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Requiem pour un Kaddish ou « Comment faisait-il ? ( Jean-Marie Lustiger )

Envoyé par kfir 
Requiem pour un Kaddish ou « Comment faisait-il ? ( Jean-Marie Lustiger )
02 septembre 2007, 03:00
ou « Comment faisait-il ? »… - Par Schlomoh Brodowicz - pour Guysen International News - Samedi 18 août 2007 à 22:44

Laissons retomber les multiples hommages rendus à Jean-Marie Lustiger par le monde clérico-politico-médiatique et réfléchissons un peu. Car si la sincérité de toutes ces réactions n’inspire aucun doute, le dernier mot en la matière revient à la tradition juive dont Lustiger était issu et qui seule fournit le moyen d’appréhender l’enjeu véritable de l’identité juive et l’usage que certains ont pu en faire.

Qui n’a jamais entendu cette mise en garde du célébrissime maître du Talmud, Hillel : « Ne te sépare de la communauté » ? Par ces mots, il signifiait aux sages que la cohésion est un enjeu majeur de l’identité juive et de son maintien et qu’il était hasardeux de soutenir une position à laquelle tous les autres maîtres ne se rangeaient pas. Certains grands maîtres du Talmud n’ont pas adhéré à ce principe et ils furent bannis des débats. Mais ils eurent au moins un mérite qui leur valut que leurs noms et leurs enseignements soient pérennisés : ils ne professèrent jamais à la foi une chose et son contraire.

À cet égard, je ne sache pas qu’un seul Juif ayant abjuré sa foi se soit malgré tout déclaré Juif. Le cas Lustiger est unique dans l’Histoire.
En se convertissant au catholicisme, le poète Max Jacob affirma clairement qu’il ne se sentait aucune attache à l’identité de ses ancêtres. Ce qui, soit dit en passant, n’empêcha pas les Allemands de venir le rafler au moment où il servait la messe… Et ne lui épargna pas de mourir à Drancy – son témoin de baptême, Pablo Picasso n’ayant pas jugé utile d’intercéder pour lui, comme le fit par exemple Sacha Guitry en faveur de Tristan Bernard…

Quant à Henri Bergson, dont l’éloge funèbre – conformément à ses dernières volontés – fut prononcé par un prêtre catholique, et à la philosophe Simone Weil, qui manifesta de façon acerbe son aversion pour la religion dont elle était issue, même si en raison des circonstances – les persécutions antijuives – ils s’abstinrent, par solidarité, de se convertir, leur religion était faite. Edith Stein elle – dont nous aurons à reparler – avait quand à elle tiré un trait on ne peut plus définitif sur son identité.

Et c’est ici que nous revient un célébrissime épisode biblique. Celui où le prophète Élie affronte les prophètes de Baal sur le mont Carmel (I Rois 18, 20). Que leur lance-il ? « Jusqu’à quand balancerez-vous entre les deux partis ? Si l’Éternel est le vrai D-ieu, suivez-le ; si c’est Baal, suivez Baal. » Autrement dit : « Faites allégeance à qui vous voulez, mais ne faites pas allégeance à une chose et à son contraire. » Rien moins que le bon sens.

Jean-Marie Lustiger ne pouvait pas se permettre une telle cohérence car, comme le fait remarquer l’écrivain et psychanalyste Daniel Sibony dans une chronique parue dans Libération : « cette conjonction des deux traits, juif et catholique lui fut imposée par l’événement ; imposé par le destin de sa mère [déportée à Auschwitz (NDLR)] et en un sens celui de son peuple ; indépendamment de sa volonté. »

[www.liberation.fr].

Et Sibony poursuit « Conjonction certes bizarre : “être catholique”, cela contredit radicalement “être juif”. “Jésus notre Dieu” n’est pas recevable par un juif religieux pas plus que par un juif athée. »

Citons encore Sibony : « porter en soi un juif qu’on ne cesse de convertir au catholique qu’on est devenu, un juif qui ne demande qu’à passer chrétien et qui y passe toute sa vie, voilà ce qui ne pouvait que séduire le subtil Jean-Paul II. Il a bien vu en Lustiger un symbole vivant et prolongé de quelque chose où l’Eglise de tout temps a cherché sa validation : l’instant fatidique où le juif comprend enfin que sa religion, certes originelle, s’achève et s’accomplit dans la suivante. (…) « Avec Lustiger, l’Église pouvait obtenir en douceur ce qu’elle a au cours des siècles recherché par la force ou la pression. Avoir en soi un juif qui n’est là que pour dire : “Je suis juif”, un juif inerte comme tel, puisque rien de la transmission juive ne s’imposait dans le discours de Lustiger. »

