JOURS LUMINEUX EN TUNISIE
par Anne RESSAT
Lire, octobre 1999
LES GESTES
Maya NAHUM
SEUIL
153 pages.
Jours lumineux en Tunisie
Eté 1961: la famille de la petite Malou séjourne quatre mois durant à Khérédine, au bord de la mer. Loin de la maison de Tunis. Tout le monde est là, comme chaque été: papa Kiki, marchand de tissus dans le souk de Tunis, mémé Rachel, Victor le père, pharmacien, toujours amoureux de Blanche la mère, distante, provocante, une Bretonne à jamais marquée par son expérience d'infirmière en 45 en Allemagne, Zeïna, la bonne arabe et puis les oncles, les tantes, les cousins...
La vie s'écoule paisible, au rythme des jeux, de la baignade, des siestes, des disputes et des câlins... Malou joue, observe, se laisse chahuter par ses frères jusqu'à cette morsure par un chien errant, qui l'oblige à suivre un traitement contre la rage. Sur fond de guerre d'indépendance en Algérie et de tensions politiques entre la Tunisie indépendante et la France, de nationalisations des terres des colons, de la fuite des français et de la bourgeoisie juive, Malou découvre la peur... Peur de la rage, peur des prédictions de la bédouine, peur des mensonges et des secrets des adultes: «Personne n'explique, personne ne rassure» et le déchirement de l'exil en France avec ses parents et ses frères, laissant derrière eux les grands-parents et leur terre.
La romancière Maya Nahum rend palpable la vie quotidienne des commerçants juifs en Tunisie à une période charnière de l'histoire de ce pays. Illuminé par le regard innocent et aimant de l'enfance, le récit rend les personnages si attachants que l'on a envie d'appartenir à cette famille, de partager avec eux le poisson frit et les pommes de terre au cumin et de jouer aux parties bruyantes de rami-poker. Une famille que nous quittons à regret, peinés de la voir disparaître dans les brumes de l'exode. Comme si on nous arrachait un peu d'enfance et de soleil.
Anne RESSAT
