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MAMAN HAYE.

Envoyé par albert 
MAMAN HAYE.
05 juin 2011, 05:05


Dés fois on se dit ‘…Zut, déjà… ?’

Parce qu’on pense que la maman ou le papa ne vieillit jamais. Qu'ils sont éternels.

C'est de bonnes augures.

Qu’il ne tombe jamais malade, qu’elle qu’il ne peut pas mourir, qu’elle ou qu’il a l’éternité pour elle pour lui sur cette terre.

Et puis, il faut se résoudre à l’évidence et se dire, que quelque soit notre représentation sur terre nous devons tous rendre ce qui nous a été prêté. Un prêt que l’on rembourse par son âme.

Telles sont les conditions éditées dans un BAIL DE LA VIE. Des 3 6 9 ou des 20 30 90 qu’en savons-nous du reste au juste de ces échéances dont nous n’avons aucune prise dessus… ?

C’est le seul contrat moral, non dit, non signé entre notre créateur et nous.

Et s’il y a une chose sur laquelle on ne peut pas discuter,transiger, négocier, c’est bien les termes de ces chapitres qu’aucun avocat au monde, si puissant soit t’il, ne peut défendre devant un tribunal céleste. Et c’est là aussi où l’on se rend compte combien notre condition humaine est si pauvre, si misérable devant ce que nous ne pouvons pas nommer fatalité. Mais réalité bien évidente.

Il y a des sujets qui méritent d’être dissertés durant des jours et des jours, voir même des années mais il a des sujets certes qui ne peuvent être débattus sans que l’on soit taxés de blasphémateurs.

La résignation.

Que devons nous répondre devant l’intransigeance… ? Devant ce qui a été décidé depuis la naissance… ? Que devant nous répondre devant des drames qui emportent souvent des fleurs, des innocents, des petits humains… ? Devant des douleurs atroces qui font qu’un grand nombre de gens, restent pour tout le restant de leur vie des hommes et des femmes, des pères, des mères meurtris, et blessée à tout jamais.

Bien heureux celui ou celle qui durant toute sa vie n’a pas connu pareilles souffrances, malheurs comme perdre des enfants… ! Qu’est ce qu’une vieille personne, arrivée à un certain âge, en fin de vie peut t’elle donner comme douleur ou souffrance à ces enfants à part un sentiment de peine, de grande tristesse, de chagrin momentané qui ne dure pas longtemps parce qu’on se dit, pour alléger sa peine ‘…Après tout, il elle était vieille…Et il et elle a vécu !’

Je me souviens de cette dame qui s’occupait de sa maman handicapée durant des années sans jamais se plaindre d’elle et qui vivait vers la fin de sa vie dans état végétatif. Elle disait à ses voisines ‘…Touenech’ni… !’ ‘Elle me tient compagnie… !’ Elle disait aussi ‘…Khir tââyche taht jouaneh débanna khir mél fè jébènna’…Je préfère la voir vivre sous les ailes d’une mouche que sous terre dans un cimetière… !’

C’est d’une grande philosophie qui fait de cette dame une ‘héroïne’. Elle a sacrifié une grande partie de sa vie à s’occuper de sa maman impotente plutôt que d’avoir de futurs regrets. Elle a donné un sens à sa vie, celle d’avoir rempli une mission douloureuse afin que rien ne puisse troubler sa conscience.

Combien d’héros et d’héroïnes peuvent t’ils ou t’elles dirent ou faire cela aujourd’hui… ? Elles ils se font rares ces personnes parce que les conditions de vie ont changé, parce que l’esprit de sacrifice des enfants a drôlement vécu.

Toutes choses à une valeur sentimentale.

Que l’on hésite à se débarrasser d’une vieille relique, d’une fourchette, d’une cuillère, d’un vieux bibelot, il n’y rien de dramatique mais lorsqu’il s’agit de ne plus revoir l’un de ces vieux géniteurs ou génitrices il faut se dire ‘…Merci Mon D ieu, elle n’a pas subie certains affres de la vie… !’

Ce qui fait le plus mal dans tout cela sont ces pages et ces pages écrites, non éditées ni publiées, tout au long de la vie auprès d’eux, eux qui nous ont tant appris, tant illuminés tant éduqués, et qui iront un jour sécher quelque part dés qu’ils, qu’elles ne seront plus là.

Ils elles laisseront leur mémoire, elles ils laisseront leur caractère, et tant de ‘…Tu te souviens de qu’il disait, de ce qu’elle disait … !’ Lorsque les enfants se réunissent par un jour de hasard. Et si l’occasion sera au rendez vous mais avec la vie que nous menons et les malaises d’avant, il est fort à parier que certains ressentiments d’anciens conflits, père fils, mère fille, belle fille belle mère sont tels que même un cadre de belle mère ou de beau père ne trônera dans une cave humide et obscure.


Tel est la loi de la vie actuelle.

Il y a un temps, le temps de naitre et de mourir, le temps du souvenir et de l’oubli.

Aimer et haïr.

Vaincre et perdre.

Il y a le temps du père, celui de la mère, bref, il y a un temps pour tout.

Pardonner et se repentir avant qu’il ne soit trop tard.



CHAMBRE 328.


J’irais cet après midi là où elle se repose.

Là où la pénombre prend le dessus sur la lumiére.

Je lui offrirai son bouquet de fleurs en ce jour de la fête des Mères.

Je le lui poserai sur sa commode, cette commode étrangère qui n’est pas la sienne. Je lui dirai, tout bas, en chuchotant à son oreille sur son lit de repos de sa chambre 328 ‘…Bonne fête maman… !’ Elle sursautera sans doute en oubliant de me dire ‘…Merci… !’



