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Reflexions sur un site Tunisien
Les sites internet, communautaires doivent une grande partie de leur succès au
fait qu’ils réveillent en nous le souvenir du feu, autour duquel se
rassemblaient les membres de la tribu.
Les anciens racontaient les vieilles légendes qui avaient résisté aux épreuves
du temps, les instants et les héros qui marquèrent la tribu et qui y ont
suscité des changements importants. Ils savaient que l’histoire, d’une
communauté qui n’a pas vécu d’événements intenses, s’écrira avec un ’h’
minuscule. Alors, à chaque tribu de s’accrocher à ses récits, et celles qui en
manquent, iront en ‘emprunter’ chez les autres ou se créer leurs propres
mythes.
Ces veillées (virtuelles, de nos jours) honoraient les anciens, réaffirmaient
l’esprit d’appartenance et donnaient de l’espoir en l’avenir.
La tribu rappelle avec fierté ses membres, du passé ou du présent, dont le
talent a été reconnu par les autres. Elle aime moins ceux qui sont montrés du
doigt.
En plus des récits spirituels et glorificateurs, il y a une bonne place pour
ceux liés aux souvenirs sensoriels de la tribu. De nos jours, ne partageons
nous pas avec bonheur les recettes de cuisine, les mélodies populaires ou
religieuses, les lieux, les odeurs, les anciennes photos, et autres ?
Le net permet à ceux qui le veulent, de s’exprimer et toucher un nombre infini
de lecteurs. Voilà que chaque membre de la tribu, et non seulement les sages,
peut prendre la parole autour du feu.
Le destin a mis notre génération à la charnière de grands bouleversements que
peu avaient connus avant nous, depuis l’expulsion d’Espagne. En dehors des
exodes répétés, qui sont malheureusement inhérents à la condition Juive, et de
l’évolution de leur entourage, nos parents ont eu presque le mème sort que
ceux qui les ont précédés.
Vivant comme nos contemporains les révolutions technologiques du siècle, nous
avons eu le privilège, de subir l’extermination d’un tiers de notre peuple,
d’etre déraciné du pays natal et de vivre la renaissance, tant souhaitée, d’un
ancien foyer.
Le site aide à consolider notre histoire, afin de réagir contre les courants
qui souhaiteraient effacer nos empreintes, marquées par des siècles de marche,
sur les sables de Carthage à Djerba.
J’ai beaucoup d’admiration pour M. Albert Memmi, mais je pense que quand nous
regardons en arrière -racontons notre vie de jadis et là bas- cela ne fait pas
de nous des statues-de-sel ; une situation qui contient en elle l’idée de
l’état éphémère de la matière. Je préfère penser à la métaphore de la
météorite, arrachée à sa planète, dont la présence -aujourd’hui et ici- n’est
que la preuve de sa force et de sa capacité de surmonter les obstacles.
S’il y a une grande part de romantisme dans les histoires que nous racontons,
c’est parce que nous ne voulons pas que notre planète d’origine plonge dans
l’obscurité. Sans omettre les problèmes vécus, souvent accompagnés de misère,
nous parlons avec complaisance de notre passé.
Loin de subir ce passé avec fatalité, nous l’évoquons pour apprécier le
présent. N’est-il pas préférable de l’accompagner d’un bon sourire, plutot que
d’une nostalgie mélancolique ?
Heureusement que chaque changement apporte avec lui le besoin de conserver ce
qu’il y avait de meilleur dans la situation précédente ; surtout quand cela
nous ramène, pour quelques instants, nos jeunes années.
Pour finir, je me joins aux membres de la tribu pour applaudir ceux qui
entretiennent ce feu virtuel, et nous offrent de belles veillées. Merci Jaco!
Texte de Avraham Bar Shay (Benattia)
absf@netvision.net.il
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