du rasoir sur la bande de cuir. L’affûtage du rasoir terminé, Paulino préparait la mousse dans un bol de cuivre jaune avec un blaireau et le barbier rasait la barbe de l’homme assis au fauteuil avec les gestes théâtraux d’un artiste. Le barbier affinait aussi les moustaches des clients. La plus grande partie des hommes mûrs portaient la moustache, celle-ci avait évolué au fil de l’histoire, dans ce début de XXème siècle elle était abondante mais remontait pour se terminer en forme de crocs.

C’était sans doute là, l’exercice le plus délicat : il fallait affiner la coupe jusqu’à ce que chacune des deux parties de part et d’autre de la bouche et du nez devienne aussi pointue qu’un dard. Lorsque le client le demandait Paulino allait chercher la boîte de cire pour que le ‘maître’ puisse cirer et tourner les pointes.

Turrido et Pipino sur les chantiers, Paulino chez son barbier, Suzza connut une période de répit. Mais devant la dureté de la tâche qu’ils devaient assumer alors qu’ils étaient à peine sortis de l’enfance ses fils finirent par cultiver un ressentiment à l’égard de leur mère ; plus tard adultes ils lui tournèrent le dos et l’abandonnèrent ; lorsque la vieillesse fit son œuvre, finit par l’atteindre, elle se trouva totalement démunie.

Seul le plus jeune des fils, Paulino resta attaché à sa mère et l’hébergea et la nourrit jusqu’à sa mort.



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Re: Humbert GURRERI UN SICILIEN A TUNIS Histoire d’une famille peu ordinaire
21 juin 2012, 14:32
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Paulino était donc coiffeur, hardi pour l’époque, il décida à vingt ans d’aller travailler en France, lui le petit sicilien sans études et sans culture. Deux ans de suite il honora plusieurs contrats d’abord à Paris puis dans une station thermale d’Auvergne : Châtel-Guyon.

Dans cette année de 1923 où le métier de coiffeur-barbier se résumait à couper les cheveux et la barbe des hommes, il découvrit en France la coiffure féminine surtout dans les beaux salons où la clientèle était issue de la bourgeoisie. Plus tard il devint un coiffeur pour dames très apprécié. C’est aussi à cette époque qu’il devint le coiffeur attitré du baron Rodolphe d’Erlanger et de sa famille dont le nom est définitivement lié à l’histoire de la Tunisie.

(Aujourd’hui la maison d’Erlanger située à Sidi Bou Saïd, est un musée national des instruments de musique du monde).

Pour mieux comprendre l’environnement dans lequel évoluent nos personnages, attardons nous un peu sur la description de ce ‘Tunis’ de 1900. Tunis a vécu de nombreux siècles et notamment dans l’antiquité à l’ombre de Carthage. Sans contestation la ville la plus célèbre dans le monde est Carthage et non Tunis.

Qu’est ce qui fit que Tunis devint petit à petit la Ville-Etat de ce petit pays qu’est la Tunisie (on remarquera la proximité orthographique entre la ville et le pays) ? Sans doute la punition que la Rome toute puissante infligea à Carthage en 146 av JC à l’issue de la troisième guerre punique et après 100 ans de combats acharnés.

(Enfant, je me suis souvent demandé d’où venait le mot punique, alors qu’aucune étymologie ne le rapproche de Carthage. En fait en latin on employait deux mots pour appeler les Carthaginois : Cartaginienses dans tous les écrits, mais plus facilement et verbalement Poeni dérivé raccourci pour désigner les Phéniciens dont sont originaires les Carthaginois, d’où le mot punique).

La puissance maritime de Carthage anéantie, alors qu’elle contrôlait la méditerranée occidentale, la circulation maritime redevint normale et accessible à tous et notamment aux peuples de la rive orientale. Tunes (ancien nom de Tunis) grâce à sa position privilégiée, nichée sur un promontoire rocheux permettant de contrôler l’étroit passage entre la Sicile et la Tunisie, devint au fil des siècles une proie enviée par tous les envahisseurs à commencer par les arabes qui dès le VIIème siècle s’emparèrent de la ville.

Puis plusieurs siècles durant elle fut l’objet de luttes fratricides entre musulmans de rites différents (sunnites et chiites). Tunis change de mains plusieurs fois, lorsque survient le conflit majeur entre Chrétiens et Ottomans pour le contrôle de toute la méditerranée qui connaît son épilogue au cours de la bataille de Lépante où la Turquie perd les trois quart de sa flotte et près de 30 000 hommes.

Musulmans andalous et juifs partis d’Espagne investissent Tunis avec la bénédiction de l’empire ottoman, et façonnent la médina telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Ils complètent leur œuvre par la construction d’une kasbah sur les hauteurs (Une kasbah est une citadelle, à ne pas confondre avec médina qui veut dire le cœur de ville).

Au cours du XVIème siècle on assiste à une lente mais continue perte de souveraineté de l’empire ottoman sur la Tunisie, le système de contrôle du Maghreb par la ‘Sublime Porte’ (nom donné à la Turquie) se relâche au bénéfice des deys d’Alger et de Tunis eux-mêmes supplantés par le bey de Tunis.

En 1705 Hussein Bey crée un état à caractère monarchique avec une succession héréditaire qui va perdurer jusqu’en 1957 après l’indépendance de la Tunisie. De nombreux palais vont abriter les différents beys, l’un d’eux le palais du Bardo est transformé en 1888 en musée, sans doute le plus important du bassin méditerranéen pour la richesse de ses mosaïques romaines et les pièces rares trouvées sur les sites libyco-puniques.

Si les musulmans occupent presque exclusivement la médina, les juifs créent un quartier qui mord en partie sur la médina : ‘La Hara’.

Selon certains historiens la construction de ’la Hara’ aurait été commencée au XIIème siècle, mais plus sûrement sous l’empire ottoman aux XVème et XVIème ; les juifs bénéficient d’un statut favorable en tant que sujets du bey, sous leur impulsion, le quartier se développe jusqu’à atteindre 11 000 âmes dont 8000 juifs.


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