Cette chambre qui a vu passer tant et tant de vieux papas, de vieilles mamans usés, fatigués par tant de travail, par tant de soucis, par tant d’angoisse de peur, par tant de joie aussi qu’elles ont endurées durant toute leur vie. Et les voilà alités sur des lits de fortune, spéciaux avec des tas de machins au mur.



Je relèverai un peu sa couverture pour lui réchauffer ses mains bleues, pleines d’hématomes. Je la couvrirai afin qu’elle ne prenne froid et ensuite j’irai m’asseoir comme je le fais depuis trois semaines sur la chaise des visiteurs. Attendre qu’elle se réveille pour lui dire ‘…Comment te sens tu Maman, aujourd’hui… ? Je t’ai apporté des fleurs Maman… !’

Sans doute, qu’elle se rendormira sans avoir jeté un regard sur mon bouquet. ‘…Veux tu que j’allume la télé… ? Elle hochera la tête doucement, sans savoir si elle approuve ou pas.

Devant cet écran allumé, fade à mourir, les images défilent alors que mes pensées sont ailleurs.

Bien loin, et voilà que ces images de projection se changent en un autre décor qui m’emmène ailleurs, très loin, très loin là bas dans ma ville de naissance, dans cet appartement de la rue Pasteur, du temps où encore jeune enfant, je la tenais par la main pour ne pas me perdre dans la rue. Du temps où elle me surveillait lorsque je rentrais dans le balcon, du temps où elle me lavait, du temps où elle me soignait, du temps où elle était là à m’apprendre à lire et à écrire dans cette salle à manger aussi étriquée qu’une boite de Neffa. (tabac à chiquer). Du temps, où de se balcon, elle m’appelait avant la tombée de la nuit.

Du temps où je l’aidais à dépoussiérer les meubles, essuyer le par terre, à faire son grand lit défait.

Du temps où elle se déplaçait chez mes instituteurs pour s’enquérir de la bonne marche de ma scolarité, du temps où elle pleurait devant eux pour gagner sa cause.

Je me souviens du temps où avec son frottoir, elle nous corrigeait lorsque de trop de turbulence nous la fatiguions. Oui, du temps où elle repassait des tas de linge qui n’en finissait pas, du temps où elle montait ces marches en bois qui menaient à la terrasse. Du temps, où elle économisait de l’argent parce que papa était grand généreux et grand dépensier, pour que nous manquions de rien. Du temps où elle sortait avec papa, bras dessus bras dessous pour aller se payer un moment de farniente au café Vert où au Casino de la Goulette. Du temps où elle ne restait pas trop longtemps sur la plage parce qu’elle n’avait pas trop de temps pour bronzer. D’ailleurs elle n’a jamais trop bronzée Maman. Elle restait blanche comme son esprit.

Du temps où mon père subissant un revers de fortune, maman lui souffle pour joindre les deux bouts d’ouvrir une petite gargote pour se refaire. Et la voilà là, derrière un comptoir elle qui n’a jamais travaillée, à aider papa à servir des sandwichs derrière un comptoir, une Nessba. Je suis au premier plan à servir des petits ronds et une portion de boutargue aux passants. Elle a un courage exemplaire.


‘…Comment te sens tu aujourd’hui maman… ?’ Elle dort, elle ronfle, elle n’entend rien. Et lorsqu’elle entend, elle ouvre ses petits yeux pour dire ‘….C’est Richard… ?( Mon autre frère de Marseille) ‘…Non maman, c’est Bébert… !’ ‘…Nomchi kobaara ââllic… !’ Elle veut partir en sacrifice pour moi alors que sa vie tourne au ralenti… ! Tjs ce mot de sacrifice dans sa bouche qui l’accompagne depuis des décennies. Elle reste fidèle au sacrifice à 90 ans et demi comme elle le dit dans un moment de lucidité.

‘…Ne t’inquiète pas Bébert… !’ Qu’elle me dit, ‘…Je vais très bien, très très bien… !’ Elle va très très bien alors qu’elle a de grands moments d’oublis. Elle va très très bien maman qui traite les infirmières de ‘…Méchantes… !’ Lorsqu’elle ne veut plus se lever de son siège. Parfois une heure, deux heures pour évacuer ce qu’elle pense être un pipi ou autre chose. Elle dit avoir mal partout et me voilà ressentir ce mal partout. Il y a des moments où l’on se sent solidaire du mal de ses parents.

Par moment, elle nous fait rire, elle rit aussi de nous lorsqu’elle on lui demande ‘…Où as-tu mal… ?’ Elle répond qu’elle ne ressent rien et qu’elle est en forme et qu’elle peut faire des cabrioles. Des cabrioles alors qu’elle peine à se lever, à faire quelques pas dans le corridor. C’est drôle, elle a prit un vrai coup de vieux en si peu de temps. Les mamans ne ressentent jamais rien pour ne pas angoisser les enfants.

‘…Où as-tu mal Maman… ?’

‘…Ne vous inquiétez pas les enfants, je n’ai pas peur de la mort… !’

Elle a décidé de la combattre et elle vaincra. Telle que je la connais, elle vaincra. Mais à quel prix…. ?




Image:



Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:20


CHAMBRE 328 2°

Mon parcours s’est allongé de quelques kilomètres.

De l’hôpital ST ANTOINE où elle était hospitalisée, j’emprunte à présent les voies qui mènent à Romainville. Aucun parcours n’est jamais long lorsqu’on rend visite à sa maman malade. Aucun temps n’est superflu lorsqu’on va aux nouvelles, au chevet de celle qui a tant pris soin de nous durant toute sa vie.

