Sept ans (info # 011506/8) [Analyse]
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency
Sept ans. Voilà sept ans qu’une campagne obstinée et haineuse mobilisant la plupart des journalistes français s’efforce de salir la dignité professionnelle de leurs confrères de l’agence de presse Ména. Voilà sept ans que les mêmes individus, bafouant les règles fondamentales de leur profession, tentent de présenter comme un reportage d’actualité authentique la "supercherie" et la "série de scènes jouées" mettant en scène la mort de Mohammed a-Dura, filmée par le cameraman Talal Abou Rahma et commentée à distance par le correspondant de FR2 à Jérusalem, Charles Enderlin. Ce dernier, affirmant, sans la moindre preuve à l’appui et au mépris des faits établis par les enquêtes de la Ména et de l’armée israélienne, que le jeune Palestinien a été tué par des tirs venus de la position israélienne, le 30 septembre 2000, dans la bande de Gaza, lors d’un affrontement entre l’armée israélienne et des éléments armés palestiniens.
Contrairement aux nombreux journalistes français qui se sont ligués sous l’égide du Nouvel Observateur afin de lancer une pétition de soutien en faveur d’un faussaire fauteur de guerre, allant jusqu’à endosser l’affirmation selon laquelle le reportage d’Enderlin a montré la mort de Mohammed A-Dura, les journalistes de la Ména n’appellent pas le public à manifester son soutien pour la vérité. La vérité se passant de soutien.
Ce, parce que le souci d’établir l’assassinat ou la mise en scène de l’assassinat de Mohammed A-Dura procède de la criminologie et non d’empathies politiques ou personnelles. Parce que toutes les pétitions du monde ne parviendront jamais à prouver que John Kennedy n’a pas été assassiné, à Dallas, le 22 novembre 1963, et que cela tient d’une arrogance corporatiste et d’un militantisme consommés que d’appeler des professionnels de l’information à signer un appel qui contredit l’histoire. Que, de la part des journalistes signataires, l’acceptation de participer à une semblable mascarade procède d’une faute corruptive, et l’endossement d’une contrevérité factuelle revient à y prendre part.
Parce que le reportage en question n’est pas de Charles Enderlin mais de Talal Abou Rahma, qu’Enderlin y a ajouté son commentaire faisant état de l’assassinat du garçon et de la culpabilité de l’armée israélienne. Ce, en dépit du fait qu’aucune personne de bonne foi ne peut, en aucun cas, déduire des images d’Abou Rahma l’évidence de la mort d’un être humain. Et, qu’au contraire, un enfant qui agite la main et regarde en direction du metteur en scène sur la pellicule, est, en principe, un être vivant.
L’auteur de cet article pense que l’Appel en faveur de Charles Enderlin est symbolique d’un journalisme qui court à sa perte. Parce que ses auteurs et ses signataires se sont appropriés le droit, non seulement de rapporter et de commenter les faits d’actualité, mais de les façonner à leur guise. Qu’à l’occasion de cette pétition, sans peut-être s’en rendre compte, ils ne font pas que reconnaître cet égarement, mais encore, ils revendiquent, avec agressivité, le droit d’inventer des actes qui n’ont pas eu lieu et celui de vouer aux gémonies leurs confrères sains d’esprit qui déconstruisent les mises en scène.
L’auteur de cet article voit dans le rejet de la pétition – exprimé dans leurs commentaires - par les lecteurs de l’Obs un avertissement cinglant adressé aux commanditaires et aux signataires de la pétition. S’exprimant à vingt contre un contre la démarche des pétitionnaires, l’opinion publique de la gauche française a montré qu’elle ne faisait plus confiance à ses journalistes et qu’elle rejetait massivement leurs méthodes.
Aux fins de sauver l’apparence d’un soutien populaire, l’Obs a initialement censuré les opinion qui s’exprimaient contre la pétition, et, dans l’incapacité d’endiguer le mécontentement des lecteurs, l’hebdomadaire a ensuite purement et simplement cessé de permettre aux internautes de commenter sa pétition. Cette réaction des journalistes instigateurs de la pétition dévoile la tentation totalitariste certaine qu’il y a, pour des gens qui pratiquent notre métier, à sortir de leurs compétences, à jouer avec la vérité et à se placer hors d’écoute de l’expression de la sensibilité des consommateurs d’informations.
