Affaire Merah: sa minute de silence lui vaut un blâme
Publié le samedi 25 août 2012
Polémique : l'enseignante rouennaise avait soulevé l'indignation
Cinq mois et demi après les faits, la professeure d'anglais du lycée Flaubert de Rouen qui avait appelé ses élèves à respecter une minute de silence à la mémoire de Mohamed Merah, le tueur de Toulouse, va faire sa rentrée devant des élèves. Dans un autre établissement de l'académie.
Suspendue le jour même par Luc Chatel, alors ministre de l'Education nationale, qui avait immédiatement «condamné sans réserve cet acte inqualifiable», elle est finalement frappée d'un blâme comme il s'en prononce une demi-douzaine chaque année en Haute-Normandie. Une sanction dite «du premier groupe» et qui n'exige pas la réunion du conseil de discipline.
La rectrice, Florence Robine, a cependant assorti sa décision d'une mutation d'office «dans son propre intérêt et dans celui du lycée», compte tenu de l'émoi qu'avait suscité son initiative tant auprès des élèves que de leurs parents.
"Un accident malheureux, un dérapage..."
«Une autre affectation lui a été proposée. Elle l'a acceptée et a affirmé qu'elle comprenait la sanction, indique Pascal Marie, directeur de cabinet de la rectrice.On essaie de lui redonner une chance de repartir. Car pour nous, ce qu'elle a fait relève davantage de la grosse maladresse, de l'accident malheureux, que d'une réelle volonté de nuire. Il s'agissait d'un acte tout à fait isolé, d'un dérapage comme nous n'en avions jamais connu dans le ressort de l'académie.»
Enseignante expérimentée, en fonction depuis une trentaine d'années dont sept au lycée Flaubert de Rouen, cette quinquagénaire n'avait, semble-t-il, jamais fait parler d'elle avant cette matinée du vendredi 23mars encore marquée par l'émotion immense soulevée par les meurtres de Toulouse et le carnage perpétré le lundi précédent à l'école juive Ozar Hatorah.
Son cours, devant des élèves de terminale scientifique, devait être consacré aux minorités et au patriotisme des Indiens d'Amérique. «Mais il a brusquement dérivé vers un autre sujet: l'affaire Mohamed Merah […] Mme… nous a clairement dit qu'il était une victime, que son lien avec Al Qaïda avait été inventé par les médias et par Sarko. Elle a ajouté qu'il serait possible de faire une minute de silence pour cette victime», témoignaient par écrit les élèves, qui pour la plupart avaient décidé de quitter la salle de classe et de rédiger une lettre à l'intention du chef d'établissement.
Alertés, les parents exprimaient leur indignation et leur soutien aux adolescents. «Je refuse que ma fille retourne en classe avec cette dame. Je lui donne l'autorisation de boycotter les cours d'anglais jusqu'à la fin de l'année si aucune sanction ne devait être prise», nous déclarait le matin même la mère d'une élève.
Cette sanction, au terme d'une procédure disciplinaire engagée par la suspension immédiate de l'enseignante et l'interdiction de retourner dans un lycée où «l'ordre public est menacé et l'équilibre des jeunes peut être mis en danger par sa présence en cours», selon les termes employés ce jour-là par la rectrice, vient donc d'être prise.
Il s'agit d'un blâme et d'un éloignement du lycée. Où ses collègues et les syndicats avaient aussitôt exclu «toute arrière-pensée politique», mais parlé «d'une personne fragile, dont l'inspection d'académie et le rectorat connaissaient les difficultés».
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