Et lorsque j’y suis, je guette son état.

L’ascenseur me conduit au troisième étage. Je passe par un long couloir aux lumières tamisées. Toutes les portes des chambres sont ouvertes et je prends le temps de lorgner sur les occupants.

Ici la vieillesse règne. Il a celle qui dort, celui qui est assis les yeux rivés à la télé, celle là est assise devant sa table à bouffer. Un autre est entouré par des membres de sa famille. Et vas y que je ne vous raconte pas la misère humaine qui nous rend si faible devant la maladie.

Je suis dans l’univers des vieux malades, cet univers où les cheveux blancs sont là avachis sur leur lit ou dans leur chaise. Dans cet univers presque sans bruit, où règne le silence seulement dérangé parfois par quelques gémissements. Je suis chez les vieux et vieilles patientes qui fixent leur regard sur vous comme des chiens blessés lorsque vous passez devant eux. Il y a celle de la chambre 321 qui n’a pas changé de position. Elle a la bouche ouverte en rond et les yeux fermés. Comme si, elle avait un rendez vous urgent avec qq’un qui viendrait la prendre dans son sommeil.

La dame qui partage la chambre 328 avec maman est atteinte de la maladie Alzeihmer. Elle est souvent assise prés de son lit mais somnolente. Maman me dit qu’elle fait exprès. Elle se lève souvent fait qqs pas dans la chambre puis reprendre sa place le bras ceint par ’une écharpe. La veille, elle s’était cassée le bras.

Cet après midi, un couple (son fils et son épouse) est venu lui rendre visite. Maman a dialogué avec eux en leur disant que leur maman n’est pas aussi sénile que cela. La vieille rigole en disant ‘…Je veux bien vous croire… !’ Un sourire tendre aux lèvres éclaire son visage marqué par la pâleur et les rides..

Ma sœur est là et nous profitons de cette journée ensoleillée pour promener maman dans l’espace ouvert de la cafétéria. Il est situé au rez-de-chaussée. Il fat très beau dehors et maman se prend un bol d’air frais avant de re-gouter à cet air chaud et aseptisé qu’est sa chambre.

Autour de la table, nous discutons de tout. Elle est lucide mais à tendance à somnoler lorsqu’elle nous raconte de vieilles histoires d’avant et lorsqu’elle s’arrête de narrer, nous relançons la discussion afin qu’elle ne se rendorme pas.

‘…Tu dors assise Maman… !’

‘…Moi, mais vous êtes fous, vous deux, je suis en forme… !’ Et de jurer qu’elle l’est. ‘…Vous me prenez pour qui hein… ? Pour une vieille sénile… !’ Elle avoue rêver de sa maman, et de nous la rappeler lorsqu’elle vivait chez nous à la Goulette. Elle ne tarit pas d’éloges sur elle. Elles étaient toutes les deux, autrefois, unies par une grande connivence en parfaite harmonie avec leurs pensées. Elles étaient associées dans tout. Et tout était conforme avec leurs idées. Jamais une querelles, ni contradictions entre elles, tout baignait dans l’huile, dans le couscous et dans les boulettes.

C’est bizarre, elle ne parle pas de mon père, de son époux mais de sa maman avec qui elle avait des attaches bien particulières. Ma sœur est prise de sanglots….’…Jamais, je ne l’abandonnerai jamais… ! J’ai trop de peine pour elle… !’ Mes yeux larmoient un instant et je lui dis pour la rassurer ‘….Qu’il faut être réaliste… !’ Maman se rend compte de ses pleurs et ajoute ‘…Mais qu’est ce que tu as toi …Hein… ?’ Je lui réponds ‘…Qu’elle a un coup de blues… !’ ‘…Allons allons ressaisit toi enfin et soit forte comme moi… ! Puisque que je te dis que je n’ai rien… !’

Elle n’a rien sauf qu’elle a échappé à un grave AVC il y a trois semaines chez elle vers les deux heures du matin. Elle était assise dans le salon lorsque cela est arrivé et ce soir là sa sœur, chose rare était venue lui rendre visite. S’inquiétant de ne pas voir maman prés d’elle au lit, elle se lève et l’a trouve allongée mais éveillée sur le tapis.

Impossible qu’elle se lève. Ma tante, écoutant les conseils de sa sœur qui lui interdisait de nous alerter en pleine nuit s’en aller se rendormir laissant maman dans cette position qui aurait pu lui être fatale. Et ce n’est qu’au matin qu’elle décide enfin vers les 9 heures d’appeler mon frère pour lui rendre compte de la situation.


Mon frère, sur place, alerta les pompiers, direction l’hôpital ST ANTOINE.


Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:21
CHAMBRE 328...3°


A force de chevaucher ma moto, je commence à avoir les fesses endolories. Un peu comme un novice qui fait ses premières cavalcades sur une vieille mule.

Il n’y a pas si longtemps, je pressais l’accélérateur pour rendre visite à mes petites enfants. Toutes pétararades au vent.

Je brulais même les feux rouges pour profiter de ces qqs instants de bonheur auprès de mes petits.

Toutes mes pensées sont avec elles et lui.

Mais hélas depuis trois semaines, (haja déj haja = une chose repousse une autre) c’est l’image de maman qui a prit les devant de la scène.

La vieille a prit tout l’écran et je ne vois plus qu’elle. Un changement totale de situation se présente à moi et me voilà braver le vent, bruler des feux rouges, ignorer les stops pour aller rejoindre maman qui m’attend dans sa chambre 328 dans cet Institut Médicale.

