Bienvenu(e)! Identification Créer un nouveau profil

Recherche avancée

La salle CinéVog au Kram renaît de ses cendres

Envoyé par MeYeR 
La salle CinéVog au Kram renaît de ses cendres
20 décembre 2015, 07:21
Tunisie:
La salle CinéVog au Kram renaît de ses cendres

HuffPost Maghreb | Par Dora Ennafaa

Publication: 14/07/2013

C’est dans la Tunisie d’après-guerre, au Kram, petit quartier en bord de mer de la banlieue nord de Tunis surnommé "Aston Villa", que le CinéVog a été construit en 1948 par la famille Italienne Lombardo. Des documents retrouvés indiquent que l’inauguration officielle du cinéma aurait eu lieu en 1950. Ce petit cinéma de quartier connaît son âge d’or dans les années 1950/60.

Le CinéVog marque toute une génération à la fureur de vivre, à coup de Peplums, Westerns et autre grands classiques. L’Egyptien Farid Al Atrach crevait alors l’écran devant une salle comble où se côtoyaient bourgeoisie tunisoise, familles juives et italiennes le temps d’un été.

Les années 1960 sous fond de décolonisation, marquent le départ massif d’Italiens de Tunisie, dont la famille Lombardo qui quittera le Kram autour des années 1970, laissant derrière elle le CinéVog. La salle est alors rachetée par des distributeurs Tunisiens. Ils continuent de faire fonctionner la salle, jusqu'au déclin de la distribution cinématographique et de l’exploitation de salles de projection en Tunisie, ce qui entraîne l’abandon du CinéVog à la fin des années 1980.

La salle de cinéma du Kram n’est pas la seule à subir ce sort, plus de 100 salles de cinéma vont fermer leurs portes dans tout le pays, entraînant un vide culturel en Tunisie. Aujourd’hui, des 110 salles de cinéma existantes à l’indépendance, seules 12 sont encore en activité.

Silence, on rénove

20 ans plus tard, le CinéVog, à l’abandon, est retrouvé par Moncef Dhouib, homme de théâtre, réalisateur et producteur Tunisien, en quête d’une salle de répétition. Il commence les recherches en s’adressant aux Distributeurs Tunisiens qui le conduisent au CinéVog. Désertée pendant plus de deux décennies, la salle n’est plus que décombres. Les murs rongés par l’humidité et le manque d’entretien tombent en lambeaux, dans la salle de projection on devine les projecteurs et les bobines sous un tertre de poussière, mais la salle n’a rien perdu de son charme d’antan et chaque mètre carré regorge de trésors, souvenir d’une époque que certains pensaient révolue.

L’aventure commence alors pour Moncef Dhouib qui décide de redonner au CinéVog son prestige d’autrefois. Il parvient à un accord avec les Distributeurs Tunisiens propriétaires de la salle, qui lui laissent carte blanche à condition de prendre entièrement en charge les rénovations. Depuis 8 mois donc, Moncef Dhouib et quelques amis bénévoles s’activent à ranimer l’âme du CinéVog. Le chantier est long et complexe et seules la motivation et l’abnégation d’un passionné comme lui pourra en venir à bout. L’ouverture est prévue pour la rentrée 2013.

Le CinéVog abritera à la fois salle de cinéma, de théâtre, et un café théâtre. L’homme de théâtre Tunisien souhaite conserver l’authenticité de la salle en gardant le nom historique “Le CinéVog”, et en ouvrant la salle sur son environnement c’est à dire au grand public en alternant périodes de projection de films à thème et pièces de théâtre, bref un bouillonnement culturel qui manquait dans cette partie de la banlieue nord de Tunis.

Une série de photos sur la rénovation de la salle sont à voir sur le site [www.huffpostmaghreb.com]


Deux ans plus tard ...

Les salles obscures de Tunisie, entre abandon et renaissance

Le Monde.fr | 16.12.2015
Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

Lettre de Tunis. C’était un peu le Cinéma Paradiso de Tunis. Son fronton arqué fleurait bon Palerme. Rien d’étonnant à cela puisque son propriétaire historique, l’un des frères Lombardo, venait de Sicile, comme le héros du film de Giuseppe Tornetore. Le Cinévog du Kram, dans la banlieue nord de Tunis, c’était toute une époque. Son seul nom suffit à étourdir de nostalgie les plus anciens. Ah, le Cinévog du Kram, au toit ouvrant pour les chaudes soirées d’été ! Là où, dans les années 1950, on allait profiter des péplums, des westerns, des romances sucrées et des comédies musicales égyptiennes pour les séances d’après-bain.