Ce "privilège de distanciation" s’est déjà exprimé dans la Controverse de Nétzarim, en cela que les media des signataires, soit la quasi-totalité des media généralistes tricolores, ont choisi de ne jamais présenter, en sept ans que dure le différend, les conclusions circonstanciées de notre enquête. Ces confrères ont, durant cette période, préféré s’époumoner, en diffusant des articles apologétiques, à placer Charles Enderlin hors de portée des critiques légitimes, ainsi qu’à invectiver, de la manière la plus primaire qui fut, les auteurs des enquêtes et ceux qui ont adopté leurs conclusions.
Nous, de redire que ce comportement est étranger à l’exercice honorable du journalisme, mais, plus encore, il est symptomatique de réflexes dangereux, que nous avions remarqués notamment dans l’incapacité des mêmes media à investiguer sereinement la participation de l’armée de leur pays dans le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994. Durant les débats du comité d’investigation juridique qui analysait cette participation, à Kigali, on ne vit la présence que d’un seul journaliste français (hormis celui de la Ména), et encore, pour un laps extrêmement court. En dépit du poids de l’accusation et de sa signification pour la société française, les media généralistes se sont abstenus, dans leur presque totalité, d’interviewer les témoins – souvent français et européens – qui affirmaient avoir vu l’armée française participer au génocide au côté des force génocidaires hutues.
Partant de ces deux expériences que nous avons suivies du premier rang, nous serions fort étonnés que nos confrères ne fonctionnent pas de la même manière pour toutes les affaires qu’ils couvrent. Un mode opératoire qui consiste à fabriquer (et/ou à sélectionner, lorsqu’ils existent) des faits correspondants à leur grille de lecture – politiquement corrects -, à les répéter d’une manière obsessionnelle à l’opinion et à priver d’éclairage tous les événements qui contredisent le message qu’ils entendent faire adopter.
Le rejet massif de l’appel à soutenir Enderlin par les lecteurs doit être considéré comme un avertissement majeur fait aux responsables des media et aux confrères d’abandonner cette approche sinueuse de leur métier et d’en revenir et de coller aux fondamentaux de notre profession. Parce que la vision d’untel ou d’untel sur une question d’actualité n’intéresse que modérément et temporairement le public. Le public veut plus d’information, de l’information fiable, et moins du cocktail imbuvable qui s’appelle information-mon opinion.
Sûr qu’il existe d’autres facteurs qui participent à la crise de la presse écrite, mais l’orientation du récit des faits d’actualité, particulièrement à propos des avatars du conflit israélo-arabe, qui tient très à cœur à un nombre important de Français cultivés, ne saurait être exclue des raisons des difficultés économiques que traversent de nos jours la quasi-totalité des titres français de la presse écrite.
Les signataires de la pétition réfèrent à leur public une image fortement déformée du conflit moyen-oriental. Une image dans laquelle Israël est responsable de pratiquement tous les problèmes entravant l’avancement de la paix dans la région et même sur l’ensemble de la planète. C’est outrancier et c’est faux, et un nombre important de Français lettrés n’est pas prêt à autoriser tous ces excès, poussant vers un conditionnement psychologique à un nouveau génocide d’Israël.
Les mentors de la pétition et leurs signataires ont réclamé le droit d’accabler Israël, à leur main, de fautes, même lorsqu’Israël n’a, de toute évidence, pas commis ces fautes. Lors, le public s’est rebiffé, nonobstant la célébrité de quelques signataires, creusant ainsi un fossé énorme entre la revendication des pétitionnaires et le refus circonstancié, poli et intelligent des internautes.
Ces derniers, en reprenant largement et précisément les arguments développés par notre agence, montraient, du même coup, que les efforts de sept ans, de la presse généraliste française, d’ostraciser la Metula News Agency avaient eu des effets contraires. Qu’il n’a pas suffi de nous ignorer ou de rapporter les insultes de Charles Enderlin à notre encontre, comme dans le texte même de la pétition, pour que les Français ne lisent pas la Ména. Les instigateurs de l’appel et ses signataires avaient à nouveau et gravement sous-estimé la curiosité et le niveau intellectuel des consommateurs lambda d’information : de leurs lecteurs !
Ces derniers ont pu se rendre compte que nos analyses ne sont ni extrémistes ni biaisées – au contraire de ce qu’ils font -, et qu’elles ne sont les otages d’aucun dogme, nationalisme ou courant politique. A la suite de cette manifestation de force de la Ména, que nous n’avons ni commandée ni incitée, les partisans français du "reportage symbolique" auront pu évaluer enfin le rayonnement effectif des articles de nos journalistes-actionnaires. Gageons qu’il se passera un temps certain avant qu’ils ne provoquent à nouveau le public.