Cette chambre qui ne ressemble en rien à une suite d’hôtel DSK mais à une chambre qui a vu tant et tants de vieux et vieilles l'occuper pour se remettre d’un accident que la vie sait offrir à cet âge.

Un accident de la vieillesse qui rend la maman ou le papa à l’état de patient.

Du chien que l’on perd, on pleure, du chat on se lamente, du hamster mort on en fait des gorges chaudes. D’une vieille armoire mise au rebut, on éprouve une tristesse palpable car comme l’avait dit l’autre ‘…Objets inanimés avez-vous donc…!’ Et de la mére ou du pére....Alors...???

Les parents sont sacrés, je ne suis pas le premier à l’avoir dit. La chose sacrée mérite respect bien qu’à maintes reprises, j’ai failli à ce respect pour des raisons trop longues à expliquer. Et sans me culpabiliser outre mesure, je n’ai pas à ressentir cette culpabilité et je ne suis pas apte à m’innocenter devant des faits anciens injustes de mon point de vue mais qu’est ce qu’un point de vue sert lorsqu’une maman ou un papa se retrouve dans une situation gravissime.


Certains pensent qu’en fin de compte, y’a pas de quoi s’alarmer, elle est vieille donc il ne faut pas trop en faire. Exact comme on le dit dans notre ancienne langue barbare ‘…Mei i cidou cen en tayou… ! On n’a de la peine que pour les siens… !’ Ce qui sous entend que les autres sont indifférents à ce qui ne leur appartient pas.

On trouve, il est vrai auprès de certains amis (es) sincères de la compassion et cela se sent comme une grande marque de respect, pas loin de l’affection et bien loin de l’indifférence pour celui ou celle, l’ami qui traverse des moments pénibles. Et cela fait chaud au cœur. …..

Hier comme je l’ai raconté, nous étions ma sœur et moi ainsi que maman assise sur sa chaise roulante à siroter un soda dans cette grande véranda qui sert de cafétéria à ciel ouvert. Et bien sur ma sœur a profité de l’occasion pour lui demander pardon. Il vaut mieux demander pardon à une maman ou à père qui entend et comprend qu’à un défunt qui n’entend plus rien. J’ai suivi ma sœur qui pleurait en insistant que jamais elle ira dans un mouroir. Voilà la réponse de mamam, en toute luciditè.

‘…Yekhir téma Om é’li tah’chéb é’li khroj mén jouffa… ? Ou bara koltou é’li coltou él mhaba mta él om yasser mél col, mé yaméltouni hatté chey, ouaritouni col kheir… !’ Sic…. ‘ Est-ce qu’il a une maman au monde qui tient compte de ce que peuvent dire les enfants… ? Et va pour ce que vous m’avez dit, l’amour d’une maman pour ses enfants ne tient pas compte de cela, vous ne m’avez rien fait sauf que du bien… !’)Sic.

Le temps des regrets et du pardon ne fait que commencer tant qu’il est encore temps.

Tant que le regard est encore limpide, tant que les oreilles sont à l’écoute tant que la bouche n’a pas encore refroidie. Tant que le temps donne au temps tout ce que nous pouvons faire à notre vieille maman qui manque à présent de tonus.


Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:23


CHAMBRE 328...PLAN 4°

La vieillesse c’est magnifique. Je m’en rends compte depuis que je vais rendre visite tous les après midi à maman et cela depuis 3 semaines à l’Institut Médicale.

Je la redécouvre cette vieillesse alors que je l’avais perdu de vue. Du temps de ma grand-mère Meiha, je n’ai plus eu affaire à la vieillesse. Maintenant depuis que maman est hospitalisée je la côtoie au quotidien. c'est d'une grande beautè.

Juste un conseil d’ami, ne vous précipitez pas trop dans ses bras, prenez votre temps avant d’y entrer parce que dés que vous y mettiez les pieds, elle ne vous lâchera plus. Elle sera votre compagne et là vous allez être heureux. Oui, prenez votre temps et surtout rentrez y en bonne santé, lucide, propre, bien foutu et sans trop de dégâts parce que les dégâts ce n’est pas très commode.

Il y a un mois maman était très autonome, elle ne semblait pas vieillir malgré ses cheveux blancs et voilà qu’à présent, elle a bcp vieillit. Elle est devenue dépendante. Mais le plus drôle dans tout cela c’est qu’elle refuse cet état de dépendance à tel point qu’elle veut repasser le linge de ma sœur et repriser mes chaussettes. Elle veut cuisiner, et elle veut même faire des cabrioles. Son morale est d’acier. Ca commence à tourner au cirque.

Lorsque je rentre dans sa chambre, je la trouve assise, tout sourire et je lui demande…

‘…Alors qui est ce qui vient sa petite maman à cette heure çi… ?’
‘…C’est mon fils Bébert… !’

Elle me reconnait, c’est bon signe.
Deuxième chose que je lui demande.

‘…Alors maman, tu t’es levée facilement aujourd’hui de ta chaise… ?’

Elle me regarde de ses petits yeux rieurs et me dit…

‘…Je crois que tu es fou, toi, je me suis levèe 10 fois figure toi sans aide, grâce à ma canne… ! Tu veux voir ta maman se lever… ?’
‘…Oui, je n’attends que cela… !’

Et commence la séance de levage. Un calvaire.
Elle avance un peu sur sa chaise, cale ses pieds, et pose ses bras sur les accoudoirs.
Elle tente presque l’impossible. Elle ce recale, réajuste ses jambes, essaye de se lever. Je suis là debout à surveiller ces gestes.

‘…Alors, maman ca vient… ?’