Les paroles d’hommage font toutes mention du fait que Lustiger fut un artisan du dialogue et du rapprochement judéo-chrétien. La belle affaire ! Le regretté Jacob Kaplan, ancien grand rabbin de France et artisan s’il en fut du dialogue judéo-chrétien, confia un jour au père René Laurentin, écrivain et chroniqueur au Figaro que s’il lui était aisé de dialoguer avec un prêtre catholique ou un pasteur protestant, il se refusait catégoriquement de le faire avec un Juif ayant abjuré sa religion.

Si ses parents avaient prénommé Lustiger « Frédéric », ou « Marcel », il n’aurait certes pas éprouvé le besoin de s’appeler « Jean-Marie ». Mais Aron… certes, ça faisait un peu désordre… Mais savait-il que pour la tradition de ses ancêtres, le prénom que les parents donnent à un enfant juif leur est divinement inspiré ? Au point que certains grand maîtres de la tradition juive se refusaient à suggérer tel ou tel prénom à des parents venus les consulter pour nommer leur enfant. Connaissait-il cette parole du Midrach selon laquelle les Enfants d’Israël durent d’être délivrés de l’esclavage d’Égypte au seul mérite que durant cet exil, ils n’avaient abandonné ni leur façon de se vêtir, ni leur langue…ni leurs noms ? Savait-il que son prénom était la chose la plus vraie et la plus précieuse qu’il tenait de celle qui l’avait enfanté ?

Mais l’humble auteur de ces lignes se pose d’autres questions. Comment Lustiger faisait-il ? Au prix de quel compromis spirituel et moral assumait-il sa position ? S’est-il jamais dit qu’au moment où il embrassait une autre religion, il ignorait tout de la sienne ? S’est-il jamais demandé si sa décision n’était pas plutôt dictée par des circonstances dramatiques que par un libre arbitre mûrement et sereinement mis à contribution ? Pourquoi l’historien Saül Friedlander, recueilli lui aussi tout-petit par une institution catholique pendant la Shoah a-t-il connu un sursaut salutaire au moment où il lui était suggéré de se convertir ? (Relaté dans son ouvrage « Quand vient l’heure du souvenir »)

Comment Lustiger assumait-il le fait – reconnu par tous les historiens – que ce sont des siècles d’enseignement du mépris distillé par l’Église qui ont pu faire que sa mère soit ramassée pour être envoyée à l’abattoir ?

Comment assumait-il le fait que l’Église qu’il rejoignait avait, durant des siècles, fait une hécatombe de ceux de ses frères qui refusaient d’abandonner leur foi ? Se hasardait-il à penser – comme l’avait écrit Edith Stein dans son journal – que c’est l’obstination des Juifs à ne pas « comprendre » qui leur valait un châtiment divin ? Tout de même pas quand même ! Alors ?

Comment assumait-il le fait que celui que sa nouvelle religion tenait pour le vicaire de D-ieu sur terre – Pie XII – avait lamentablement fermé les yeux sur la mort de sa mère, et des millions de ses frères ? Savait-il que lorsqu’il était nonce apostolique à Paris, le cardinal Angelo Roncalli – futur pape Jean XXIII – qui œuvrait inlassablement à retrouver des enfants juifs cachés pour les rendre à leurs familles, avait reçu une missive secrète de Pie XII lui enjoignant de ne pas rendre les enfants juifs recueillis qui avaient été convertis ?

Savait-il que les Juifs de Rome avaient été raflés sous les fenêtres du Vatican, sans que Pie XII – qui était aussi évêque de Rome – ne fasse seulement semblant de tousser ?

Peut-on se convaincre que cet homme qui, sur le plan de la stricte loi juive était toujours juif, n’a jamais connu des moments de doute ? Ou bien doit-on croire que l’habitude – une bénédiction ou un fléau selon les contextes – finit par lisser toutes les aspérités de la conscience ?
Et que ressentait celui qui se pensait encore Juif, lorsqu’il était témoin de la recrudescence des actes d’antisémitisme en France ? Tressaillait-il au fond de cette identité qu’il prétendait ne pas avoir reniée, en entendant l’écho des attentats perpétrés sur la terre des ses ancêtres ?