Quant à la proposition de M. Prasquier, le président du Crif, de mettre sur pied une commission d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur la Controverse, elle ne nous emballe pas. Tout d’abord, parce qu’il y a maintenant deux controverses qui doivent faire l’objet d’un verdict : l’interrogation reportage authentique versus mise en scène, mais également, l’attitude retardante, les manœuvres, les contrevérités d’Enderlin et de France2, visant à empêcher l’avènement de la lumière, qui doivent impérativement faire l’objet d’une enquête et, le cas échéant, d’une sanction exemplaire, proportionnée à la faute.
Or, au lieu d’aller chercher dans le temps des indices qui ont disparu, ne serait-il pas plus efficace et rapide de faire procéder à l’examen des cicatrices de Jamal A-Dura (le père, dans la mise en scène) par des médecins légistes indépendants et confirmés, dont le choix serait agréable aux deux camps de la controverse initiale. N’est-ce pas là la façon la plus civile et la plus sûre de trancher, une suggestion qui devrait faire frémir d’enthousiasme toutes les femmes et les hommes curieux de connaître le fond de cette histoire.
Car, si les cicatrices de Jamal proviennent de blessures infligées par des balles, en septembre 2000, il ne resterait plus qu’à la Ména et à un certain nombre d’individus "habités par la haine de Charles Enderlin" de présenter leurs excuses et de poser définitivement leurs plumes. Si, en revanche, comme notre enquête médicale nous permet de l’affirmer, les médecins découvriront que ces cicatrices datent de 1992, qu’elles sont le résultat de coups de haches, et d’une intervention chirurgicale subie en Israël en 1994, il y aura lieu de prononcer que Jamal A-Dura n’a pas été blessé par balles au carrefour de Nétzarim, comme le soutiennent Abou Rahma et Enderlin, et qu’il s’agit effectivement d’une mise en scène. Auquel cas, il y aura un certain nombre de places disponibles dans le paysage médiatique tricolore, en vue de la résurrection du vrai journalisme en ce pays, Alléluia !
Refaire une enquête indépendante est donc inutile. De plus, ce serait long et rien ne permet d’affirmer, que sept ans après les faits, la commission parviendrait à un résultant exploitable. De plus, la suggestion de Prasquier a ceci de désagréable, qu’elle ne tiendrait pas compte du travail colossal des enquêteurs qui ont dévoilé la supercherie. Or, ce n’est pas parce que Nahum Shahaf (le chef civil de la commission d’enquête de Tsahal) et les investigateurs de la Ména sont israéliens qu’on devrait déconsidérer leurs conclusions. C’est ce qu’ont tenté de faire les media généralistes français pendant sept ans, et même certains juges du Tribunal Correctionnel, et ils n’ont pas besoin de l’aide de Prasquier pour persévérer.
Avant que de se lancer dans une nouvelle et délicate prospection [1], si l’analyse des cicatrices d’A-Dura se révélait impossible (mais pour quelle raison ?), une commission indépendante pourrait commencer par analyser les résultats des deux enquêtes existantes. Croyez-en ma connaissance de l’Affaire, ils n’en auraient pas pour longtemps avant de découvrir le pot aux roses, tant l’imposture est grossière, mal ficelée et inconsistante.
Bon réveil à M. Prasquier et à certains intellectuels respectables tels Alain Finkielkraut et Elie Barnavi, nous cela fait depuis 2003 que nous avions proposé à la direction de Fr2 de coopérer ensemble à la recherche de la vérité. A l’époque, Olivier Mazerolle m’avait déclaré, avec la finesse de verbe qui le symbolise "qu’il n’en avait rien à foutre".
Si c’était la vérité qui intéressait Enderlin, FR2 et leur fan club, cela ferait longtemps qu’ils l’auraient rendue publique ; ils n’auraient pas attendu une injonction de justice pour présenter les images qu’ils détiennent du 30 septembre 2000 et qu’on ne peut, décemment, appeler "rushes de l’assassinat de Mohamed A-Dura". On n’aurait pas eu à "salir" aussi longtemps la dignité de Charles Enderlin si tout le monde avait vu plus tôt que les rushes mentionnés dans le témoignage légalisé du cameraman de FR2 n’existent pas, de même que les images "insoutenables" montrant l’agonie de l’enfant et s’il avait su, le monde, que Talal Abou Rahma n’avait pas toute sa tête lorsqu’il accusa les Israéliens d’avoir assassiné Mohamed A-Dura (Enderlin dixit au procès Karsenty).
Note :
[1] Avec les enquêteurs de laquelle nous collaborerions sans réserve, en dépit de notre réticence de principe