Elle prend sa canne, la caresse, la met entre ses jambes, s’appuie un instant dessus, l’abandonne, la reprend, la repose auprès d’elle, la reprend, tente de se positionner mais en vain.

‘…Alors maman ca fait 20 minutes que j’attends… !’
‘…Attend un peu enfin, je vais même te faire une cabriole… !’

J'attends le miracle de Jerba.
Elle regarde sa canne, repose ses bras sur les accoudoirs, fait l’effort de pousser, s’avance un peu plus au bord de la chaise, tente de reprendre appuie sur ses deux jambes mais en vain.
Elle me regarde.

‘…Pousse toi un peu, on dirait un tirailleur sénégalais qui m’épie, puisque que je te dis que je vais me lever enfin, tu ne crois pas ta mère qui t’a élevé… !’

Une demi heure à tenir la canne, a se positionner, ses jambes vont et viennent, elle fait l’effort mais en vain. 45 minutes passent et ma mère est toujours assise à batailler pour se mettre debout.
La GHASSRA…L’ANGOISSE. Si je pouvais filmer cette séance, je l’aurai fait afin que vous puissiez constater de ces phases dignes d’un film marrant.
Elle parle à la canne.

‘…Aide moi ye kharya (espèces de merde)… !’
‘…Tu vois, tu n’y arrives pas…Et toi qui veut me faire une cabriole, toi qui veut danser… !’
‘…Je peux le faire je te dis, mais j’ai peur de te choquer, de te faire peur, imagine que je me roule par terre, hein la peur que tu auras… !’
‘…Bon, ca fait presque une heure que tu essayes et rien… !’
‘…Attends, je prends la canne… !’
‘…In yaddin rabba él bequita… !’ Juron sur le D ieu de la canne…!=
‘…Pourquoi tu l’insultes la pauvre, sans elle, je suis orpheline de marche…!’
‘…Elle t’aide bcp à ce que je vois, excuse moi maman brekt (affaissée.)
‘…Ah mon fils, ta maman s’est affaissée, attends tu vas voir… !’

Et la voilà repartir dans une énième tentative pour se lever mais rien n’y fait, impossible qu’elle se mette à l’horizontale. Et je vous raconterai la séance WC alors là c’est à filmer.

‘…Maman, l’infirmier va venir pour ta première séance de kyné… !’
‘…Ah c’est bien… !’
‘…Seulement Maman, si tu restes deux heures avant de te placer sur la chaise roulante, il s’en ira… !’

Sur ces mots, voilà le jeune homme Guillaume qui se présente avec la chaise roulante.

‘…Bonjour Madame Siméoni, allez nous allons faire votre première séance de kyné… ! Installez vous sur la chaise… !’

Et voilà maman se lever comme une plume et se caler dans la chaise.
Je reste médusé par cette rapidité et je m’en étonne.

‘…C’est pas possible Guillaume, cela fait une heure que j’essaye de la faire lever pour la promener dans le corridor et je ne suis pas arrivé… !Je flippe...!’
‘…Tu vois, je t’avais dit mon fils, que je me lève comme une plume et toi tu ne veux pas me croire… !’

C’est à ne rien comprendre.

Trois quart d’heure passe et maman revient de chez le kyné.

‘…Alors maman, cela s’est bien passé… ?’
‘…Très bien au point que je lui chantais à la dame ‘…Levez les bras, levez le pieds, levez les bras levez les pieEEEds…§§§§’
Elle reprend sa place sur la chaise et j’attends un peu. Nous bavardons longuement. Ensuite pour tester son lever…
‘…Maman tu peux te lever….?’

Et la voilà se mettre debout en deux secondes. Pas possible. Je retente l’expérience. Idem et par trois fois maman sans hésiter se remet sur ses jambes usées en un rien.

Donc, comme je vous le conseillais plus haut, rentrez dans la vieillesse en prenant votre temps, ne courrez pas, prenez du bon temps et surtout ne vous pressez pas.



Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:24
Maman comme l’était sa maman est pleine de bonnes expressions. Quoique les mauvaises, elle en a des tas aussi car chez elle l’une ne va pas sans l’autre.
En voilà une parmi tant d’autres.

‘…El louled i tkhabtou fi khorch omom… !’

Cette expression traduite en bon français veut dire que ‘…Les enfants se chamaillent déjà dans le ventre de leur mère…!’ Sous entendus que les frictions mère fille ou fils mère ne datent pas d’aujourd’hui mais qu’elles existent déjà avant que l’enfant naisse.

C’est dire combien cette formule sert les parents lorsque des conflits apparaissent plus tard et qu’enfin de compte, il est normale que les enfants disputent les parents. L’important est de revenir en fin de compte à de bon sentiments et de ne jamais couper ‘ce fameux cordon ombilicale’ qui donne aux mamans ce droit qu’elles considèrent acquis, divin alors qu’elles ne comprennent pas souvent que le fils est devenu avec le temps un homme, un époux, que la petite fille est devenue une femme, une épouse et même plus tard papis ou mamies. Mais rien n’y fait, elles s’accrochent toujours à ce fin cordon pour prévaloir leur ascendant sur leurs progénitures.

Les mamans juives nées tunes autrefois qui ont vieillit pour la plupart d’entre elles en France aujourd’hui ou ailleurs ont débarquées avec dans leurs bagages cet héritage ancestral entretenu de belles façons par leurs mamans et cette transmission n’échappent pas aux règles qu’elles prétendent assumer.

Le fils ou la fille doit toujours écouter sa maman et bien se tenir.

Et c’est le début du drame. Du complexe œdipien qui n’en finit pas. Ce qui mène parfois au meurtre, à la disparition de celle qui contrôle, gére la vie de son enfant. Jusqu’à ce qu’elle s’en aille.