Moncef Dhouib pointe du doigt les projecteurs et les bobines d’époque, à peine rouillées. Et les carnets de tickets d’entrée, un rien chiffonnés. Ils les conserve avec piété, telles de saintes reliques. Moncef Dhouib est un fou de la scène. Dramaturge respecté en Tunisie, il revendique Dario Fo comme maître. Tignasse de boucles blanches sur la tête, il ouvre la voie dans les couloirs du Cinévog, dans les travées et jusque sur le balcon. La peinture est encore fraîche, odorante. Des ouvriers serrent les derniers boulons. Il faut que tout soit prêt pour la fête de réouverture, imminente. Car le Cinévog du Kram renaît de sa pénombre de poussière, et Moncef Dhouib est l’artisan de cette résurrection. Une belle aventure à rebours d’une histoire amère, celle du déclin des salles de cinéma en Tunisie.

Lire aussi : Les yeux bien ouverts de Leyla Bouzid

La cinéphilie a toujours été l’un des attributs de l’esprit tunisien. Il fut même une époque, dans les années 1970, où le mouvement des ciné-clubs, fort de 60 000 adeptes, était une quasi-force politique, la deuxième du pays derrière le syndicat Union générale tunisienne du travail (UGTT). Ces ciné-clubs étaient des enfants de Potemkine. Plusieurs générations de jeunes gens de gauche et d’extrême gauche y ont appris leur grammaire idéologique, et plus si affinités. La sulfureuse contre-société finit par inquiéter les régimes de Bourguiba, puis de Ben Ali. L’étau se resserra. L’Etat promut le glamour comme antidote. Les Journées cinématographiques de Carthage, l’audacieux rendez-vous du film arabo-africain créé en 1966 par Tahar Cheriaa, figure du mouvement des ciné-clubs tunisien, s’étiola ainsi dans les paillettes.

Au même moment, la privatisation des salles dégorge un cinéma médiocre, western spaghettis et « érotisme à deux balles », selon le mot de Moncef Dhouib, bref un nouvel âge à « disloquer le public familial ». La présence de jeunes gens émoustillés ne suffit pas à compenser les désertions. L’arrivée des cassettes vidéo achève de dégarnir les salles. De cent vingt, leur nombre chute à… une douzaine dans tout le pays. « Vous vous rendez compte, déplore Moncef Dhouib, nous avons en ce moment en Tunisie cinq mille mosquées et vingt mille cafés, mais seulement douze salles de cinéma. » Il fait la moue : « Quel désert culturel ! »

Frontière sociale

Il fallait cet « aventurier fou » – ainsi qu’il se définit – pour tenter de renverser le cours des choses. Le printemps révolutionnaire de 2011 desserre l’étau. A un coin de rue, près du stade du Kram, le dramaturge, alors en quête d’une simple salle de répétition, tombe sur le Cinévog délabré et ses pièces fossiles. Il est envoûté par l’« âme du lieu », et l’idée d’une restauration ambitieuse germe. Sans le sou, il fait la tournée des copains. Certains versent au pot, d’autres livrent du bois, du marbre ou de la peinture. Ainsi, la légendaire salle des Lombardo reprend-elle vie.

L’affaire n’a pourtant pas toujours été simple. Avant de rouvrir le cinéma, Moncef Dhouib avait monté des ateliers de théâtre et de chant en plein chantier. Les jeunes du quartier sont venus y prendre des cours. L’un d’eux, « un rappeur hors pair », s’est aussi révélé un brin brigand. Il a subtilisé des câbles électriques avant de disparaître. Puis est réapparu, contrit. « Il m’a offert des oranges pour s’excuser », raconte Moncef Dhouib.

« IL FAUT OCCUPER NOS JEUNES POUR ÉVITER QU’ILS AILLENT EN SYRIE »

L’incident n’est pas anecdotique. Le Cinévog est situé sur une frontière sociale, donc politique. Il est coincé entre les quartiers pauvres du Kram, au sud, une zone où les salafistes recrutent dans la jeunesse désœuvrée, et le Carthage fleuri et huppé. « Nous sommes à un carrefour où nous pouvons réconcilier les gens », croit Moncef Dhouib. Parce que les familles viennent le voir, notamment celles issues de quartiers populaires. Les mères lui disent : « Il faut occuper nos jeunes pour éviter qu’ils aillent en Syrie. » Un peu à son insu, Moncef Dhouib se retrouve propulsé clinicien des tourments tunisiens. Aussi voit-il débarquer beaucoup de filles dans ses ateliers. « Ce sont elles qui auraient le plus à perdre si le vent tourne, décode-t-il. Elles construisent déjà leurs digues de résistance. » Le Paradiso du Kram, baromètre involontaire d’une Tunisie tourneboulée.

[lemonde.fr]

Les vieux tickets du CinéVog à 600 millimes | Lilia El Golli


Pièces jointes:
CINEVOG-KRAM-large570.jpg
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter






HARISSA
Copyright 2000-2024 - HARISSA.COM All Rights Reserved