Le Talmud rapporte que lorsque Rabbi Yo’hanane Ben Zaccaï – le plus prestigieux des maîtres de la Loi orale – était sur le point de rendre son dernier soupir, ses élèves virent quelques larmes perler sur ses joues. Constatant leur étonnement, le maître s’expliqua : « Je ne sais pas par quel chemin on s’apprête à me mener ».

Vertige.

En guise de conclusion, je désire ici publier le dialogue qu’eut un jour le Rabbi de Loubavitch avec un juif converti au christianisme, qui se présenta un dimanche, au moment où, comme chaque semaine, le Rabbi distribuait un dollar à ceux qui venaient prendre une bénédiction. (Traduit de l’anglais)

L’homme : Je suis chrétien de famille juive et je suis devenu chrétien à l’âge de 29 ans, je pense que c’est ma mission aujourd’hui et aujourd’hui je suis catholique. Je suis venu aujourd’hui parce que j’aime énormément mon peuple et j’écris ces livres afin que tous les catholiques puissent savoir d’où ils viennent.

Le Rabbi : Une personne née juive reste juive pour sa vie entière.
L’homme : Oui pour sa vie entière, je sais…

Le Rabbi : Elle ne peut rien y changer. Elle ne peut que rendre sa vie plus compliquée et plus malheureuse.

L’homme : Ma vie n’est pas malheureuse…

Le Rabbi : Si une personne considère sont état maladif comme une bonne santé c’est le signe que son état est encore plus grave et nécessite des soins (le Rabbi fait usage du mot « guérison » en français) et des traitements d’autant plus urgents.

L’homme : Merci pour moi, mais je suis très heureux, car pour moi, J. C. était le véritable messie.

Le Rabbi : C’est bien ce que je viens de dire. Si vous vous considérez comme une personne en bonne santé, c’est bien le signe que vous êtes encore plus souffrant que tout ce que l’on pourrait croire à votre propos.

L’homme : Je suis sans aucun doute un pécheur, je suis un pécheur…

Le Rabbi : Je ne parle pas de cela. Je parle de votre cuisant péché, ce gravissime péché d’avoir – pour ainsi dire – abjuré votre judéité.

L’homme : Mes parents ne m’ont jamais emmené à la synagogue. Jamais.

Le Rabbi : Le fait que des parents en aient ainsi décidé ne constitue pas une excuse pour une personne d’être malade. Comprenez-vous ce que j’entends par là ?

L’homme : Oui je vous comprends.

Le Rabbi : D-ieu vous accorde Sa bénédiction pour que vous retrouviez la santé, à savoir essentiellement d’être ouvertement juif et de proclamer à tout votre entourage, qu’il s’est agi d’une cuisante erreur et que D-ieu possède tant de miséricorde qu’Il peut pardonner les plus grands péchés qui aient été commis.

L’homme : Monsieur le Rabbin, priez pour moi…

Le Rabbi l’interrompt…
Comme je viens de le dire, c’est le signe que votre maladie est plus profonde que vous pouvez l’imaginer et que je peux moi-même l’imaginer. D-ieu vous accorde sa bénédiction qu’il y ait de bonnes nouvelles et n’entamez pas de polémiques avec les gens, quant à ce que vous êtes. Vous êtes né juif…

L’homme : Je suis toujours juif…

Le Rabbi : Soyez juif et ouvertement juif, ainsi que tous ceux qui forment votre entourage et en particulier votre famille que vous avez la force de faire revenir en affirmant que quiconque a commis un grand péché, possède néanmoins des ressources issues du Saint béni soit-Il pour recouvrer de sa profonde maladie. Et plus vite vous le ferez, plus vite le Machia’h viendra. Le véritable Machia’h.

L’homme : Puis-je vous offrir ce livre ?...

Le Rabbi : Oui merci…

L’homme : Merci monsieur le rabbin.

Et pendant que l’homme s’éloigne le Rabbi lui dit (en désignant le livre qu’il vient recevoir) : …Cela vous évitera… de le donner à quelqu’un d’autre et de le conduire à se fourvoyer.

Puis le Rabbi, d’un geste vigoureux de la main gauche, jette le livre par terre, sans y le jeter un regard…

Le Grand Rabbin Kaplan, n’aurait pas seulement daigné entamer un tel dialogue… Plus tolérant que le Rabbi de Loubavitch…

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