Au nom du respect que l’on doit porter à sa maman, il faut s’obliger à ne croire qu’elle, sa version est toujours vérité et jamais elle reconnaitra ses tors. JAMAIS. Chose impossible. Elle est JUGE mais pas arbitre. Elle est celle qui tient la corde de l’échafaud. Elle est celle qui perturbe. La zizanie entre couple c’est elle. L’autre c’est la voleuse de son fils mais jamais un homme ne sera le voleur de sa fille.

C’est trop long mais j’y arriverai doucement à tacler la sujette au risque de voir certains faire la moue.


Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:25
Les proverbes judéo arabes, tout comme les proverbes universels tirent l’essentiel de leur essence sur des constatations.

Ils sont pour la plupart moralisateurs. Et ils tendent pour la plupart d’entre eux à attirer l’attention sur des comportements, des actes, des faits qui rappellent aux descendances que bien avant nous déjà toutes, les situations de la vie ne sont pas passées inaperçues et qu’elles sont encore de nos jours imposables comme exemples à ne pas oublier mais à suivre.

Ces proverbes toujours d’actualité tendent aussi à rassurer surtout, 'soulager', refroidir un sentiment qui peut prendre trop d’ampleur, les proverbes sont des DOUWE, remèdes contre une trop forte pression, un grand chagrin, ou une grande joie.

Ils sont transmis par nos anciens comme messages de la vie et ils sont à plus d’un titre révélateur d’un état d’esprit qui ont dit long sur la sagesse de nos ancêtres.

Prenons celui là car il m’est d’actualité.

Maman, hier me disait alors qu’elle se rend compte de son état ‘…Echmââ ye ouldi, el sobr doué él fréj… !’ Ecoute mon fils, la patience est la clé de la réussite pour la guérison… !’

Donc la patience serait un REMEDE. Sans patience, l’être humain sombre dans la panique et bien sur perd ses moyens et son moral se retrouve donc malade.

Tout le monde sait qu’un bon moral attenu la peine et la maladie.

Cette constatation est vraie puisque du moral dépend souvent telle ou telle rémission. Le corps physique est à l’écoute du moral, de l’esprit et si celui là fait défaut, la maladie trouve là un terreau pour s’étendre.

Un moral bas augmente la déchéance.

La patience de nos vieilles mamans est connue. Si on se réfère à leurs situations d’autrefois, l’épouse n’avait qu’une seule fonction, servir son époux. Elles vivaient à l’ombre de l’époux, ce mari dont la seule préoccupation était de faite vivre sa femme et ses enfants.Les grandes décisions leur appartenaient.

Elles étaient soumises aux désidératas de l’époux et cette patience EL SOBR faisait d’elles des mamans ménagères bien plus que décissionnaires.

Ma grand-mère Meiha, puisqu’elle était du siècle dernier, avait pour fonction d'élever ses enfants.
Ceux là ont grandi et lorsqu'elle est venue en 1944 vivre chez nous, elle n'a fait qu’aider maman dans ses travaux domestiques durant des années.

Je rappelle que ses quatre premiers enfants furent emportés en une quinzaine de jours par une épidémie de choléra qui a sévit dans le quartier juif de la hara à Tunis.

Seule la patience et la sagesse ont fait d’elle une femme remplie d’espoir. Elle aurait pu sombrer dans la dépression, devenir folle et ne jamais s’en remettre si elle ne pensait pas ‘…E’li ââmel rabi collou mnih… !’ Ce que Dieu fait est parfait… !’

Maman malade et alitée aujourd’hui dans sa chambre 328 me rappelle donc cette autre maxime des années plus tard après sa maman. ‘ Ce que D ieu décide pour moi est bon… !’

Elle s’en remet au SUPREME, ne faisant pas trop confiance à la médecine car comme le disait MEIHA, se sont tous des assassins en parlant des docteurs.

D ieu est parfait dans tous les cas. Par sa volonté, il peut ressusciter les morts et redonner du COUAH à ses créatures. Tous autres remèdes sont superflus dans leur subconscient. Disons qu'ils sont seuleument des accessoires.

Ceci est fort intéressant à plus d’un titre. Je ne verrais pas de telles conclusions par exemple dans la bouche des enfants dans 50 ans ou 60 ans.

La guérison étant du domaine de D ieu autrefois, les jeunes, nouvelle vague, diront plus tard que seule la médecine est capable de guérir.

Non pas que la foi soit absente mais parce qu’il ne confondent plus SANTE ET FOI. Or nos anciens mettaient plus la guérison entre les mains de D ieu, dans la foi, qu’entre les mains de la médecine, jugeant celle çi incapable de ‘guérir’.

Cet état d’esprit était à mettre bien sur le dos de l’ignorance.

Lorsque mon gendre était tombé gravement malade, dans le coma, ma fille me rapportait que le médecin lui avait dit cela

‘…Sa guérison fait partie à présent du domaine de D ieu… !’

Alors que nous sommes au 21 siécle, le siécle qui a donné à la médecine ses lettres de noblesse.

Donc, il fallait être patient et attendre de longues heures pour que
D ieu LE CLEMENT soit compatissant envers mon gendre.

‘…El sobr neftah él fréj… !’ Ce médecin français est venu nous rappeler involontairement que cette formule est encore d’actualité.



Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:27
'…Je ne m’aime plus… !’
Me yatch en hab rouhi… !’

Depuis un mois, je consacre une bonne partie de mes après midis au chevet de maman à l'Institut. Et durant ces quelques heures, j’épie ma mère. Je guette ses progrès. Elle a une très bonne élocution, quelques oublis, mais rechigne à se lever et à marcher.

