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Lelouch - Israël : Une histoire d'amour...

Envoyé par lapid 
Lelouch - Israël : Une histoire d'amour...
03 janvier 2010, 14:56
Lelouch - Israël : Une histoire d'amour... - Par Sandrine Ben David - Pour Jerusalem Post edition francaise - 31 decembre 2009

'Je suis toujours d'accord pour promouvoir le cinéma. C'est une démarche très égoïste en réalité. Parce que, plus il y aura de gens qui aimeront le cinéma, plus il y aura de gens qui viendront voir mes films", dit Claude Lelouch avec humour lorsqu'on lui demande pourquoi il a accepté de participer à la première édition de Lumière 2009, le tout nouveau festival du film initié en octobre 2009 par Thierry Frémaux, directeur de l'institut Lumière et délégué général du festival de Cannes.

Le réalisateur émérite de Un homme et une femme (1966), L'Aventure, c'est l'aventure (1972), Itinéraire d'un enfant gâté (1988), Roman de Gare (2007), et tant d'autres chefs-d'œuvre évoque son rapport au Septième art, à l'industrie du cinéma, et pour la première fois sa relation avec Israël et le judaïsme.

Jerusalem Post : Pensez-vous que la liberté totale, physique, technologique, qu'a acquise le cinéma aujourd'hui, lui soit une entrave ?
Claude Lelouch : Non. C'est vrai que la contrainte sollicite toujours l'imagination. Et j'en suis un exemple professionnel. Lorsque j'étais pauvre, j'ai fait des films de pauvre, lorsque j'étais riche j'ai fait des films de riche. Mais vous savez, le numérique n'est qu'une étape. L'image va aller encore beaucoup plus loin que ce qu'elle nous propose aujourd'hui. C'est une étape intéressante, passionnante. Le cinéma traverse une crise qui n'est pas une crise de metteurs en scène. De plus en plus de gens ont envie de filmer, même avec des téléphones portables, et tout le monde peut faire des films, de nos jours. Et c'est justement pour cela que cela va être de plus en plus difficile d'en faire. Si c'est une époque facile pour les comédies, les films d'ados et les gros castings, dès qu'un film est un peu ambitieux aujourd'hui, c'est un cauchemar. C'est la première fois de l'histoire du cinéma que les films d'auteur traversent une période aussi difficile.

J.P. : Qu'est-ce que vous diriez aujourd'hui à un jeune qui veut faire du cinéma ?
C.L. : Qu'il achète une petite caméra, qu'il enrôle quelques bons copains, et qu'il fasse le film qu'il veut faire, en disant "merde" à tout le monde. C'est ce que j'ai dit à Claude Lelouch quand il avait dix-huit ans.

J.P. : Avez-vous affronté des difficultés dans votre carrière ?
C.L. : J'ai toujours fait les films que j'avais envie de faire. J'ai toujours pris des risques, financé mes films moi-même. Je ne suis jamais parti "couvert", comme on dit. J'ai quarante-trois films derrière moi, donc, j'ai fait le plus dur. Chaque nouveau film que je fais aujourd'hui, c'est un cadeau, un miracle. Encore plus que par le passé. Un grand film, c'est d'abord une prise de risques.

J.P. : Qu'en est-il de votre dernier film, Ces amours-là ?
C.L. : C'est l'aboutissement d'un rêve que j'ai fait dans les années soixante-dix. J'ai commencé d'ailleurs à tourner des plans à cette même période. J'ai rêvé de ce film toute ma vie et le miracle vient de se produire. J'ai essayé de faire la synthèse de tout ce qui m'a donné envie de vivre depuis soixante-dix ans, de ce qui m'a donné envie de me lever à cinq heures du matin tous les jours, de cette curiosité qui a fait de moi une "concierge". Vous savez, chaque film est un brouillon du prochain. J'espère que celui-ci est le moins brouillon de tous. On est en post-production. Si tout va bien, le film sera prêt en février-mars.

J.P. : Parlez-nous de votre dernier livre...
C.L. : Ces années-là est un livre que j'ai écrit à l'occasion de mes cinquante ans de cinéma. C'est un livre un peu destiné à mes enfants, aux jeunes qui ont envie de faire des films et qui ont "peur" des écoles de cinéma. J'essaie de leur expliquer qu'on peut faire du cinéma simplement avec de l'amour, qu'on n'a pas besoin d'avoir des diplômes pour devenir cinéaste. C'est un art populaire, à la disposition de tous les gens qui sont curieux. Car la curiosité, qui est un vilain défaut dans la vie, est la principale qualité du cinéma. Suite à ce livre, il y a un documentaire, qui s'appelle D'un film à l'autre, qui va sortir, et qui raconte la chronologie de mes films. Une sorte de "best-of" des meilleures séquences de ma filmographie, et j'explique comment ces séquences ont été réalisées. C'est un film très ludique. Il devrait sortir en début d'année 2010. Je vais peut-être essayer de le sortir directement à la télévision, pour qu'il ait une diffusion plus large que dans les salles.

