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La fin de la "doctrine Bush"

Envoyé par mena 
La fin de la "doctrine Bush"
15 janvier 2008, 23:46
La fin de la "doctrine Bush" (info # 011501/8) [Analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency

Je n’ai cessé, en ces colonnes et ailleurs, de défendre et d’expliciter la « doctrine Bush », telle qu’elle avait pris forme au lendemain du 11 septembre 2001. J’ai exposé, dans de nombreux articles, en quoi et pour quoi nous sommes partie prenante dans une guerre planétaire, dont les interventions en Afghanistan et en Irak ne sont que des épisodes. J’ai réfuté les discours affirmant la centralité du conflit israélo-arabe dans les tumultueuses difficultés du Proche-Orient contemporain, et souligné que ceux qui affirmaient cette centralité avaient des objectifs tout autres que la paix, la prospérité et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Force m’est de constater que la « doctrine Bush » est en train de subir des distorsions qui pourraient la rendre méconnaissable, et que l’auteur de ces distorsions est George Walker Bush lui-même. Force m’est de dire que je vois de moins en moins de lucidité concernant la guerre en cours et que je vois, par contre, revenir au premier plan les illusions délétères du statu quo. Force m’est de constater, enfin, que l’affirmation de la centralité du conflit israélo-arabe est à nouveau au centre des débats, avec des conséquences qui pourraient être très lourdes.

Tout a commencé, vraisemblablement, avec le « rapport Baker », voici un an. Celui-ci marquait un retour à la realpolitik façon Bush père. Il sembla ne pas être suivi d’effet, puisque, contre les recommandations de Baker, Bush mit en place la politique de « surge » et de renforcement des troupes en Irak, telle qu’elle avait été conçue par le général Petraeus. Celle-ci porta d’ailleurs ses fruits, quand bien même les médias français restent sourds muets et aveugles sur le sujet, et continuent de répéter, à la manière d’une bande magnétique coincée qui tourne en boucle, le grand air du « bourbier ».

Tout s’est poursuivi avec la rencontre d’Annapolis, en laquelle j’avais pensé, à l’époque, ne déceler que le retour d’une maladie hélas bien connue, la « palestinite ».

Depuis, il y a eu le rapport des services de renseignement américains, affirmant, dans ses premières lignes, que l’Iran avait abandonné ses projets de nucléaire militaire depuis plusieurs années : quand bien même le corps du texte se révélait ensuite plus nuancé, le mal était fait. Et il devenait évident que les Etats-Unis allaient adopter une attitude plus feutrée par rapport au régime des mollahs. Puis vint la tournée de Bush au Proche-Orient.

On peut, dans les circonstances ambiantes, tirer quelque conclusions provisoires de ce qui est en train de se jouer :

Non seulement Bush semble désormais persuadé que la paix sera possible au Proche-Orient pour peu qu’Israël fasse les concessions requises, et il adopte sur ce sujet un discours qui se rapproche très dangereusement de celui qui prévaut dans le monde arabe. Les exigences de voir les Palestiniens renoncer au terrorisme, en préalable à toute discussion, sont de plus en plus faiblement énoncées. La date de 1967 et les frontières qui prévalaient avant la Guerre des Six Jours sont de plus en plus souvent évoquées. Le « droit au retour », comme l’a récemment noté avec inquiétude Daniel Pipes, semble de plus en plus nettement faire partie des paramètres diplomatiques américains. Le seul et unique point sur lequel Bush semble se tenir à ses positions antécédentes est le caractère juif de l’Etat d’Israël ; mais on peut aisément noter que ce caractère juif d’Israël se trouverait hypothéqué si le « droit au retour » était mis en œuvre.

L’objectif principal de Bush semble être s’assurer l’alliance et le soutien des régimes arabes de la région face à l’Iran, et tout faire pour qu’un statu quo se mette en place, qui permette de conforter la stabilisation en Irak. Pour parvenir à cet objectif, le sacrifice des intérêts d’Israël lui semble être un prix peu élevé à payer.

Ce retournement politique évident de l’administration Bush ne peut que convenir aux Européens, qui ne cessent de prôner une diplomatie de l’apaisement, de s’aveugler sur la situation planétaire, et de considérer, avec des tonalités différentes selon leur sensibilité politique, que tous les troubles du monde, ou presque, impliquent qu’Israël soit placé en position de bouc émissaire. Ce retournement s’opère dans le contexte d’une campagne électorale américaine, où la tentation du « retrait » face aux problèmes planétaires joue traditionnellement un rôle important. Il survient aussi pendant la dernière année d’une présidence : celle où le président en place entend tout faire pour laisser sa marque dans l’histoire. On peut ainsi légitimement craindre que Bush ne se soit convaincu lui-même, comme l’ont fait nombre de ses prédécesseurs avant lui, qu’il serait celui qui a « fait la paix » la plus chargée de symboles aujourd’hui.

Si on ajoute que le gouvernement israélien actuel semble se faire le complice docile de tout cela, et que nombre d’intellectuels israéliens viennent conforter cette complicité, la situation paraît sombre et inquiétante.

Les lueurs d’espoir sont, comme Hillel Halkin le notait récemment dans un article du numéro de janvier du magazine Commentary, que les dirigeants palestiniens ne veulent, selon toutes les évidences disponibles, ni d’un Etat (et encore moins d’un Etat à côté d’Israël), ni de la paix. Mahmoud Abbas sait que s’il signait un accord de paix et acceptait l’Etat qu’on veut lui proposer, il signerait par là même son arrêt de mort. Les dirigeants palestiniens ne refuseront pas, bien sûr : ils demanderont davantage, puis encore davantage, jusqu’à ce que rien ne se passe.

Elles sont aussi que les dirigeants du monde arabe ne veulent eux-mêmes ni d’un Etat palestinien ni d’une paix qui les priverait du meilleur prétexte dont ils disposent pour maintenir le sous-développement économique, politique et culturel de leurs pays, et qui les ferait passer pour traîtres aux yeux des islamistes.

Bush risque de finir l’année très déçu, et, pour partie, déshonoré : l’inverse de ce qu’il aurait souhaité. Les dirigeants arabes ne cessent de montrer, par leurs gestes et leurs paroles, qu’ils savent que les Etats-Unis sont actuellement le maillon faible, et l’Iran le maillon fort. Abbas et le Hamas vont, très vraisemblablement, se rapprocher, comme le demandent les dirigeants saoudiens. Les dirigeants européens, qui n’ont jamais apprécié Bush, n’auront plus à le détester pour avoir été celui qui a forgé et mis en œuvre la « doctrine Bush » : ils vont pouvoir le détester pour avoir été celui qui s’est lui-même sabordé. Ils ne noteront pas qu’il l’aura fait en tournant le dos à la « doctrine Bush », bien sûr…

Les Israéliens seront sauvés d’Olmert et de ses complices par le fait que, aussi loin qu’Olmert et ses complices aillent dans les concessions, ce ne sera jamais assez pour Abbas et les dirigeants arabes. Il restera alors à un nouveau gouvernement israélien à reprendre les choses en main, et à en finir avec les illusions dangereuses. Fondamentalement, les Israéliens ne peuvent compter que sur eux-mêmes : ils peuvent avoir des alliés. Ils n’ont pas d’amis. Bush, faut-il le rappeler, était censé être le meilleur ami qu’Israël ait eu à la Maison Blanche. C’était avant le retour des « réalistes », et avant que Condi Rice ne montre son vrai visage.
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