Il se pose à nous un dilemme parce que par moments, là voilà se lever comme une plume au bout de cinq minutes et parfois, elle met trois quart d’heure pour refaire ce même geste. Elle refuse qu’on la prenne par les bras, ca lui fait mal qu’elle dit.

Hier, elle n’a pas voulue faire sa séance kiné et les infirmiers sont repartis bredouilles. Aujourd’hui, elle y est allé en chantant sous un air de Abdelhalim, boussat el rih, baiser du vent, en attendant le baiser de ce vent qui tarde à souffler l’espoir, nous sommes là debout ma sœur et moi à faire des constations. Nous notons mentalement les pertes et les profits, une comptabilité dont nous nous serions bien passées.

Une heure plus tard, la voilà revenue sous un air de petite chansonnette retenue dans sa jeunesse ‘…Levez le pied, levez les bras, levez les pieds et levez les bras… !’ Allusion à sa séance de kiné. La dame lui fait faire ce genre de gym. Il y a de quoi passer du fou rire à la tristesse. Une fois arrivée sur place, elle demande à ma sœur de lui apporter son linge de maison pour le plier et aussi les chaussettes. Nous avons beau lui rappeler que la saison du linge est passée et que celle des chaussettes peut encore attendre pour le moment, nous baignons dans une période de merde non retenue.

Donc sa kiné terminée, nous la mettons à l’épreuve et là en deux minutes, elle se met debout. L’opération se répète trois fois sous nos yeux ébahis et nous lui posons la question à savoir ‘…Mais maman enfin, on ne comprend pas pourquoi tu mets trois quart d’heure à te lever avant la kiné et là tu parais légère comme une feuille.
Elle nous regarde, et nous lance une réflexion qui on dit long sur son état d’esprit.

‘…Je ne m’aime plus… !’

Elle réalise qu’elle n’est plus la HAYA d’il y a un mois, autonome auparavant car celle qui est assise sur sa chaise à présent n’est qu’un pâle reflet de son passé dynamique.

Elle ne se reconnait plus dans cet état de ‘flasquitè’, elle qui auparavant nous chamaillait tous les matins au phone là voilà engoncée dans un fauteuil de malade.

Ne plus aimer son corps est le signe évident d’une détresse. D’une angoisse permanente qui fait d’elle, une maman à présent impotente. Ne plus s’aimer c’est presque se détester, détester cet état, haïr la maladie. Maman se fait fort de ne plus s’aimer. Triste réalité.
Elle est dans une logique pleine de vérité. Elle a déduit que sa présence, dans un Institut, fait d’elle une personne qui ne s’aime plus et qu’elle ne peut plus servir. Donc incapable. Inutile.

Son corps n’est plus habilité à répondre aux règles les plus élémentaires de la marche. Son état de conscience est intact mais son état physique donne des signes de lassitude, de fatigue. Conclusion, elle n’aime plus son corps. Lui qui lui donnait toutes satisfactions auparavant, le voilà devenu bcp moins alerte, vulnérable.

Si elle n’aime plus son corps, nous ses enfants sommes là pour lui rappeler que nous l’aimons et l’aimerions toujours qq soit son futur état.

J’en apprends tous les jours auprès d’elle.



Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:29

Madame NORMAN ET HAYA.

Lorsque je suis rentré le premier jour dans la chambre 328, j’ai trouvé maman alitée dans la position du fœtus. Elle dormait dans une mauvaise position. J’ai donc fait le nécessaire en rabaissant son oreiller afin qu’elle puisse être bien.


Ensuite, je me suis assis à sa gauche. Maman ronflait tandis qu’une vieille dame aux cheveux blancs, assise dans une belle posture bien droite, tenant sa béquille entre les jambes, s’emblait dormir. Elle ne bougeait pas et son visage aux traits fins et ridés ne trahissait aucune douleur malgré son bras tenu par une écharpe. Elle était tombée la veille du coté de l’accueil.

Une autre avait subi le même sort et aux dires de certaines personnes dans cet Institut tout laisse à désirer et nous l’avons constaté. Nous allons donc déménager maman très prochainement pour un autre décor beaucoup plus sérieux et responsable.

La chambre 328 est donc occupée par une vieille française et une tunisienne, deux cultures, autant vous le dire, aussi disparates que l’eau et le vin. Une qui parle dans un français choisi par petites touches et l’autre ma mère qui ne manque pas de vocabulaire mais qui mélange les deux langues, judéo arabe et français en même temps ce qui a fait dire, il n’y pas longtemps ‘….Vous parlez quelle langue par moment, Madame… ?’ Maman sans réfléchir lui lance ‘…L’Arabe… !’ L’autre bien polie s’est remise à somnoler sans donner trop d’importance à ce ‘…L’Arabe… !’.

Au fil du temps, j’apprends depuis hier qu’elle se prénomme Hélène.
Donc, la semaine dernière alors que maman est réveillée, assise sur son ‘trône’ est bien ‘en forme’ (bel afia ye diouén) je noue la conversation avec madame Norman. Maman bien avant moi a essayé de la taquiner mais l’autre impassible, restait de marbre. Tjours bien droite comme sa canne. Les mains posées sur la pommeau.

‘…Vous vous appelez Norman… ! Madame… !’ Moi
‘…Oui, mais je ne suis pas Normande… !’ Elle a les yeux enfin ouverts.
‘…Elle fait la maligne, elle entend tout… !’ Maman qui ne sait pas se taire.
‘…Maman dit que vous faites semblant… !’
‘…Probablement… !’ Dit madame Norman les yeux mis clos.
‘…Maman dit que vous n’êtes pas bavarde… !’ Moi.
‘…J’écoute mais je ne suis pas faite pour la conversation… !’
‘…Maman parle bcp et là vous ne l’aidez pas…. !’