J.P. : Quels rapports entretenez-vous avec le judaïsme et avec le divin ?
C.L. : C'est un sujet cher à mon cœur. Par mon papa. Ma maman s'est convertie au judaïsme par amour pour lui et pour que je sois moi-même juif. Mais elle n'a pas tout à fait renoncé à la religion catholique. J'ai donc finalement grandi autant dans les synagogues que dans les églises (rires). ça m'a permis d'être un peu juge. Je pense que mes films sont le reflet de cette double culture. Et cela m'a procuré une grande tolérance, à l'égard de toutes les religions. Je pense qu'elles sont toutes importantes, parce qu'elles sont les refuges des gens les plus malheureux. Je pense qu'il faut protéger ces refuges, à condition qu'ils ne deviennent pas des dictatures et ne spéculent pas sur le malheur des gens. Je pense aussi que la religion est une chose intime. Je n'ai pas besoin d'une synagogue ou d'une église pour prier. Je prie dans les bois. Les arbres sont de très bonnes antennes pour atteindre le "ciel". Il y a autant de religions que d'individus en réalité. Chacun de nous invente, au cours de sa vie, sa propre religion. Il y a six milliards d'individus et il y a six milliards de façons de communiquer avec ce grand point d'interrogation, que certains appellent Dieu et que moi j'appelle "le Grand Metteur en Scène". J'ai inventé une langue à moi pour lui parler, mais je ne voudrais pas l'apprendre à mes enfants, ni à qui que ce soit.

J.P. : La dernière fois que vous étiez en Israël, c'était en 2007, pour présenter Roman de Gare à Tel-Aviv. Quels rapports entretenez-vous avec le pays, son histoire et son actualité ?
C.L. : Israël est un pays complètement irrationnel. On ne peut rien en dire d'autre que des bêtises, de l'extérieur. Les gens qui parlent de ce pays, à la fois ceux qui l'aiment trop et ceux qui ne l'aiment pas, disent des bêtises. Mais c'est un voyage incontournable. On ne peut pas être adulte, si on n'est pas passé par Israël. Parce que c'est le pays qui nous explique le mieux le monde dans lequel nous vivons. Parce qu'on y est au cœur de toutes les contradictions. De tous les paradoxes. Et de l'amour. Chaque individu en Israël vous donne l'impression de détenir la vérité ultime. Et on n'a pas envie de les contredire. Je crois aussi que l'une des grandes forces de ce pays, c'est le rapport exceptionnel qu'ils ont à la famille. Incontestablement, ce que j'aime chez le peuple juif, c'est qu'il a mieux compris ce qu'était la famille que tous les autres. C'est lui qui l'a inventée d'ailleurs. La caricature de la "mère juive" n'est pas une caricature. Elle existe vraiment (rires).

J.P. : Que vous inspire le cinéma israélien ?
C.L. : C'est un cinéma complètement à l'image de son pays. Et qui est obligé de ressembler à son pays, au risque de le trahir. Israël est un pays fait pour le cinéma. S'il y a un pays qui est photogénique, c'est Israël. S'il y a des acteurs qui sont photogéniques, ce sont les Israéliens. Ils sont beaux, ils sont courageux, polymorphes, impétueux...

J.P. : Vous aimeriez tourner un film là-bas?
C.L. : J'y suis allé plusieurs fois. Et il n'est pas du tout impossible que j'y tourne un jour. A l'époque, j'avais un projet de tournage pour lequel j'ai demandé audience à David Ben Gourion. Il m'a reçu très gentiment, m'a expliqué qu'il n'avait pas eu vraiment le temps, dans sa vie, d'aller au cinéma (rires). Mais lorsque je lui ai demandé de pouvoir réquisitionner des éléments militaires, il m'a simplement répondu : "La sécurité d'Israël est trop importante." Et le projet n'a jamais abouti. Mais si je devais faire aujourd'hui un long métrage en Israël, je crois que je ne voudrais pas filmer le conflit. J'irais plutôt vers le cas particulier, raconter l'histoire d'un couple qui serait une paraphrase du conflit.

J.P. : Une histoire d'amour ? Forcément.
C.L. : Forcément une histoire d'amour...
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