Elle sourit.

‘…Mais je l’écoute croyez moi. Je suis comme maman, portée à l’écoute, papa par contre était représentant commercial, il parlait bcp lui… !’
‘…Vous êtes donc du coté de votre mère… !’
‘…Probablement…!’
‘…Chô ye ouldi ‘edic hiliyé, tched’lec fi ‘probablement’ hatè tcata houai’jec… !’ Regardes mon fils, celle là, elle est très maligne, elle te dit ‘probablement’ jusqu’à n’en plus finir… !’
‘…Maman enfin les mamans françaises ne sont pas comme les mamans tunisiennes… !’
‘…Ah boOOOn, et depuis quand sommes nous des mamans spéciales… ?’
‘…Regarde là, tu la vois se plaindre ou gémir en disant ‘…Mais où sont mes enfants… ?’Lorsque je lui ai demandé si ses enfants viennent la voir, elle m’a répondue ‘…Ô vous savez, ils travaillent… ! Qu'ils viennent ou pas cela ne me dérange pas… !’
‘…El francise mââ’yandemch calb…. !’ Les français n’ont pas de sentiments… !’
‘…Oui, bien sur, combien de fois ais-je entendu cela de ta part, parce qu’ils viennent une fois par semaine voir leurs vieux parents tu trouves qu’ils n’ont pas de cœur non, ces mamans là sont réalistes, elles réfléchissent et elles comprennent toutes les situations sans maugréer… ! Alors que les mamans tunes juives sont là à dire ‘…Allaisch é’dec me jénich, allaisch édic me jetch… ! Pourquoi celui là, il n’est pas venu, pourquoi celle là n’est pas là… !’ El merj mta rabi ouhé ficom… ! L’usure divine est en vous… ! J’espère que tu ne vas pas tenir des mois ici ou ailleurs et plus vite tu guériras et plus vite nous serons Tous soulagés… !’
‘…Je préfère rester ici, là au moins je vous vois tous les jours…!’
‘…Ah donc, tu veux rester là, alitée comme un phoque, entourée d’un personnel que tu qualifies de méchant… ! Si l’on s’aperçoit que ta convalescence va durer un certain temps, on ne viendra plus comme avant, tu le sais au moins, parce qu’à Paris, la vie n’est pas facile… ! Et avec tout l’amour que nous avons pour toi, la maison de RETRAITE t’attend… !’
‘…Ce n’est pas bon pour mon moral ce que tu dis là, Bébert… !’
‘…Et pour te rassurer si, sans te le souhaiter parce que nous insistons pour que tu partes là bas en bonne santé dans qqs années, on te voit souffrir, tu sais ce que nous ferons dans ce cas précis, on coupe tout pour alléger tout… !’ Personne d’entre nous n’hésitera à le faire crois moi… ! Madame Norman mais dites moi qu’est ce qui fait que vous soyez là…?’
‘…Je me pose bien la question, je ne saurai vous le dire… !’

Elle en rit, un rire presque effacé, un rire noble qu’elle nous offre sans effort.

‘…Vous vous sentez bien ici Madame Norman… ?’
‘…Vous savez on n’est mieux que chez soi… !’ Elle.
‘….Bébert, halé l frigidaire, ou kherej’li tarf lham… !’ Ouvre moi le frigo et donne moi un morceau de viande… !’ Maman HAYA. Elle veut cuisiner.
‘…Quel frigo rabec…. ? Il ni a pas de frigo ici, tu n’es pas dans ta cuisine… !’
‘…Je suis où alors… ?’
‘…A l’hôtel AUX BONS PETITS SOINS… !’
‘…Alors il y a la piscine ici… ?’

‘…OUI FEL HAMAM…. !
Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:31

Dans sa chambre

A la lumière tamisée
Les heures et les journées passent
Comme passent le temps des vieux alités
Qui peu à peu perdent la notion du temps.
Maman semble par moment
Ne plus savoir où elle niche.

Elle qui a quitté forcément son logis
Pour un autre surement impersonnel.
Elle partage ce qu’ils lui ont réservés
Avec une vieille dame du même sort.

Ailleurs, les chambres se suivent
Et se ressemblent.
Et les occupants souvent seuls sont faits de la même mie.
Pâtes molles allongées qui s’obligent à attendre
Qu’on vienne les changer, les aider
Selon le bon vouloir des responsables
Qui oublient ce pourquoi dont ils sont là.

Triste réalité d’un séjour qui ne crie sa joie.



Re: MAMAN HAYE.
06 juin 2011, 12:32


Soudain

la voilà prendre
Une grande dimension.
A nos yeux délavés.
La voilà prendre tout l’espace
De notre univers.

Du coup, le mot de maman
Occupe nos pensées.
Hier elle était petite maman
Encore bien fraiche mais emmerdante.
Du coup aujourd’hui
Elle ne l’est plus, pas même chiante
Mais à peine soumise contre son gré.

Une vieille maman malade
Nous fait oublier curieusement
Tous ses mots mal placés. D’auparavant.
Tous les conflits absurdes qui ont fait d’elle
Une belle mère à fuir.

Et la revoilà devenue grande à nos yeux.
Grande mais petite assise, hochant la tête
A droite à gauche, prenant son temps
A réfléchir sur le néant.

Rejetant son état de fragilité,
Elle espère recoudre, laver, cuisiner
Courir danser chanter cabrioler comme dans ses 20 ans.

Triste illusion.



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